ARRÊT N° 1
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation ; que, si la réalité de la suppression ou transformation d'emploi ou de la modification substantielle du contrat de travail est examinée au niveau de l'entreprise, les difficultés économiques doivent être appréciées au regard du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ; que lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité ; qu'enfin, les possibilités de reclassement des salariés doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
Attendu que la société Vidéocolor, devenue la société Thomson Tubes et Displays, qui se consacre à l'étude, la fabrication et la commercialisation de tubes-images et de leurs composants destinés à l'équipement des téléviseurs couleurs, exerçait son activité sur deux sites à Genlis et à Lyon ; que, pour maintenir sa production et demeurer concurrentielle, elle a décidé de réduire le prix de revient des canons électroniques en procédant à une réorganisation de l'entreprise ; qu'entre plusieurs solutions, a été retenue celle consistant à fermer l'établissement de Lyon, dont une partie des activités a été rattachée à l'établissement de Genlis, tandis que l'autre a été transférée à l'usine de Belo Horizonte au Brésil appartenant à une autre société du groupe Thomson ; qu'un plan social a prévu des modalités de reclassement dont le succès a été relatif, plusieurs salariés ayant même refusé leur mutation à Genlis ; que la société a alors procédé à un licenciement collectif ;
Attendu que, pour décider que les licenciements des salariés non protégés, parties au litige, étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse et leur allouer des dommages-intérêts à ce titre, la cour d'appel, après avoir relevé que l'établissement de Lyon avait été fermé et que la réorganisation de l'entreprise avait été décidée dans l'intérêt du groupe Thomson, énonce que les licenciements ne peuvent pas pour autant être considérés comme reposant sur une cause économique réelle et sérieuse, dans la mesure où les emplois des salariés de l'établissement de Lyon n'ont pas été supprimés mais transférés vers d'autres sites, la fabrication des produits réalisés dans cet établissement, loin d'avoir cessé, ayant été reprise dans les usines de Genlis et de Belo Horizonte ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'établissement de Lyon de la société Thomson Tubes et Displays avait été fermé et que l'activité s'exerçait sur d'autres sites, notamment à l'étranger, dans un milieu différent, ce dont il résultait que les emplois y avaient été supprimés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives aux salariés protégés, l'arrêt rendu le 11 mai 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris .