COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Mustapha c. Culligan du Canada Ltée,
[2008] 2 R.C.S. 114, 2008 CSC 27
Date : 20080522
Dossier : 31902
Entre :
Waddah Mustapha (alias Martin Mustapha)
Appelant / Intimé à l’appel incident
et
Culligan du Canada Ltée
Intimée / Appelante à l’appel incident
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein
Motifs de jugement :
(par. 1 à 20)
La juge en chef McLachlin (avec l’accord des juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein)
______________________________
Mustapha c. Culligan du Canada Ltée, [2008] 2 R.C.S. 114, 2008 CSC 27
Waddah Mustapha (alias
Martin Mustapha) Appelant/Intimé au pourvoi incident
c.
Culligan du Canada Ltée Intimée/Appelante au pourvoi incident
Répertorié : Mustapha c. Culligan du Canada Ltée
Référence neutre : 2008 CSC 27.
No du greffe : 31902.
2008 : 18 mars; 2008 : 22 mai.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein.
en appel de la cour d’appel de l’ontario
POURVOI et POURVOI INCIDENT contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (les juges Cronk et Blair et le juge Then (ad hoc)) (2006), 84 O.R. (3d) 457, 275 D.L.R. (4th) 473, 218 O.A.C. 271, 43 C.C.L.T. (3d) 27, [2006] O.J. No. 4964 (QL), 2006 CarswellOnt 7937, qui a infirmé une décision du juge Brockenshire (2005), 32 C.C.L.T. (3d) 123, [2005] O.J. No. 1469 (QL), 2005 CarswellOnt 1456, faisant droit à une action pour négligence. Pourvoi et pourvoi incident rejetés.
Paul J. Pape, Susan M. Chapman et John J. Adair, pour l’appelant/intimé au pourvoi incident.
Hillel David et Lisa La Horey, pour l’intimée/appelante au pourvoi incident.
Version française du jugement de la Cour rendu par
[1] La Juge en chef — Le demandeur, M. Mustapha, a intenté une action contre la défenderesse, Culligan, invoquant le préjudice psychiatrique subi lorsqu’il a vu des mouches mortes dans une bouteille d’eau vendue par cette entreprise. Pendant qu’il remplaçait une bouteille vide par une bouteille pleine encore scellée, le demandeur a constaté la présence dans cette dernière bouteille d’une mouche morte et des restes d’une autre mouche. Le demandeur est devenu obsédé par cet événement et par ses [traduction] « conséquences révoltantes » pour la santé de sa famille, dont les membres consommaient depuis 15 ans l’eau fournie par Culligan. Il a subi des troubles dépressifs graves, accompagnés de phobies et d’anxiété, et il a poursuivi Culligan en dommages‑intérêts.
[2] Concluant que la découverte des mouches dans l’eau avait causé à M. Mustapha des dommages psychiatriques, le juge de première instance lui a accordé des dommages‑intérêts généraux de 80 000 $, des dommages‑intérêts spéciaux de 24 174,58 $ et des dommages‑intérêts de 237 600 $ pour pertes d’activités commerciales ((2005), 32 C.C.L.T. (3d) 123). La Cour d’appel de l’Ontario a infirmé ce jugement, estimant que le préjudice n’était pas raisonnablement prévisible et, partant, ne donnait pas naissance à une cause d’action ((2006), 84 O.R. (3d) 457). La question dont notre Cour est saisie est celle de savoir si la cause d’action a été établie. Pour des motifs différents de ceux de la Cour d’appel, je conclus qu’elle ne l’a pas été.
[3] Pour avoir gain de cause dans une action fondée sur la négligence, le demandeur à une telle action doit établir les éléments suivants : (1) le défendeur avait envers lui une obligation de diligence; (2) par ses agissements, le défendeur a manqué à la norme de diligence; (3) le demandeur a subi des dommages; (4) ces dommages lui ont été causés, en fait et en droit, par le manquement du défendeur. Je vais examiner successivement chacun de ces éléments de l’action en négligence. Comme je vais l’expliquer, M. Mustapha est débouté parce qu’il n’a pas réussi à prouver que les dommages qu’il a subis ont été causés, en droit, par la négligence de la défenderesse. Autrement dit, les dommages qu’il a subis sont trop éloignés pour ouvrir droit à indemnisation.
