Attendu, selon l'arrêt critiqué (Paris, 16 mars 1994), que M. Pierre X... exerçait les fonctions, d'une part, de gérant des sociétés à responsabilité limitée Berlys investissement et Yves Saint Laurent management, elles-mêmes associées commanditées de la société en commandite par actions Yves Saint Laurent groupe, et, d'autre part, de président du conseil d'administration des sociétés anonymes Yves Saint Laurent couture et Yves Saint Laurent parfums ; qu'au terme d'une enquête portant sur le marché des titres de la société Yves Saint Laurent Groupe, cotés sur le second marché, la Commission des opérations de bourse (la Commission) a constaté qu'il avait cédé de gré à gré, pour son propre compte, les 31 juillet, 7 août et 11 septembre 1992, 35 000 actions, et pour le compte de M. Yves Saint Laurent, 85 000 actions, alors qu'il détenait des informations privilégiées relatives à la dégradation des résultats du groupe pour le premier semestre 1992 ; que, le 12 octobre 1993, estimant qu'il avait obtenu un avantage injustifié, la Commission a prononcé une sanction administrative à son encontre ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours et de l'avoir condamné à une sanction pécuniaire à hauteur de 1 million de francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dès lors que la cour d'appel avait constaté que les transactions de gré à gré obéissaient à des règles propres au droit des obligations qui échappaient à la compétence de la Commission, et qu'elle n'avait caractérisé aucune influence de la cession de gré à gré sur le fonctionnement du marché boursier français, elle ne pouvait prononcer la sanction administrative applicable au " manquement d'initié " aux cessions de gré à gré litigieuses, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard du champ d'application du règlement n° 90-08 de la Commission et de l'article 1er de ce règlement, et des articles 4-1, 9-1 et 9-2 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 ; et alors, d'autre part, que, dès lors que la cour d'appel avait constaté que le domaine d'application des règlements de la Commission était limité au territoire national, et qu'elle n'avait caractérisé aucune influence des cessions de gré à gré intervenues à l'étranger sur le fonctionnement du marché boursier français, elle ne pouvait prononcer la sanction administrative applicable au " manquement d'initié " aux opérations litigieuses intervenues à l'étranger, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard du champ d'application du règlement de la Commission et de l'article 1er de ce règlement, et des articles 4-1, 9-1 et 9-2 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, et de l'article 1, du règlement n° 90-08 de la Commission ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 28 septembre 1967, la Commission est chargée de veiller à la protection de l'épargne investie en valeurs mobilières ou tous autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés de valeurs mobilières, que l'article 4-1 du même texte donne à la Commission, pour l'exécution de sa mission, le pouvoir de prendre des règlements concernant le fonctionnement des marchés placés sous son contrôle, que, pris en application de ces dispositions, le règlement n° 90-08, relatif à l'utilisation, sur le marché, d'une information privilégiée, définit ce marché comme l'ensemble des transactions portant sur des valeurs mobilières, des contrats à terme négociables ou des produits financiers admis aux négociations par le Conseil des bourses de valeurs ou le Conseil du marché à terme ; que l'arrêt retient encore que les articles 9-1 et 9-2 de l'ordonnance précitée donnent pouvoir à la Commission de sanctionner les pratiques contraires à ses règlements lorsqu'elles ont pour effet, notamment de fausser le fonctionnement du marché ou de procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché ; qu'ayant ainsi rappelé les textes applicables en la cause, la cour d'appel en fait l'exacte application en énonçant qu'ils n'excluaient aucune transaction dès lors que, comme en l'espèce, celle-ci portait sur des valeurs admises aux négociations par le Conseil des bourses de valeurs, et que les transactions de gré à gré même si elles obéissent à des règles propres au droit des obligations, ne sauraient, en l'absence de dérogation expresse, être exclues du champ d'application du règlement n° 90-08, qui a pour objet d'assurer l'information des investisseurs et le bon fonctionnement des marchés de valeurs mobilières ;
Attendu, d'autre part, que, pour affirmer la compétence de la Commission, l'arrêt retient que, s'il n'est pas contestable que le domaine d'application des règlements de la Commission est limité au territoire national, les cessions litigieuses ont porté sur des actions admises aux négociations du second marché de la Bourse de Paris, et que les éléments d'extranéité tenant au lieu d'implantation du siège social des banques cessionnaires et au déroulement de certaines négociations à l'étranger, ne sont pas de nature à exclure l'opération du champ d'application de la loi française ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ne se prononçant pas au fond, en réfutation à ses écritures, sur la question de savoir si la décision de cession de gré à gré des actions n'avait pas été prise avant communication des informations privilégiées, et en jugeant ainsi, sur le principe, que seule la réalisation effective des cessions devait être prise en cause, même si la décision de céder était déjà prise et mise en oeuvre, ce qui impliquerait que le devoir d'abstention de l'initié ferait obligation positive à celui-ci de modifier les décisions déjà prises avant communication de l'information privilégiée, la cour d'appel a méconnu le domaine d'application du devoir d'abstention de l'initié, et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2 du règlement n° 90-08 de la Commission ; et alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas, en réfutation à ses écritures, si la cession répondait à un motif sérieux et légitime sans rapport avec les informations priviligiées communiquées, et en conférant ainsi au devoir d'abstention de l'initié un caractère " absolu ", qui ne cèderait que devant la contrainte " insurmontable ", c'est-à-dire, devant la force majeure, la cour d'appel a faussement qualifié le devoir d'abstention de l'initié, et n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 2 du règlement n° 90-08 de la Commission ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant qu'il importait peu que la décision de céder les actions litigieuses ait été prise par M. Pierre X... avant le 24 juillet 1992 dès lors que les cessions qui lui étaient reprochées avaient été effectivement réalisées après qu'il ait eu connaissance des résultats en recul de la société pour le premier semestre 1992 ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a analysé les motifs par lesquels M. Pierre X... tentait de justifier la cession de ses actions ; qu'elle ne les a pas jugés suffisants pour dispenser celui-ci de son devoir d'abstention, mais qu'elle les a pris en considération pour apprécier la gravité des manquements relevés à son encontre et, par voie de conséquence, pour réduire le montant de la sanction pécuniaire prononcée par la Commission ; qu'elle a ainsi effectué la recherche prétendument omise et légalement justifiée sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.