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18/05/1993 | FRANCE | N°91-85129

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 mai 1993, 91-85129


REJET du pourvoi formé par :
- le conseil général du département de Seine-Saint-Denis,
- X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre correctionnelle, en date du 10 juillet 1991, qui dans la procédure suivie contre Y... et la Société Europe News des chefs de diffamation publique envers un corps constitué, et diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a déclaré irrecevable l'action intentée par le conseil général de Seine-Saint-Denis, a relaxé le prévenu des fins de la poursuite, mis hors de cause la socié

té civilement responsable, et débouté les parties civiles de leurs demandes.
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REJET du pourvoi formé par :
- le conseil général du département de Seine-Saint-Denis,
- X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre correctionnelle, en date du 10 juillet 1991, qui dans la procédure suivie contre Y... et la Société Europe News des chefs de diffamation publique envers un corps constitué, et diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a déclaré irrecevable l'action intentée par le conseil général de Seine-Saint-Denis, a relaxé le prévenu des fins de la poursuite, mis hors de cause la société civilement responsable, et débouté les parties civiles de leurs demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 24 et 54 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, 48 de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'action intentée par le conseil général de Seine-Saint-Denis ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 " dans le cas d'injures ou de diffamations envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l'article 30, la poursuite n'aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites... " ; qu'en l'espèce, l'autorisation donnée au président du conseil général résulte des délibérations de la réunion du bureau du conseil général, en date du 22 août 1989 ; que si le président du conseil général invoque la délibération prise en assemblée générale le 25 octobre 1988, donnant au bureau délégation de pouvoir pour engager les procédures contentieuses, le droit commun ne saurait prévaloir sur les dispositions dérogatoires spécialement édictées dans le cadre de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'une délibération spécifique prise en assemblée générale était requise pour que l'action soit valablement exercée au nom du conseil général du département de Seine-Saint-Denis ; qu'à défaut d'une telle délibération, l'action du conseil général est irrecevable ;
" alors que si l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, qui a entendu réserver l'initiative des poursuites en matière de diffamations et d'injures principalement à celui qu'elles visent a, dans le cas des diffamations et injures spéciales, déterminé le titulaire du droit de décider de l'opportunité des poursuites et a ainsi, lorsque la diffamation ou l'injure vise un corps constitué, attribué ce pouvoir à l'assemblée générale dudit corps, à l'exception du chef de celui-ci, la finalité de ces dispositions ne saurait se trouver contredite ni, par voie de conséquence, s'opposer à la possibilité donnée audit corps par des dispositions légales ultérieures de pouvoir déléguer partie de ses attributions, et notamment celle d'intenter toute action en justice en son nom, à un bureau régulièrement désigné par son assemblée générale et entièrement distinct du chef de ce corps, en l'occurrence le président du conseil général exécutif du département ; que, dès lors, l'article 24 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 autorisant le conseil général à déléguer l'exercice d'une partie de ses attributions au bureau, à l'exception de celles visées aux articles 50, 51 et 52 de la même loi, qui sont parfaitement étrangères aux actions pouvant résulter de la loi du 29 juillet 1881, la Cour ne pouvait, sans violer ce texte et méconnaître la lettre et l'esprit de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, déclarer irrecevable l'action introduite par le conseil général du département de la Seine-Saint-Denis et régulièrement autorisée par une délibération de son bureau, auquel avait été délégué par l'assemblée générale le droit d'intenter toute action en justice nécessaire à la défense de ses intérêts, en considérant à tort que seule une délibération de l'assemblée générale pouvait autoriser le conseil général à agir dans le cas de diffamations ou injures commises à son encontre " ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action intentée par X..., en qualité de président du conseil général de Seine-Saint-Denis, du chef de diffamation publique envers un corps constitué, la cour d'appel énonce que la poursuite a été autorisée par délibération du bureau du conseil général, en méconnaissance des dispositions de l'article 48.1° de la loi du 29 juillet 1881 qui exigent que la poursuite ait lieu sur délibération prise en assemblée générale du corps constitué et requérant les poursuites ; que les juges ajoutent que les dispositions précitées, dérogatoires au droit commun, sont d'ordre public, de sorte que leur application ne saurait être écartée par référence à d'autres dispositions législatives ; qu'ils en déduisent que la délibération prise antérieurement par le conseil général, en assemblée générale, et déléguant à son bureau le pouvoir d'engager des procédures contentieuses, ne dispensait pas la collectivité départementale de prendre une délibération spécifique pour que l'action en diffamation soit valablement exercée en son nom ;
Attendu que les juges ont ainsi, légalement justifié leur décision ; qu'en effet, s'il est vrai que l'article 24 de la loi du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 février 1992, a accordé au conseil général la faculté de déléguer l'exercice d'une partie de ses attributions à son bureau, ce texte n'a pu déroger, même implicitement, à la disposition spéciale édictée, en matière pénale, par l'article 48.1° de la loi du 29 juillet 1881 ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, omission de statuer, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré qu'aucune diffamation ne se trouvait caractérisée à l'encontre de X..., citoyen chargé d'un mandat public ;
" aux motifs que les propos tenus le 26 juin 1989 et reproduits dans le jugement déféré comportent une apostrophe à l'égard de X..., en sa double qualité de président du conseil général de la Seine-Saint-Denis et de maire communiste de Bobigny ; qu'en s'exprimant dans les termes rapportés, Y... sollicitait une réponse, une opinion de X... sur la question posée, sur l'objet du débat ; que les propos de Y... n'apparaissent pas comme l'insinuation d'une quelconque initiative ou participation de X... dans la commission des faits dénoncés, à savoir une discrimination dans le choix d'une famille d'accueil en matière d'adoption ; qu'en l'absence d'imputation diffamatoire, les premiers juges ont, à bon droit, débouté X... de ses demandes ;
" alors que, d'une part, en imputant au conseil général d'avoir rejeté la demande d'adoption des époux Z... en raison de la profession de son chef de famille pour, immédiatement après, apostropher le président du conseil général en lui demandant s'il était concevable de retenir une candidature à l'adoption émanant de personnes de condition sociale modeste, ces propos insinuaient nécessairement que X..., président du conseil général, pouvait lui-même ne pas écarter un tel critère, pourtant intrinsèquement condamnable car fondé sur une discrimination sociale et, de surcroît, en contradiction avec les principes qu'en sa qualité de communiste il est censé défendre, ce qui constituait bien l'imputation d'un comportement contraire à son honneur et à sa considération ; que, dès lors, la cour d'appel, qui, pour écarter la diffamation, s'est fondée sur la seule circonstance que les propos revêtaient la forme d'une question posée à X... en faisant abstraction tout autant du contexte de la question que de la teneur même de ladite question, a entaché sa décision d'insuffisance de motifs ;
" alors que, d'autre part, en prétendant que la décision prise sur la candidature des époux Z... aurait pu être différente si M. Z... avait été ouvrier-typographe, ce qui était la profession initiale de X..., ainsi que le constataient les premiers juges dans des motifs auxquels se réfère l'arrêt, les propos incriminés insinuaient là encore que l'avis du président du conseil général procédait d'une discrimination sociale ; que la Cour, qui s'est totalement abstenue d'examiner ces propos, expressément dénoncés par X... dans sa plainte, a, de ce chef, privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt, et des pièces de la procédure, auxquelles la Cour de cassation a le pouvoir de se reporter, que X..., " agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de chef du service départemental de l'Aide sociale à l'enfance ", a adressé au procureur de la République, le 11 septembre 1989, une simple plainte, en raison de propos tenus par Y..., et diffusés par la station " Europe 1 ", les 23 juin, 26 juin et 6 juillet 1989 ; qu'au vu de cette plainte, le Parquet a ordonné une enquête, par instructions du 21 septembre 1989 ; qu'un mandement de citation a été établi, le 15 janvier 1990, contre Y..., qui a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel, par exploit du 16 janvier 1990 ; qu'il en résulte qu'en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, dans sa rédaction alors en vigueur, la prescription des actions publique et civile était acquise à cette date, les instructions du 21 septembre 1989, et les procès-verbaux d'enquête dressés pour leur exécution, n'ayant pu ni mettre en mouvement l'action publique ni en interrompre la prescription ;
Attendu qu'en cet état, la décision de relaxe du prévenu, et de débouté de la partie civile est justifiée, abstraction faite des motifs critiqués par le moyen, lequel ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-85129
Date de la décision : 18/05/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Diffamation ou injures envers les corps constitués - Conseil général - Délibération de l'assemblée générale - Nécessité.

