COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Dikranian c. Québec (Procureur général), [2005] 3 R.C.S. 530, 2005 CSC 73
Date : 20051202
Dossier : 30243
Entre :
Harry Dikranian
Appelant
et
Procureur général du Québec
Intimé
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Abella et Charron
Motifs de jugement :
(par. 1 à 55)
Motifs dissidents :
(par. 56 à 70)
Le juge Bastarache (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, LeBel, Abella et Charron)
La juge Deschamps
______________________________
Dikranian c. Québec (Procureur général), [2005] 3 R.C.S. 530, 2005 CSC 73
Harry Dikranian Appelant
c.
Procureur général du Québec Intimé
Répertorié : Dikranian c. Québec (Procureur général)
Référence neutre : 2005 CSC 73.
No du greffe : 30243.
2005 : 10 mars; 2005 : 2 décembre.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Abella et Charron.
en appel de la cour d’appel du québec
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Beauregard, Rothman et Forget), [2004] J.Q. no 303 (QL), qui a confirmé la décision du juge Journet, [2002] R.J.Q. 969, [2001] J.Q. no 6159 (QL), qui a rejeté l’action de l’appelant. Pourvoi accueilli, la juge Deschamps est dissidente.
Leon J. Greenberg et Guy St‑Germain, pour l’appelant.
Mario Normandin, pour l’intimé.
Le jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, LeBel, Abella et Charron a été rendu par
Le juge Bastarache —
1. Introduction
1 Le recours collectif qui est à l’origine du présent pourvoi a été formé par M. Dikranian au nom d’environ 70 000 étudiants; il a pour objet la récupération d’intérêts payés sur des prêts étudiants octroyés sous le régime de l’ancienne Loi sur l’aide financière aux étudiants, L.R.Q., ch. A-13.3 (« LAFE »), et du Règlement sur l’aide financière aux étudiants, R.R.Q., ch. A-13.3, r. 1 (« RAFE »).
2 Le problème posé en l’espèce provient du fait que les prêts ont pour origine des contrats privés entre des institutions financières et des étudiants, alors que les modalités de remboursement sont établies par le gouvernement dans la LAFE et le RAFE. Le ministre de l’Éducation (« ministre ») impose ces conditions en les incorporant au certificat de prêt dont l’obtention est essentielle à la conclusion du contrat de prêt auquel le ministre n’est pas directement partie.
3 Le présent litige résulte de deux modifications apportées à la LAFE et au RAFE, l’une en 1997 et l’autre en 1998, afin de réduire la période d’exemption du paiement des intérêts et du remboursement du capital. Dans un premier temps, il s’agit de déterminer si, en l’absence de dispositions transitoires, la première modification s’appliquait aux prêts déjà consentis. Dans un deuxième temps, il sera nécessaire de déterminer le sens et la portée de la disposition transitoire incluse dans la deuxième modification législative prévoyant l’application des nouvelles dispositions aux « situations juridiques en cours ».
4 Le régime antérieur à la LAFE était celui du contrat administratif (voir le site Web de l’Aide financière aux études du Québec, www.afe.gouv.qc.ca); le gouvernement déterminait alors les modalités du contrat, qu’il pouvait modifier à son gré, en tout temps. Le régime actuel prévoit au contraire la délivrance d’un certificat dans lequel le ministre garantit le prêt en cas de défaut de paiement par l’étudiant (LAFE, art. 27, 28 et 29) (voir l’annexe) et prend à sa charge le paiement des intérêts pendant la période d’exemption (LAFE, art. 24) (voir l’annexe). Le certificat est toutefois suivi d’un contrat privé entre une institution financière et l’étudiant. Bien que le gouvernement dicte certaines modalités du contrat en les incorporant au certificat qu’il délivre, il n’est pas partie au contrat. Ce n’est pas le gouvernement qui accorde le prêt ou l’approuve. Il prend des engagements parallèles conformément à la LAFE. La question est de savoir si, en l’espèce, les changements apportés à ces obligations légales ont eu pour effet de restreindre les droits conférés à l’étudiant par son contrat avec l’institution financière.
5 Il n’est donc pas nécessaire que je me penche sur la nature précise des rapports juridiques entre le gouvernement et l’étudiant. La question de fond est de savoir si l’Assemblée nationale peut modifier les rapports de droit privé entre l’institution financière et l’étudiant et, dans l’affirmative, si les modifications législatives de 1997 et de 1998 satisfont aux conditions auxquelles il lui est permis de le faire.
2. L’origine du litige
6 Au Québec, la LAFE et le RAFE régissent les prêts étudiants. Le ministre délivre un certificat de prêt à l’étudiant qui y a droit suivant le RAFE, l’autorisant à contracter un emprunt dans les 90 jours auprès d’une institution financière reconnue par le ministre. L’État assume le paiement des intérêts (LAFE, art. 24) et garantit le remboursement du capital. Avant 1997, la loi exemptait l’étudiant qui terminait ses études du paiement des intérêts sur son prêt durant une période stipulée dans le certificat de prêt.
7 Le 1er juillet 1997 (date d’entrée en vigueur de la première loi modificatrice), l’Assemblée nationale a raccourci d’un mois la période d’exemption du paiement des intérêts et du remboursement du capital par l’étudiant-emprunteur (Loi modifiant la Loi sur l’aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel, L.Q. 1996, ch. 79 (« Loi modificatrice de 1997 »), art. 5). Pour un étudiant qui, comme l’appelant, avait terminé ses études au trimestre d’hiver, la date du paiement des intérêts et du remboursement du capital était devancée, passant du 1er janvier 1999 au 1er décembre 1998. À compter du 1er mai 1998 (date d’entrée en vigueur de la deuxième loi modificatrice), l’étudiant devait payer les intérêts dès la fin de ses études (Loi modifiant la Loi sur l’aide financière aux étudiants, L.Q. 1997, ch. 90 (« Loi modificatrice de 1998 »), art. 4 et 5).
8 De 1990 à 1996, l’appelant a obtenu des prêts étudiants. Le dernier certificat de prêt le liant à son institution financière, la Banque Royale du Canada, a été signé le 15 novembre 1996. Le certificat délivré par le ministre stipule que l’appelant pourra emprunter une somme supplémentaire de 4 255 $ qui, après consolidation, portera son prêt étudiant de 22 510 $ à 26 765 $. L’appelant a terminé ses études vers le 31 janvier 1998, au trimestre d’hiver. Selon la clause 10 du certificat de prêt, il devait commencer à rembourser le capital et à payer les intérêts sur le prêt à l’expiration de la période d’exemption, soit le 1er janvier 1999.
9 Vers le 21 juillet 1998, l’appelant s’est renseigné au sujet du remboursement de son prêt. Un représentant de la Banque Royale l’a informé verbalement que les intérêts sur le prêt étaient débités depuis le 1er juin 1998 et que le capital serait exigible à compter du 1er décembre 1998, le tout en conformité avec les directives de l’Aide financière aux étudiants. À cause des modifications législatives de 1997 et de 1998, l’appelant se voyait imputer sur son prêt des intérêts qui, selon les conditions du certificat signé en 1996, devaient être payés par le ministre.
10 Le 7 août 1998, l’appelant a remboursé le capital du prêt et payé, sous toutes réserves, 308,53 $ pour l’intérêt couru du 1er juin au 6 août 1998.
11 L’appelant a été autorisé à intenter, en son nom personnel et au nom d’autres étudiants et étudiantes compris dans un groupe particulier, un recours collectif contre l’intimé, le procureur général du Québec, afin d’obtenir le remboursement des intérêts payés sur les prêts consentis (Dikranian c. Québec (Ministère de l’Éducation), [1999] J.Q. no 2086 (QL) (C.S.), le juge Lévesque). Il allègue que le paiement des intérêts en question devait être assumé par le ministère de l’Éducation du Québec suivant le certificat de prêt délivré avant les modifications législatives.
3. L’historique judiciaire
12 Le 13 décembre 2001, la Cour supérieure, sous la plume du juge Journet, a rejeté l’action de l’appelant. Le 27 janvier 2004, la Cour d’appel l’a débouté à la majorité, le juge Rothman étant dissident.
3.1 En Cour supérieure ([2002] R.J.Q. 969)
13 Le juge Journet rejette d’abord les prétentions de l’appelant fondées sur les dispositions du Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64 (« C.c.Q. »), relatives au contrat d’adhésion ainsi que celles liées à Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., ch. P-40.1. Il estime que ce sont les dispositions de la loi et du règlement qui régissent les droits et les obligations de l’institution financière et de l’étudiant, et non celles du certificat de prêt. Les droits et les obligations ne sont pas dictés par l’une des parties au contrat, comme dans le cas du contrat d’adhésion. Ils sont simplement issus de l’exercice de pouvoirs législatifs ou réglementaires. Selon lui, une disposition législative ou réglementaire obligatoire ne peut être annulée en application du C.c.Q. au motif que son incorporation dans un contrat lui confère un caractère contractuel. Cela équivaudrait en effet « à confondre et à dénaturer des concepts de nullité incompatibles entre eux — d’un côté les règles de nullité applicables aux contrats, de l’autre les règles de nullité et d’invalidité applicables aux lois et règlements » (par. 76). Pour le juge, le certificat de prêt ne constitue pas un contrat en soi, mais plutôt un acte juridique délivré en application d’un texte de loi régissant les droits et les obligations des parties mentionnées.
14 Le juge Journet aborde ensuite la question de la rétroactivité de la loi. Selon lui, le litige a pour objet l’applicabilité immédiate de la loi, et non sa rétroactivité. Il note que les deux lois modificatrices ne prévoient pas que leurs dispositions prendront effet avant leur entrée en vigueur. Il ajoute :
L’article 13 de la loi de 1997 prévoit que les nouvelles dispositions de la loi seront applicables aux situations juridiques en cours lors de leur entrée en vigueur. Il s’agit d’une disposition législative démontrant que le législateur veut que la loi nouvelle s’applique de façon immédiate à tous les prêts existants ou futurs.
Le tribunal ne voit pas comment il pourrait conclure que les deux nouvelles lois ont créé des situations juridiques distinctes, que l’on se situe avant ou après leur adoption. En l’absence de stipulation contraire, toute loi doit recevoir une application immédiate tant pour les contrats conclus avant qu’après leur entrée en vigueur.
Le tribunal souligne qu’il ne peut y avoir plusieurs modalités de remboursement pour les étudiants terminant leurs études à un même trimestre sans dispositions législatives spécifiques.
L’interprétation que doit favoriser le tribunal en est une conduisant à l’application uniforme d'un régime législatif plutôt qu’à une pluralité de régime[s].
L’interprétation suggérée par [l’appelant] afin de régler l’effet dans le temps de la loi de 1996 et de la loi de 1997 sur la [LAFE] a pour conséquence de traiter différemment et de façon inéquitable des étudiants placés pourtant dans la même situation, c'est‑à‑dire des étudiants qui terminent leurs études au même trimestre et qui ont le même montant de prêt à rembourser. Suivant la thèse [de l’appelant], certains de ces étudiants seulement, dont il fait partie, devraient payer moins d’intérêts sur leur prêt et bénéficier ainsi d’avantages qui ne seraient pas accordés à d'autres. [Italiques supprimés; par. 88-92.]
15 En ce qui a trait à la question des droits acquis, enfin, le juge note que ni les étudiants en cause ni l’appelant n’avaient terminé leurs études au moment de l’adoption des deux lois à l’origine du conflit d’interprétation. L’appelant ne s’était donc pas prévalu des exemptions prévues par la loi initiale lors de l’adoption des nouvelles dispositions. Il ne pouvait donc prétendre avoir de droits acquis.
3.2 À la Cour d’appel ([2004] J.Q. no 303 (QL))
16 L’appelant porte en appel ce jugement; il est débouté.
3.2.1 Le juge Forget
17 Le juge Forget, avec l’appui du juge Beauregard, est d’avis qu’il faut rejeter l’appel. Voici le texte de ses courts motifs :
Avec égards pour l’opinion du juge Rothman, je suis d’avis que le jugement de première instance est bien fondé.
Si la relation entre l’étudiant et l'institution financière peut être qualifiée de contractuelle, il n’en va pas de même pour celle entre l’étudiant et l’État dans le cadre de la Loi sur l’aide financière aux étudiants qui met en œuvre un programme public pour faciliter l’accès aux études.
Les modifications apportées par les lois de 1996 et 1997 étaient d’application immédiate et régissaient les prêts en cours.
Je propose de rejeter le pourvoi avec dépens. [par. 48-51]
3.2.2 Le juge Rothman
18 Pour sa part, le juge Rothman accepte les prétentions de l’appelant. Il estime d’abord que le certificat de prêt confère à l’appelant des obligations clairement contractuelles. Il écrit :
[traduction] Il est vrai, comme le dit le juge de première instance, que les programmes d’aide financière créés en vertu de la Loi sont socialement valables en ce qu’ils favorisent l’accès de tous les Québécois à l’éducation. Cependant, le programme de prêts étudiants prévu dans la Loi imposait à l’étudiant des obligations contractuelles, notamment au chapitre du remboursement du capital et du paiement de l’intérêt. Le contrat ainsi conclu prévoyait entre autres la période pendant laquelle l’étudiant était exempté du paiement de l’intérêt.
Délivré par le Ministère et signé par l’étudiant ainsi que l’institution financière, le certificat de prêt revêt la forme d’un contrat, et les clauses précisant les conditions du prêt emploient souvent l’expression « le présent contrat ». Tout emprunteur ou prêteur raisonnable prenant connaissance du document s’estimerait lié par un contrat.
Et même si le Ministère n’a pas signé le document, c’est lui qui l’a délivré à l’étudiant et qui a stipulé les conditions de remboursement du capital et fixé la durée du congé d’intérêts. En outre, le Ministère était lui-même partie au prêt consenti à l’étudiant puisqu’il garantissait le remboursement du capital et le paiement de l’intérêt à l’institution financière, y compris le paiement de l’intérêt couru pendant la durée du congé.
En somme, les programmes créés en vertu de la Loi ont certes une vocation sociale et éducationnelle, mais les obligations et les droits des étudiants suivant les ententes de prêt conclues avec les prêteurs avaient essentiellement un caractère contractuel.
Je ne laisse évidemment pas entendre que la Loi sur l’aide financière aux études ne régissait pas la relation entre, d’une part, l’institution prêteuse et l’étudiant et, d’autre part, l’institution financière et l’État.
. . .
Mais cela dit, une fois établi que les obligations et les droits contractuels d’un étudiant emprunteur et d’une institution prêteuse satisfont aux exigences de la loi et du règlement, il nous faut en toute logique s’en rapporter au contrat intervenu et au droit alors en vigueur pour déterminer les obligations et les droits de l’étudiant emprunteur.
À moins que les modifications subséquentes de la loi ne prévoient leur rétroactivité, expressément ou par déduction nécessaire, je ne vois aucune raison d’appliquer les nouvelles dispositions contraires aux droits des parties découlant de leur contrat et du droit applicable lors de sa conclusion [. . .] À la signature du contrat de prêt, l’étudiant n’avait aucun motif de croire que le gouvernement pouvait, par simple modification législative, réécrire le contrat le liant à la banque et modifier son obligation relative à l’intérêt. Faute de l’intention expresse ou tacite de porter atteinte aux droits de l’étudiant suivant son contrat de prêt, rien ne justifie une interprétation des modifications qui irait dans ce sens. [par. 21-27]
19 Le juge Rothman fait observer que si les modifications de 1997 et de 1998 avaient été applicables, elles auraient eu pour effet de réduire de façon rétroactive la durée du congé d’intérêts prévu dans le certificat de prêt de l’appelant. Or cela aurait contrevenu au principe de la non-rétroactivité des lois. Selon le juge, [traduction] « aucune déduction nécessaire ne commanderait une telle interprétation » (par. 33). Il ajoute :
[traduction] Je ne suis pas non plus enclin à croire que l’emploi de l’expression « . . . situations juridiques en cours . . . » visait à faire en sorte que les modifications de 1997 et de 1998 s’appliquent de façon à réduire la durée du congé d’intérêts prévu par les dispositions antérieures et le contrat intervenu entre l’étudiant emprunteur et la banque prêteuse. À mon humble avis, une fois le prêt approuvé par le Ministère et le contrat de prêt signé par l’étudiant et la banque, l’obligation de l’appelant de payer les intérêts et l’exemption dont il bénéficiait à cet égard n’étaient plus des « situations juridiques en cours ». Ces droits et ces obligations n’étaient plus « en cours ». Ils étaient cristallisés, arrêtés et établis définitivement par le contrat.
Le libellé de la loi ou du contrat ne permet pas de conclure que les obligations de l’étudiant ou de la banque concernant le paiement de l’intérêt par l’étudiant ou la durée du congé d’intérêts étaient susceptibles de négociations ou de modifications. Elles avaient été définitivement circonscrites par le contrat vis-à-vis de l’appelant et de la banque. L’appelant ne pouvait exiger la prolongation du congé d’intérêts et la banque ne pouvait exiger son raccourcissement. Le gouvernement ne pouvait exiger la réduction de la garantie donnée à la banque. Quelles « situations juridiques » demeuraient « en cours »? Absolument aucune. [par. 34-35]
20 Le juge Rothman rappelle ensuite qu’à défaut d’une intention expresse ou tacite en ce sens, une nouvelle loi ne doit pas être interprétée de façon à porter atteinte à des droits acquis. Il écrit :
[traduction] Selon l’article 13 des modifications de 1998, les dispositions modificatives s’appliquaient aux « . . . situations juridiques en cours lors de leur entrée en vigueur. »
Il est vrai que lors de l’entrée en vigueur des modifications de 1998, l’appelant n’avait pas encore mis fin au congé d’intérêts prévu dans son contrat, mais il est difficile de concevoir que le législateur ait voulu, par l’adoption de ces modifications, modifier la durée du congé d’intérêts déjà stipulé dans un contrat de prêt pour le seul motif que le congé n’avait pas encore pris fin.
Lorsque l’appelant a contracté le prêt, il l’a fait à certaines conditions concernant le remboursement du capital et le paiement de l’intérêt. Aucune mention du certificat de prêt délivré par le Ministère ou stipulation du contrat ne laissait entendre que ces conditions pouvaient être modifiées à tout moment. Par essence, un congé d’intérêts n’est pas susceptible de rajustement périodique. L’appelant était en droit de s’attendre à ce que ses obligations de remboursement du capital et de paiement des intérêts soient respectées. L’appelant a rempli ses obligations en remboursant le prêt et en payant l’intérêt couru conformément au contrat.
À défaut d’un libellé très clair selon lequel le législateur entendait porter atteinte aux droits de l’appelant suivant le contrat, je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne serait pas tenu de respecter les droits et les obligations découlant de ce contrat. Si, de ce fait, le gouvernement doit payer l’intérêt pendant la durée du congé prévu dans le contrat, qu’il le paie. C’est ce que prévoient le certificat et le contrat.
J’ai bien du mal à voir dans l’expression « . . . situations juridiques en cours . . . » la preuve de l’intention du législateur de modifier les conditions d’un contrat de prêt conclu avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. [par. 39-43]
4. Analyse
21 En termes simples, voici les questions auxquelles la Cour doit répondre. La LAFE, dans sa version en vigueur le 15 novembre 1996, à la signature du certificat, régit-elle la période d’exemption d’intérêts applicable à la fin des études? Les nouvelles dispositions législatives ont-elles modifié les conditions du contrat de prêt conclu avant leur entrée en vigueur?
22 De façon préliminaire, j’aimerais préciser que le régime mis en place par la LAFE et le RAFE est complet. Il n’est pas question ici de la mise en œuvre de la Loi sur l’application de la réforme du Code civil, L.Q. 1992, ch. 57 (« Loi d’application »); aussi n’est-il pas question de faire appel aux dispositions transitoires prévues par cette loi. Il n’est pas non plus utile ou nécessaire de faire référence aux règles relatives à la protection du consommateur.
4.1 La nature juridique de la relation entre les parties
4.1.1 La relation contractuelle
23 Le point de départ de l’analyse est l’existence d’un contrat de droit privé liant l’étudiant et l’institution financière dont les conditions ne laissent subsister aucun doute à cet égard (art. 1372, 1385 et 1387 C.c.Q.). Les deux parties ont signé le certificat de prêt et ont pris des engagements spécifiques. Sans contredit, la relation contractuelle entre l’étudiant et l’institution financière est marquée par une particularité, le ministre, un non-signataire, s’étant engagé unilatéralement à garantir le prêt et à payer les intérêts pendant une certaine période.
24 Il semble que la LAFE reconnaisse implicitement le lien contractuel établi entre l’étudiant et l’institution financière. Dans sa version en vigueur au moment des faits à l’origine du litige, l’art. 15 prévoyait :
15. Le ministre délivre, à l’étudiant qui y a droit et qui est inscrit ou réputé inscrit au sens du règlement, un certificat de prêt dont les modalités de présentation et celles de versement du prêt sont déterminées par règlement, l’autorisant à contracter un emprunt auprès d’un établissement financier reconnu par le ministre.
Le verbe « contracter » était aussi employé aux art. 40, 41 et 62 de la LAFE, ainsi qu’à l’art. 56 du RAFE, avant les modifications.
25 Bref, tout emprunteur ou prêteur raisonnable prenant connaissance du document s’estimerait lié par un contrat, comme l’a dit le juge Rothman. Il appert aussi que toutes les parties au présent litige reconnaissent la relation contractuelle entre l’étudiant et l’institution financière.
4.1.2 Le contrat de prêt : le certificat de prêt
26 Le contrat de prêt signé le 15 novembre 1996 par l’étudiant et l’institution financière contient les clauses suivantes :
[traduction] Le présent contrat intervient conformément aux exigences de la Loi sur l’aide financière aux étudiants (L.R.Q., ch. A-13.3) et de son règlement d’application (A-13.3, art. 1) et aux exigences du Programme de garantie de prêt pour l’achat d’un micro-ordinateur, le cas échéant.
Sans restreindre la portée de ce qui précède, les parties conviennent également de ce qui suit :
PRÊT CONFORME À LA LOI SUR L’AIDE FINANCIÈRE AUX ÉTUDIANTS
5. Conformément à la Loi sur l’aide financière aux étudiants, l’étudiant est exempté du paiement de l’intérêt sur le capital du prêt consenti par l’institution financière pour la période prévue à l’art. 23 de la Loi, lequel est cité en partie à l’article 10 du présent contrat.
. . .
