Attendu que, dans le but d'assurer la rentabilité de chacune de ses activités et de développer les activités les plus rémunératrices, la Société générale a élaboré un " plan de renforcement de la compétitivité et d'adaptation des emplois 1994 ", prévoyant la suppression de 420 emplois, solde de la création de postes dans le secteur des activités financières et de la suppression de postes dans le secteur de l'exploitation de réseau ; qu'elle a engagé la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, mais que les diverses réunions du comité central d'entreprise se sont tenues en l'absence des représentants du personnel qui ont refusé d'y participer ; que la Fédération française des syndicats CFDT des banques et des sociétés financières (la CFDT) a demandé à la juridiction civile, d'une part, qu'il soit fait défense à la banque d'exécuter son plan avant qu'elle ait justifié l'opération devant les représentants du personnel et tant qu'elle n'aurait pas soumis à ces derniers un plan de reclassement valable ainsi que de diffuser l'offre collective de reclassement externe avant d'avoir épuisé les possibilités de reclassement interne et mis en oeuvre toutes autres mesures n'entraînant pas de suppression d'emplois et, d'autre part, que soit ordonnée la communication par la banque notamment du classement des salariés occupant des emplois du type de ceux dont la suppression est envisagée, conformément aux dispositions de l'article 49 de la convention collective des banques ;
Sur le pourvoi principal de la CFDT :
Sur le premier moyen :
Attendu que la CFDT reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 1996) d'avoir décidé que la Société générale avait présenté un plan de reclassement au sens des dispositions de l'article L. 321-4-1 du Code du travail et qu'elle n'était pas tenue de présenter ni par nature d'emplois les postes qu'elle entendait supprimer et ceux dont elle planifiait la création dans les unités affectées par les suppressions d'emplois, ni le nombre et la nature des emplois dont la disponibilité était prévisible dans les unités que n'affectaient pas les suppressions et dans les autres entreprises de son groupe, et d'avoir également décidé qu'étaient licites les dispositions du plan social relatives aux mesures d'aide à la réalisation de projets individuels externes et de reconversion des salariés candidats à un départ volontaire, alors, selon le moyen, en premier lieu, qu'avant toute rupture du contrat de travail résultant d'une cause économique, l'employeur doit rechercher et proposer aux salariés les postes disponibles dans l'ensemble de l'entreprise ou, à l'intérieur du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que, notamment, le plan social prévu par l'article L. 321-4-1 du Code du travail doit comporter des mesures précises pour faciliter le reclassement du personnel et éviter ou limiter le nombre des ruptures de contrats ainsi prévu, avec l'indication du nombre et de la nature des emplois pouvant être proposés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et L. 321-4-1 du Code du travail ; alors, en deuxième lieu, que, dans ses conclusions sur ce point demeurées sans réponse, la CFDT faisait valoir qu'en confondant les notions de postes et d'emplois et en s'abstenant d'informer le comité central d'entreprise sur la nature des emplois dont relevaient les postes dont la création était annoncée dans les secteurs affectés par les suppressions, la Société générale avait empêché les représentants du personnel de connaître l'ampleur et la répartition exacte des suppressions d'emplois, d'apprécier et de discuter la pertinence de celles-ci au regard de ses objectifs ; qu'en ne communiquant aucune information au CCE sur l'emploi dont relevait chaque poste supprimé, de même que sur le nombre et la nature des emplois disponibles ou susceptibles de le devenir au sein du groupe dans le délai fixé pour la réalisation du plan, la Société générale avait tenu les représentants du personnel dans l'ignorance du potentiel de reclassement de l'entreprise et du groupe, et dans l'impossibilité d'appréhender la nature et l'ampleur des écarts entre les compétences acquises par les salariés affectés par les suppressions d'emplois et les compétences requises pour occuper les emplois susceptibles d'être offerts au titre du reclassement ; et alors, en troisième lieu, qu'il résulte de l'article L. 321-4 du Code du travail que l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan social pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité ; que ces dispositions sont, selon l'article L. 321-1 du même Code, applicables à toute rupture de contrat de travail pour motif économique ;
qu'il en résulte que l'employeur doit avoir épuisé les possibilités de reclassement interne et toutes autres solutions épargnant l'emploi de ces salariés avant de provoquer des ruptures de contrats de travail ; qu'en cette espèce, la CFDT faisait valoir que, non seulement le plan litigieux ne conférait aucune priorité chronologique à la mise en oeuvre des deux mesures épargnant aux salariés la rupture de leur contrat de travail (incitation à la transformation de l'emploi à plein temps en mi-temps et reclassement interne) par rapport aux départs volontaires, mais que, de surcroît, ces derniers devaient être suscités dans une période de trois mois suivant l'achèvement des consultations des institutions représentatives du personnel, la mobilité interne n'étant offerte qu'à compter du 15 mai 1994 au plus tôt, notamment, sur les postes rendus disponibles du fait du travail à mi-temps ou de départs volontaires ; que cette chronologie mettait en évidence la priorité donnée aux départs de l'entreprise ; que, faute d'avoir répondu à ce chef des conclusions de la CFDT, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel qui, répondant aux conclusions dont elle était saisie, a constaté que la Société générale avait