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14/11/2008 | CANADA | N°2008_CSC_62

Canada | R. c. Solowan, 2008 CSC 62 (14 novembre 2008)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Solowan,

[2008] 3 R.C.S. 309, 2008 CSC 62

Date : 20081114

Dossier : 32237

Entre :

Kenneth Stephen Terrance Solowan

Appelant

et

Sa Majesté la Reine

Intimée

Traduction française officielle

Coram : Les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 18)

Le juge Fish (avec l’accord des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Abella, Charron et Rothstein)

Appel entendu et jugement rendu : 8 octobre

2008

Motifs déposés : 14 novembre 2008

______________________________

R. c. Solowan, [2008] 3 R.C.S. 309, 2008 CSC 62

Kenneth Stephen Terrance Solo...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Solowan,

[2008] 3 R.C.S. 309, 2008 CSC 62

Date : 20081114

Dossier : 32237

Entre :

Kenneth Stephen Terrance Solowan

Appelant

et

Sa Majesté la Reine

Intimée

Traduction française officielle

Coram : Les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 18)

Le juge Fish (avec l’accord des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Abella, Charron et Rothstein)

Appel entendu et jugement rendu : 8 octobre 2008

Motifs déposés : 14 novembre 2008

______________________________

R. c. Solowan, [2008] 3 R.C.S. 309, 2008 CSC 62

Kenneth Stephen Terrance Solowan Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié : R. c. Solowan

Référence neutre : 2008 CSC 62.

No du greffe : 32237.

Audition et jugement : 8 octobre 2008.

Motifs déposés : 14 novembre 2008.

Présents : Les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Saunders, Lowry et Kirkpatrick) (2007), 50 M.V.R. (5th) 30, [2007] B.C.J. No. 1658 (QL), 2007 CarswellBC 1718, 2007 BCCA 388, qui a modifié la peine imposée par le juge Hoy, 2006 CarswellBC 3501. Pourvoi rejeté.

Peter Benning et Roger P. Thirkell, pour l’appelant.

Wendy L. Rubin, pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Fish —

I

[1] L’appelant a plaidé coupable à trois infractions et a été condamné par le juge du procès à un total de 15 mois d’emprisonnement : trois mois pour avoir pris un véhicule à moteur sans consentement, six mois pour possession de biens volés et six mois pour n’avoir pas arrêté un véhicule à moteur alors qu’il était pris en chasse par la police. Les deux derniers chefs visaient des infractions mixtes pour lesquelles le ministère public avait choisi la procédure sommaire. Pour ces deux chefs, l’appelant a été condamné aux peines d’emprisonnement maximales autorisées par la loi.

[2] L’appelant a contesté les peines de six mois qui lui ont été infligées, au motif que le juge du procès [traduction] « a commis une erreur en imposant la peine maximale de six mois pour deux des chefs sans d’abord conclure qu’il était le pire délinquant ayant commis la pire infraction ». La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a rejeté cet argument, mais elle a tout de même réduit à trois mois la peine de six mois infligée à l’appelant pour possession de biens volés, au motif qu’une peine globale de 15 mois était excessive dans les circonstances. La peine de six mois pour ne s’être pas arrêté est maintenue.

[3] Le principe « pire délinquant, pire infraction » invoqué par l’appelant devant la Cour d’appel a été enterré. Il ne sert plus de restriction à l’imposition de la peine maximale si celle‑ci est par ailleurs appropriée, compte tenu des principes de détermination de la peine énoncés dans la partie XXIII du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46 : R. c. Cheddesingh, [2004] 1 R.C.S. 433, 2004 CSC 16; R. c. L.M., [2008] 2 R.C.S. 163, 2008 CSC 31. On peut empêcher comme il se doit le recours injustifié aux peines maximales en appliquant correctement ces principes, notamment le principe fondamental de proportionnalité énoncé à l’art. 718.1 du Code, et en suivant la directive du législateur aux al. 718.2d) et e) pour imposer la sanction la moins contraignante lorsque les circonstances le justifient : voir R. c.—Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688.

[4] Rien dans les motifs de la Cour d’appel ne remet en question l’un ou l’autre de ces principes.

II

[5] Son moyen d’appel reposant sur la notion « pire délinquant, pire infraction » étant ainsi écarté, l’appelant se fonde maintenant devant la Cour plutôt sur les motifs qu’a exposés la Cour d’appel pour trancher cette question.