10. Période d’exemption « signifie la période qui débute à la date à laquelle l'emprunteur obtient un premier prêt ou redevient étudiant à temps plein après avoir cessé de l'être et se termine :
1o le 1er avril, pour l’emprunteur qui termine ou abandonne ses études à temps plein au cours ou à la fin du trimestre d’été précédent;
2o le 1er août, pour l’emprunteur qui termine ou abandonne ses études à temps plein au cours ou à la fin du trimestre d’automne précédent;
3o le 1er janvier, pour l’emprunteur qui termine ou abandonne ses études à temps plein au cours ou à la fin du trimestre d’hiver précédent » (L.R.Q., ch. A-13.3, art. 23).
Suivant le contrat de prêt, l’appelant, qui avait terminé ses études le 31 janvier 1998 (trimestre d’hiver), avait donc l’obligation de rembourser le capital et de prendre à sa charge les intérêts sur le prêt dès l’expiration de la période d’exemption, soit le 1er janvier 1999.
27 Le renvoi à la LAFE a pour effet d’incorporer ses dispositions pertinentes. Plus encore, ce renvoi vise spécifiquement la situation juridique qui existait lors de la signature du certificat, soit la période antérieure aux modifications législatives. Le juge Rothman partage ce point de vue :
[traduction] Mais cela dit, une fois établi que les obligations et les droits contractuels d’un étudiant emprunteur et d’une institution prêteuse satisfont aux exigences de la loi et du règlement, il nous faut en toute logique s’en rapporter au contrat intervenu et au droit alors en vigueur pour déterminer les obligations et les droits de l’étudiant emprunteur. [par. 26]
28 La question de fond est donc de savoir si les droits conférés par le contrat de prêt peuvent être unilatéralement modifiés par le législateur, qui n’est pas signataire de ce contrat.
4.2 Les droits acquis
29 Avant d’analyser la question des droits acquis, je signale qu’il faut faire une distinction entre le principe des droits acquis et celui de la rétroactivité. Cette distinction revêt une grande importance en l’espèce. En fait, le procureur général du Québec soutient que le principe de la rétroactivité des lois n’est pas en cause et demande à la Cour d’appliquer le principe de la rétrospectivité des lois, réitéré récemment dans Épiciers Unis Métro-Richelieu Inc., division « Éconogros » c. Collin, [2004] 3 R.C.S. 257, 2004 CSC 59. Il faut cependant rappeler tout de suite que Épiciers Unis traitait de l’application de la Loi d’application, dont les art. 2 et 3 indiquent que « la récente réforme du Code civil est fondé[e] non pas sur les conceptions qui prévalent en common law, conceptions qui font une large place à la notion de droit acquis, mais sur un système fondé, pour l’essentiel, sur les travaux du juriste français Paul Roubier, ce système écartant nettement toute référence à la notion de droit acquis » (P.-A. Côté, Interprétation des lois (3e éd. 1999), p. 147). Or ici il n’est pas question de régler un conflit résultant de l’entrée en vigueur du C.c.Q. Il faut donc appliquer la Loi d’interprétation, L.R.Q., ch. I-16, qui consacre le principe des « droits acquis » à l’art. 12.
4.2.1 Distinctions entre les droits acquis et la rétroactivité
30 Les droits acquis résultent de la cristallisation des droits et des obligations d’une partie, et de la possibilité de les faire respecter dans l’avenir. Le professeur Côté écrit qu’« [u]ne loi peut, sans rétroactivité, atteindre des droits acquis et elle peut même rétroagir tout en respectant les droits acquis » (p. 196). Ce seront généralement des lois de portée purement prospective qui mettront en péril l’exercice futur de droits acquis avant leur entrée en vigueur : Côté, p. 171.
31 Même si, dans le passé, des tribunaux ont analysé la même question au regard soit de la présomption de respect des droits acquis, soit de la présomption de non-rétroactivité des lois, tel qu’il appert des prétentions des parties au présent litige, une distinction claire subsiste entre ces deux règles d’interprétation : Venne c. Québec (Commission de protection du territoire agricole), [1989] 1 R.C.S. 880, p. 906; Procureur général du Québec c. Tribunal de l’expropriation, [1986] 1 R.C.S. 732, p. 741 et 744; Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1977] 1 R.C.S. 271, p. 279 et 282.
4.2.2 Énoncé de principe
32 Le principe du respect des droits acquis est reconnu en droit canadien depuis fort longtemps. Il fait partie des nombreuses intentions attribuées au Parlement et aux assemblées législatives. Ces présomptions, comme le dit E. A. Driedger dans son traité Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 183,
[traduction] visaient à empêcher l’État d’empiéter sur la liberté ou la propriété du sujet. Ainsi, à moins que la loi n’ait prévu clairement le contraire, il était « présumé » que le législateur n’entendait pas porter atteinte à la liberté ou à la propriété du sujet.
Cela avait déjà été accepté par le juge Duff dans Upper Canada College c. Smith (1920), 61 R.C.S. 413, p. 417 :
[traduction] . . . de façon générale, non seulement il serait extrêmement inopportun de priver des gens de droits acquis lors d’opérations parfaitement valides et régulières au regard du droit alors applicable, mais il s’agirait d’une violation flagrante de la justice naturelle.
(Voir aussi Acme Village School District (Board of Trustees of) c. Steele-Smith, [1933] R.C.S. 47, p. 51; R. Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes (4e éd. 2002), p. 569-570.)
33 L’arrêt-clé qui a trait à cette présomption est Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation Board, [1933] R.C.S. 629, p. 638, où notre Cour a formulé le principe en ces mots :
[traduction] Un texte législatif ne doit pas être interprété de manière à porter atteinte à des droits acquis ou à une « situation juridique existante » (Main c. Stark [(1890), 15 App. Cas. 384, p. 388]), sauf si son libellé le commande. La règle est qualifiée par Coke de « loi du Parlement » (2 Inst. 292), ce qui veut dire sans aucun doute qu’elle se fonde sur la pratique du Parlement, l’hypothèse sous-jacente étant que, lorsqu’il compte porter atteinte à de tels droits ou situations juridiques, le législateur le dit expressément sauf si, de toute façon, cette intention se dégage clairement d’une déduction nécessaire.
