REJET du pourvoi formé par :
- X...,
- Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 17 mars 1993, qui, dans la procédure suivie contre A..., B..., C..., du chef de diffamation publique envers des particuliers, a déclaré prescrites les actions publique et civile, et dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de dommages-intérêts présentée par C.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 486, alinéa 2, et 520 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a omis d'annuler d'office la décision des premiers juges en date du 19 mars 1992, puis d'évoquer l'affaire pour statuer sur le fond ;
" alors que, selon l'article 486, alinéa 2, du Code de procédure pénale, après avoir été signée par le président et le greffier, la minute est déposée au greffe du tribunal dans les 3 jours au plus tard du prononcé du jugement ; que la minute du jugement a été déposée au greffe plus de 7 mois après le prononcé du jugement en audience publique ; que le ministère public et les parties civiles n'ont pas, du fait de cette carence, été mis en mesure de connaître la motivation du jugement et, par conséquent, d'assigner les prévenus devant la cour d'appel et d'interrompre la prescription de trois mois applicable en matière de délit de presse, et que, dès lors, en s'abstenant d'annuler le jugement puis d'évoquer l'affaire pour statuer sur le fond, comme l'article 520 du Code de procédure pénale lui en faisait l'obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, de l'adage " contra non valentem agere non currit prescriptio ", de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 486, alinéa 2, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'action publique et l'action civile prescrites en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
" aux motifs qu'il résulte des pièces du dossier que plus de 3 mois se sont écoulés sans qu'aucun acte interruptif de prescription n'ait été effectué entre les déclarations d'appel des 19 et 27 mars 1992 et les citations à comparaître à l'audience de cette Cour qui ont été délivrées les 10, 11 et 14 décembre 1992 à la requête de M. le procureur général ; que les parties civiles, auxquelles il appartenait de surveiller la procédure, ne peuvent utilement invoquer une prétendue cause de suspension de la prescription tenant au retard apporté dans la rédaction du jugement qui les aurait mises dans l'impossibilité d'agir ; qu'en effet, le droit de poursuivre l'audience appartient à toutes les parties ; que les parties civiles, comme le ministère public, peuvent assigner le prévenu avant l'expiration du délai de prescription à une des audiences de la Cour, sauf le droit pour ladite Cour de renvoyer la cause à une autre audience ; qu'il ne pourrait en être autrement que si un obstacle de droit résultant de la loi elle-même ou touchant à l'ordre public privait les parties de leur droit d'agir pour faire juger l'affaire, mais que tel n'est pas le cas en la cause ;
" alors, d'une part, que la prescription de l'action publique est nécessairement suspendue lorsqu'un obstacle de droit met la partie poursuivante dans l'impossibilité d'agir ; qu'il en est ainsi en matière d'infraction à la législation sur la presse au profit de la partie civile qui ne dispose d'aucun moyen de droit pour obliger le président du tribunal et le greffier à déposer la minute du jugement au greffe du tribunal dans les trois jours au plus tard du prononcé du jugement ; que l'inexécution de cette obligation et le retard de sept mois dans la rédaction du jugement ont mis la partie civile dans l'impossibilité d'assigner les prévenus devant la cour d'appel et que, dès lors, en déclarant cependant l'action publique et l'action civile prescrites en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, l'arrêt a méconnu l'adage contra non valentem agere non currit prescriptio ;
" alors, d'autre part, que le principe du procès équitable dont la partie civile doit bénéficier aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique que celle-ci ne soit pas obligée, pour interrompre la prescription, du fait de la carence des premiers juges, de citer les prévenus devant la cour d'appel sans avoir communication de la décision du tribunal qui doit être accessible dans les trois jours au plus tard du prononcé du jugement, selon les dispositions du droit interne " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les juges ont écarté, à bon droit, par les motifs reproduits aux moyens, les griefs pris par les parties civiles du dépôt tardif de la minute du jugement au greffe du tribunal, et de la transmission différée du dossier de la procédure à la cour d'appel ;
Que, d'une part, le délai prévu par l'article 486, alinéa 2, du Code de procédure pénale n'est pas prescrit à peine de nullité, et que son inobservation n'a causé aucun préjudice aux demandeurs, qui, après avoir été informés du prononcé de la décision, ont exercé leur recours dans le délai légal ;
Que, d'autre part, il leur appartenait, en cas d'inaction du ministère public, de faire citer eux-mêmes, avant l'expiration du délai de prescription, les prévenus à l'une des audiences de la juridiction du second degré, sauf le droit, pour cette dernière, de renvoyer la cause à une autre audience utile, par une décision interruptive de prescription ;
Que l'obligation de surveiller la procédure, qui incombe à la partie poursuivante en matière de délits de presse, n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.