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24/06/1998 | FRANCE | N°97-84657

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 juin 1998, 97-84657


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs de l'Aisne, en date du 15 juin 1997, qui l'a condamné à 12 ans de réclusion criminelle pour violences mortelles et délits connexes, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ; et par A..., B..., C..., parties civiles, contre le second de ces 2 arrêts.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour X.

.. et pris de la violation des articles 310, 331 et 593 du Code de procédure pénal...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'assises des mineurs de l'Aisne, en date du 15 juin 1997, qui l'a condamné à 12 ans de réclusion criminelle pour violences mortelles et délits connexes, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ; et par A..., B..., C..., parties civiles, contre le second de ces 2 arrêts.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour X... et pris de la violation des articles 310, 331 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce qu'il résulte des énonciations du procès-verbal qu'au cours de l'instruction à l'audience le 11 juin 1997 (page 19), et avant l'audition du témoin Y... (page 26), le président a fait procéder à la projection des scellés n° 355/ 02 PV, n° 355/ 95 et n° 2 PV n° 1061 du 12 octobre 1995 de la brigade territoriale d'Ault, à savoir 2 cassettes vidéo sur lesquelles étaient enregistrées les 2 reconstitutions organisées par le juge d'instruction les 9 mai et 12 octobre 1995 (D. 968, D. 971 et D. 1027) ;
" alors qu'il résulte de l'examen des pièces de la procédure (D. 968, D. 971 et D. 971 bis) que la cassette vidéo n° 355/ 02 (PV n° 355/ 95) couvrant la reconstitution des faits du 9 mai 1995 (D. 952) contenait une séquence relative aux " coups portés à Y..., selon ce dernier ", relatant nécessairement les explications de Y..., témoin acquis aux débats et comparant, mais non encore entendu ; qu'en introduisant ainsi dans le débat, prématurément, des éléments qui ne lui appartenaient pas encore, le président a violé le principe de l'oralité des débats " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il est de principe que, devant la cour d'assises, le débat doit être oral ; qu'en application de cette règle, le président ne peut donner connaissance de pièces contenant des déclarations de témoins comparants ou s'y référant avant d'avoir reçu leur déposition ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats et des pièces de la procédure que le président a, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, procédé à la projection d'un film contenant une séquence relative aux " coups portés à Y... selon ce dernier ", avant l'audition de ce témoin acquis aux débats, comparant et non encore entendu ;
Mais attendu qu'en introduisant ainsi, prématurément, dans le débat, des éléments d'appréciation qui ne lui appartenaient pas encore, le président a violé le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour X... et pris de la violation des articles 310, 315, 316 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que le procès-verbal des débats constate que X... a déposé des conclusions tendant à ce qu'il lui soit donné acte : 1o De ce qu'un film a été projeté ; 2o Que ce film a été projeté durant l'audition de l'OPJ D... ; 3o Que ce film est le film d'une reconstitution organisée par le juge d'instruction ; 4o Que ce film contient une séquence intitulée " la version Y... " ; 5o Qu'il s'agit des explications de Y... ; 6o Que, lors de la projection du film, Y... témoin acquis aux débats, n'avait pas encore témoigné ; 7o Que la défense ne pouvait pas prévoir que la projection de ce film serait intégrale ; 8o Que c'est le président qui par ailleurs tenait la télécommande ; 9o Que l'oralité des débats est violée " ; que, par arrêt incident (page 38 du PV des débats), la Cour s'est bornée à donner acte au condamné " de ce qu'il affirme qu'un film a été projeté durant l'audition de M. D... ; de ce qu'il affirme qu'il s'agirait des " explications " de Y... et de ce qu'il affirme que l'oralité des débats aurait été violée " ;
" aux motifs que la cour d'assises n'est pas juge de la régularité de ses propres décisions ; qu'il s'agit là d'affirmations qu'elle n'a pas à apprécier ;
" alors qu'aux termes de l'article 315 du Code de procédure pénale, l'accusé et son conseil peuvent déposer des conclusions sur lesquelles la Cour est tenue de statuer ; qu'en se bornant à donner acte des " affirmations " de la défense, sans se prononcer sur la réalité des faits allégués portant sur l'instruction de l'affaire à l'audience, la cour d'assises a laissé sans réponse les conclusions dont elle était saisie, en violation du texte susvisé " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 315 du Code de procédure pénale, l'accusé, la partie civile et leurs conseils peuvent déposer des conclusions sur lesquelles la Cour est tenue de statuer ;
Attendu que le procès-verbal des débats constate que le conseil de X... a déposé des conclusions tendant à ce qu'il lui soit donné acte que le film de la reconstitution, comportant une séquence intitulée " version Y... " avait été projeté avant l'audition de ce témoin, en violation du principe de l'oralité du débats ;
Attendu que, saisie de ces conclusions, la Cour a donné acte à l'accusé de ce que, selon son défenseur, un film aurait été projeté et qu'il aurait comporté " les explications de Y... " ;
Mais attendu qu'en se bornant à donner acte de l'incident sans se prononcer sur la réalité des faits allégués, la cour d'assises a laissé sans réponse les conclusions dont elle était saisie ; qu'elle a ainsi méconnu le texte de loi ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est derechef encourue ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour X... et pris de la violation des articles 14 et 20 de l'ordonnance du 2 février 1945, 306 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que le procès-verbal des débats constate que le président de la cour d'assises a donné acte au conseil du condamné " de ce qu'une journaliste était là quand il a déposé ses conclusions " " (page 38) ;
" alors que la publicité restreinte est une condition essentielle de validité des débats devant la cour d'assises des mineurs ; qu'il s'agit d'une règle d'ordre public à laquelle il ne saurait être dérogé ; que la présence d'une journaliste aux débats au cours desquels le conseil du condamné a déposé des conclusions à fin de donné acte a entaché de nullité l'ensemble de la procédure " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la publicité restreinte imposée à la cour d'assises des mineurs par les articles 14 et 20, alinéa 8, de l'ordonnance du 2 février 1945 est une condition essentielle de la validité des débats ; qu'il s'agit d'une règle d'ordre public à laquelle il ne saurait, en aucun cas, être dérogé ;
Attendu qu'après avoir rendu un arrêt incident consécutif à un dépôt de conclusions de la défense, la Cour a donné acte à cette dernière qu'un journaliste était présent dans la salle au moment du dépôt des conclusions ;
Attendu qu'il ressort de ce donné acte qu'il y a eu violation des textes et principe ci-dessus visés et que la cassation est encore encourue ;
Sur l'étendue de la cassation ;
Attendu que la question relative à l'intention de donner la mort, à laquelle la Cour et le jury ont répondu négativement, portait sur un élément constitutif du crime de meurtre pour lequel l'accusé était renvoyé devant la cour d'assises ; qu'en raison du lien de dépendance rattachant cette question aux 2 précédentes, l'accusation sur le fait d'homicide volontaire n'a pas été légalement ni définitivement jugée ; qu'il s'ensuit que la cassation doit être totale et que l'affaire doit être soumise en son entier à la juridiction de renvoi ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner les quatrième et cinquième moyens proposés pour X... et le moyen unique proposé pour les consorts A... ;
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'assises des mineurs de l'Aisne en ce qu'elle a condamné X... à 12 ans de réclusion criminelle pour violences mortelles et délits connexes, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
DIT, en application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, que l'annulation ainsi prononcée aura effet tant à l'égard du demandeur qu'à l'égard de Z... qui ne s'est pas pourvu ;
Par voie de conséquence,
CASSE ET ANNULE l'arrêt du même jour ayant prononcé sur les intérêts civils ;
Et pour être jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises des mineurs du Pas-de-Calais.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-84657
Date de la décision : 24/06/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° COUR D'ASSISES - Débats - Oralité - Violation - Projection d'un film à la Cour et au jury - Film évoquant les déclarations d'un témoin acquis aux débats - Moment de la projection.