34 Depuis, les lois d’interprétation ont codifié ce principe. La Loi d’interprétation ne fait pas exception :
12. L’abrogation d’une loi ou de règlements faits sous son autorité n’affecte pas les droits acquis [. . .]; les droits acquis peuvent être exercés [. . .] nonobstant l’abrogation.
4.2.2.1 Une règle d’interprétation
35 Notre Cour a souligné par le passé que la présomption contre l’atteinte aux droits acquis ne pouvait s’appliquer que si le texte législatif pertinent était ambigu, c’est-à-dire que la loi était logiquement susceptible de deux interprétations (voir Gustavson Drilling, p. 282; Acme Village School District, p. 51; Venne, p. 907).
36 Cet énoncé doit être quelque peu nuancé à la lumière de la jurisprudence récente de notre Cour. Comme le dit la professeure Sullivan, il faut se garder de tomber dans le piège des derniers vestiges de l’interprétation littérale des lois :
[traduction] Ces propos sont trompeurs dans la mesure où ils reprennent la règle du sens ordinaire. Les valeurs inhérentes à la présomption contre l’empiétement sur des droits acquis, soit éviter l’injustice et observer la règle de droit, guident l’interprétation dans tous les cas, pas seulement lorsque le tribunal dit constater une ambiguïté. Le tribunal doit d’abord déterminer l’intention du législateur et, [. . .] à cette fin, il doit s’appuyer sur tous les principes d’interprétation législative, y compris les présomptions. [p. 576]
Depuis l’adoption de la méthode moderne d’interprétation législative, notre Cour a maintes fois indiqué qu’il faut tenir compte du « contexte global » de la disposition pour déterminer si elle est raisonnablement susceptible de plusieurs interprétations (voir p. ex. Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, par. 29).
4.2.2.2 Les critères de reconnaissance des droits acquis
37 Peu d’auteurs ont tenté de définir le concept de « droit acquis ». L’appelant cite le professeur Côté à l’appui de ses prétentions. Cet auteur soutient que le justiciable doit satisfaire à deux critères pour avoir un droit acquis : (1) sa situation juridique est individualisée et concrète, et non générale et abstraite, et (2) sa situation juridique était constituée au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi (Côté, p. 201-202). Ce mode d’analyse a notamment été utilisé par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans Scott c. College of Physicians and Surgeons of Saskatchewan (1992), 95 D.L.R. (4th) 706, p. 727.
38 Un survol de la jurisprudence de notre Cour et des tribunaux des autres provinces me convainc de la justesse du cadre d’analyse proposé par l’appelant.
39 Un tribunal ne peut donc conclure à l’existence d’un droit acquis lorsque la situation juridique considérée n’est pas individualisée, concrète, singulière. La seule possibilité de se prévaloir d’une loi ne saurait fonder une prétention de droits acquis : Côté, p. 202. Comme l’a clairement indiqué le juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans Gustavson Drilling, p. 283, le simple droit de se prévaloir d’un texte législatif abrogé, dont jouissent les membres de la communauté ou une catégorie d’entre eux à la date de l’abrogation d’une loi, ne peut être considéré comme un droit acquis (voir aussi Abbott c. Minister for Lands, [1895] A.C. 425, p. 431; Procureur général du Québec, p. 743; Massey-Ferguson Finance Co. of Canada c. Kluz, [1974] R.C.S. 474; Scott, p. 727-728). En d’autres mots, le droit doit être acquis à une personne en particulier.
40 Mais ce n’est pas tout, il faut aussi que la situation se soit matérialisée (Côté, p. 204). Quand un droit devient-il assez concret? Le moment variera en fonction de la situation juridique en cause. J’y reviendrai. Il suffit de dire pour le moment que tel le décès du testateur qui transforme instantanément en droits les attentes des héritiers (voir p. ex. Marchand c. Duval, [1973] C.A. 635, p. 637, et art. 625 C.c.Q.), tel le délit qui fait naître sur-le-champ le droit à la réparation (voir p. ex. Holomis c. Dubuc (1974), 56 D.L.R. (3d) 351 (C.S.C.-B.); Ishida c. Itterman, [1975] 2 W.W.R. 142 (C.S.C.-B.), et art. 1372 et 1457 C.c.Q.), l’accord contractuel confère instantanément aux parties des droits et des obligations (voir Côté, p. 205).
4.2.3 Application aux lois en cause
41 Le gouvernement soutient que les deux lois modificatrices s’appliquent de façon immédiate et ont donc nécessairement pour effet de transformer les modalités de remboursement puisque celles-ci ont trait aux effets futurs du contrat. Selon lui, la règle de la rétrospectivité des lois justifie ce résultat. Il prétend que le remboursement suivant les modalités prévues au contrat ne constituait qu’une expectative. L’analyse du contexte appuierait ce résultat car, chaque année, le régime s’applique à un grand nombre d’étudiants devant, en toute équité, être assujettis aux mêmes modalités de remboursement. Le gouvernement ajoute que l’administration individualisée serait très problématique et porterait directement atteinte à l’intégrité du régime, qui doit être uniforme. Il s’agirait d’une autre indication que le législateur n’a pu vouloir individualiser l’administration des prêts.
42 Pour sa part, l’appelant prétend que sa situation est individualisée, régie par un contrat privé dont la gestion est confiée à une institution financière, et non au gouvernement. Il rappelle que le certificat a été modifié en 1997 pour le soumettre aux conditions de remboursement qui seraient en vigueur au moment où il devrait commencer à rembourser le prêt. L’appelant fait donc valoir que les deux lois modifiant les obligations juridiques assumées par les parties et qui doivent dans tous les cas être remplies sont rétroactives. Or, puisque la rétroactivité n’est pas spécifiée, elle ne peut être imposée.
