ANNULATION PARTIELLE par voie de retranchement et sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... (Armand),
- Y... (Jacky),
contre un arrêt de la cour d'appel de Nîmes (chambre correctionnelle) en date du 30 novembre 1984 qui, pour délit assimilé à la banqueroute simple, abus de biens sociaux, infractions aux règles de la facturation, fraude fiscale et omission de passation d'écritures comptables, infractions à la législation sur les bons de remis dans des opérations portant sur les animaux de boucherie et de charcuterie, les a condamnés : X... à 30 mois d'emprisonnement dont 21 mois avec sursis, Y... à 20 mois d'emprisonnement dont 18 mois et 15 jours avec sursis, a déclaré X... solidairement tenu avec le redevable légal des impôts et taxes fraudées, au paiement desdits impôts et taxes ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes, a ordonné des mesures de publication et d'affichage et a statué sur les demandes de l'administration des Impôts et partie poursuivante, d'une part, et partie civile intervenante d'autre part.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits :
Attendu que depuis 1977 X... et Y... étaient respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la société anonyme " Cheville albenassienne ", ayant pour objet le commerce en gros de viande de boucherie et de charcuterie ; que cette société a déposé son bilan le 23 mars 1982 ; que dès le 10 août 1980, à la suite d'un contrôle fiscal, l'administration des Impôts a porté à la connaissance du Parquet un certain nombre de faits susceptibles de justifier des poursuites pénales notamment du chef d'infractions à la réglementation économique ; que les services de la Direction générale de la concurrence et de la consommation, se fondant sur des constatations faisant suite à la saisie de documents opérée le 21 mai 1980, ont ultérieurement le 10 octobre 1981 saisi le procureur de la République de conclusions écrites tendant à des poursuites contre les susnommés pour ventes et achats sans factures ; que sur réquisitoire introductif du 19 octobre 1981 et réquisitoire supplétif du 31 mars 1982, X... et Y... ont été à cette dernière date inculpés d'infractions économiques, infractions aux lois sur les sociétés, délit assimilé à la banqueroute simple et placés en détention de ces chefs ;
Que sur la plainte déposée le 13 novembre 1982 par l'administration des Impôts après avis favorable de la commission des infractions fiscales en date du 4 octobre 1982, des réquisitions supplétives sont intervenues le 16 novembre 1982 du chef de fraude fiscale et omission de passation d'écriture dont les susnommés qui se trouvaient en liberté le premier depuis le 28 juin 1982, le second depuis le 28 mai 1982 ont été inculpés les 10 et 13 novembre 1982 ;
Que par ailleurs selon exploit en date du 23 août 1982, l'administration des Impôts a cité directement X... et Y... devant le tribunal correctionnel sur et aux fins de deux procès-verbaux en date des 15 septembre 1980 et 22 décembre 1980 portant sur la tenue irrégulière de la comptabilité matière et sur la vente de viande de boucherie sans bon de remis ou avec des bons de remis inapplicables, infractions à la législation sur les contributions indirectes ; que par jugement du 1er juin 1983, le tribunal a rejeté l'exception de nullité desdites citations, proposée par les prévenus qui alléguaient la violation des dispositions de l'article L. 236, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales ; que par arrêt du 14 octobre 1983, la cour d'appel de Nîmes a déclaré que les appels interjetés contre cette décision n'étaient pas immédiatement recevables au regard des dispositions de l'article 507 du Code de procédure pénale ; qu'aucun pourvoi n'ayant été formé contre cet arrêt, l'administration des Impôts a fait délivrer à X... et Y... respectivement les 12 septembre et 24 septembre 1983 de nouvelles citations sur et aux fins des procès-verbaux susvisés ;
Que par jugement du 25 janvier 1984, le tribunal correctionnel a ordonné la jonction de la procédure ayant fait l'objet d'une ordonnance du juge d'instruction en date du 6 avril 1983 renvoyant les inculpés sous la prévention de délit assimilé à la banqueroute simple, abus de biens sociaux, vente et achat sans facture, fraude fiscale et omission de passation d'écritures et de celle engagée par voie de citation directe à la requête de l'administration des Impôts pour infraction en matière de contributions indirectes et a statué tant sur les exceptions de nullité proposées par les prévenus que sur le fond ; que saisie de l'appel de X..., du ministère public et de l'administration des Impôts à l'égard des deux prévenus, la cour d'appel de Nîmes adoptant les motifs du jugement entrepris qu'elle confirme tant sur les exceptions de nullité que sur la déclaration de culpabilité a rendu l'arrêt attaqué ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de X... et sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Y... :