1. La défenderesse avait‑elle une obligation de diligence envers le demandeur?
[4] Dans une action pour négligence, la première question à examiner est celle de savoir si le défendeur avait une obligation de diligence envers le demandeur. Cette question met l’accent sur les rapports existant entre les parties. Elle consiste à se demander si ces rapports sont à ce point étroits qu’il est raisonnable d’affirmer que l’une des parties a l’obligation de veiller à ne pas causer préjudice à l’autre : Donoghue c. Stevenson, [1932] A.C. 562 (H.L.). L’existence de tels rapports dépend de la prévisibilité du préjudice, eu égard aux considérations de politique d’intérêt général applicables : Anns c. Merton London Borough Council, [1978] A.C. 728 (H.L.).
[5] Bien souvent, les rapports qui existent entre le demandeur et le défendeur appartiennent à une catégorie déjà reconnue par les tribunaux comme donnant naissance à une obligation de diligence. Dans de tels cas, la jurisprudence permet de répondre à la question de l’existence de l’obligation de diligence et il est inutile de procéder à une analyse exhaustive. Comme l’ont affirmé les auteurs A. M. Linden et B. Feldthusen, les catégories de rapports qui ont déjà été reconnues par les tribunaux, ainsi que les rapports assimilables à celles‑ci par analogie, n’ont pas à faire l’objet de l’analyse énoncée dans l’arrêt Anns : Canadian Tort Law (8e éd. 2006), p. 302; Cooper c. Hobart, [2001] 3 R.C.S. 537, 2001 CSC 79, par. 35‑36.
[6] En l’espèce, les rapports qui existaient entre les parties ne constituaient pas une nouvelle catégorie. Il est établi depuis longtemps que le fabricant d’un bien de consommation est tenu à une obligation de diligence envers le consommateur ultime de ce bien : Donoghue c. Stevenson. Il s’ensuit donc que Culligan avait une obligation de diligence envers M. Mustapha lorsqu’elle lui fournissait de l’eau embouteillée.
2. Par ses agissements, la défenderesse a‑t‑elle manqué à la norme de diligence?
[7] Dans une action pour négligence, la deuxième question consiste à se demander si, par ses agissements, le défendeur a manqué à la norme de diligence. Un comportement peut constituer de la négligence s’il crée des risques excessifs de préjudice (Linden et Feldthusen, p. 130). Le juge de première instance a conclu que la défenderesse Culligan a manqué à la norme de diligence en fournissant de l’eau contaminée au demandeur, conclusion que les parties n’ont pas portée en appel devant la Cour. Cela n’est guère surprenant; en effet, il va de soi qu’un fournisseur d’eau embouteillée destinée à la consommation humaine a l’obligation de prendre les mesures raisonnables pour garantir que cette eau n’est pas contaminée par des corps étrangers. Par conséquent, il a été satisfait au deuxième élément de la responsabilité délictuelle pour négligence.
3. Le demandeur a‑t‑il subi un dommage?
[8] Règle générale, les tribunaux jugeront qu’un demandeur ayant subi un préjudice personnel a subi un dommage. Pour les besoins de la présente analyse, le terme dommage s’entend notamment d’un préjudice psychologique. En matière de responsabilité délictuelle, la distinction entre préjudice physique et préjudice psychologique est difficile à cerner, voire artificielle. Comme l’a affirmé lord Lloyd dans l’arrêt Page c. Smith, [1996] 1 A.C. 155 (H.L.), p. 188 :
[traduction] En cette époque d’essor rapide des connaissances médicales, y compris en matière psychiatrique, il ne serait pas raisonnable d’astreindre les tribunaux à appliquer en droit une distinction entre préjudice physique et préjudice psychiatrique, distinction peut‑être déjà quelque peu artificielle et qui pourrait, sous peu, être complètement dépassée. On ne gagne rien à les considérer comme des « catégories » différentes de préjudice à la personne et à forcer, de ce fait, l’application de critères juridiques différents. [Je souligne.]