4.2.3.1 La Loi modificatrice de 1997
43 Fondamentalement, il demeure que l’appelant et l’institution financière ont signé un certificat de prêt fourni par le ministre, le transformant de ce fait en un contrat et cristallisant les droits et obligations des parties.
44 La Loi modificatrice de 1997 qui a eu pour effet de réduire d’un mois la période d’exemption d’intérêt ne contient aucune disposition transitoire pouvant révéler l’intention du législateur. Bref, rien ne permet de conclure à l’intention claire et non ambiguë du législateur d’appliquer les nouvelles dispositions de façon à réduire les droits des emprunteurs. Il me semble par ailleurs évident que le seul fait de préconiser une application immédiate et future de la Loi modificatrice de 1997 n’autorise pas le gouvernement à porter atteinte aux droits conférés à l’appelant par son contrat. La Loi modificatrice de 1997 ne fait pas mention des contrats déjà conclus et ne saurait donc s’appliquer à eux. Par ailleurs, je ne vois dans le dossier aucun élément permettant d’imputer au législateur la volonté de porter atteinte à des droits acquis. Poursuivons néanmoins l’examen des lois modificatrices.
4.2.3.2 La Loi modificatrice de 1998
45 Dans la Loi modificatrice de 1998, le législateur a prévu des mesures transitoires à l’art. 13. Le deuxième paragraphe est celui qui nous intéresse :
13. Les dispositions introduites par les articles 2 et 3 de la présente loi sont applicables à l’égard des années d’attribution postérieures à leur entrée en vigueur.
Les autres dispositions de la présente loi ainsi que les premiers règlements pris pour leur application sont applicables aux situations juridiques en cours lors de leur entrée en vigueur.
La question est donc de savoir ce que signifient les mots « situations juridiques en cours ». Les juges majoritaires de la Cour d’appel, ainsi que le juge Journet, de la Cour supérieure, ont conclu que l’expression visait tous les prêts étudiants conclus avant et après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Je ne suis pas d’accord.
46 D’abord, nous devons nous interroger sur la portée réelle de cet article : énonce-t-il clairement l’intention du législateur de changer les conditions des contrats de prêt conclus préalablement au 1er mai 1998? Je ne le crois pas.
47 Il convient de rappeler ici les étapes juridiques qui mènent à l’obtention d’un prêt étudiant. Je cite un passage du mémoire de l’appelant (par. 101) :
[traduction] Nous soutenons que, légalement, deux étapes doivent être franchies pour l’obtention d’un prêt étudiant : la première, la délivrance d’un certificat de prêt par le Ministre et, la deuxième, la signature du certificat de prêt par l’étudiant et l’institution financière pour la formation d’un contrat. La première étape, où l’étudiant obtient le certificat de prêt, confère le droit de passer à la deuxième et d’obtenir un prêt aux conditions établies dans le certificat de prêt. Advenant la modification de ces conditions par la loi, à défaut de dispositions claires en ce sens, elle n’aura pas pour effet de modifier un certificat de prêt déjà délivré, à condition que l’étudiant qui l’a obtenu l’ait signé dans le délai imparti (90 jours suivant l’art. 60 du Règlement sur l’aide financière aux études, L.R.Q., ch. A-13.3, art. 1). En d’autres termes, du seul fait d’avoir obtenu un certificat de prêt, l’étudiant aurait le droit de signer ce certificat et d’obtenir un prêt étudiant aux conditions précisées dans le certificat, malgré toute modification apportée au droit applicable.
À mon avis, l’appelant a raison de prétendre que, dans le contexte général du régime, « situations juridiques en cours » s’entend d’un étudiant qui a reçu son certificat de prêt, mais ne l’a pas encore signé (non plus que l’institution financière).
48 L’article 13 ne prévoit pas que les modifications s’appliquent aux contrats ou aux « situations contractuelles ». Or, il appert que, dans le passé, le législateur québécois a établi une distinction entre « situations juridiques en cours » et « situations juridiques contractuelles en cours », utilisant les deux expressions dans la Loi d’application. L’article 3 de cette loi contient en effet l’expression « situations juridiques en cours » :
3. La loi nouvelle est applicable aux situations juridiques en cours lors de son entrée en vigueur.
Ainsi, les situations en cours de création ou d’extinction sont, quant aux conditions de création ou d’extinction qui n’ont pas encore été remplies, régies par la loi nouvelle; celle-ci régit également les effets à venir des situations juridiques en cours.
L’article 4 de la même loi emploie pour sa part l’expression « situations juridiques contractuelles en cours » :
4. Dans les situations juridiques contractuelles en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, la loi ancienne survit lorsqu’il s’agit de recourir à des règles supplétives pour déterminer la portée et l’étendue des droits et des obligations des parties, de même que les effets du contrat.
Cependant, les dispositions de la loi nouvelle s’appliquent à l’exercice des droits et à l’exécution des obligations, à leur preuve, leur transmission, leur mutation ou leur extinction.
Il n’est pas question ici de définir la portée de ces expressions dans le contexte de la Loi d’application et dont la teneur est inspirée, comme j’ai noté, des travaux de P. Roubier (voir P.-A. Côté et D. Jutras, Le droit transitoire civil: Sources annotées (1994)). Il est néanmoins significatif de noter que les deux expressions sont utilisées par le législateur québécois et doivent par conséquent se rapporter à des réalités différentes.
