Répertorié : Nelson (City) c. Mowatt
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté et Brown
Motifs de jugement (par. 1 à 44): Le juge Brown (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Côté)
Procureur général de la Colombie-Britannique, Intervenant
No du greffe : 36999.
2016 : 7 octobre; 2017 : 17 février.
en appel de la cour d’appel de la Colombie‑britannique
Arrêt : L’appel est accueilli.
La possession adversative découle d’une règle de common law bien établie selon laquelle l’intrus qui a la possession d’un bien‑fonds sans que celle‑ci soit contestée pendant une période prescrite peut supplanter le possesseur précédent, habituellement le détenteur du titre enregistré. Pour satisfaire au test applicable afin d’établir la possession adversative, la possession doit être publique et notoire, adversative, exclusive, paisible, réelle et continue. Le possesseur adversatif qui a finalement gain de cause n’est pas toujours celui dont la conduite a commencé à faire courir le délai de prescription. La doctrine de l’usage incompatible, c’est‑à‑dire celle suivant lequel l’usage du lot en litige par le ou les possesseurs devrait avoir été incompatible avec la jouissance actuelle ou future du bien‑fonds par le véritable propriétaire, n’est pas compatible avec la législation de la province de la Colombie‑Britannique et, par conséquent, l’exigence de l’usage incompatible ne fait pas partie du droit de cette juridiction régissant la possession adversative.
Il incombait aux Mowatt de faire la preuve de la possession continue selon la prépondérance des probabilités, et non à la ville de démontrer qu’il y avait eu abandon. L’absence de conclusion explicite par le juge en cabinet d’un abandon n’a donc aucune importance sur le plan juridique. Il découle du constat que la possession continue du lot en litige n’a pas été établie pour la période postérieure à janvier 1916, qu’il a été abandonné. L’occupation n’a pas à être continue pour qu’il y ait possession. En effet, en common law, une personne peut avoir une possession suffisante pour fonder un titre tout en utilisant la propriété en question de façon intermittente ou sporadique. C’est‑à‑dire qu’il est possible d’avoir la possession d’une propriété sans l’occuper en tout temps. Même si le juge en cabinet a fait occasionnellement référence à la possession et à l’occupation, semble‑t‑il de manière interchangeable, il savait manifestement que c’était de possession continue qu’il devait se préoccuper et non pas d’occupation. Il y a eu chevauchement des deux concepts en ce qui a trait aux faits mis en preuve en l’espèce et la mention occasionnelle de l’occupation par le juge en cabinet n’a pas donné lieu à une erreur de sa part dans le contexte de l’application du test relatif à la possession adversative.
S’il est vrai que la conclusion de fait de la Cour d’appel selon laquelle la possession adversative du lot en litige a été continue de décembre 1909 jusqu’à au moins février 1923 n’est pas déraisonnable, la possibilité que les conclusions à tirer de la preuve puissent varier en fonction du poids attribué à l’un ou l’autre des éléments qui la constituent ne justifie pas d’infirmer les conclusions du juge des faits. Il n’appartient pas aux cours d’appel de remettre en question le poids attribué aux différents éléments de preuve. En l’absence d’une erreur manifeste et dominante, c’est‑à‑dire une erreur qui est évidente et qui a eu une incidence sur le résultat, la cour d’appel ne peut modifier les conclusions de fait du juge des faits. La Cour d’appel a donc commis une erreur en modifiant une conclusion factuelle essentiellement sur la base d’une divergence d’opinions quant au poids à attribuer aux différents éléments de preuve. Dans le contexte de réclamations fondées sur la possession adversative historique d’un bien‑fonds, la qualité de la preuve présentée doit simplement être aussi satisfaisante que ce à quoi il est raisonnable de s’attendre compte tenu de l’ensemble des circonstances. En l’espèce, lorsqu’il a examiné la preuve portée à son attention, le juge en cabinet était bien conscient de la nature historique de la revendication et de ses incidences sur la qualité et sur la disponibilité des éléments de preuve. Ayant tenu deux audiences et ayant analysé avec soin la preuve dans ses deux décisions convaincantes et détaillées, le juge en cabinet a tiré des conclusions que la preuve lui permettait de tirer. Ces conclusions n’auraient donc pas dû être modifiées. Compte tenu de la conclusion du juge en cabinet selon laquelle aucun droit n’a été acquis par possession adversative quant au lot en litige, il n’est pas nécessaire de trancher la question de savoir si l’absence d’enregistrement fait obstacle à la revendication des Mowatt.
Jurisprudence
Arrêts examinés : Dominion Atlantic Railway Co. c. Halifax and South Western Railway Co., [1947] R.C.S. 107; Ocean Harvesters Ltd. c. Quinlan Brothers Ltd., [1975] 1 R.C.S. 684; arrêts mentionnés : The Queen c. Lincoln Mining Syndicate Ltd., [1959] R.C.S. 736; Leigh c. Jack (1879), 5 Ex. Div. 264; Keefer c. Arillotta (1976), 13 O.R. (2d) 680; Fletcher c. Storoschuk (1981), 35 O.R. (2d) 722; John Austin & Sons Ltd. c. Smith (1982), 35 O.R. (2d) 272; Masidon Investments Ltd. c. Ham (1984), 45 O.R. (2d) 563; Gorman c. Gorman (1998), 110 O.A.C. 87; Brisebois c. Chamberland (1990), 75 O.R. (2d) 332; Hodkin c. Bigley (1998), 20 R.P.R. (3d) 9; Elliott c. Woodstock Agricultural Society, 2008 ONCA 648, 92 O.R. (3d) 711; Spicer c. Bowater Mersey Paper Co., 2004 NSCA 39, 222 N.S.R. (2d) 103; MacKinnon, Re, 2003 PESCAD 17, 226 Nfld. & P.E.I.R. 293; Lutz c. Kawa, 1980 ABCA 112, 23 A.R. 9; Maher c. Bussey, 2006 NLCA 28, 256 Nfld. & P.E.I.R. 308; J. A. Pye (Oxford) Ltd. c. Graham, [2002] UKHL 30, [2003] 1 A.C. 419; Lord Advocate c. Lord Lovat (1880), 5 App. Cas. 273; Sherren c. Pearson (1887), 14 R.C.S. 581; Handley c. Archibald (1899), 30 R.C.S. 130; Wood c. LeBlanc (1904), 34 R.C.S. 627; Hamilton c. The King (1917), 54 R.C.S. 331; R. c. Marshall, 2005 CSC 43, [2005] 2 R.C.S. 220; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401; F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41; Delgamuukw c. Colombie‑Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010; Canada (Procureur général) c. Hôtels Fairmont Inc., 2016 CSC 56, [2016] 2 R.C.S. 720; Tweedie c. The King (1915), 52 R.C.S. 197; Attorney‑General for British Columbia c. Canadian Pacific Railway, [1906] A.C. 204.
Lois et règlements cités
Escheats Act, R.S.B.C. 1924, c. 81, art. 3A [mod. 1924, c. 18, art. 2].
