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30/06/2022 | FRANCE | N°21/14843

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 30 juin 2022, 21/14843


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 30 JUIN 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14843 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGYS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2021 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2020L00717





APPELANTE



Madame [F] [V]

née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 10] (93)

[Adresse 2]

[Locali

té 7]

Représentée par Me Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381





INTIMES



S.E.L.A.R.L. JSA, en la personne de Me [Z] [N]

en qualité de liquidateur judiciaire de la S...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14843 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGYS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2021 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2020L00717

APPELANTE

Madame [F] [V]

née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 10] (93)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381

INTIMES

S.E.L.A.R.L. JSA, en la personne de Me [Z] [N]

en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ERAGNYDIS

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC143

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 3]

[Localité 5]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame Anne-France SARZIER, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

Exposé des faits et de la procédure

La SARL ERAGNYDIS a été créée par M. [S] [V] et avait pour activité l'exploitation d'un supermarché situé à [Adresse 9].

Le capital social de la société ERAGNYDIS était de 5.000 euros et était divisé en 500 parts sociales entièrement détenues par le GROUPE [V].

Le gérant de la société était initialement M. [S] [V] qui a quitté ses fonctions de gérant le 1er octobre 2015. Mme [F] [V], sa soeur, a été nommée gérante à compter de cette date.

Sur assignation de la société SEDIFRAIS, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société ERAGNYDIS par un jugement du 20 septembre 2017.

La SELARL JSA prise en la personne de Me [Z] [N] a été nommé mandataire liquidateur.

La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 20 mars 2016.

Le passif s'élève à la somme de 485.851,02 euros et l'actif réalisé ou recouvré par le mandataire liquidateur s'est élevé à la somme de 64,63 euros. L'insuffisance d'actif s'établit donc à la somme de 485.786,39 euros.

Par acte en date du 3 avril 2020, la SELARL JSA, prise en la personne de Me [N] a assigné Mme [F] [V] et M. [S] [V] devant le tribunal de commerce de Créteil en responsabilité pour insuffisance d'actif à hauteur de 485.786,39 euros, soit l'intégralité de celle-ci, et afin que soit prononcé à leur encontre une mesure de faillite personnelle ou une interdiction de gérer dont la durée a été laissée à l'appréciation du tribunal.

Par un jugement du 5 mai 2021, le tribunal de commerce de Créteil:

- a dit que M. [S] [V] n'était pas gérant de fait de la société ERAGNYDIS, qu'il n'y avait lieu à sanctions à son encontre, et a débouté la SELARL JSA, ès-qualités, de ses demandes à son encontre,

- a condamné Mme [F] [V] à payer à la SELARL JSA, ès-qualités, de liquidateur judiciaire de la société ERAGNYDIS, la somme de 485.786,39 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société ERAGNYDIS avec les intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2020,

- a ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 3 avril 2020 pourvu que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

- a prononcé une mesure d'interdiction de gérer à l'égard de Mme [F] [V] pendant une durée de 3 ans,

- a condamné Mme [F] [V] à payer à la SELARL JSA la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- a débouté la SELARL JSA du surplus de sa demande

- a débouté Mme [V] et M. [S] [V] de leur demande formée de ce chef.

Par déclaration du 28 juillet 2021, Mme [F] [V] a interjeté appel de la décision.

****

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 octobre 2021, Mme [F] [V] demande à la cour de :

1) Réformer le jugement entrepris concernant l'ensemble des sanctions prononcées à l'encontre de Mme [V] ;

2) Dire n'y avoir lieu à prononcer d'une quelconque sanction à l'encontre de Mme [V];

3) Dire n'y avoir lieu à une quelconque sanction financière ni à une quelconque interdiction de gérer ;

4) Ordonner la main levée de l'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de Mme [V];

5) Débouté la SELARL JSA de toutes ses demandes à l'encontre de la concluante ;

6) La condamner au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

7) La condamner aux entiers dépens, dont attribution à Me GRE, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

****

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 janvier 2022, la SELARL JSA prise en la personne de Me [N] es-qualité de liquidateur judiciaire demande à la cour de:

1) Constater, dire et juger recevable et bien fondée la SELARL JSA es qualité de Liquidateur de la société ERAGNYDIS en ses demandes, fins et conclusions ;

2) Dire et juger que Mme [F] [V] est dirigeante de droit de la société ERAGNYDIS;

3) Constater que l'insuffisance d'actif de la société ERAGNYDIS s'élève à la somme de 485.786,39 euros ;

4) Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a reconnu Mme [F] [V] en sa qualité de dirigeante de droit, en ce qu'il a retenu les fautes de gestion, en ce qu'il a condamné Mme [F] [V] au paiement de l'intégralité de l'insuffisance d'actif et en ce qu'il a condamné Mme [F] [V] à une sanction extrapatrimoniale ;