1° PRESSE - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Diffamation ou injures envers les corps constitués - Conseil général - Délégation au bureau (non).

1° S'il est vrai que l'article 24 de la loi du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 février 1992, a accordé au Conseil général la faculté de déléguer l'exercice d'une partie de ses attributions à son bureau, ce texte n'a pu déroger, même implicitement, à la disposition spéciale édictée, en matière pénale, par l'article 48.1° de la loi du 29 juillet 1881, subordonnant l'exercice des poursuites, par le ministère public, à une délibération du corps constitué prise en assemblée générale(1).

2° PRESSE - Procédure - Action publique - Extinction - Prescription - Délai - Interruption - Acte initial de poursuite - Réquisitions aux fins d'enquête (non).

2° ACTION PUBLIQUE - Extinction - Prescription - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Presse - Acte initial de poursuite - Réquisition aux fins d'enquête (non) 2° PRESCRIPTION - Action publique - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Presse - Acte initial de poursuite - Réquisition aux fins d'enquête (non) 2° PRESSE - Procédure - Action publique - Extinction - Prescription - Délai - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Procès-verbal d'enquête (non).

2° Des réquisitions aux fins d'enquête et les procès-verbaux dressés pour leur exécution n'ayant pu ni mettre en mouvement l'action publique ni en interrompre la prescription, celle-ci s'est trouvée acquise, en l'espèce, en application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1993(2).


Références :

1° :
2° :
Loi du 29 juillet 1881 art. 48Loi 82-213 1982-03-02 art. 24, art. 54
Loi du 29 juillet 1881 art. 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 juillet 1991

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1955-03-08, Bulletin criminel 1955, n° 144, p. 256 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1956-07-24, Bulletin criminel 1956, n° 577, p. 1035 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1960-10-20, Bulletin criminel 1960, n° 469, p. 929 (cassation partielle). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1991-12-10, Bulletin criminel 1991, n° 469, p. 1205 (cassation sans renvoi : arrêt n° 1 ;

rejet : arrêt n° 2).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 mai. 1993, pourvoi n°91-85129, Bull. crim. criminel 1993 N° 184 p. 461
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 184 p. 461

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Galand.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.85129
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