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21/02/2023 | FRANCE | N°22-86760

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 février 2023, 22-86760


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° J 22-86.760 F-B

N° 00361

SL2
21 FÉVRIER 2023

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 FÉVRIER 2023

M. [U] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 22 novembre 2022, qui, dans l'infor

mation suivie contre lui des chefs, notamment, de viol et agression sexuelle aggravés, abus de faiblesse et corruption de min...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° J 22-86.760 F-B

N° 00361

SL2
21 FÉVRIER 2023

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 FÉVRIER 2023

M. [U] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 22 novembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, de viol et agression sexuelle aggravés, abus de faiblesse et corruption de mineur, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction modifiant son contrôle judiciaire.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [U] [Z], les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de l'association [1], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 5 novembre 2021, M. [U] [Z] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.

3. Le 24 mai 2022, il a été mis en liberté sous contrôle judiciaire.

4. Par ordonnance du 4 octobre 2022, le juge d'instruction a modifié ce contrôle judiciaire, y ajoutant notamment les interdictions de toute apparition et représentation publiques dans le cadre de l'activité artistique de la personne mise en examen ainsi que de toute activité impliquant un contact avec des mineurs.

5. Le 5 octobre suivant, M. [Z] a relevé appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle ajoutait, comme obligation prononcée au titre de son contrôle judiciaire, l'interdiction pour M. [Z] de se livrer à certaines activités professionnelles, alors :

« 1°/ que la juridiction d'instruction qui interdit à la personne mise en examen de se livrer à une activité professionnelle doit se prononcer sur la proportionnalité de cette mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté d'expression lorsque cela est invoqué ; qu'a méconnu les articles 10 de la Convention européenne, 138 12°, 591 et 593 du code de procédure pénale ; la chambre de l'instruction qui s'est bornée, pour confirmer le prononcé à l'encontre de M. [Z] de l'interdiction d'apparitions et de représentations publiques dans le cadre de son activité d'artiste, à relever que le « moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la liberté d'expression n'est pas opérant en l'espèce, [U] [Z] étant mis en examen pour des infractions à caractère sexuel et présentant un risque de renouvellement des faits » (arrêt, p. 14), sans contrôler, comme cela lui était demandé, la proportionnalité de la mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté d'expression artistique de M. [Z] ;

2°/ que la juridiction d'instruction qui interdit à la personne mise en examen de se livrer à une activité professionnelle doit se prononcer sur la proportionnalité de cette mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté individuelle et au droit au travail lorsque cela est invoqué ; que s'agissant d'un individu exerçant la profession de chanteur, la liberté d'expression artistique constitue une composante de son droit au travail ; qu'a encore méconnu les articles 138 12°, 591 et 593 du code de procédure pénale ; la chambre de l'instruction qui s'est bornée, pour confirmer le prononcé à l'encontre de M. [Z] de l'interdiction d'apparitions et de représentations publiques dans le cadre de son activité d'artiste, à relever que le « moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à la liberté d'expression n'est pas opérant en l'espèce, [U] [Z] étant mis en examen pour des infractions à caractère sexuel et présentant un risque de renouvellement des faits » (arrêt, p. 14), sans contrôler, comme cela lui était demandé, la proportionnalité de la mesure au regard des atteintes qu'elle porte à la liberté d'expression artistique comprise comme composante du droit au travail de M. [Z]. »

Réponse de la Cour

7. C'est à tort que les juges n'ont pas examiné, comme les y invitait le mémoire, si l'interdiction professionnelle imposée à M. [Z] dans le cadre du contrôle judiciaire ne constitue pas une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, telle qu'elle est garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme.

8. En effet, l'interdiction faite à une personne mise en examen, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, de se livrer à tout ou partie de son activité professionnelle d'artiste constitue une ingérence dans sa liberté d'expression et entre dès lors dans le champ de cet article.

9. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que l'interdiction prononcée répond aux conditions posées par le second paragraphe de la disposition précitée.

10. En effet, d'une part, l'interdiction est prévue par la loi et répond aux objectifs de sûreté publique et de protection de l'ordre.

11. D'autre part, elle est proportionnée en ce qu'elle est temporaire, l'intéressé pouvant, en outre, à tout moment, en demander la mainlevée dans les conditions de l'article 140 du code de procédure pénale, qu'elle est prononcée à titre de mesure de sûreté et ne porte que sur certaines modalités d'exercice de son activité artistique.

12. Ainsi, le moyen, irrecevable comme nouveau en sa seconde branche, n'est pas fondé.

13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. [U] [Z] devra payer à l'association [1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 22-86760
Date de la décision : 21/02/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Contrôle judiciaire


Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 22 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 fév. 2023, pourvoi n°22-86760, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Spinosi, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.86760
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