En conséquence,

1) Débouter Mme [F] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

2) Condamner Mme [F] [V] à payer à la SELARL JSA, en sa qualité de liquidateur judicaire, la somme de 485.786,39 euros correspondant au montant de l'insuffisance d'actif de la société ERAGNYDIS, augmentée de l'intérêt au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance avec capitalisation des intérêts, en application des dispositions de l'article L.651-2 du Code de commerce ;

3) Prononcer une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer à l'encontre de Mme [F] [V] dont la durée est laissée à l'appréciation de la Cour de céans ;

4) Condamner Mme [F] [V] au paiement de la somme de 3.000 euros à la SELARL JSA ès qualité de Liquidateur de la société ERAGNYDIS au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

5) Condamner Mme [F] [V] aux entiers dépens.

****

Par avis notifié par voie électronique le 7 février 2022, le ministère public demande à la cour à titre principal de confirmer la décision du 5 mai 2021 rendue par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a condamné Mme [F] [V] au comblement de l'insuffisance d'actif à hauteur de 485.786,39 euros et à une interdiction de gérer pour une durée de 3 ans.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualité de dirigeant de droit de Mme [V]

Mme [F] [V] soutient qu'elle n'exerçait pas les fonctions de dirigeant de la société dans la mesure où la société a été acquise par Monsieur [E] qui en est devenu le dirigeant ainsi qu'en rapportent la preuve l'acte de cession et la publication de l'annonce légale concernant la nomination de Monsieur [E].

La SELARL JSA fait valoir que la qualité de dirigeant de Mme [V] est incontestable et que la publicité du 21/02/2018 qui a désigné M. [M] [E] en remplacement Mme [F] [V] en sa qualité de dirigeant est inopposable et inopérante comme ayant été effectuée en février 2018 soit plus de 5 mois après la liquidation judiciaire avec une date d'effet au 6 janvier 2016. Il ajoute que cette désignation n'est corroborée par aucune pièce.

Le ministère public souligne que la publication produite par Mme [V] concernant la cessation de fonction de dirigeant de la société est inopposable. En effet, le ministère public fait valoir de l'article 210-9 Al. 2 du Code de commerce qui dispose que « la société ne peut se prévaloir, à l'égard des tiers, des nominations et cessations de fonction des personnes visées ci-dessus, tant qu'elles n'ont pas été régulièrement publiées ». A ce titre, le ministère public précise que les formalités n'ont pas été accomplies et ainsi aucun élément sur le Kbis de la société ne fait mention du changement de dirigeant, en revanche le Kbis de la société comporte toujours le nom de Mme [V] en tant que gérante de la société. Par ailleurs, le ministère public constate que Mme [F] [V] et M. [S] [V] étaient les uniques titulaires de la signature bancaire au jour de la liquidation. De ce fait, le ministère public fait valoir que Mme [V] demeure gérante de droit jusqu'à la liquidation.

Sur ce

Au jour du prononcé de la liquidation judiciaire de la société ELAGNYDIS par jugement du 20.09.2017, Mme [F] [V] était désignée au registre du commerce et des sociétés comme la dirigeante de la société.

Madame [F] [V] produit une annonce légale publiée dans l'édition des Affiches Parisiennes du 21 au 23 février 2018 aux termes de laquelle il est indiqué: le 6/01/2016 l'Associé unique a nommé gérant Monsieur [C] [M] [E] demeurant [Adresse 6], en remplacement de Mme [F] [V] (sic) démissionnaire, et ce à compter du 6/012016.

Cependant cette annonce légale, qui repose sur un contrat de cession qui constitue la pièce 2 de l'appelante, contrat qui n'a donné lieu à aucune publication au RCS contrairement aux obligations légales, est totalement inopérante comme ayant été publiée postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire.

Il convient donc de constater qu'à la date de la liquidation judiciaire la seule gérante de droit de la société était Mme [F] [V].

Sur l'insuffisance d'actif

L'article L651-2 du Code de commerce dispose que « lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

L'absence de tenue d'une comptabilité régulière

Mme [V] expose qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans la mesure où elle n'est restée dirigeante que quelques mois avant la nomination de Monsieur [E] et elle expose qu'elle n'a pas eu connaissance de la procédure de liquidation et des convocations du liquidateur.

La SELARL JSA fait valoir que Mme [V] n'a remis aucun document comptable aux organes de la procédure de liquidation ouverte en septembre 2017 et qu'elle n'a déposé aucune pièce comptable pour les exercices 2015 et 2016.

