AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Jeumont Schneider, transformateurs, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un jugement rendu le 25 mars 1994 par le conseil de prud'hommes de Lyon (section industrie), au profit :
1°/ de M. Jean Claude B..., demeurant ...,
2°/ de M. Bernard Y..., demeurant ...,
3°/ de M. Daniel Z..., demeurant ...,
4°/ de M. Jean-Claude X..., demeurant ...,
5°/ de M. Georges A..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 octobre 1997, où étaient présents : M. Monboisse, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Soury, conseiller référendaire rapporteur, M. Texier, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Soury, conseiller référendaire, les observations de Me Delvolvé, avocat de la société Jeumont Schneider transformateurs, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que se prévalant d'un usage leur permettant de quitter le travail de manière anticipée la veille de la fermeture annuelle de l'entreprise pour congés payés, M. B... et quatre autres salariés de la société Jeumont Schneider transformateurs ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de sommes correspondant à 2 heures 30 de salaire que leur employeur a refusé de prendre en charge à la suite de leur sortie anticipée de l'entreprise le 31 juillet 1992 ;
Attendu que la société Jeumont Schneider transformateurs fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Lyon, 25 mars 1994) d'avoir fait droit aux demandes des salariés, alors, selon le moyen, que, d'une part, si l'usage résulte d'une pratique générale, constante et fixe, l'application de cette pratique par l'employeur doit révéler sa volonté non équivoque de s'engager pour une durée indéterminée;
qu'en l'espèce, étant constant et non contesté que la possibilité de départ anticipé dont ont bénéficié les salariés depuis 1984 leur a été accordée chaque année par des notes de service fixant un "horaire spécial" selon une procédure excluant tout automatisme et la volonté non équivoque de l'employeur de s'engager pour une durée indéterminée, le conseil de prud'hommes, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un engagement à durée indéterminée de l'employeur à cet égard, n'a pas légalement justifié sa décision;
que, d'autre part, il résulte du communiqué du 5 mars 1992 que les dates collectives de congé seraient, semaine de l'ascention, 3 semaines en août, semaine de Noël/jour de l'an;
que les jours de tradition 1992 seraient le 29 mai et 31 décembre;
qu'une sortie anticipée serait exceptionnellement accordée le 24 décembre 1992 et que la possibilité de ne pas travailler le 13 juillet 1992 serait examinée;
que cette note fixait donc le calendrier de tous les jours de congé 1992, y compris celui des congés d'été (3 semaines en août) et exluait l'octroi d'une sortie anticipée la veille des vacances ; qu'en considérant que cette note portée à la connaissance des salariés par voie d'affichage -comme celles qui les avaient autorisés les années précédentes à partir plus tôt la veille des vacances- n'évoquait pas le problème des congés d'été et ne pouvait valoir information individuelle des salariés, le conseil de prud'hommes en a dénaturé les termes clairs et précis en violation de l'article 1134 du Code civil;
que, enfin, en s'abstenant de vérifier si, comme le soutenait la société dans ses conclusions, le prétendu usage n'avait pas été seulement modifié, la possiblité de sortie anticipée étant maintenue pour ceux qui le souhaitaient avec récupération, l'absence de paiement des heures non effectuées étant compensé par le paiement du "pont" du 13 juillet, le conseil de prud'hommes n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant estimé que la preuve était rapportée de l'existence de l'usage dont se prévalaient les salariés, le conseil de prud'hommes, qui a constaté que l'employeur avait dans son communiqué du 5 mars 1992 manifesté la volonté de remettre en cause cet usage, a exactement décidé que ce document, qui n'avait fait l'objet que d'un affichage dans l'entreprise, ne pouvait valoir dénonciation régulière de l'usage à défaut d'infirmation individuelle des salariés et des représentants du personnel;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Jeumont Schneider transformateurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Jeumont Schneider transformateurs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.