[9] Cela dit, les troubles psychologiques constituant un préjudice personnel doivent être distingués d’une simple contrariété. En droit, un préjudice personnel suppose l’existence d’un traumatisme sérieux ou d’une maladie grave : voir Hinz c. Berry, [1970] 2 Q.B. 40 (C.A.), p. 42; Page c. Smith, p. 189; Linden et Feldthusen, p. 425‑427. Le droit ne reconnaît pas les contrariétés, la répulsion, l’anxiété, l’agitation ou les autres états psychologiques qui restent en deçà d’un préjudice. Je n’entends pas donner ici une définition exhaustive de ce qu’est un préjudice indemnisable, mais seulement dire que le préjudice doit être grave et de longue durée, et qu’il ne doit pas s’agir simplement des désagréments, angoisses et craintes ordinaires que toute personne vivant en société doit régulièrement accepter, fût‑ce à contrecœur. À mon sens, c’est cette nécessité d’accepter de telles contrariétés, au lieu de prendre action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation, qu’évoquait la Cour d’appel lorsqu’elle a cité Vanek c. Great Atlantic & Pacific Co. of Canada (1999), 48 O.R. (3d) 228 (C.A.) : [traduction] « [E]t la vie continue » (par. 60). Tout bonnement, les contrariétés mineures et passagères n’équivalent pas à un préjudice personnel et, de ce fait, ne constituent pas un dommage.
[10] Selon les conclusions du juge de première instance, étayées par la preuve médicale, M. Mustapha a subi des troubles dépressifs graves, accompagnés de phobies et d’anxiété. Ces troubles psychiatriques ont été débilitants et ont eu une incidence considérable sur sa vie; ces troubles constituent un préjudice personnel en droit. Monsieur Mustapha a donc établi qu’il a subi un dommage.
4. Les dommages subis par le demandeur ont‑ils été causés par le manquement de la défenderesse?
[11] La quatrième et dernière question à examiner dans une action pour négligence est celle de savoir si le manquement du défendeur a causé, en fait et en droit, le préjudice subi par le demandeur. La preuve dont disposait le juge de première instance établit que le manquement de la défenderesse à son obligation de diligence a causé, en fait, le préjudice psychiatrique subi par M. Mustapha. Nous ne sommes pas appelés à réexaminer cette question. Il reste donc à décider si ce manquement a aussi causé, en droit, les dommages subis par le demandeur ou si ces dommages sont trop éloignés pour ouvrir droit à indemnisation.
[12] Pour procéder à l’examen du caractère éloigné des dommages, il faut se demander si [traduction] « le préjudice a trop peu de lien avec l’acte fautif pour que le défendeur puisse raisonnablement être tenu responsable » (Linden et Feldthusen, p. 360). L’arrêt The Wagon Mound (No. 1) a établi le principe, suivi depuis, selon lequel [traduction] « le fait que le préjudice était prévisible par l’homme raisonnable est le seul critère de la responsabilité » (Overseas Tankship (U.K.) Ltd. c. Morts Dock & Engineering Co., [1961] A.C. 388 (C.P.), p. 424).
[13] On a beaucoup écrit sur la mesure dans laquelle le préjudice doit être probable ou vraisemblable pour être considéré comme raisonnablement prévisible. Les parties soulèvent la question de savoir si un préjudice raisonnablement prévisible est un préjudice dont la survenance est probable ou simplement possible. À mon avis, ces termes sont trompeurs. Comme tout préjudice qui est véritablement survenu est « possible », il est évident que la simple possibilité qu’une chose se produise n’est pas une norme utile pour l’appréciation de la prévisibilité raisonnable. Le degré de probabilité propre à satisfaire à l’exigence de la prévisibilité raisonnable a été défini dans The Wagon Mound (No. 2) comme étant un [traduction] « risque réel », c’est‑à‑dire « un risque qui viendrait à l’esprit d’une personne raisonnable placée dans la situation du défendeur [. . .] et que cette personne n’écarterait pas au motif qu’elle le juge invraisemblable » (Overseas Tankship (U.K.) Ltd. c. Miller Steamship Co. Pty., [1967] A.C. 617 (C.P.), p. 643).
