Attendu qu'en vertu d'un usage les salariés de la société N. et M. Euro production percevaient une prime de 13e mois ; que le 18 décembre 1991, l'employeur a annoncé au comité d'établissement que cette prime ne serait pas payée en 1991 ; que le 25 septembre 1992, l'employeur a averti le comité d'établissement que la prime 1992 était supprimée ; que Mme Carreau et quatorze autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement des primes litigieuses ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief au conseil de prud'hommes d'avoir retenu sa compétence, alors que, selon le moyen, le litige ne portait pas sur le contrat de travail, qu'introduit par 15 salariés et concernant un usage, il présentait le caractère d'un conflit collectif et qu'en statuant sur ce conflit le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 511-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la jonction des demandes séparées de chacun des salariés réclamant un élément de rémunération résultant d'un usage n'a pas fait perdre au litige son caractère individuel relevant de la compétence du conseil de prud'hommes ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société reproche au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Poitiers, 24 mars 1993) de l'avoir condamnée au paiement des primes de 13e mois, alors, selon le moyen, que le refus des salariés de la modification unilatérale de leur contrat de travail résultant de la suppression du 13e mois, s'analysait en un licenciement pour motif économique et qu'ainsi le conseil de prud'hommes, qui aurait dû constater la résiliation des contrats de travail, a violé l'article L. 321-1 du Code du travail ;
Mais attendu que lorsqu'une prime est due en vertu d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, elle n'est pas incorporée aux contrats de travail et la dénonciation de l'usage ou de l'engagement unilatéral de l'employeur n'emporte aucune modification à ces contrats ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société fait enfin grief au conseil de prud'hommes d'avoir statué comme il l'a fait, alors que, selon le moyen, l'employeur avait dénoncé l'usage avec un délai raisonnable et que ces salariés ont été avertis de cette dénonciation puisqu'ils ont saisi la juridiction prud'homale avant même l'échéance de la prime litigieuse ;
Mais attendu que la dénonciation par l'employeur d'un usage ou d'un engagement unilatéral doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre les négociations et être notifiée, outre aux représentants du personnel, à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite ;
Et attendu, en l'espèce, que le conseil de prud'hommes a relevé que les salariés n'avaient pas été avertis individuellement de la suppression de la prime, peu important qu'ils en aient eu connaissance, et a estimé que la dénonciation n'avait pas été notifiée aux représentants du personnel après un délai de prévenance suffisant ;
D'où il suit qu'il a décidé à bon droit que, faute d'une dénonciation régulière, l'usage était demeuré en vigueur ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.