Le premier, pris de la violation des articles L. 228 du Livre des procédures fiscales, 40 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté le moyen de nullité opposé par le requérant aux poursuites pour infractions fiscales, pour défaut d'avis préalable de la commission des infractions fiscales préalablement aux poursuites, prévu par l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales ;
" aux motifs que cette commission a donné son avis le 4 octobre 1982, c'est-à-dire avant que ne soient introduites le 16 novembre 1982 les poursuites pour fraudes fiscales, et que le rapport du 10 octobre 1980 de l'inspecteur Z... de la direction générale des Impôts, conformément aux dispositions de l'article 40 du Code de procédure pénale, invitait seulement le Parquet à envisager une suite pénale, compte tenu du caractère de gravité exceptionnelle des infractions découvertes dans le cadre des deux ordonnances du 30 juin 1945 ;
" alors que le rapport du 10 octobre 1980 visait expressément des infractions économiques et " fiscales " et invitait le Parquet à donner une suite pénale à l'affaire, qu'il s'agissait donc bien d'une plainte émanant, non du directeur départemental du commerce intérieur et des prix, mais de la direction générale des Impôts, qu'elle a été suivie de mesures d'information relatives à des infractions fiscales, que les poursuites introduites le 16 novembre 1982 pour fraudes fiscales ne constituaient que la réitération de la première plainte, que la plainte du 10 octobre 1980 n'ayant pas été précédée d'un avis favorable de la commission des infractions fiscales, la Cour aurait dû prononcer la nullité de tous les actes de procédure postérieurs relatifs aux infractions fiscales reprochées au requérant " ;
Le second, pris de la violation des articles L. 228 du Livre des procédures fiscales, 40, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté le moyen de nullité opposé par Jacky Y... aux poursuites pour infractions fiscales pour défaut d'avis de la commission des infractions fiscales préalablement aux poursuites et aux premières citations ;
" au motif d'une part que cette commission a donné son avis le 4 octobre 1982, c'est-à-dire avant que ne soient introduites le 16 novembre 1982 les poursuites pour fraudes fiscales et que le rapport du 10 octobre 1980 de l'inspecteur Z... de la direction générale des Impôts, conformément aux dispositions de l'article 40 du Code de procédure pénale, invitait seulement le Parquet à envisager une suite pénale compte tenu du caractère de gravité exceptionnelle des infractions découvertes, dans le cadre des deux ordonnances de 1945 ;
" au motif d'autre part, repris des premiers juges, qu'il convient de relever que si les premières citations remontant au 23 août 1982 sont bien antérieures à l'avis de la commission des infractions fiscales, il résulte a contrario des dispositions de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales que la saisine et l'avis de ladite commission ne sont nullement prévus en cas d'infractions au titre des contributions indirectes ;
" alors d'une part que le rapport référencé " infractions pénales, économiques et fiscales " par lequel un agent habilité par la direction générale des Impôts demande au procureur de la République de donner au procès-verbal qui y est annexé et qui décrit les infractions entrant dans les prévisions des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts une suite pénale, manifeste sans ambiguïté ni équivoque la volonté de son auteur de voir engager des poursuites judiciaires et constitue une plainte au sens des articles L. 228 et suivants du Code général des impôts ; que la plainte (baptisée " rapport ") du 10 octobre 1980 n'ayant pas été précédée d'un avis préalable de la commission des infractions fiscales - laquelle n'a donné un avis autorisant les poursuites que le 4 octobre 1982 - et les poursuites introduites le 16 novembre 1982 pour fraudes fiscales ne constituant que la réitération de la première plainte, l'arrêt attaqué aurait dû prononcer la nullité de tous les actes de procédure postérieurs relatifs aux infractions fiscales reprochées à Jacky Y... ;
