RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 30 MARS 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/16132 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGM2A
Décision déférée à la cour :
Jugement du 13 juillet 2022-Juge de l'exécution de PARIS-RG n° 22/81158
APPELANT
Monsieur [X] [H]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Muriel GUILLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0150
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/022137 du 02/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
ASSOCIATION [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Patrick MAYET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0139
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, présidente et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Déclarant agir en vertu d'un jugement rendu par le juge des contentieux de la protection de Paris le 28 juin 2021, signifié le 9 juillet 2021, l'association groupe [5] a, le 30 août 2021, délivré à M. [H] un commandement de quitter les lieux portant sur un logement sis [Adresse 2].
M. [H] ayant saisi le juge de l'exécution de Paris à bref délai par assignation du 1er juillet 2022, ce magistrat a, par jugement en date du 13 juillet 2022 :
- rejeté la demande de délais pour quitter les lieux présentée par M. [H] ;
- déclaré irrecevable la demande de fixation d'une indemnité d'occupation présentée par l'association groupe [5] ;
- rejeté la demande de délais de paiement ;
- rejeté la demande de l'association groupe [5] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [H] aux dépens.
Selon déclaration en date du 13 septembre 2022, M. [H] a relevé appel de ce jugement. Ladite déclaration d'appel a été signifiée à la partie adverse le 18 octobre 2022.
En ses conclusions notifiées le 17 octobre 2022, il expose :
- qu'il se trouve en grande difficulté ; qu'en effet il est pris en charge par le [7] alors que son état psychique s'est dégradé, si bien qu'il est accompagné par les services sociaux ; qu'il est handicapé à 50 % ; qu'il se trouve sans emploi à ce jour et ne perçoit plus d'indemnités de chômage depuis le mois de mars 2022 ; qu'il bénéficie depuis cette date de versements de la Caisse d'allocations familiales à hauteur de 310 euros par mois ; qu'il est séparé de sa femme et de ses trois enfants depuis le 17 avril 2020 ;
- qu'il a été admis au dispositif [R] ;
- qu'il a besoin de délais pour quitter le logement dont s'agit, qui lui avait été attribué à titre temporaire au mois de juillet 2013 ;
- qu'il est nécessaire également de lui octroyer des délais pour régler l'arriéré indemnités d'occupation ; qu'il ignore si les versements de la Caisse d'allocations familiales ont été opérés entre les mains de l'association groupe [5].
M. [H] demande en conséquence à la Cour de :
- infirmer le jugement ;
- lui octroyer un délai de 24 mois pour quitter les lieux ;
- lui accorder un délai de 24 mois pour régler sa dette, à concurrence de 50 euros par mois, la dernière majorée du solde ;
- condamner l'association groupe [5] aux dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 2 novembre 2022, l'association groupe [5] réplique :
- qu'elle a vocation à lutter contre l'exclusion sociale, au travers de la mise en place d'un accompagnement social et de l'octroi d'un hébergement en faveur de personnes en difficulté ;
- que c'est dans ces conditions qu'elle a accueilli, au mois de juillet 2013, M. [H] et sa famille dans un appartement de 45,33 m², lequel ne lui appartient pas et à raison duquel elle règle un loyer au propriétaire ;
- qu'il s'avère que M. [H] occupe le logement seul depuis le mois de mai 2020, alors que le dispositif mis en place concerne uniquement les familles ;
- que si l'appelant a été admis au [R], c'est depuis l'année 2012, soit antérieurement à la conclusion de la convention d'occupation ;
- que s'agissant des versements de la Caisse d'allocations familiales, elle les perçoit depuis le mois d'avril 2022, mais n'a reçu aucune somme au mois de mai.
L'association groupe [5] demande à la Cour de confirmer le jugement, et de condamner M. [H] au paiement de la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS
Selon les dispositions de l'article L 412-3 du Code des procédures civiles d'exécution, le Juge peut accorder des délais pour quitter les lieux à des personnes dont l'expulsion a été judiciairement ordonnée, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales ; l'article L 412-4 du même code énonce que la durée des délais prévus à l'article précédent ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans, et que pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l'occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.
Au cas d'espèce, un rapport social indique que la famille de M. [H], qui a été reconnue prioritaire [R] depuis le 9 juillet 2012 rencontre des difficultés et n'a pas eu de propositions de relogement. Toutefois l'appelant réside désormais seul dans le logement dont s'agit. Il est reconnu comme travailleur handicapé à moins de 50 %. Il a connu des problèmes de santé, ayant été hospitalisé en 2019 pour une pneumopathie varicelleuse, des douleurs abdominales, et une phlébite, puis à nouveau en 2020. Il présente un antécédent de traumatisme grave au niveau de l'avant-bras droit, et a souffert d'une embolie pulmonaire. En outre un certificat médical du 11 juin 2022 fait état d'une fragilité psychologique et d'une précarisation de sa situation. Nonobstant les difficultés certaines rencontrées par l'intéressé, et le fait qu'il a présenté des demandes de relogement auprès de la ville de [Localité 6], il sera rappelé que c'est le 20 mai 2020, soit il y a près de trois ans, que la convention d'occupation a été résiliée en raison du changement survenu dans sa situation familiale. L'appelant a donc bénéficié de délais de fait, et le juge de l'exécution a relevé à juste titre qu'en demeurant dans les locaux, qui sont conçus pour une famille et non pas pour une personne seule, il empêche l'association groupe [5] de reloger des familles en grande difficulté. La Cour ajoute qu'il ne s'agissait pas d'un bail de droit commun mais d'une convention d'occupation précaire à titre onéreux, qui rappelait qu'elle s'inscrivait dans le dispositif d'intermédiation locative pour permettre l'accueil de ménages parisiens défavorisés.
La demande de délais pour quitter les lieux a donc été rejetée à juste titre par le juge de l'exécution.
S'agissant de la demande de délais de paiement, le montant de la dette était de 5 937,30 euros lors du prononcé du jugement fondant les poursuites, mais de 7 597,38 euros au 4 juillet 2022, au moment où M. [H] a saisi le juge de l'exécution. L'arriéré s'est donc accru ce qui démontre que le débiteur, qui ne bénéficie à ce jour pour toutes ressources que d'allocations logement à hauteur de 310 euros par mois et du RSA, se trouve dans l'impossibilité de régler tant les indemnités d'occupation courantes qu'une part de l'arriéré dans des conditions satisfaisantes.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions.
L'équité ne commande pas d'allouer une indemnité à l'association groupe [5] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [H], qui succombe en ses prétentions, sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
- CONFIRME le jugement en date du 13 juillet 2022 ;
- REJETTE la demande de l'association groupe [5] en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE M. [X] [H] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,