fourni, par zone géographique, la liste des postes disponibles et à créer au sein des trois familles de métiers affectées par les restructurations et dans lesquelles la permutation était envisageable, à savoir administration et gestion, traitement bancaire et logistique et technique, a pu déduire de ses constatations et énonciations que l'employeur avait présenté un plan de reclassement au sens de l'article L. 321-4-1 du Code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la Société générale n'était pas tenue de dresser les tableaux prévus à l'article 49 de la convention collective du personnel des banques, ni de les soumettre aux représentants du personnel avant de diffuser son appel aux départs volontaires, alors, selon le moyen, premièrement, que le classement prévu à l'article 49, alinéa 1er, de la convention collective du personnel des banques, destiné à permettre la fixation aussi objective que possible de l'ordre des licenciements et la prise en considération des situations individuelles, constitue une opération distincte et préalable à la fixation du nombre des licenciements et à sa mise en oeuvre ; qu'il en est ainsi même si les ruptures de contrats de travail sont obtenues par la voie du volontariat ; qu'en refusant de faire application de ces dispositions, la cour d'appel les a violées ; alors, deuxièmement, que la CFDT, dans ses conclusions, faisait valoir que, comme l'avaient reconnu les premiers juges, la réponse positive apportée par un salarié à un appel au volontariat en vue de la rupture de contrats de travail s'analyse en une renonciation au droit qu'il tient de l'ordre des licenciements et que la validité de cette renonciation suppose que celui qui l'exprime ait acquis le droit auquel il entend renoncer et qu'il sache l'avoir acquis ; qu'il soit parfaitement éclairé sur la probabilité d'un licenciement éventuel le concernant ou non ; que, faute d'avoir répondu à ce chef des conclusions de la CFDT, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, troisièmement, que la cour d'appel ne pouvait affirmer que l'employeur ne choisit pas les salariés devant être licenciés mais s'en remet à la décision individuelle de ceux-ci de quitter ou non l'entreprise et se fonder sur le caractère volontaire des départs des salariés sans répondre, de ce chef, aux conclusions de la CFDT selon lesquelles les précisions données par l'employeur des postes supprimés permettaient l'identification des salariés menacés dans leur emploi qui ne seraient reclassés que s'ils se portaient volontaires dans les conditions définies par l'employeur, lequel se réservait, en définitive, le pouvoir de choisir les candidats aux départs volontaires de façon discrétionnaire ; que, de ce chef, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'employeur n'est tenu de mettre en oeuvre les critères fixant l'ordre des licenciements, que lorsqu'un licenciement pour motif économique est décidé ;
Et attendu que la cour d'appel qui, répondant aux conclusions dont elle était saisie, a relevé que la Société générale s'était bornée à prévoir le passage du travail à temps complet au travail à mi-temps, une mobilité interne et le volontariat au départ et qu'aucun licenciement n'avait été décidé, a jugé à bon droit que l'employeur, qui n'avait pas à mettre en oeuvre les critères de l'ordre des licenciements faute de licenciement effectivement prononcé, n'était pas tenu d'établir le tableau prévu par l'article 49 de la convention collective de banques ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la Société générale :
Attendu que la Société générale fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que la priorité de réembauchage prévue à l'article L. 321-14 du Code du travail peut être invoquée par tout salarié ayant accepté un départ volontaire dans les conditions prévues au plan d'adaptation des emplois 1994, alors, selon le moyen, d'une part, que l'article L. 321-1 du Code du travail, qui n'exclut aucunement la solution du départ volontaire, ne saurait avoir pour effet d'imposer à l'employeur de réembaucher un salarié qui a exprimé son accord pour quitter l'entreprise et qui, en contrepartie, a perçu des indemnités supérieures à celles d'un salarié dont le contrat de travail aurait été rompu sur décision unilatérale de l'employeur, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, et en réservant au salarié la faculté de méconnaître les termes de sa convention et la cause des indemnités perçues, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 321-1 et L. 321-14 du Code du travail et 1131 et 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que l'arrêt laisse, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, dépourvues de réponse les conclusions qui faisaient valoir que la loi du 29 juillet 1992 ayant précisé que les dispositions relatives au licenciement collectif économique seraient applicables à toute rupture de contrat de travail, ne conduisait pas à ce que le mode spécifique de rupture conventionnelle par départ volontaire soit soumis à l'ensemble des dispositions relatives au licenciement économique, ainsi que l'avait d'ailleurs précisé une circulaire DE/DRT n° 92-26 du 29 décembre 1992 ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article L. 321-1, alinéa 2, du Code du travail les dispositions d'ordre public des articles L. 321-1 à L. 321-15 de ce Code sont applicables à toute rupture de contrat de travail pour motif économique ; que, dès lors, la cour d'appel qui, répondant aux conclusions, a retenu à bon droit que les départs volontaires des salariés prévus par le plan élaboré par l'employeur caractérisaient la rupture de contrats de travail pour un motif économique, a pu décider que la priorité de réembauchage prévue par l'article L. 321-14 du Code du travail pouvait être invoquée par tout salarié ayant accepté un départ volontaire ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.