" alors d'autre part, que l'article L. 227 du Livre des procédures fiscales figure parmi les dispositions communes à l'ensemble des impôts et qu'en tout état de cause Jacky Y... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel notamment pour s'être frauduleusement soustrait à l'impôt sur le revenu " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que pour écarter l'exception de nullité des poursuites pour infraction fiscale, proposée par les prévenus et reprise aux moyens, au motif allégué que ces poursuites auraient été engagées antérieurement à l'avis de la commission des infractions fiscales en violation des dispositions de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales, les juges du fond relèvent d'une part que cette commission a donné son avis le 4 octobre 1982 alors que les poursuites pour fraude fiscale prévues aux articles 1741 et 1743 du Code général des impôts n'ont été engagées que par réquisition supplétive en date du 16 novembre 1982 et que le rapport adressé le 10 octobre 1980 par l'administration des Impôts au procureur de la République, conformément aux prescriptions de l'article 40 du Code de procédure pénale, ne saurait constituer la plainte visée à l'article 1741, dernier alinéa, du Code général des impôts et à l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales et d'autre part qu'il résulte des dispositions mêmes de ce dernier texte que la saisine et l'avis de la commission des infractions fiscales ne sont nullement prévus en cas d'infraction en matière de contributions indirectes ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision et fait l'exacte application des textes visés aux moyens réunis, lesquels dès lors ne sauraient être accueillis ;
Sur le second moyen de cassation, proposé en faveur de X... et sur le cinquième moyen de cassation proposé en faveur de Y... :
Le premier, pris de la violation des articles 1649 ter I, 1649 ter A, 1649 ter D, 1739, 1791 du Code général des impôts, 310 quinquies à 310 decies de l'annexe I et 164 F quinquies de l'annexe IV dudit Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... pour infraction à la législation des contributions indirectes pour tenue irrégulière de comptabilité matière et transport de viande de boucherie, suite à achat ou vente sans titre de mouvement ou avec des titres de mouvement inapplicables, à des amendes, pénalités et confiscations de viandes saisies fictivement dont il était tenu d'en payer la valeur, calculées sur toute la période non prescrite ;
" aux motifs que les déclarations des intéressés, celle de divers employés, l'ensemble de la procédure, apportent la certitude que les irrégularités remontent à une période bien antérieure à la période du 9 juillet 1979 au 21 mai 1980 ayant fait l'objet des vérifications, par dépouillement des documents saisis, des agents verbalisateurs et que lorsque les contrevenants n'ont pas permis à l'Administration de chiffrer avec précision le nombre et la valeur des transports irréguliers et le montant des droits compromis, il convient d'accueillir comme parfaitement justifiée la demande de l'administration des Impôts pour toute la période non prescrite ;
" alors que le juge pénal ne peut retenir une quelconque extrapolation dont le caractère approximatif est contraire à l'exactitude qui doit présider à toute incrimination pénale, et que la Cour ne pouvait calculer amendes, pénalités et confiscations relatives aux infractions fiscales en cause, sans tenir compte du fait que les vérifications de l'administration fiscale n'avaient porté que sur la période du 9 juillet 1979 au 21 mai 1980 et qu'en étendant les condamnations à toute la période non prescrite, elle a privé son arrêt de base légale " ;
Le second, pris de la violation des articles 1649 ter I, 1649 ter A, 1649 ter D, 1739, 1791 du Code général des impôts, 310 quinquies à 310 décies de l'annexe I et 164 F bis à 164 F quinquies de l'annexe IV dudit Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Y... pour infraction à la législation des contributions indirectes pour tenue irrégulière de comptabilité matière et transports de viande de boucherie suite à achat ou vente sans titre de mouvement ou avec des titres de mouvement inapplicables, à des amendes, pénalités et confiscations de viandes saisies fictivement dont il était tenu d'en payer la valeur, calculées sur toute la période non prescrite ;
" aux motifs que les déclarations des intéressés, celles de divers employés, l'ensemble de la procédure, apportent la certitude que les irrégularités remontent à une période bien antérieure à la période du 9 juillet 1979 au 21 mai 1980 ayant fait l'objet des vérifications, par dépouillement des documents saisis, des agents verbalisateurs et que lorsque les contrevenants n'ont pas permis à l'Administration de chiffrer avec précision le nombre et la valeur des transports irréguliers et le montant des droits compromis, il convient d'accueillir comme parfaitement justifiée la demande de l'administration des Impôts pour toute la période non prescrite ;