Le ministère public souligne que Mme [V] n'a pas communiqué les documents comptables prévus à l'article L.123-12 et suivants du Code de commerce. Il souligne que Mme [V] a eu la possibilité de produire la comptabilité de la société dans le cadre de la présente procédure mais qu'elle ne l'a pas fait durant la procédure en première instance, ni en appel. Ainsi, le ministère public estime que Mme [V] a manqué à ses obligations comptables et fiscales en n'ayant pas tenu de comptabilité.

Sur ce

Madame [F] [V] qui était gérante du 1.10.2015 au 20.09.2017, n'a produit ni au cours des opérations de liquidation judiciaire, ni au cours de la procédure judiciaire la comptabilité de la société ERAGNYDIS ce qui démontre l'absence de tenue de ladite comptabilité.

Elle n'a même pas indiqué le nom et les coordonnées de l'expert comptable pour que les éléments comptables puissent être transmis éventuellement par ce professionnel, ou à tout le moins que les liasses fiscales déposées soient communiquées.

La faute d'absence de tenue d'une comptabilité est donc caractérisée.

Le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de l'actif ou avoir frauduleusement augmenté le passif de la personne morale

Mme [V] fait valoir qu'aucun détournement n'a eu lieu. En effet, elle soutient que la somme de 360.000 euros correspond à du matériel acheté par la société ERAGNYDIS à la société GROUPE [V] selon facture versée aux débats. A ce titre, elle sollicite la réformation du jugement de première instance.

La SELARL JSA fait valoir que Mme [V] n'a communiqué aucune pièce justifiant leversement d'un montant de 323.925 euros à la société GROUPE [V] en 2016. Ainsi, la SELARL JSA fait valoir que les agissements de Mme [V] caractérisent une faute de gestion.

Le ministère public observe qu'il résulte des pièces que la société ERAGNYDIS a versé la somme de 323.925 euros au groupe [V], somme qui est égale à environ deux tiers de l'insuffisance d'actif, et qu'en l'absence de comptabilité ces versements ne peuvent être justifiés, que Mme [F] [V] qui affirme qu'il s'agissait de remboursement de comptes courants et de paiement de frais antérieurs à la cessation des paiements ne communique aucune pièce permettant de prouver ses allégations, ce qui atteste du caractère anormal de ces versements.

Sur ce

Il est établi par les relevés de compte produits aux débats et la réponse de la banque aux interrogations du liquidateur sur l'identité des bénéficiaires, que les virements de 50.000 euros en date du 13.08.2015 et de 273.925 euros en date du 14.09.2016 ont été effectués au profit de la société Groupe [V].

Seul le versement de 273.925 euros peut être reprochée à l'appelante comme effectuée pendant la gérance de Mme [V] qui a débuté le 1.10.2015.

La facture produite par Mme [V] d'un montant de 360.000 euros en date du 12.01.2015 pour justifier des virements opérées comme étant le règlement de cette facture d'achat de matériel, ne peut faire l'objet d'aucune vérification en l'absence de toute comptabilité produite par Mme [V] qui permettrait d'établir la réalité de l'acquisition du "kit complet, froid et rayonnage du supermarché".

Mme [V] ne produit aucun élément comptable de la société GROUPE [V] concernant l'année 2015 permettant de rapporter, par un autre moyen, la preuve de la réalité de cette vente.

Il convient d'ailleurs de souligner que les explications données en première instance sur la cause de ces virements par les consorts [V] étaient des remboursements de compte courant d'associé et des paiements de frais de gestion et qu'en cause d'appel le versement des sommes a été expliqué par le paiement de la facture d'achat des installations du supermarché.

En conséquence les explications de Mme [V] et la pièce à son soutien qui a été établie à l'évidence pour les besoins de la cause seront écartées et il y aura lieu de retenir à l'encontre de Mme [V] une faute liée au détournement d'un actif de la société.

Sur l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements

L'article L.640-4 du Code de commerce dispose que « L'ouverture de cette procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. ».

Mme [V] fait valoir qu'elle n'était pas gérante de la société à cette période et qu'ainsi, aucune faute ne peut lui être imputable.

La SELARL JSA fait valoir que Mme [V] ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements. Par ailleurs, la SELARL JSA fait valoir que la dirigeante a délibérément poursuivi une exploitation déficitaire.

Le ministère public souligne que le tribunal de commerce de Créteil a fixé la date de cessation des paiements au 20 mars 2016, et que Mme [V] avait jusqu'au 4 mai 2016 pour demander l'ouverture d'une procédure collective. A ce titre, le ministère public souligne que Mme [V] a retardé le dépôt de bilan interdisant toute perspective de redressement à la société et ainsi, le retard dans la déclaration des cessations de paiements a substantiellement augmenté l'insuffisance d'actif.

Sur ce

Madame [V] a été dirigeante du 1.10.2015 au 20.09.2017, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire.