Escheats Act Amendment Act, 1924, S.B.C. 1924, c. 18, art. 2
Land Act, R.S.B.C. 1996, c. 245, art. 8.
Land Act, S.B.C. 1970, c. 17, art. 6.
Land Title Act, R.S.B.C. 1996, c. 250, art. 20.
Land Title Inquiry Act, R.S.B.C. 1996, c. 251, art. 8(c), 11.
Law and Equity Act, R.S.B.C. 1996, c. 253, art. 2.
Limitation Act, R.S.B.C. 1996, c. 266, art. 14(5).
Limitation Act, 1623 (Angl.), 21 Jas. 1, c. 16.
Limitation of Actions (Realty) Act, R.S.N. 1952, c. 145.
Limitations Act, S.B.C. 1975, c. 37.
Real Property Limitation Act, 1833 (R.-U.), 3 & 4 Will. 4, c. 27.
Statute of Limitations, R.S.B.C. 1897, c. 123.
Statute of Limitations, R.S.B.C. 1924, c. 145, art. 16, 17.
Statute of Limitations, R.S.B.C. 1960, c. 370, art. 48.
Doctrine et autres documents cités
Anger & Honsberger Law of Real Property, 3rd ed., by Anne Warner La Forest, ed., Toronto, Canada Law Book, 2016 (loose‑leaf updated September 2016, release 16).
Lubetsky, Michael H. « Adding Epicycles : The Inconsistent Use Test in Adverse Possession Law » (2009), 47 Osgoode Hall L.J. 497.
Ziff, Bruce. Principles of Property Law, 6th ed., Toronto, Carswell, 2014.
POURVOI contre deux arrêts de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Saunders, Chiasson et Harris), 2016 BCCA 113, 83 B.C.L.R. (5th) 396, 384 B.C.A.C. 101, 663 W.A.C. 101, 395 D.L.R. (4th) 432, 46 M.P.L.R. (5th) 27, 63 R.P.R. (5th) 8, [2016] 8 W.W.R. 63, [2016] B.C.J. No. 474 (QL), 2016 CarswellBC 611 (WL Can.), qui ont infirmé deux décisions du juge Kelleher, 2014 BCSC 988, 25 M.P.L.R. (5th) 79, 46 R.P.R. (5th) 217, [2014] B.C.J. No. 1104 (QL), 2014 CarswellBC 1580 (WL Can.), et 2014 BCSC 2219, [2014] B.C.J. No. 2907 (QL), 2014 CarswellBC 3538 (WL Can.). Pourvoi accueilli.
Ryan D. W. Dalziel, A. Scott McW. Boucher et Daniel R. Bennett, c.r., pour l’appelante.
K. Michael Stephens, Stephanie McHugh et Ryan J. M. Androsoff, pour les intimés.
Barbara Carmichael et Cory R. Bargen, pour l’intervenant.
Version française du jugement de la Cour rendu par
Le juge Brown —
I. Introduction
[1] Le présent pourvoi porte sur les règles de droit régissant la possession adversative en Colombie‑Britannique. Les intimés, Mary Mowatt et Earl Mowatt, revendiquent la propriété d’une parcelle de terrain située au 1114, avenue Beatty, à Nelson en Colombie‑Britannique (« lot en litige »). Bien qu’ils aient pris possession de ce lot en 1992, les intimés fondent leur revendication sur ce qu’ils appellent la possession adversative continue du bien‑fonds en question par trois familles, de façon successive, depuis le début du XXe siècle. Afin de faire valoir cette revendication, les Mowatt ont intenté deux recours : une action en vue d’obtenir un jugement déclarant que la Couronne provinciale — qui détient le titre enregistré — n’est pas propriétaire du lot en litige et que, par conséquent, elle ne pouvait le transférer à l’appelante, la ville de Nelson (« ville »), et une requête sollicitant, en vertu de la Land Title Inquiry Act, R.S.B.C. 1996, c. 251, une enquête judiciaire au sujet de leur titre sur le lot en litige.
[2] Le juge en cabinet a accueilli la requête en procès sommaire de la ville de Nelson en vue de faire rejeter les deux recours, relevant ce qu’il a appelé une [traduction] « lacune de la preuve » — c’est‑à‑dire une interruption dans la continuité de la possession adversative depuis environ 1916 jusqu’en 1920. La Cour d’appel a infirmé cette décision, estimant que le juge en cabinet avait mal apprécié la preuve relative à l’occupation continue et concluant que la possession adversative continue du lot en litige avait été établie à tout le moins pour la période allant de décembre 1909 à février 1923. En réponse aux observations de la ville, la Cour d’appel a également conclu que l’absence d’un enregistrement n’empêchait pas le transfert aux Mowatt des droits que leur prédécesseur détenait quant au lot, et que les règles de droit de la Colombie‑Britannique n’exigeaient pas qu’ils établissent l’incompatibilité de leur usage du lot en litige avec celui que comptait en faire son « véritable propriétaire ».
[3] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi. La Cour d’appel a eu raison de conclure que l’exigence de l’usage incompatible ne fait pas partie des règles de droit de la Colombie‑Britannique régissant la preuve de la possession adversative. Soit dit en tout respect, la Cour d’appel a toutefois commis une erreur en substituant ses propres conclusions de fait à celles auxquelles était parvenu à bon droit le juge en cabinet. À la lumière de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que je me penche sur les observations relatives à l’importance, le cas échéant, du fait que le transfert allégué du lot en litige n’a pas été enregistré conformément au système britanno‑colombien d’enregistrement des titres fonciers.
II. Aperçu des faits et décisions des juridictions d’instances inférieures
A. Contexte
[4] Les Mowatt sont les propriétaires inscrits de la propriété située au 1112 de l’avenue Beatty (« lot enregistré »), qui se trouve juste à l’ouest du lot en litige. Aucune limite visible ne sépare les lots. De fait, à l’origine, les deux lots faisaient partie d’un seul lot plus grand sur lequel la Nelson City Land and Improvement Company (« société foncière ») avaient enregistré un titre en fief absolu en 1891. Selon cet enregistrement, le lot était situé dans la municipalité de Fairview, qui a été fusionnée à la ville de Nelson en avril 1921.
[5] En 1920, la société foncière a transféré une parcelle de terrain, y compris le lot qui correspond aujourd’hui au lot enregistré, à John Annable, qui a enregistré sur celui‑ci un titre inattaquable. L’acte d’enregistrement comportait en annexe le plan de renvoi no 89281, selon lequel le lot en litige devait devenir une emprise de voirie. Puisque les exigences législatives applicables n’avaient pas été respectées, cette affectation était toutefois invalide — ce qu’ignoraient tant M. Annable que la société foncière —, de sorte que cette dernière est demeurée le détenteur inscrit d’un titre en fief absolu sur le lot en litige.
[6] En 1922, M. Annable a transféré une partie de son lot à Herbert Thorpe. C’est ce transfert qui est à l’origine du lot enregistré.