" alors que le juge pénal ne peut retenir une quelconque extrapolation dont le caractère approximatif est contraire à l'exactitude qui doit présider à toute incrimination pénale, et que la Cour ne pouvait calculer amendes, pénalités et confiscations relatives aux infractions fiscales en cause, sans tenir compte du fait que les vérifications de l'administration fiscale n'avaient porté que sur la période du 9 juillet 1979 au 21 mai 1980 et qu'en étendant les condamnations à toute la période non prescrite, elle a privé son arrêt de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que pour condamner les demandeurs pour infraction en matière de contributions indirectes à des amendes, pénalités et confiscation des viandes saisies fictivement dont ils étaient tenus de payer la valeur, calculée non seulement sur la période du 9 juillet 1979 au 21 mai 1980 sur laquelle avaient porté les vérifications mais également sur toute la période non prescrite, les juges du second degré, réformant sur ce point le jugement entrepris, énoncent que les déclarations des intéressés et celles de divers employés apportent la certitude que les irrégularités remontent à une époque bien antérieure, couvrant l'ensemble de la période non prescrite et qu'il convient d'accueillir la demande de cette dernière par rapport au nombre et à la valeur des transports irréguliers et le montant des droits compromis ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations qui relèvent du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier les circonstances et faits de la cause soumis aux débats contradictoires et de calculer ainsi le montant des droits éludés dans les limites de la demande de l'Administration, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que dès lors les moyens réunis ne peuvent qu'être rejetés ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé en faveur de Y... et pris de la violation de l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté le moyen de nullité du demandeur tiré de l'inobservation de l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales pour citation pour infraction en matière de contributions indirectes hors du délai d'un mois de son incarcération ;
" aux motifs que les poursuites pour fraudes fiscales prévues et punies par les articles 1741, 1743, 1845, 1745 du Code général des impôts et 8 du Code de commerce n'ont été introduites que le 16 novembre 1982 par un nouveau réquisitoire supplétif, Armand X... et Jacky Y... étant respectivement inculpés de ce chef les 10 et 13 décembre 1982 ; que d'autre part les mandats de dépôt décernés le 31 mars 1982 contre Armand X... et Jacky Y... l'ont été pour ventes et achats sans facture, banqueroute simple, abus de biens sociaux ; qu'il s'ensuit que les deux prévenus n'ont pas été détenus pour les infractions fiscales visées par l'Administration ;
" alors d'une part que selon les propres énonciations de l'arrêt, le rapport du 10 octobre 1980 de l'inspecteur Z... de la direction générale des Impôts (D. 125) invitait le Parquet à envisager une suite pénale, compte tenu du caractère de gravité exceptionnelle des infractions découvertes ; qu'il résulte de l'examen de ce rapport qu'il visait les infractions pénales et fiscales et que lui était annexé un procès-verbal en date du 9 octobre 1980 concernant notamment des infractions aux articles 1741 et 1743 du Code général des impôts et que par conséquent, compte tenu de l'importance de ce document qui mettait en lumière le caractère indivisible des infractions pénales et fiscales, il a été nécessairement tenu compte d'infractions fiscales par le magistrat instructeur lorsque celui-ci a décerné mandat de dépôt le 31 mars 1982 contre Jacky Y... ;
" alors d'autre part qu'ainsi que le soutenait le demandeur dans ses conclusions demeurées sans réponse, la citation qui lui a été délivrée le 29 septembre 1983 l'a été sur et aux fins du procès-verbal établi le 22 décembre 1980 visant les contraventions aux articles 1791, 1649 du Code général des impôts relatif aux bons de remis, 164 F ter annexe IV et 310 sexies à octies, annexe I du Code général des impôts et précisant que le procès-verbal dressé contre la SA Cheville albenassienne et ses dirigeants X... et Y... valait saisie de produits de boucherie pour un montant total de 5 022 617,99 francs, que ce procès-verbal a nécessairement dans sa globalité entraîné l'incarcération de Jacky Y... puisqu'il ressort de l'enquête préliminaire que M. Y... a été interrogé sur les bons de remis avant d'être mis en garde à vue et en détention par le magistrat instructeur ;
" alors enfin en tout état de cause qu'aux termes de l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales applicable en matière de contributions indirectes, la citation doit être délivrée dans un délai de trois ans à compter de la date du procès-verbal constatant l'infraction ; que toutefois lorsque la personne est en état d'arrestation, la citation doit être faite dans le délai d'un mois à partir de l'arrestation ; que l'inobservation de ces délais entraîne la nullité de la procédure ; que ce texte ne précise pas que l'arrestation doit avoir été motivée par des infractions fiscales ; qu'il faut en déduire que, dès lors qu'une personne est en état d'arrestation et que par ailleurs un procès-verbal constatant des infractions fiscales a été dressé contre elle, la citation prévue à l'article L. 236 précité doit lui être délivrée à peine de nullité dans le délai d'un mois à partir de son arrestation " ;