La date de cessation des paiements a été fixée au 20.03.2016 à une période où Mme [V] était dirigeante de la société.

Madame [V] dans le cadre de la gestion du supermarché ne pouvait qu'être parfaitement informée et donc consciente de l'absence de paiement des principaux fournisseurs et en premier lieu de la société SEDIFRAIS qui a déclaré une créance de 20437 euros correspondant à des soldes débiteurs et de FRANPRIX qui a déclaré une créance de 159.722 euros, mais également de l'absence de paiement de l'URSSAF qui a inscrit des privilègues entre le 17.12.2015 et le 20.01.2017 pour un montant total de 105.257 euros.

C'est donc sciemment qu'elle n'a pas dès l'apparition de la situation de cessation des paiements, déclaré l'état de cessation des paiements auprès du tribunal de commerce.

La faute est donc caractérisée au regard de l'ancienneté et de la connaissance des créances impayées et il convient donc d'infirmer le jugement qui a écarté cette faute.

Sur le montant de la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif

Le montant de l'insuffisance d'actif n'est pas critiqué par Mme [V].

Les trois fautes retenues à son encontre ont participé à cette insuffisance d'actif:

-l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements a permis à la société de poursuivre une activité déficitaire qui a augmenté le passif

-le détournement d'actif a privé la société d'une somme de 273.925 euros

-l'absence de comptabilité a privé le dirigeant d'un outil de pilotage de la société qui lui aurait permis de prendre conscience des difficultés de celle ci et d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposaient.

Au regard de la gravité de ces trois fautes qui sont s'agissant des deux premières à l'origine de l'intégralité de l'insuffisance d'actif il convient de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné Mme [V] à payer la somme de 485.786,39 euros au titre de l'insuffisance d'actif avec intérêts.

Sur la sanction personnelle

Sur l'absence de comptabilité

L'article L.653-5 6° du Code de commerce dispose que « le tribunal peut prononcer la faillite personnelle à l'encontre de toutes personne mentionnée à l'article L.653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : (')

Avoir fait disparaître des documents comptables, n'avoir pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l'obligation, uu avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables. ».

Ainsi qu'il a été rappelé ci dessus Mme [F] [V] n'a produit aucun élément comptable au cours de la procédure ce qui présume l'absence de toute comptabilité.

Le grief est donc caractérisé.

Sur le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de l'actif ou avoir frauduleusement augmenté le passif de la personne morale

L'article L.653-4 du Code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle à l'encontre de tout dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale ayant détourné ou dissimulé, tout ou partie de son actif, ou frauduleusement augmenté le passif.

Ainsi qu'il a été retenu supra, il a été retenu à l'encontre de Mme [V] le détournement de la somme de 273.925 euros versé sans justification aucune à la société GROUPE [V].

Le grief est donc caractérisé.

Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements

L'article L.653-8 Al. 3 du Code de commerce dispose que « le tribunal (') peut également prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. ».

Ainsi qu'il a été rappelé ci dessus Madame [V] alors qu'elle était informée de l'absence de règlement des cotisations dues à l'URSSAF au regard des inscriptions de privilèges effectuées par l'organisme social tout au long de l'année 2016, et de l'absence de règlement des factures des principaux fournisseurs qu'étaient les sociétés FRANPRIX et SODIFRAIS n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements, la procédure ayant été engagée par le créancier SODIFRAIS;

En conséquence le grief est caractérisé.

Sur la sanction

Il y a lieu de confirmer la sanction prononcée par le tribunal de commerce s'agissant d'une interdiction de gérer d'une durée de 3 ans qui est proportionnée aux griefs retenus.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Mme [V] sollicite la condamnation de la SELARL JSA à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SELARL JSA sollicite la condamnation de Mme [V] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce

Madame [F] [V] qui succombe en toutes ses prétentions est déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce même fondement, à payer à la SELARL JSA es qualités la somme de 3000 euros.

Les dépens sont mis à la charge de Mme [V].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du 5 mai 2021 du tribunal de commerce de CRETEIL concernant Mme [F] [V] sauf en ce qu'il a écarté la faute et le grief d'absence de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours,

Et statuant à nouveau

Dit que Mme [F] [V] a commis la faute de gestion de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans les 45 jours de la survenance de l'état de cessation des paiements

Dit que le grief d'absence de déclaration de la cesssation des paiements est caractérisé à l'encontre de Madame [V]

Et y ajoutant

Déboute Mme [V] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [F] [V] à payer à la SELARL JSA es qualités de mandataire judiciaire nommée liquidateur de la SARL ERAGNYDIS la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamne Mme [F] [V] aux dépens de l'instance d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/14843
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.14843 ?
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