[7] En 1929, croyant toujours qu’elle avait valablement réservé le lot en litige à titre d’emprise de voirie, la société foncière a avisé le directeur du registre des sociétés de la Colombie‑Britannique qu’elle avait [traduction] « vendu ses éléments d’actif voilà plusieurs années à [M. Annable] ». La société foncière a été dissoute en 1930 et le lot en litige a échu par déshérence à la Couronne en 1930 ou en 1931[1].
[8] La revendication du titre des Mowatt sur le lot en litige repose essentiellement sur ce qu’ils disent avoir été la possession adversative continue du lot par trois familles successivement : les Cooper, les Goucher et les Thorpe. Il est indéniable que chacune de ces familles a demeuré sur le lot en litige, mais la durée de leur présence est contestée dans le cas des Cooper et des Goucher. Certaines conclusions du juge en cabinet permettent toutefois d’établir une chronologie générale des événements :
(1) Depuis aussi tôt que 1909 jusqu’en janvier 1916 (lorsqu’il a déménagé en Australie), George W. Cooper (« George W. ») a vécu avec sa famille dans une résidence située sur le lot en litige.
(2) Après le départ de George W. pour l’Australie, son fils George R. Cooper (« George R. ») est resté dans la région de Kootenay, en Colombie‑Britannique, avec son épouse Carrie et leurs enfants. George R. a travaillé à la fonderie de Trail, en Colombie‑Britannique, de février 1917 jusqu’à son décès en février 1918.
(3) Après le départ des Cooper et avant l’arrivée des Thorpe, en 1922, Frank et Mary Goucher ont vécu quelque temps dans la résidence située sur le lot en litige. Selon la preuve présentée devant le juge en cabinet (soit la liste électorale de Fairview), ils auraient habité à Fairview en novembre 1920, tandis qu’une attestation de la fréquentation d’une école de Fairview par leur fils ainsi que le fait que leur nom ne figure par sur la liste électorale de Nelson donnent à penser qu’ils se trouvaient à Fairview en 1919.
(4) En 1922, Herbert Thorpe s’est porté acquéreur du lot enregistré. Pendant la construction de la maison en pierre qui s’y trouve aujourd’hui, il a loué de M. Goucher la résidence située sur le lot en litige et y est resté jusqu’à ce qu’elle soit rasée par les flammes en 1923.
(5) En 1959, M. Thorpe a transféré le lot enregistré à ses enfants. Par la suite, sa fille, Gwen Marquis, l’a transféré aux Mowatt en 1992.
B. Décisions des juridictions d’instances inférieures
(1) Cour suprême de la Colombie‑Britannique — 2014 BCSC 988, 25 M.P.L.R. (5th) 79 et 2014 BCSC 2219
[9] L’acquisition de titres fonciers par possession adversative a été abolie en Colombie‑Britannique le 1er juillet 1975, lors de l’entrée en vigueur de la Limitations Act, S.B.C. 1975, c. 37. Les titres fonciers acquis par possession adversative avant cette date ont cependant été préservés et peuvent encore être revendiqués, à moins que le détenteur du titre enregistré puisse intenter un recours visant à faire valoir ses droits avant l’expiration du délai de prescription applicable : Limitation Act, R.S.B.C. 1996, c. 266, par. 14(5).
[10] Deux délais de prescription applicables ont été relevés en première instance[2]. Le délai de prescription qui pouvait s’appliquer, de l’avis de toutes les parties, est celui que prévoit l’art. 16 de la Statute of Limitations, R.S.B.C. 1924, c. 145, suivant lequel l’action en recouvrement d’un bien‑fonds se prescrivait par 20 ans. Cette disposition permettrait aux Mowatt d’avoir gain de cause en démontrant la possession adversative continue du lot en litige pendant une période de 20 ans avant qu’il ne tombe en déshérence en 1930 ou en 1931.
[11] Les Mowatt ont aussi invoqué l’art. 48 de la Statute of Limitations, R.S.B.C. 1960, c. 370, qui empêchait le ministère public d’intenter toute action en recouvrement d’un bien‑fonds après l’expiration d’une période de 60 ans. Puisque les règles permettant l’acquisition d’un titre par possession adversative ont été abolies le 1er juillet 1975, cette disposition relative à ce type de possession, si elle s’appliquait, permettrait aux Mowatt d’obtenir gain de cause en établissant la possession adversative continue du lot en litige pendant une période de 60 ans précédant cette date. La ville et le ministère public ont cependant fait valoir que la possession adversative ne peut plus être opposée à l’État depuis le 1er mai 1970 par l’effet de l’art. 6 de la Land Act, S.B.C. 1970, c. 17 (maintenant l’art. 8 de la Land Act, R.S.B.C. 1996, c. 245), qui empêchait l’acquisition d’un droit sur un bien‑fonds de l’État [traduction] « par prescription, ou par occupation non légalement autorisée ou par quelque apparence de droit ». Si elle s’appliquait, cette disposition obligerait les Mowatt à établir la possession adversative pendant une période de 60 ans précédant le 1er mai 1970.
[12] En fin de compte, le juge en cabinet n’a pas eu à décider si la possession adversative ne pouvait plus être opposée à la Couronne depuis 1970 ou 1975. En effet, dans deux décisions distinctes, il a conclu que les Mowatt n’avaient pas établi la possession adversative continue du lot en litige durant 20 ans avant 1930 ou 1931, ou durant 60 ans avant 1970 ou 1975. Dans sa première décision, il a expliqué que les Mowatt n’avaient pu combler ce qu’il a appelé une [traduction] « lacune de la preuve » concernant la continuité de la possession entre le moment visé par la dernière preuve que George W. vivait sur le lot en 1916 et l’arrivée des Goucher à Fairview en 1920 : 2014 BCSC 988 (« première décision »), par. 107. Il n’était pas convaincu non plus que les Goucher avaient même habité sur le lot en litige. La seconde décision (2014 BCSC 2219 (« seconde décision »)) a découlé de la conclusion tirée dans la première, par laquelle le juge en cabinet avait accordé aux Mowatt — conformément à l’art. 11 de la Land Title Inquiry Act[3] — un délai de 30 jours pour lui soumettre des éléments de preuve supplémentaires. Les Mowatt ont effectivement présenté au juge en cabinet des éléments de preuve supplémentaires au sujet de la relation des Cooper et des Goucher avec le lot en litige, preuve qui comblait, selon eux, toute « lacune » concernant la continuité de la possession adversative entre 1916 et 1920. Bien que cette preuve l’ait convaincu que les Goucher avaient effectivement résidé sur le lot en litige, le juge en cabinet était encore d’avis que la continuité de la possession n’avait pas été établie pour la période allant de 1916 à 1920, et il a rejeté tant l’action que la requête des Mowatt.