[14] L’analyse du caractère éloigné du préjudice dépend non seulement du degré de probabilité requis pour satisfaire à l’exigence de la prévisibilité raisonnable, mais également de la question de savoir si le demandeur est considéré d’un point de vue objectif ou subjectif. En l’espèce, il a notamment fallu se demander si, pour juger de la prévisibilité du préjudice personnel, il faut considérer la personne dotée d’une « résilience ordinaire » ou le demandeur concerné et ses vulnérabilités propres. Cette question peut être critique dans les poursuites pour préjudice psychologique, étant donné que les réactions individuelles face à des facteurs de stress particuliers peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre. Il est de droit constant — dans le cadre de l’analyse de l’obligation de diligence doit-on préciser — que la question à trancher est celle de savoir ce qu’aurait supporté une personne dotée d’une résilience ordinaire : voir White c. Chief Constable of South Yorkshire Police, [1998] 3 W.L.R. 1509 (H.L.); Devji c. Burnaby (District) (1999), 180 D.L.R. (4th) 205, 1999 BCCA 599; Vanek. Aux termes de l’arrêt White, p. 1512, [traduction] « [o]n s’attend en droit à ce que les citoyens fassent preuve d’une résilience et d’une endurance raisonnables, de sorte qu’on ne conclura pas à la responsabilité civile dans des cas de vulnérabilité exceptionnelle de certains individus. »
[15] Ainsi qu’a conclu la Cour d’appel, au par. 49, le fait d’exiger la preuve qu’une personne dotée d’une résilience ordinaire subirait un préjudice psychologique — comme il est précisé dans Vanek aux par. 59 à 61 — constitue un aspect intrinsèque de la notion de prévisibilité. Ce principe vaut, et ce, que l’on considère la prévisibilité à l’étape de l’analyse du caractère éloigné du préjudice ou à celle de l’analyse de l’obligation de diligence. Comme l’a dit le juge en chef Gleeson dans Tame c. New South Wales (2002), 211 C.L.R. 317, [2002] HCA 35, c’est là [traduction] « une façon d’exprimer l’idée que certaines personnes présentent une vulnérabilité telle aux dommages psychiatriques qu’il serait généralement déraisonnable de s’attendre à ce que des étrangers envisagent la possibilité que ces personnes subissent un préjudice, ou encore d’exiger que des étrangers prennent soin d’éviter un tel préjudice » (par. 16). En d’autres termes, des réactions inhabituelles ou extrêmes à des événements résultant de la négligence sont concevables, mais elles ne sont pas raisonnablement prévisibles.
[16] Énoncer cette règle ne revient pas à marginaliser ou à pénaliser ceux qui sont particulièrement vulnérables à un préjudice psychologique. Cela confirme simplement que le droit de la responsabilité délictuelle impose l’obligation d’indemniser le préjudice causé à autrui sur la base d’une prévisibilité raisonnable, et non pas comme une assurance. Le droit de la négligence cherche un résultat qui soit juste — tant pour les demandeurs que pour les défendeurs — et qui soit socialement utile. Dans cette quête, ce n’est pas la perfection mais la prévisibilité raisonnable qui sert pour juger du caractère indemnisable des dommages. Par contre, dès lors que le demandeur prouve qu’il était prévisible qu’une personne dotée d’une résilience ordinaire subisse un préjudice psychologique, le défendeur doit prendre le demandeur tel qu’il est pour ce qui est des dommages. Ainsi que l’a affirmé la Chambre des lords dans White, à la p. 1512, le fait de prendre en compte la personne dotée d’une résilience ordinaire pour statuer sur la question de la prévisibilité [traduction] « ne doit pas être confondu avec la notion de vulnérabilité latente de la victime à laquelle le manquement cause un dommage plus grave que prévu ». Il s’agit plutôt d’un critère préliminaire pour établir que les dommages sont indemnisables en droit.
