Vu la procédure suivante :
M. C...B...A..., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 29 octobre 2014, pris en application des articles L. 562 1, L. 562-2 et suivants du code monétaire et financier, par lequel le ministre des finances et des comptes publics a gelé ses fonds, instruments financiers et ressources économiques, a produit un mémoire, enregistré le 20 avril 2015 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 1429125/7-1 du 10 septembre 2015, enregistrée le 15 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 7ème section du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de M. B...A..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Françoise Guilhemsans, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de M. B...A... ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Sans préjudice des mesures restrictives spécifiques prises en application de règlements du Conseil de l'Union européenne et des mesures prononcées par l'autorité judiciaire, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 562-3 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, définis comme il est dit au 4 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, y incitent, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles au sens des 5 et 6 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil du 27 décembre 2001 précité. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources précités sont également gelés. " ; qu'aux termes de l'article L. 562-2 du même code : " En application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales, organismes ou entités qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources susmentionnés sont également gelés. "
3. Considérant que les articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier, sur le fondement desquels le ministre des finances et des comptes publics a décidé de geler les fonds, instruments financiers et ressources économiques appartenant à M. B...A..., sont applicables au litige dont est saisi le tribunal administratif de Paris, au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au libre exercice du droit de propriété garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Premier ministre, ainsi qu'au tribunal administratif de Paris.