(2) Cour d’appel de la Colombie‑Britannique — 2016 BCCA 113, 83 B.C.L.R. (5th) 396
[13] Les Mowatt ont interjeté appel de la décision du juge en cabinet. Ils lui ont reproché d’avoir commis une erreur de droit en confondant la possession continue avec l’occupation continue, ainsi qu’une erreur de fait en concluant à un hiatus dans la possession entre 1916 et 1920, et ce, en l’absence d’éléments de preuve établissant la reprise de possession du lot en litige par la société foncière ou son abandon par les Cooper. Tout en contestant ces moyens, la ville en a fait valoir deux autres qu’elle a repris devant la Cour pour faire confirmer les décisions du juge en cabinet. Selon elle, d’une part, les Mowatt n’ont pas pu acquérir de droit relativement au lot en litige et n’avaient donc pas qualité pour faire valoir leur revendication. D’autre part, la revendication de possession adversative devait être rejetée, parce qu’elle ne satisfaisait pas à l’exigence de l’usage incompatible, c’est‑à‑dire que les Mowatt n’avaient pas établi l’utilisation incompatible du lot en litige par ses possesseurs adversatifs successifs avec la jouissance du bien‑fonds par la société foncière ou par la Couronne.
[14] La Cour d’appel a d’abord examiné la question de savoir si Mme Marquis a transféré son droit de possession aux Mowatt. Cela a été présenté comme une question portant sur la qualité pour agir parce que la ville ne l’avait pas soulevée devant le juge en cabinet. Selon la Cour d’appel, la preuve était suffisante pour démontrer que les Mowatt avaient acquis un droit de possession de Mme Marquis sur le lot en litige et aucune formalité ne devait être respectée pour qu’un tel transfert s’opère. La Cour d’appel a aussi précisé que le transfert d’un droit sur un « titre possessoire » n’était pas assujetti aux dispositions du par. 20(1) de la Land Title Act, R.S.B.C. 1996, c. 250 (qui concerne l’enregistrement d’actes relatifs à des opérations visant des biens‑fonds). Elle a conclu que l’art. 20 s’applique uniquement aux biens‑fonds détenus en fief simple inattaquable, et non aux biens‑fonds semblables au lot en litige, qui sont détenus en fief absolu. En se fondant sur des décisions anglaises et canadiennes, la Cour d’appel a également conclu que l’exigence de l’usage incompatible ne fait pas partie des règles de droit de la Colombie‑Britannique régissant la possession adversative.
[15] Enfin, la Cour d’appel a conclu que le juge en cabinet avait commis plusieurs erreurs en tranchant la revendication des Mowatt. Plus précisément, il s’était mépris en exigeant apparemment l’occupation continue, alors que l’occupation sporadique pouvait suffire pour fonder la possession. De plus, en concluant à l’existence d’une « lacune de la preuve », le juge en cabinet [traduction] « a[vait] dénaturé l’application de la norme de preuve applicable » en « omettant d’examiner à fond les inférences raisonnables qu’il pouvait tirer de la preuve portée à son attention » en ce qui concerne la période allant de 1916 à 1920 : par. 87. En outre, selon la Cour d’appel, eu égard à la nature historique de la revendication des Mowatt, le juge en cabinet aurait dû procéder à « une vaste appréciation elliptique des éléments de preuve disponibles qui s’accordaient tant avec les processus de déduction établis utilisés dans les études historiques et scientifiques qu’avec l’ouverture d’esprit qui ressort de la jurisprudence relative aux revendications portant sur des événements lointains » : par. 89.
[16] En conséquence, la Cour d’appel a accueilli l’appel, annulé les ordonnances du juge en cabinet, déclaré que la possession du lot en litige avait débuté au plus tard en décembre 1909 et s’était poursuivie au moins jusqu’en février 1923 (lorsque la résidence située sur le lot en litige avait été rasée par les flammes), et renvoyé l’instance des Mowatt introduite sous le régime de la Land Title Inquiry Act devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique pour qu’une décision définitive soit rendue dans le dossier.
III. Analyse
A. Usage incompatible
[17] La possession adversative découle d’une règle de common law bien établie selon laquelle l’intrus qui a la possession d’un bien‑fonds sans que celle‑ci soit contestée pendant une période prescrite peut supplanter le possesseur précédent, habituellement le détenteur du titre enregistré et parfois appelé, de ce fait, le « véritable propriétaire ». Dès l’adoption de la The Limitation Act, 1623 (Angl.), 21 Jas. 1, c. 16, le droit du possesseur précédent de reprendre possession du bien‑fonds a été restreint par des délais de prescription. Cette règle qui permet à l’occupant subséquent d’obtenir la propriété d’un bien‑fonds après l’expiration d’un certain délai a été codifiée en droit anglais par la Real Property Limitation Act, 1833 (R.-U.), 3 & 4 Will. 4, c. 27, qui a été reçue dans le droit de la Colombie‑Britannique le 19 novembre 1858 par l’effet de ce qui est aujourd’hui l’art. 2 de la Law and Equity Act, R.S.B.C. 1996, c. 253. Depuis ce temps, les lois successives de la Colombie‑Britannique sur la prescription — y compris les dispositions que j’ai déjà passées en revue et qui s’appliquent à la revendication des Mowatt — ont, dans les faits, reproduit la codification de 1833 des règles anglaises régissant la possession adversative. Suivant ces textes législatifs, le délai de prescription a commencé à courir au moment où le droit du véritable propriétaire de recouvrer la possession du bien‑fonds est né : soit la date de dépossession ou de l’interruption de possession (voir à titre d’exemple l’art. 17 de la Statute of Limitations (1924)), telles qu’elles sont définies par le test relatif à la possession adversative.
[18] En ce qui a trait à ce test, à la p. 146 de son ouvrage Principles of Property Law (6e éd. 2014), le professeur Ziff explique les éléments de la possession adversative qui doivent être réunis pour que le délai de prescription commence à courir contre le « véritable propriétaire ». En résumé, la possession doit être [traduction] « publique et notoire, adversative, exclusive, paisible (non exercée par la force), réelle (de façon générale) et continue » : ibid. (note en bas de page omise). Fait important en l’espèce, le possesseur adversatif qui a finalement gain de cause n’est pas toujours celui dont la conduite a commencé à faire courir le délai de prescription : des possesseurs adversatifs successifs peuvent [traduction] « se greffer » à la possession adversative initiale, pourvu que la possession soit continue au sens où il y a toujours une personne que le véritable propriétaire peut poursuivre : Anger & Honsberger Law of Real Property (3e éd. (feuilles mobiles)), par A. W. La Forest, dir., §28:50.
[19] La ville ajouterait à ces éléments de la possession adversative un facteur supplémentaire suivant lequel l’usage du lot en litige par le ou les possesseurs devrait avoir été incompatible avec la jouissance actuelle ou future du bien‑fonds par le « véritable propriétaire ». Autrement dit, pour être véritablement adversative, la possession devrait être caractérisée par un usage de la propriété qui est incompatible avec celui que le véritable propriétaire comptait en faire. Cette exigence de l’« usage incompatible » a été formulée par le lord Bramwell dans l’arrêt Leigh c. Jack (1879), 5 Ex. Div. 264 (C.A.), p. 273 :
[traduction] Je ne crois pas que la conduite du défendeur a eu pour effet de déposséder la demanderesse du terrain : les gestes de l’utilisateur ne suffisent pas pour retirer le terrain des mains de la demanderesse et de ses prédécesseurs et l’attribuer à la partie défenderesse; pour qu’un titre soit écarté par la dépossession de l’ancien propriétaire, des gestes incompatibles avec l’usage que comptait faire ce dernier du terrain doivent avoir été posés. Ce n’est pas le cas en l’espèce, car la demanderesse et ses prédécesseurs n’avaient pas l’intention de cultiver la terre ou de construire une propriété sur elle, mais bien de l’affecter plus tard à un usage public. La demanderesse n’a pas été dépossédée, elle n’a pas cessé d’avoir la possession du bien‑fonds, son titre ne lui a pas été retiré et elle a droit à un jugement de la Cour en sa faveur. [Je souligne.]
