CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... épouse Y...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bourges, en date du 6 janvier 1998, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de dénonciation calomnieuse, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant une demande d'actes complémentaires et dit qu'il serait procédé auxdits actes par le juge d'instruction.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la Chambre Criminelle, en date du 17 septembre 1998, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 81, 82-1, 207, alinéa 2, 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, violation de la loi :
" en ce que l'arrêt a dit qu'il sera procédé par le magistrat initialement saisi aux mesures d'instruction sollicitées et, au résultat de ces actes, à toutes autres diligences qui s'avéreraient complémentaires ;
" aux motifs que dans leur plainte avec constitution de partie civile déposée le 23 décembre 1996 et dont le ministère public n'avait alors pas contesté la recevabilité, Z... et A... ont exposé qu'appelés à témoigner devant la cour d'assises du Cher le 28 septembre 1995, Y... les avait faussement accusés d'avoir commis diverses malversations dans la gestion budgétaire de l'institut universitaire de technologie de Bourges et qu'ils entendaient déposer plainte contre elle pour dénonciation calomnieuse et subsidiairement dénonciation mensongère ; que pour rejeter la demande d'actes d'instruction présentée par les intéressés, le juge d'instruction suivant en cela les réquisitions du ministère public, a fait valoir que le témoin, invité à dire sans crainte la vérité et placé durant son intervention sous le contrôle du président de la juridiction, devait bénéficier d'une sécurité absolue et, sauf le cas de faux témoignage, ne pouvait être ultérieurement poursuivi pour allégations diffamatoires ; que cette argumentation qu'il aurait en tout état de cause été plus judicieux d'opposer dès le début pour écarter éventuellement la plainte qu'à l'occasion d'un refus d'actes d'instruction a pour support les dispositions de l'article 41, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, aux termes duquel "ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires ni les discours prononcés ni les écrits produits devant les tribunaux" ; mais que s'agissant d'une dérogation exceptionnelle au droit commun, l'immunité ainsi définie, si elle s'applique en principe aux propos tenus par un témoin, ne couvre que les délits qui y sont énumérés, et ne s'étend pas à d'autres infractions, telle que la dénonciation calomnieuse ; que par ailleurs, il a été soutenu à tort que le délit visé dans la plainte "ne saurait être constitué dans la mesure où il n'a pas été statué sur la réalité des faits dénoncés" ; qu'il ressort, en effet, de l'article 226-10 du Code pénal que, hormis les cas où la fausseté des allégations résulte d'une décision d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci ; que ces dispositions, qui ont été introduites le 1er mars 1994 et modifient considérablement l'état du droit antérieur, sont précises et claires et doivent nécessairement recevoir, en l'occurrence, application ; que la recevabilité des constitutions de parties civiles ne pouvant ainsi être écartée, il apparaît que les mesures sollicitées, à savoir l'audition des plaignants, la production du dossier disciplinaire ouvert contre la personne mise en examen et l'audition de divers témoins des propos incriminés, apparaissent utiles à la manifestation de la vérité avant qu'il ne soit statué sur le bien-fondé même de la plainte ;
" 1° alors qu'il résulte de la combinaison des articles 81 et 207, alinéa 2, du Code de procédure pénale que, lorsque, en toute autre matière que la détention provisoire, la chambre d'accusation infirme une ordonnance du juge d'instruction et que, n'usant pas de la faculté d'évoquer, elle renvoie le dossier au juge d'instruction ou à tel autre afin de poursuivre l'information, elle ne peut, sans excès de pouvoir, lui donner d'injonction quant à la conduite de l'information ; que la chambre d'accusation de Bourges ne pouvait infirmer l'ordonnance du juge d'instruction du 7 novembre 1997 rejetant les demandes de production de pièces et d'audition des parties civiles et de témoins et, sans procéder elle-même aux mesures d'instruction demandées, enjoindre au juge d'instruction de le faire ; qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a excédé ses pouvoirs au regard des textes visés au moyen ;
" 2° alors qu'aux termes de l'article 82-1 du Code de procédure pénale, seule peut être ordonnée la production par l'une des parties d'une pièce utile à l'information ; que la chambre d'accusation ne pouvait, en toute hypothèse, enjoindre au juge d'instruction d'ordonner la production du dossier disciplinaire ouvert à l'encontre de Y..., dossier qui n'était en la possession d'aucune des parties ; qu'en décidant le contraire, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen " ;
Vu les articles 81, 82-1, 207, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 81, alinéa 1er, et 207, alinéa 2, du Code de procédure pénale que, lorsque, en toute autre matière que la détention provisoire, la chambre d'accusation infirme une ordonnance du juge d'instruction et que, n'usant pas de la faculté d'évoquer, elle renvoie le dossier au juge d'instruction ou à tel autre afin de poursuivre l'information, elle ne peut, sans excès de pouvoir, lui donner d'injonction quant à la conduite de l'information ;
Attendu que, statuant sur l'appel des parties civiles d'une ordonnance du juge d'instruction rejetant leur demande d'actes complémentaires, la chambre d'accusation dit, " qu'il sera procédé, par le magistrat initialement saisi, aux mesures sollicitées " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du principe précité ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen proposé,
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Bourges, en date du 6 janvier 1998, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.