Vu l'ordonnance n° 10PA04007 du 15 décembre 2010, enregistrée le 21 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la sixième chambre de la cour administrative d'appel de Paris, avant qu'il soit statué sur l'appel du SYNDICAT DES FONCTIONNAIRES DU SENAT, tendant à l'annulation de l'ordonnance du 19 juillet 2010 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 15 juin 2010 par laquelle le secrétaire général de la questure du Sénat a refusé de faire droit à sa demande visant à l'organisation d'élections professionnelles, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présenté pour le SYNDICAT DES FONCTIONNAIRES DU SENAT, dont le siège est 15, rue de Vaugirard à Paris Cedex 06 (75291), représenté par son président, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boutet, avocat du SYNDICAT DES FONCTIONNAIRES DU SENAT et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du SENAT,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boutet, avocat du SYNDICAT DES FONCTIONNAIRES DU SENAT et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du SENAT ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que lorsqu'une juridiction a transmis au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues par ces dispositions, une question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans le cours d'une instance ouverte devant elle, le Conseil d'Etat n'est pas saisi de la requête à l'appui de laquelle est invoqué le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ; qu'il ne lui appartient dès lors pas d'apprécier la recevabilité de cette requête, ni la compétence de la juridiction administrative pour en connaître ; que les fins de non-recevoir tirées par le président du Sénat de l'irrecevabilité de la demande dont le SYNDICAT DES FONCTIONNAIRES DU SENAT a saisi le tribunal administratif de Paris et de l'incompétence de la juridiction administrative pour en connaître ne peuvent, par suite, qu'être écartées ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le président du Sénat, la décision par laquelle le Conseil d'Etat décide qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité n'est pas revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée ; que par suite le Sénat ne peut invoquer une autorité de la chose jugée qui s'attacherait à une précédente décision du Conseil d'Etat refusant de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité présentée par un autre requérant et portant sur les mêmes dispositions en litige de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 : (...) Les agents titulaires des services des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l'Etat dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le bureau de l'assemblée intéressée (...). La juridiction administrative est appelée à connaître de tous litiges d'ordre individuel concernant ces agents, et se prononce au regard des principes généraux du droit et des garanties fondamentales reconnues à l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat visées à l'article 34 de la Constitution. (...) / Dans les instances ci-dessus visées, qui sont les seules susceptibles d'être engagées contre une assemblée parlementaire, l'Etat est représenté par le président de l'assemblée intéressée (...) ; que ces dispositions sont applicables au litige dont est saisie la cour administrative d'appel de Paris ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que si la possibilité de contester par voie d'exception, à l'occasion d'un litige d'ordre individuel, les décisions des instances des assemblées parlementaires à l'encontre desquelles ces dispositions n'ouvrent pas de voie d'action directe garantit, en ce qui concerne les décisions à portée générale de l'application desquelles peuvent naître des litiges d'ordre individuel concernant les agents des services des assemblées, le droit à un recours juridictionnel effectif, une telle voie de recours n'est pas ouverte à l'encontre des autres décisions à portée générale sur le fondement desquelles ne pourrait pas naître de litige d'ordre individuel ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, en tant qu'elles ne permettent de contester devant la juridiction administrative que les décisions prises par les instances des assemblées parlementaires limitativement énumérées, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES FONCTIONNAIRES DU SENAT, au président du Sénat et au Premier ministre.
Copie en sera adressée à la cour administrative d'appel de Paris.