[20] L’exigence de l’usage incompatible est reconnue dans la jurisprudence de l’Ontario (voir Keefer c. Arillotta (1976), 13 O.R. (2d) 680 (C.A.); Fletcher c. Storoschuk (1981), 35 O.R. (2d) 722 (C.A.); John Austin & Sons Ltd. c. Smith (1982), 35 O.R. (2d) 272 (C.A.); Masidon Investments Ltd. c. Ham (1984), 45 O.R. (2d) 563 (C.A.); Gorman c. Gorman (1998), 110 O.A.C. 87; Brisebois c. Chamberland (1990), 75 O.R. (2d) 332 (C.A.); Hodkin c. Bigley (1998), 20 R.P.R. (3d) 9 (C.A. Ont.); Elliott c. Woodstock Agricultural Society, 2008 ONCA 648, 92 O.R. (3d) 711); elle a également été appliquée dans les décisions des cours d’appel de la Nouvelle‑Écosse (Spicer c. Bowater Mersey Paper Co., 2004 NSCA 39, 222 N.S.R. (2d) 103) et de l’Île‑du‑Prince‑Édouard (MacKinnon, Re, 2003 PESCAD 17, 226 Nfld. & P.E.I.R. 293). Cependant, son application a été rejetée en Alberta (Lutz c. Kawa, 1980 ABCA 112, 23 A.R. 9) et a été restreinte à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, où elle est considérée comme un facteur pertinent, mais non nécessaire, à prendre en compte pour déterminer si la possession adversative a été établie : Maher c. Bussey, 2006 NLCA 28, 256 Nfld. & P.E.I.R. 308, par. 50‑52. Devant nous, la ville a soutenu qu’il y avait lieu d’examiner la compatibilité (ou l’incompatibilité) entre l’intention du présumé possesseur adversatif et celle du véritable propriétaire quant à l’usage du bien‑fonds. Je souligne que certains auteurs sont d’avis contraire et affirment que l’exigence de l’usage incompatible n’est ni nécessaire ni souhaitable : M. H. Lubetsky, « Adding Epicycles : The Inconsistent Use Test in Adverse Possession Law » (2009), 47 Osgoode Hall L.J. 497, p. 523-525. Effectivement, l’existence d’un usage incompatible n’est plus exigée en Angleterre, le lord Browne‑Wilkinson l’ayant qualifié d’exigence [traduction] « hérétique et erronée » dans sa décision J. A. Pye (Oxford) Ltd. c. Graham, [2002] UKHL 30, [2003] 1 A.C. 419, par. 45.
[21] À mon avis, la question que la Cour doit trancher n’est pas celle de savoir si l’exigence de l’usage incompatible est nécessaire ou souhaitable; nous n’avons été saisis d’aucune observation portant, par exemple, sur la question de savoir si cette exigence devrait continuer à s’appliquer aux revendications fondées sur la possession adversative en Ontario. La question que nous devons trancher est plutôt celle de savoir si cette exigence fait partie du droit de la Colombie‑Britannique et aurait donc dû être appliquée par les tribunaux d’instances inférieures. J’estime que la ville ne peut pas en faire la démonstration.
[22] Comme le lord Browne‑Wilkinson l’a fait remarquer dans J. A. Pye, l’exigence de l’usage incompatible énoncée dans Leigh a semblé redonner vie à la doctrine de la possession adversative applicable avant 1833 selon laquelle [traduction] « les droits du propriétaire inscrit ne lui étaient pas retirés à moins d’une “déssaisine” ou d’une privation de possession et d’un usage du bien‑fonds par l’usurpateur qui soit manifestement incompatible avec le titre foncier » : par. 33. Or, cet ancien concept de possession adversative avait été écarté en Angleterre par la Real Property Limitation Act, 1833, selon laquelle [traduction] « la seule question est celle de savoir si l’occupant a été en possession du bien‑fonds au sens ordinaire du terme [durant la période de prescription] » : par. 35. Ainsi, l’exigence de la preuve d’un usage incompatible — que ne comprenait pas le droit anglais à la date de sa réception en Colombie‑Britannique — n’a jamais eu à être satisfaite pour prouver la dépossession sous le régime des lois subséquentes de la Colombie‑Britannique relatives à la prescription qui reprenaient, pour l’essentiel, les règles du droit anglais de 1833.
[23] L’exigence d’un usage incompatible n’a pas non plus été importée en Colombie‑Britannique par les tribunaux. Dans son analyse approfondie de cette question, la Cour d’appel n’a nullement donné à entendre que les tribunaux de cette juridiction avaient adopté cette exigence, et la ville ne prétend pas le contraire. Cependant, cette dernière invoque deux décisions de la Cour dans lesquelles [traduction] « transparaît » l’exigence de l’usage incompatible : Dominion Atlantic Railway Co. c. Halifax and South Western Railway Co., [1947] R.C.S. 107, et Ocean Harvesters Ltd. c. Quinlan Brothers Ltd., [1975] 1 R.C.S. 684.
[24] L’arrêt Dominion Atlantic concernait un différend opposant le « véritable propriétaire » de certains biens‑fonds et un locataire qui avait continué à en faire usage après l’expiration du bail. Dans un bref jugement qu’il a rédigé au nom de la Cour, le juge Kellock a certes mentionné deux tests différents pouvant s’appliquer à la possession (p. 109-110) : celui que le lord O’Hagan a énoncé dans l’arrêt Lord Advocate c. Lord Lovat (1880), 5 App. Cas. 273, p. 288, selon lequel la possession doit être examinée en fonction des circonstances particulières de chaque cas, et celui relatif à l’exigence de l’usage incompatible que le lord Bramwell a formulé dans l’arrêt Leigh. Or, aucun des deux tests en question n’a été approuvé ou appliqué, puisque la décision du juge Kellock a reposé sur la conclusion selon laquelle le locataire n’avait pas conservé la possession exclusive (p. 110), ce qui devait entraîner le rejet de la revendication de possession adversative, quel qu’ait été le test retenu.