Attendu que pour rejeter l'exception de nullité reprise au moyen, portant sur la citation délivrée au demandeur à la requête de l'administration des Impôts pour infraction en matière de contributions indirectes, au motif allégué que cette citation avait été faite plus d'un mois après l'arrestation de la personne visée, les juges du fond relèvent que le mandat de dépôt a été décerné contre Y... le 31 mars 1982, des chefs de vente et achat sans facture, banqueroute simple et abus des biens sociaux et énoncent que ce prévenu n'a pas été détenu pour les infractions à la législation sur les contributions indirectes poursuivies par l'Administration ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait aux conclusions du prévenu, a fait l'exacte application des textes visés au moyen ; qu'en effet le délai d'un mois dans lequel doit être délivrée la citation à une personne en état d'arrestation, selon les dispositions de l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales particulières aux contributions indirectes, n'a pas à être observé lorsque la personne objet de la citation se trouve en état d'arrestation pour autre cause ;
Que dès lors le moyen doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé en faveur de Y... et pris de la violation de l'article 8 du Code de procédure pénale, de l'article 1741 du Code général des impôts et de l'article 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription invoquée par le demandeur en ce qui concerne les infractions fiscales et l'a condamné pour infraction à la législation fiscale pour des faits antérieurs au 31 décembre 1978 ;
" au motif que la prescription a été interrompue par les procédures déclenchées le 21 mai 1980 ;
" alors que l'arrêt a constaté expressément que les poursuites pour fraudes fiscales prévues et punies par les articles 1741, 1743, 1845, 1745 du Code général des impôts et 8 du Code de commerce n'ont été introduites que le 16 novembre 1982, en sorte que l'arrêt ne pouvait entrer en voie de condamnation et prononcer des amendes et pénalités à l'encontre du demandeur pour la période antérieure au 31 décembre 1978 " ;
Attendu que pour rejeter l'exception de prescription reprise au moyen, des infractions fiscales commises antérieurement au 31 janvier 1978 l'arrêt attaqué relève que la prescription de l'action fiscale a été interrompue par les procédures déclenchées le 21 mai 1980 ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs et alors que les poursuites pour infractions fiscales s'appuyaient notamment sur les procès-verbaux de saisies de documents opérées à la date susvisée par les agents de la Direction générale de la concurrence et de la consommation, révélant l'existence d'une comptabilité occulte et faisant présumer des ventes et achats sans facture, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ;
Qu'en effet d'une part sont interruptifs de prescription, comme constituant des actes d'instruction aux termes des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale les procès-verbaux régulièrement dressés par les agents de la Direction générale de la consommation et de la concurrence, légalement habilités en vertu de l'article 6 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 et de l'article 52 modifié de l'ordonnance n° 45-1483 de même date, textes alors applicables, à constater les infractions à la législation économique et que la validité de ces actes de constatations a été confirmée par l'article 59, dernier alinéa, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et d'autre part que les actes interruptifs de la prescription de l'action publique étendent leurs effets à l'action fiscale lorsqu'ils visent des faits constituant, comme en l'espèce, à la fois des infractions de droit commun et des infractions fiscales ;
Que dès lors le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé en faveur de Y... et pris de la violation de l'article 8 du Code de procédure pénale et de l'article 437-3 de la loi du 24 juillet 1966 :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges condamnant Jacky Y... pour abus de biens sociaux pour la période antérieure au 31 mars 1979 ;
" alors que l'arrêt qui constatait expressément que les poursuites pour abus de biens sociaux ont été engagées selon le réquisitoire supplétif du 31 mars 1982 ne pouvait entrer en voie de condamnation à l'encontre du demandeur du chef d'abus de biens sociaux pour une période couverte par la prescription " ;