[6] Dans un jugement unanime, le juge Lowry a rejeté l’argument de l’appelant :

[traduction] Le demandeur soutient que le juge a commis une erreur en lui infligeant la peine maximale prévue par la loi pour deux des chefs d’accusation sans d’abord conclure qu’il était le pire délinquant ayant commis la pire infraction, ce que le juge n’avait pas le droit de faire. Il affirme qu’en définitive ces peines contreviennent au principe de proportionnalité. Or, la possession d’un bien de moins de 5 000 $ et le défaut de s’arrêter constituent des infractions mixtes. Le ministère public peut procéder par voie sommaire ou par voie de mise en accusation. La peine maximale pour ces infractions n’a pas été infligée en l’espèce. Elle ne peut être imposée que si le ministère public choisit la mise en accusation. [Je souligne.]

((2007), 50 M.V.R. (5th) 30, 2007 BCCA 388, par. 9)

[7] Attirant l’attention sur le passage souligné de cet extrait, l’appelant soutient que la Cour d’appel n’a pas tenu compte du choix du ministère public de procéder par voie sommaire. À son avis, dans l’examen de la justesse de la peine imposée, la Cour d’appel a considéré à tort que la peine maximale dont il était passible en l’espèce était la sanction maximale applicable si le ministère public avait choisi de procéder par voie de mise en accusation.

[8] Littéralement, le passage contesté peut recevoir cette interprétation. Soit dit avec égards, elle est, dans cette mesure, mal fondée en droit. Si le ministère public choisit de poursuivre une infraction mixte par voie sommaire, comme c’est le cas en l’espèce, cette infraction doit alors, pour les besoins de la détermination de la peine, être traitée comme une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Par conséquent, sauf disposition contraire de la loi, le défendeur est passible d’une amende maximale de 5 000 $ (2 000 $ à l’époque du procès) et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines : Code criminel, par. 787(1). L’appelant a donc effectivement reçu la peine d’emprisonnement maximale pour le seul chef en litige en l’espèce — défaut d’arrêter un véhicule à moteur alors qu’il est pris en chasse par la police — et il s’agit de décider si la Cour d’appel a commis une erreur en droit en confirmant cette peine.

[9] Je réponds à cette question par la négative.

[10] Comme je l’ai déjà mentionné, le principe « pire délinquant, pire infraction » ne sert plus de restriction pour l’imposition de peines maximales. Une peine maximale, comme toute autre peine, ne donne lieu à une intervention en appel que si le tribunal de première instance a appliqué les mauvais principes ou si la peine est manifestement excessive dans les circonstances.

[11] En l’espèce, les observations des avocats des deux parties au procès portaient essentiellement sur la totalité des peines. En fait, n’eût été le maximum de six mois applicable à l’égard de chacune des trois infractions, le juge du procès aurait accédé à la requête de l’appelant, qui demandait une peine globale plus longue pour faciliter sa réinsertion. Par l’intermédiaire de son avocat au procès, l’appelant a exhorté le juge chargé de déterminer la peine à imposer une peine d’emprisonnement de deux ans pour [traduction] « l’aider [. . .] à avoir accès à de meilleurs programmes ».

[12] Par ailleurs, par l’entremise de son avocat devant la Cour (qui ne l’a pas représenté au procès), l’appelant ne plaide pas maintenant que la peine globale d’emprisonnement de 12 mois est manifestement excessive. Il soutient plutôt que la Cour d’appel, en examinant la question de la justesse de la peine d’emprisonnement de six mois qui restait à trancher, n’a pas donné effet aux principes de détermination de la peine, en particulier le principe fondamental de proportionnalité, qu’à la partie XXIII du Code criminel le législateur a rendus applicables tant aux actes criminels qu’aux infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. L’article 718.1 du Code stipule :

La peine est proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

[13] Compte tenu de l’ensemble des motifs de la Cour d’appel ainsi que des déclarations de culpabilité antérieures prononcées contre l’appelant et des débats au procès, je suis convaincu que la Cour d’appel était consciente des principes de détermination de la peine énoncés dans le Code — surtout, pourrais‑je ajouter, le principe fondamental de proportionnalité.

[14] Manifestement, c’est pour cette raison que la cour a réduit à 12 mois la peine globale d’emprisonnement de 15 mois infligée à l’appelant.

III

[15] Une peine juste pour une infraction mixte n’est pas fonction de la peine qui aurait pu être imposée si le ministère public avait choisi de procéder autrement ni une fraction de cette peine. En particulier, la peine applicable à une infraction mixte faisant l’objet d’une poursuite par procédure sommaire ne doit pas être réduite de manière à être inférieure au maximum prévu pour ce mode de poursuite du simple fait que le défendeur aurait vraisemblablement reçu moins que le maximum s’il avait été poursuivi par voie de mise en accusation. De même, pour les infractions faisant l’objet de poursuites par mise en accusation, il ne faut pas augmenter la peine pour qu’elle corresponde à celle que l’accusé aurait fort bien pu recevoir s’il avait été poursuivi par procédure sommaire.