[25] Dans l’arrêt Ocean Harvesters, le véritable propriétaire d’un bien‑fonds situé en bordure de l’océan se servait de celui‑ci pour recevoir du poisson frais. Il avait autorisé son entreprise — dont il était président et actionnaire majoritaire — à occuper la propriété chaque année pendant la saison de la pêche. Il s’agissait de savoir s’il pouvait faire valoir ou non le titre sur le bien‑fonds par l’effet de la loi intitulée The Limitation of Actions (Realty) Act, R.S.N. 1952, c. 145, après que l’entreprise en eut conservé la possession pendant plus de 21 ans. Bien que la Cour ait examiné l’intention du véritable propriétaire quant à l’usage du bien‑fonds, elle l’a fait parce que, selon les circonstances particulières de l’affaire, son intention était aussi celle du possesseur subséquent, qu’il contrôlait. Pour déterminer l’intention de l’entreprise dans cette affaire, la Cour devait donc examiner l’intention du véritable propriétaire afin de pouvoir l’imputer à l’entreprise. Ce n’est pas la même chose que le fait d’analyser l’intention du véritable propriétaire afin de pouvoir la comparer à celle du possesseur subséquent pour déterminer s’il y a incompatibilité. En tout état de cause, la revendication de possession adversative examinée dans l’arrêt Ocean Harvesters a été rejetée (p. 691), comme elle l’avait été dans l’arrêt Dominion Atlantic (p. 110), non pas parce qu’aucun usage incompatible n’avait été établi, mais plutôt parce que la possession exclusive n’avait pas été prouvée.
[26] Il n’y a donc pas lieu d’affirmer que la Cour a adopté l’exigence de l’usage incompatible dans l’une ou l’autre de ces décisions, que ce soit explicitement ou tacitement. En outre, il importe de souligner que la Cour s’est penchée sur des revendications de possession adversative à plusieurs occasions depuis l’arrêt Leigh (soit dans les arrêts Sherren c. Pearson (1887), 14 R.C.S. 581; Handley c. Archibald (1899), 30 R.C.S. 130; Wood c. LeBlanc (1904), 34 R.C.S. 627, et Hamilton c. The King (1917), 54 R.C.S. 331), sans faire la moindre allusion à une exigence d’usage incompatible.
[27] En outre, introduire l’exigence de l’usage incompatible dans le test relatif à la possession adversative redonnerait vie à l’obligation qui existait avant 1833 de faire la preuve d’une dépossession ou d’une éviction, une obligation expressément révoquée. Les tribunaux ont certes un rôle à jouer lorsqu’il s’agit de définir ce que constitue une dépossession sous le régime de la législation de la Colombie‑Britannique sur la prescription. L’intention du législateur doit néanmoins être respectée. La Cour d’appel a donc eu raison de conclure, au par. 68 de ses motifs, que [traduction] « la doctrine de l’[usage incompatible] n’est pas compatible avec la législation de cette province, laquelle est restée compatible avec le droit anglais sur les prescriptions de 1833 ». Ainsi, la Cour d’appel a eu raison de conclure que l’exigence de l’usage incompatible n’a jamais fait partie du droit de la Colombie‑Britannique régissant la possession adversative. Que cette exigence soit valablement applicable dans d’autres provinces est une question qui reste en suspens et qui ne trouverait réponse qu’au terme d’un examen de leur historique législatif respectif, du libellé de leurs lois particulières sur la prescription et du traitement de ce sujet par leurs tribunaux.
B. La preuve concernant la continuité de la possession adversative
[28] Il ne reste donc qu’à déterminer si la preuve que les Mowatt ont présentée au procès était suffisante pour combler toute « lacune de la preuve » pour la période allant de 1916 à 1920, laquelle, de l’avis du juge, avait interrompu la continuité de la possession adversative du lot en litige. À cet égard, les Mowatt affirment que le juge en cabinet a commis plusieurs erreurs qui justifiaient que sa décision soit infirmée par la Cour d’appel. Plus précisément, ils affirment que le juge en cabinet (1) a fait erreur en confondant la possession continue avec l’occupation continue et (2) n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants, eu égard au contexte historique de la revendication.
(1) Possession continue par opposition à occupation continue
[29] Les Mowatt affirment tout d’abord que le juge en cabinet a mal évalué la revendication de possession adversative continue en confondant la possession avec l’occupation, les obligeant ainsi à faire la preuve d’une occupation continue alors que la question centrale à trancher concernait la continuité de la possession. À cet égard, ils estiment que comme la possession d’une propriété est possible même en l’absence d’une occupation à temps plein, le juge en cabinet devait conclure que les Cooper avaient abandonné le lot en litige en 1916 avant de décider que la possession avait été interrompue de 1916 à 1920, ce qu’il n’a pas fait.
[30] Je vais d’abord trancher l’argument concernant l’abandon. Il n’était pas nécessaire que le juge en cabinet conclue explicitement à l’abandon par les Cooper du lot en litige pour décider que la possession avait été interrompue. En effet, il incombait aux Mowatt de faire la preuve de la possession continue selon la prépondérance des probabilités, et non à la ville de démontrer qu’il y avait eu abandon. De plus, la fin de la possession et l’abandon sont en fait tout simplement les deux côtés de la même médaille. Lorsque la possession se termine, l’abandon commence. L’absence de conclusion explicite d’abandon n’a donc aucune importance sur le plan juridique; de fait, il découle du constat que la possession continue du lot en litige n’a pas été établie pour la période postérieure à janvier 1916, qu’il a été abandonné.
[31] Quant à la question de savoir si le juge en cabinet a confondu la possession avec l’occupation, je reconnais que cette dernière n’a pas à être continue pour qu’il y ait « possession ». En effet, en common law, une personne peut avoir une possession suffisante pour fonder un titre tout en utilisant la propriété en question de façon intermittente ou sporadique : R. c. Marshall, 2005 CSC 43, [2005] 2 R.C.S. 220, par. 54. Bref, il est possible d’avoir la possession d’une propriété sans l’occuper en tout temps. Je reconnais aussi que l’utilisation répétée du mot « occupation » par le juge en cabinet (plutôt que du mot « possession », voir, p. ex., la première décision, par. 109 et 112, et la seconde décision, par. 3, 46 et 52 (CanLII)) tend à appuyer l’argument des Mowatt selon lequel il a confondu ces deux concepts différents.
[32] Je ne suis toutefois pas convaincu qu’il y a lieu pour autant d’infirmer la décision du juge en cabinet. Même si ce dernier a fait occasionnellement référence à la « possession » et à l’« occupation », semble‑t‑il de manière interchangeable, il savait manifestement que c’était de possession continue qu’il devait se préoccuper et non pas d’occupation. D’ailleurs, il a fait référence au bon test juridique : première décision, par. 22-23. De plus, en l’espèce, la distinction entre ces deux concepts était insignifiante. En effet, les éléments de preuve que les Mowatt ont présentés quant aux Cooper, aux Goucher et aux Thorpe concernaient, règle générale, leur occupation du lot en litige. Aucune forme de possession par l’un ou l’autre d’entre eux autre que l’occupation durant la période visée par la « lacune de la preuve » n’a été plaidée devant le juge en cabinet à titre de forme de possession appuyée par la preuve. Bref, il y a eu chevauchement des deux concepts en ce qui a trait aux faits mis en preuve en l’espèce et j’estime que la mention occasionnelle de l’occupation par le juge en cabinet n’a pas donné lieu à une erreur de sa part dans le contexte de l’application du test relatif à la possession adversative.