[17] J’ajouterais ceci. Dans les cas où il est prouvé que le défendeur est véritablement au courant d’une vulnérabilité particulière du demandeur, il n’est pas nécessaire d’appliquer strictement le critère de la résilience ordinaire. En effet, si la preuve établit que le défendeur savait que le demandeur avait une résilience inférieure à la résilience ordinaire, il est possible que le préjudice subi par le demandeur ait été raisonnablement prévisible pour le défendeur. En l’espèce, toutefois, il n’existait aucun élément de preuve qui aurait permis de conclure que Culligan connaissait la vulnérabilité particulière de M. Mustapha.
[18] En conséquence, pour démontrer que le dommage n’est pas trop éloigné pour être considéré, en droit, comme ayant été causé par la négligence de Culligan, M. Mustapha doit établir qu’il était prévisible qu’une personne dotée d’une résilience ordinaire subirait un préjudice grave en voyant les restes de mouches dans la bouteille d’eau qu’il s’apprêtait à installer. Il ne l’a pas fait. La preuve portait seulement sur ses propres réactions, que les experts médicaux ont qualifié de [traduction] « hautement inhabituelles » et de « très individuelles » (arrêt de la C.A, par. 52). Rien dans la preuve n’indique qu’une personne dotée d’une résilience ordinaire aurait subi un préjudice du fait de voir les mouches dans la bouteille; en fait, personne n’a posé cette question aux témoins experts. Au lieu de se demander s’il était prévisible que la conduite de la défenderesse cause des dommages à une personne dotée d’une résilience ordinaire, le juge de première instance a appliqué une norme subjective, prenant en compte les [traduction] « antécédents » et la « situation particulière » de M. Mustapha (par. 227), dont certains « facteurs culturels » comme son obsession pour la propreté ainsi que pour la santé et le bien‑être de sa famille. C’était une erreur. Comme M. Mustapha n’a pas établi qu’il était raisonnablement prévisible qu’une personne dotée d’une résilience ordinaire subisse un préjudice personnel, sa demande doit être rejetée.
5. Argument fondé sur le droit des contrats
[19] Le demandeur a également réclamé des dommages‑intérêts pour cause de violation du contrat, quoiqu’il ne semble pas avoir plaidé cet argument très vigoureusement. Cet argument est rejeté. Pour ce qui est du préjudice psychiatrique subi par M. Mustapha, il n’y a aucune différence quant aux principes ou au résultat entre le droit de la négligence et le droit des contrats. La question des dommages‑intérêts résultant de la violation d’un contrat est régie par les attentes qu’avaient les parties au moment de la conclusion du contrat (Hadley c. Baxendale (1854), 9 Ex. 341, 156 E.R. 145, p. 151, appliqué en ce qui concerne la question des souffrances morales dans Fidler c. Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, [2006] 2 R.C.S. 3, 2006 CSC 30), alors qu’elle s’apprécie au moment de la faute dans le cas d’un délit. J’ai conclu que le préjudice causé à la personne de M. Mustapha n’était pas raisonnablement prévisible par la défenderesse au moment du délit civil reproché. La même preuve tend à indiquer qu’on ne peut pas raisonnablement supposer que les parties avaient envisagé le préjudice subi par M. Mustapha lorsqu’elles ont conclu leur contrat.
6. Conclusion
[20] Pour les motifs exposés précédemment, je conclus que la perte subie par le demandeur, M. Mustapha, était trop éloignée pour être raisonnablement prévisible et que, en conséquence, il n’a pas droit à des dommages‑intérêts de la part de la défenderesse. Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens. Vu ces conclusions, j’estime qu’il est inutile d’examiner le pourvoi incident et je suis d’avis de le rejeter sans dépens.
Pourvoi rejeté avec dépens. Pourvoi incident rejeté.
Procureurs de l’appelant/intimé au pourvoi incident : Pape Barristers, Toronto.
Procureurs de l’intimée/appelante au pourvoi incident : McCague Peacock Borlack McInnis & Lloyd, Toronto.