[16] Bref, les principes de détermination de la peine énoncés dans la partie XXIII du Code criminel s’appliquent tant aux actes criminels qu’aux infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Le législateur l’a bien indiqué dans la définition de « tribunal » à l’art. 716 du Code. Et lorsque le ministère public choisit d’engager des poursuites par voie sommaire à l’égard d’une infraction mixte, le tribunal chargé de déterminer la peine est lié par le choix du ministère public pour déterminer la sanction appropriée dans les limites que le législateur a établies pour ce mode de poursuite. Sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d’appel ne devrait modifier une peine se situant dans cette gamme — y compris la peine maximale — que si elle est manifestement insuffisante ou excessive.

IV

[17] En confirmant la peine de six mois reçue par l’appelant pour un chef tout en réduisant à 12 mois la peine globale de 15 mois qui lui a été infligée, la Cour d’appel n’a commis aucune erreur justifiant notre intervention. La cour a dûment pris en considération les débats au procès, l’exigence obligatoire de proportionnalité ainsi que d’autres principes directeurs.

[18] Le pourvoi formé par l’appelant devant la Cour est donc rejeté au terme de l’audience.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l’appelant : Thirkell & Company, Abbotsford.

Procureur de l’intimée : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : 2008 CSC 62 ?
Date de la décision : 14/11/2008
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Détermination de la peine - Déclarations de culpabilité par voie sommaire - Choix du ministère public de poursuivre des infractions mixtes par voie sommaire - Imposition de la peine maximale par le juge du procès - Le juge du procès a‑t‑il fait erreur en imposant des peines d’emprisonnement maximales sans d’abord conclure que l’accusé était « le pire délinquant ayant commis la pire infraction »? - Le principe « pire délinquant ayant commis la pire infraction » limite‑t‑il l’imposition de la peine maximale si celle‑ci est par ailleurs appropriée compte tenu des principes de détermination de la peine? - Les peines infligées sont‑elles proportionnelles aux infractions? - La Cour d’appel a‑t‑elle fait preuve d’indifférence à l’égard du choix du ministère public de procéder par voie sommaire? - Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, partie XXIII, art. 718.1, 787(1).

L’accusé a plaidé coupable à trois infractions, dont deux sont des infractions mixtes pour lesquelles le ministère public avait choisi la procédure sommaire. Il a été condamné à un total de 15 mois d’emprisonnement. En appel, il a fait valoir que le juge du procès avait commis une erreur en imposant la peine d’emprisonnement maximale de six mois pour chaque infraction sans d’abord conclure qu’« il était le pire délinquant ayant commis la pire infraction ». En rejetant son argument, la Cour d’appel a déclaré que « [l]a peine maximale pour ces infractions n’a pas été infligée en l’espèce » et qu’« [e]lle ne peut être imposée que si le ministère public choisit la mise en accusation. » La Cour d’appel a tout de même jugé excessive la peine globale de 15 mois et l’a réduite à 12 mois. L’accusé se pourvoit maintenant devant la Cour au motif que la Cour d’appel n’a pas tenu compte du choix du ministère public de procéder par voie sommaire.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

Les principes de détermination de la peine énoncés dans la partie XXIII du Code criminel s’appliquent tant aux actes criminels qu’aux infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Si le ministère public choisit de poursuivre une infraction mixte par voie sommaire, comme c’est le cas en l’espèce, cette infraction doit alors, pour les besoins de la détermination de la peine, être traitée comme une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, et le tribunal chargé de déterminer la peine doit déterminer la sanction appropriée dans les limites que le législateur a établies pour ce mode de poursuite. Sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d’appel ne devrait modifier une peine se situant dans cette gamme — y compris la peine maximale — que si elle est manifestement insuffisante ou excessive. Le principe « pire délinquant, pire infraction » ne sert plus de restriction à l’imposition de la peine maximale si celle‑ci est par ailleurs appropriée, compte tenu des principes de détermination de la peine énoncés dans la partie XXIII. En l’espèce, la Cour d’appel était consciente des principes de détermination de la peine énoncés dans le Code, surtout le principe fondamental de proportionnalité et n’a pas commis d’erreur en confirmant la peine d’emprisonnement maximale pour la deuxième infraction mixte. [3] [8] [13] [16]


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Solowan

Références :

Jurisprudence
Arrêts mentionnés : R. c. Cheddesingh, [2004] 1 R.C.S. 433, 2004 CSC 16
R. c. L.M., [2008] 2 R.C.S. 163, 2008 CSC 31
R. c.—Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688.
Lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, partie XXIII, art. 716, 718.1, 718.2d), e), 787(1).

Proposition de citation de la décision: R. c. Solowan, 2008 CSC 62 (14 novembre 2008)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2008-11-14;2008.csc.62 ?
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