Attendu que si l'exception de prescription est d'ordre public et peut à ce titre être invoquée pour la première fois devant la Cour de Cassation, c'est à la condition que cette Cour trouve dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ; qu'à défaut de ces constatations, qui manquent en l'espèce et qu'il appartenait au demandeur de provoquer, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé en faveur de Y... et pris de la violation de l'article L. 272 du Livre des procédures fiscales, défaut de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une mesure de contrainte par corps à l'encontre de Jacky Y... pour le recouvrement des pénalités afférentes tant à la poursuite pour infractions en matière de contributions indirectes que pour les fraudes commises en matière de contributions directes et de contributions indirectes par la SA Cheville albenassienne ;
" alors qu'aux termes de l'article L. 272 du Livre des procédures fiscales, la contrainte par corps n'est applicable qu'aux condamnations pécuniaires prononcées par les juridictions répressives en matière d'impôts directs et taxes assimilées " ;
Attendu qu'après avoir condamné Y..., d'une part, en application de l'article 1741 du Code général des impôts, pour soustraction frauduleuse à l'impôt sur le revenu dû par lui à titre personnel et, d'autre part, en application des articles 1649 ter I, 1649 ter A, 1649 D, 1739, 1791 du Code général des impôts ainsi que des articles 310 quinquies à 310 decies de l'annexe I et 164 F bis à 164 F quinquies de l'annexe 4 dudit Code, l'arrêt attaqué a fixé la contrainte par corps devant s'appliquer pour le paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes et pour l'exécution des condamnations fiscales et pénales ;
Attendu qu'en statuant ainsi et alors que le prévenu, contrairement à ce qu'allègue le moyen, lequel manque sur ce point par les faits sur lesquels il prétend se fonder, n'était ni poursuivi ni condamné pour des fraudes fiscales concernant des droits indirects ou des taxes à la valeur ajoutée, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; qu'en effet il résulte des dispositions combinées des articles L. 240 et L. 272 du Livre des procédures fiscales et 749 du Code de procédure pénale qu'en matière de législation sur les contributions indirectes et lorsque l'administration des Impôts en fait la demande, il y a toujours lieu à application de la contrainte par corps pour le recouvrement des amendes, confiscations et pénalités fiscales encourues et prononcées, sauf lorsque les infractions sanctionnées ne concernent que des fraudes fiscales portant sur l'établissement total ou partiel de droits indirects ou de la TVA dus par un contribuable, tels que visées et réprimées par l'article 1741 du Code général des impôts ; que l'article 76 de la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 n'a apporté à ce principe aucune modification ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Attendu par ailleurs que si à la date du présent arrêt l'ordonnance n° 45-1484 notamment en ses articles 39, 49, 150 se trouve abrogée, les délits de vente sans facture dont les prévenus ont été déclarés coupables demeurent punissables en vertu de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les peines d'emprisonnement prononcées se trouvant justifiées par les autres infractions dont les demandeurs aux pourvois ont été reconnus coupables ;
Mais sur le moyen relevé d'office et pris de l'entrée en vigueur le 1er janvier 1986 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, notamment en ses articles 3, 196, 197, 238, 240 et 243 ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en l'absence de dispositions contraires expresses, une loi nouvelle, qui abroge une incrimination, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés ;
Attendu que les demandeurs ont été déclarés coupables et condamnés du chef de délit assimilé à la banqueroute simple pour tenue irrégulière de la comptabilité de la société qu'ils dirigeaient, et ce en application de l'article 131-5 de la loi du 13 juillet 1967, pour des faits commis de 1977 à 1981 ;
Mais attendu que ce texte a été abrogé à compter du 1er janvier 1986 par l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985, laquelle ne contient aucune incrimination pénale applicable aux faits poursuivis ;
Qu'en conséquence l'arrêt attaqué doit être annulé de ce seul chef, les peines prononcées étant par ailleurs justifiées par les infractions à la législation économique et aux lois sur les sociétés dont les demandeurs ont été à bon droit déclarés coupables ;
Par ces motifs :
ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes du 30 novembre 1984 par voie de retranchement en ses seules dispositions déclarant Armand X... et Jacky Y... coupables de délits assimilés à la banqueroute simple pour tenue irrégulière de la comptabilité de la société qu'ils dirigeaient, toutes autres dispositions dudit arrêt étant maintenues ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.