(2) Examen de la preuve
[33] Le principal facteur contribuant à la « lacune de la preuve » réside dans les éléments de preuve concernant les activités des Cooper et des Goucher de 1916 à 1920 inclusivement. Plus précisément, tant les parties que le juge en cabinet se sont attardés à la preuve relative à la question de savoir si un membre de la famille Cooper avait conservé la possession du lot en litige après le départ de George W. en janvier 1916, et à celle relative à la question de savoir pendant combien de temps les Goucher avaient eu la possession du lot en litige, le cas échéant, avant que leur nom figure sur la liste électorale de Fairview en novembre 1920.
[34] Dans le cas des Cooper, nous savons que George W. a déménagé en Australie en janvier 1916. Son fils George R. a épousé Carrie en mai 1915 et une fille, Delores, est née le même mois. Un fils, George S., a suivi en octobre 1916. De février 1917 jusqu’à son décès survenu en février 1918 lors d’un accident du travail, George R. a travaillé pour une fonderie située à Trail, en Colombie‑Britannique. Il est probable qu’en décembre 1917 au plus tard, Carrie et les enfants l’avaient rejoint à Trail.
[35] Pour le juge en cabinet, à la lumière de cette preuve, il était certes possible de conclure que des membres de la famille de George R. avaient conservé la possession du lot en litige après janvier 1916. Il a toutefois refusé de tirer cette conclusion puisque, selon lui, il était tout aussi probable que George R. ait abandonné le lot en litige pour s’établir ailleurs à compter de son mariage. Les Mowatt et la Cour d’appel affirment que, pour en arriver à cette conclusion, le juge en cabinet n’a pas tenu compte de l’incidence de la déclaration de la fille de George S. (c.‑à‑d. la petite‑fille de George R.) selon laquelle elle [traduction] « avait compris » que sa mère (l’épouse de George S.) « croyait » que George S. était né « au bas de la troisième ou de la quatrième rue », ce qui concorde avec l’emplacement du lot en litige[4]. Puisque George S. est né neuf mois après le départ de George W. pour l’Australie, cela supposerait évidemment que George R. et sa famille devaient avoir conservé la possession du lot en litige.
[36] Or, le juge en cabinet a bel et bien tenu compte de cette déclaration : après l’avoir évoquée (seconde décision, par. 38), il a conclu (seconde décision, par. 40) qu’il n’était pas convaincu, à la lumière de l’ensemble de la preuve, que la possession avait été continue. Compte tenu de la qualité douteuse de la déclaration et des nombreux degrés de ouï‑dire qu’elle renferme, il avait manifestement le droit d’en arriver à cette conclusion.
[37] Les Mowatt affirment par ailleurs quant aux Goucher que le juge en cabinet n’a pas tenu compte de l’importance de la preuve selon laquelle leur fils avait passé des examens scolaires à Fairview en décembre 1919 ni du fait qu’ils ne figuraient pas sur la liste électorale de Nelson en 1919. Or, le juge en cabinet a pris spécifiquement acte de ces faits ainsi que de la preuve montrant que les Cooper étaient connus des Goucher. Cependant, même si cette preuve tendant à montrer que ces derniers avaient habité à Fairview dès 1919, elle n’a pas établi à la satisfaction du juge en cabinet qu’ils avaient alors la possession du lot en litige. En tout état de cause, et comme l’a fait remarquer le juge en cabinet, même si les Mowatt avaient pu le convaincre que le lot en litige se trouvait en la possession des Goucher avant 1920, d’autres éléments de preuve donnaient à penser que ces derniers vivaient à Nelson en 1916, et non à Fairview. En d’autres termes, même s’il était admis que les Goucher avaient la possession du lot en litige dès 1919, il y aurait tout de même eu interruption de la possession, pour une période certes plus courte, mais suffisante pour entraîner le rejet de la revendication des Mowatt.
[38] La conclusion de fait de la Cour d’appel selon laquelle la possession adversative du lot en litige a été continue de décembre 1909 jusqu’à au moins février 1923 n’est pas déraisonnable, j’en conviens. Il est certainement possible, en effet, d’apprécier certains éléments de la preuve autrement que ne l’a fait le juge en cabinet. Cela dit, il n’est pas rare que les conclusions à tirer de la preuve puissent varier en fonction du poids attribué à l’un ou l’autre des éléments qui la constituent et cette possibilité ne justifie pas d’infirmer les conclusions du juge des faits. Effectivement, il n’appartient pas aux cours d’appel de remettre en question le poids attribué aux différents éléments de preuve. En l’absence d’une erreur manifeste et dominante, c.‑à‑d. une erreur qui est « évidente » et qui a eu une incidence sur le résultat, la cour d’appel ne peut modifier les conclusions de fait du juge des faits : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 6 et 10; voir également H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401, par. 55. La norme de l’erreur manifeste et dominante s’applique en ce qui concerne les faits sur lesquels repose l’inférence du juge en cabinet ou en ce qui concerne le processus inférentiel lui‑même : Housen, par. 23. À mon avis, la Cour d’appel a donc commis une erreur en modifiant une conclusion factuelle essentiellement sur la base d’une divergence d’opinions quant au poids à attribuer aux différents éléments de preuve. Ayant tenu deux audiences, dont la seconde a eu lieu parce qu’il a permis aux Mowatt de présenter des éléments de preuve supplémentaires, et ayant analysé avec soin la preuve dans ses deux décisions convaincantes et détaillées, le juge en cabinet a tiré des conclusions que la preuve lui permettait de tirer. Ces conclusions n’auraient donc pas dû être modifiées.
[39] La nature historique de la revendication qui, de l’avis de la Cour d’appel, méritait une évaluation [traduction] « globale » de la preuve qui témoigne d’un « esprit ouvert », n’a pas d’incidence sur ma conclusion. La ville critique cet aspect des motifs du jugement de la Cour d’appel. Selon elle, en affirmant (au par. 74) que « [l]a mesure dans laquelle il est possible de satisfaire à [la norme de la prépondérance des probabilités] dépend de la preuve qui peut être présentée », la Cour d’appel a appliqué à toutes fins utiles une nouvelle norme de preuve. En outre, de l’avis de la ville, cette approche va à l’encontre de la directive formulée par la Cour dans l’arrêt F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41, par. 40, selon laquelle « il n’existe [. . .], en common law, qu’une seule norme de preuve en matière civile, celle de la prépondérance des probabilités ».