1° COUR D'ASSISES - Débats - Témoin cité et dénoncé - Film évoquant les déclarations d'un témoin acquis aux débats - Moment de la projection - Débats - Oralité - Violation 1° MINEUR - Cour d'assises - Débats - Témoin cité et dénoncé - Film évoquant les déclarations d'un témoin acquis aux débats - Moment de la projection - Débats - Oralité - Violation.

1° Le principe de l'oralité des débats s'oppose à ce que le président fasse procéder à la projection d'un film dont une séquence évoque les déclarations d'un témoin sur les faits reprochés à l'accusé, dès lors que ce témoin, régulièrement cité et signifié, était présent et n'avait pas encore été entendu(1).

2° COUR D'ASSISES - Arrêts - Arrêt incident - Arrêt statuant sur une demande de donné acte - Obligation de se prononcer sur la réalité des faits allégués - Nécessité.

2° MINEUR - Cour d'assises - Arrêt - Arrêt incident - Arrêt statuant sur une demande de donné acte - Obligation de se prononcer sur la réalité des faits allégués - Nécessité.

2° La Cour, qui, en application des dispositions de l'article 315 du Code de la procédure pénale, est tenue de statuer sur les conclusions déposées, notamment, par l'accusé et son conseil, ne peut se borner à donner acte d'un incident sans se prononcer sur la réalité des faits allégués(2).

3° MINEUR - Cour d'assises - Débats - Publicité restreinte - Règle d'ordre public.

3° COUR D'ASSISES - Cour d'assises des mineurs - Publicité - Publicité restreinte - Règle d'ordre public.

3° La publicité restreinte imposée à la cour d'assises des mineurs par les articles 14 et 20, alinéa 8, de l'ordonnance du 2 février 1945 est une condition essentielle de la validité des débats devant cette juridiction. Aucune dérogation ne peut être apportée à cette règle d'ordre public(3).


Références :

1° :
2° :
3° :
Code de procédure pénale 310, 331
Code de procédure pénale 315
Ordonnance 45-170 du 02 février 1945 art. 14, art. 20, al. 8

Décision attaquée : Cour d'assises des mineurs de l'Aisne, 15 juin 1997

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1986-06-18, Bulletin criminel 1986, n° 217, p. 553 (cassation), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1989-06-14, Bulletin criminel 1989, n° 258, p. 642 (cassation), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1990-06-27, Bulletin criminel 1990, n° 265, p. 678 (cassation), et les arrêts cités . CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1991-03-06, Bulletin criminel 1991, n° 115, p. 293 (cassation partielle), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1995-10-26, Bulletin criminel 1995, n° 323, p. 905 (rejet)

arrêt cité. CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1993-01-06, Bulletin criminel 1993, n° 10, p. 20 (cassation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 jui. 1998, pourvoi n°97-84657, Bull. crim. criminel 1998 N° 205 p. 584
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 205 p. 584

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Guilloux, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Poisot.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Ryziger et Bouzidi, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.84657
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