Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Création haute joaillerie (CHJ), à laquelle des perles et des diamants avaient été confiés par les sociétés Poncet et Millet, a été victime d'un vol avec port d'arme et prise d'otage ; qu'elle était assurée pour ses propres marchandises, mais non pour celles qui lui étaient confiées ; que les Assurances générales de France (AGF), assureur des sociétés déposantes, après avoir indemnisé celles-ci, ont exercé contre la société CHJ une action subrogatoire en remboursement des indemnités versées ; que l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 1990) a accueilli cette action et dit que la créance des AGF serait inscrite au passif de la société dépositaire, dont le redressement judiciaire avait été entre-temps ordonné ;
Sur le moyen unique pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société CHJ et le représentant de ses créanciers reprochent à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, d'une part, qu'il n'a pas été répondu aux conclusions faisant valoir que les tribunaux étaient incompétents pour statuer sur le litige, en vertu de la clause compromissoire insérée dans la convention de l'assemblée plénière des sociétés d'assurances relative au sinistre " vol " affectant les biens confiés à un bijoutier-joaillier détaillant par un autre commerçant fabricant ou grossiste ; alors, d'autre part, qu'il n'a pas non plus été répondu au moyen tiré de l'article 3.2 de la même convention et selon lequel, dans l'hypothèse où les capitaux garantis par le dépositaire sont insuffisants pour prendre en charge le sinistre, les assureurs des déposants doivent compléter l'indemnité versée à leurs assurés, sans recours contre le dépositaire ;
Mais attendu que la clause compromissoire figurant à l'article 4 de la convention conclue le 13 juillet 1982 sous l'égide de l'assemblée plénière des sociétés d'assurance ne s'applique qu'en cas de différend entre les assureurs du déposant et du dépositaire, et non dans l'hypothèse d'un litige entre l'assureur du déposant, subrogé dans ses droits, et le dépositaire lui-même, non assuré ; qu'en outre les dispositions de l'article 3 de la même convention supposent que le dépositaire a souscrit une assurance garantissant le risque de vol des marchandises confiées, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, ainsi que l'a constaté la cour d'appel ; qu'il s'ensuit que les juges n'étaient pas tenus de répondre aux écritures invoquées, lesquelles étaient inopérantes ;
Sur les troisième et quatrième branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait alors, selon le moyen, d'une part, que le dommage des sociétés déposantes, résultant du vol des bijoux confiés à la société CHJ, ne saurait être considéré comme une suite immédiate et directe de l'éventuelle faute du dépositaire ayant consisté en une insuffisance d'assurance des objets qui lui étaient confiés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1151 et 1927 du Code civil ; alors, d'autre part, que, le dépositaire n'étant tenu que d'une obligation de moyens, les juges ne peuvent le condamner à réparer les conséquences de la disparition de la chose qui lui a été remise qu'en constatant une faute à sa charge ; qu'en se fondant exclusivement sur l'absence d'un élément constitutif de la force majeure, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1927 du Code civil ;
Mais attendu que la juridiction du second degré, loin de se fonder exclusivement sur l'absence d'un élément constitutif de la force majeure, a relevé que la société CHJ, en omettant d'assurer les marchandises confiées, avait contrevenu au code des usages de la bijouterie, qui impose au dépositaire d'assurer ces marchandises pour la valeur indiquée par le déposant, et ce, contre tous les risques, y compris les cas fortuits ou de force majeure, alors même qu'elles sont déjà assurées par le déposant ; qu'elle a ainsi caractérisé un manquement de cette société à ses obligations contractuelles, ainsi que le lien de causalité unissant cette faute au dommage subi ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est pas fondé en la troisième ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.