[40] Je ne crois pas que la Cour d’appel ait adopté ou appliqué une norme de preuve autre que celle de la prépondérance des probabilités. Les propos attaqués concernent non pas la norme de preuve, mais plutôt la qualité de la preuve au regard de laquelle la norme doit être respectée. Dans l’arrêt McDougall (par. 46), la Cour a affirmé que « la preuve doit toujours être claire et convaincante . . . ». Il s’agit là de qualités relatives et non absolues. Il s’ensuit que la qualité de la preuve nécessaire pour atteindre ce seuil de façon à convaincre le juge des faits que cette preuve satisfait à la norme de la prépondérance des probabilités dépend de la nature de la revendication et de la preuve qui peut être présentée : Delgamuukw c. Colombie‑Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010, par. 82; Canada (Procureur général) c. Fairmont Hotels Inc., 2016 CSC 56, [2016] 2 R.C.S. 720, par. 36. Dans le contexte de réclamations fondées sur la possession adversative historique d’un bien‑fonds, la qualité de la preuve présentée doit simplement être [traduction] « aussi satisfaisante que ce à quoi il est raisonnable de s’attendre compte tenu de l’ensemble des circonstances » : le juge Anglin, plus tard Juge en chef, dans Tweedie c. The King (1915), 52 R.C.S. 197, p. 220; voir également Sir Arthur Wilson dans Attorney-General for British Columbia c. Canadian Pacific Railway, [1906] A.C. 204 (P.C.), p. 209-210.
[41] Cela étant dit, et en tout respect, je n’adhère pas aux reproches que la Cour d’appel a formulés à l’égard de la façon dont le juge en cabinet a évalué la preuve. À mon avis, lorsqu’il a examiné la preuve portée à son attention, le juge en cabinet était bien conscient de la nature historique de la revendication des Mowatt et de ses incidences sur la qualité et sur la disponibilité des éléments de preuve. Parce qu’ils démontrent que le juge en cabinet était sensible à ces aspects du dossier, il convient ici de reproduire certains passages de ses motifs qui s’y rapportent (première décision, par. 105 et 108) :
[traduction] Je conviens avec les requérants qu’il n’est pas nécessaire de présenter une preuve de possession pour chaque année civile de la période visée par la revendication. Ainsi, s’il y avait des éléments de preuve établissant de façon convaincante que la partie A a pris possession de la propriété en 1912 et en a transféré la possession à la partie B en 1914, il serait juste et raisonnable d’inférer de cette preuve que la partie A avait la possession de la propriété en 1913. Pour citer Tweedie, il n’y a « aucune raison de supposer » que la partie A a abandonné les biens‑fonds pendant un certain temps.
. . .
Même si j’examinais à nouveau la thèse des requérants sous son meilleur angle et que je concluais que les Cooper et les Goucher ont habité la même résidence sur le lot en litige, il n’y a aucun élément de preuve établissant la continuité de la possession adversative des Cooper avec celle des Goucher. Pour en arriver à mes conclusions, je suis conscient des normes qui avaient cours en matière de publicité des actes il y a près d’un siècle; cependant, je ne suis pas convaincu que la preuve est « aussi satisfaisante qu’on pourrait raisonnablement s’attendre qu’elle le soit, eu égard à l’ensemble des circonstances » : Tweedie, p. 220. Le fait que, d’après les registres, les Goucher vivaient sur la rue Baker, à Nelson, en 1916 n’est pas un élément que je peux ignorer. De plus, selon le premier affidavit de Mme Mowatt, ni les Cooper ni les Goucher ne figurent dans le registre de 1918. Les requérants n’ont présenté aucun élément de preuve établissant la possession adversative du terrain litigieux de 1917 à 1919. [Je souligne.]
[42] Compte tenu de la conclusion du juge en cabinet — qui n’est viciée par aucune erreur manifeste et dominante — selon laquelle les Mowatt n’ont pas fait la preuve d’une possession adversative ininterrompue du lot en litige de 1916 à 1920, il n’est pas nécessaire que nous nous penchions sur les observations de la ville et du procureur de la Colombie‑Britannique quant à la question de savoir si l’absence d’enregistrement fait obstacle à la revendication des Mowatt. Mme Marquis n’avait aucun droit sur le lot en litige, donc aucun droit n’a pu être cédé aux Mowatt.
IV. Conclusion et dispositif
[43] Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, et de rétablir les décisions du juge en cabinet.
[44] Le juge en cabinet n’a rendu aucune ordonnance quant aux dépens compte tenu des circonstances particulières du litige, y compris sa longue durée, de la connaissance qu’en avaient les Mowatt au moment où ils ont acheté le bien‑fonds, et des positions [traduction] « inconsistantes et contradictoires » adoptées par la ville et la province au fils des ans quant au lot en litige : seconde décision, par. 57. Compte tenu de ces circonstances et du succès mitigé des parties relativement aux questions soulevées dans le présent appel, je serais également d’avis d’ordonner que chaque partie assume ses propres dépens devant la Cour et devant les cours d’instances inférieures.
Pourvoi accueilli.
Procureurs de l’appelante : Norton Rose Fulbright Canada, Vancouver.
Procureurs des intimés : Hunter Litigation Chambers, Vancouver.
Procureur de l’intervenant : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.
[1] Devant le juge en cabinet, les parties ne s’entendaient pas sur la question de savoir si la dévolution par déshérence était survenue dès la dissolution de la société foncière ou un an plus tard. Cette question se posait en raison de l’art. 3A de l’Escheats Act, R.S.B.C. 1924, c. 81 (telle qu’elle a été modifiée par l’Escheats Act Amendment Act, 1924, S.B.C. 1924, c. 18, art. 2), qui (1) interdisait au lieutenant‑gouverneur en conseil, pendant une période d’un an suivant la date de dissolution d’une société, d’effectuer des transactions relatives aux biens-fonds de cette dernière qui lui avaient été dévolus par déshérence, et (2) prévoyait que, si la société était reconstituée au cours de la même année, les biens-fonds lui seraient rétrocédés de plein droit. Invoquant l’arrêt The Queen c. Lincoln Mining Syndicate Ltd., [1959] R.C.S. 736, les Mowatt ont soutenu que la dévolution par déshérence serait probablement survenue uniquement lorsque le droit de la Couronne devenait « absolu » (soit après l’expiration de la période d’un an fixée pour la rétrocession par suite de la reconstitution de la société). La Couronne provinciale, qui (même si elle n’était pas appelante devant la Cour) était défenderesse dans l’action et intimée dans la requête, affirme que le lot en litige a été acquis par déshérence en 1930, malgré le fait que la transmission du titre aurait été retardée d’un an. Il suffit ici de souligner, comme l’a fait le juge en cabinet (au par. 51), que le lot en litige est devenu un bien-fonds de la Couronne en 1930 ou en 1931.
[2] Les dispositions prescriptives applicables sont restées inchangées de la date d’entrée en vigueur de la Statute of Limitations, R.S.B.C. 1897, c. 123, jusqu’à ce qu’elles soient abrogées par la Limitations Act (1975).
[3] L’article 11 est ainsi libellé : [traduction] « Si la cour n’est pas convaincue par la preuve présentée en première instance au sujet du titre, elle doit accorder à la partie concernée une possibilité raisonnable de produire des éléments de preuve supplémentaires ou de corriger les failles de la preuve présentée. »
[4] Malgré le fait que cette déclaration constituerait autrement une preuve par ouï-dire inadmissible, l’al. 8(c) de la Land Title Inquiry Act dispose que, dans son analyse du titre, le tribunal peut se fonder sur [traduction] « la preuve portée à son attention, qu’elle soit ou non recevable ou suffisante en droit, [. . .] pourvu qu’il soit convaincu par cette preuve de la véracité des faits qu’elle vise à établir ».