49 Dans la présente affaire, un contrat est signé et conclu avant l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions. Le contrat continue de produire ses effets malgré celles-ci. Les droits et les obligations découlant du contrat sont en effet fixés et cristallisés dès la conclusion du contrat (voir P. Roubier, Le droit transitoire : conflits des lois dans le temps (2e éd. 1993), p. 315-316; H., L. et J. Mazeaud et F. Chabas, Leçons de droit civil, t. 1, vol. 1, Introduction à l’étude du droit (11e éd. 1996), no 147). Bien entendu, cela comprend les modalités de remboursement, clauses essentielles de tout contrat de prêt. À cet égard, je fais miens les propos du juge Rothman :
[traduction] Je ne suis pas non plus enclin à croire que l’emploi de l’expression « . . . situations juridiques en cours . . . » visait à faire en sorte que les modifications de 1997 et de 1998 s’appliquent de façon à réduire la durée du congé d’intérêts prévu par les dispositions antérieures et le contrat intervenu entre l’étudiant emprunteur et la banque prêteuse. À mon humble avis, une fois le prêt approuvé par le Ministère et le contrat de prêt signé par l’étudiant et la banque, l’obligation de l’appelant de payer les intérêts et l’exemption dont il bénéficiait à cet égard n’étaient plus des « situations juridiques en cours ». Ces droits et ces obligations n’étaient plus « en cours ». Ils étaient cristallisés, arrêtés et établis définitivement par le contrat. [par. 34]
50 Devant l’ambiguïté de l’art. 13 de la Loi modificatrice de 1998, nous devons appliquer le principe du respect des droits acquis.
51 La jurisprudence relative à des droits purement légaux dont le justiciable ne s’était pas prévalu avant une modification législative ne sont d’aucune utilité en l’espèce (voir Gustavson Drilling; Procureur général du Québec; Venne). Dans la présente affaire, le droit est prévu dans la loi, mais il est par la suite inséré dans un contrat privé (entre l’étudiant et l’institution financière) où les parties définissent librement et en toute connaissance de cause leurs droits et leurs obligations. C’est l’accord contractuel qui, dès sa formation, confère les droits et les obligations aux parties (et non la loi) (voir Côté, p. 205; Épiciers Unis, par. 48; Township of Nepean c. Leikin (1971), 16 D.L.R. (3d) 113 (C.A. Ont.); Location Triathlon Inc. c. Boucher-Forget, [1994] R.J.Q. 1666 (C.S.)). Le droit de ne pas payer plus d’intérêts que ce que prévoit le contrat est aussi acquis à ce moment-là.
52 En ce qui concerne les raisons administratives invoquées par le gouvernement, notamment la nécessité d’un traitement uniforme et égal des étudiants qui terminent leurs études en même temps, elles ne peuvent amener la Cour à faire abstraction du libellé explicite du contrat privé. À ce sujet, le juge Rothman a dit ce qui suit :
[traduction] En toute déférence, je ne crois pas qu’il s’agisse de traiter les étudiants uniformément ni même équitablement. Il s’agit plutôt de respecter des obligations et des droits différents issus d’un contrat antérieur à la modification. Je ne vois rien d’équitable dans l’atteinte à ces droits et à ces obligations déjà existants au motif que tous les étudiants devraient être traités de la même manière en ce qui à trait aux conditions de remboursement du prêt. Il n’y a rien d’équitable dans le fait de traiter un étudiant moins favorablement que ce que prévoyaient son contrat et le droit applicable lors de la formation de celui-ci. [par. 46]
Le fait que plusieurs étudiants ayant terminé leurs études à la même date fassent l’objet d’un traitement différent est tout à fait normal si les étudiants en question ont obtenu leurs prêts étudiants à des moments différents et ont signé en pleine connaissance de cause des conventions de prêt différentes. C’est le fondement même du droit contractuel individualisé qui mène à ce résultat. Il n’y a pas lieu d’écarter la date de la conclusion du contrat au bénéfice de celle de la fin des études pour déterminer l’étendue des obligations des parties au contrat; le gouvernement a exprimé sa volonté dans le certificat de prêt.
5. Conclusion
53 L’intervention du législateur québécois dans le domaine des prêts étudiants fait sans doute de ceux-ci un élément du programme social visant à promouvoir l’accessibilité aux études. Cependant, il est impossible de faire fi de la volonté du législateur que son programme se fonde sur les obligations contractuelles privées, même si plusieurs conditions du contrat devaient être imposées aux étudiants. Le contrat de prêt entre l’étudiant et l’institution financière, qui découle du certificat de prêt délivré par le ministre, crée des droits et des obligations dès sa conclusion. De là la nécessité de respecter les droits acquis.
54 J’accueillerais par conséquent l’action de l’appelant : (1) les étudiants emprunteurs dont le prêt étudiant était en cours au 1er juillet 1997 bénéficient d’un droit acquis quant à la durée de la période d’exemption applicable lors de la signature du contrat, ce droit n’étant pas touché par la Loi modificatrice de 1997; (2) les étudiants dont le prêt était en cours au 1er mai 1998 bénéficient d’un droit acquis quant à la durée de la période d’exemption applicable lors de la signature du contrat, ce droit n’étant pas touché par la Loi modificatrice de 1998. Le dossier est renvoyé à la Cour supérieure pour qu’elle détermine le mode de réclamation, les montants dus par Québec, ainsi que les modalités de paiement.
55 Pour ces motifs, le pourvoi est accueilli et les jugements de la Cour d’appel et de la Cour supérieure sont infirmés, le tout avec dépens devant toutes les cours.
Les motifs suivants ont été rendus par
56 La juge Deschamps (dissidente) — En déclarant à l’art. 13 que la Loi modifiant la Loi sur l’aide financière aux étudiants, L.Q. 1997, ch. 90 (« LAFE »), s’appliquait aux situations juridiques en cours, le législateur québécois a clairement indiqué que cette loi s’appliquait avec effet immédiat à la période d’exemption de paiement des intérêts payables par l’appelant à son institution financière.
57 Comme l’a décidé la Cour dans Épiciers Unis Métro-Richelieu Inc., division « Éconogros » c. Collin, [2004] 3 R.C.S. 257, 2004 CSC 59, les concepts de common law qui font une large place à la notion de droits acquis sont écartés dans le contexte de l’adoption de l’approche fondée sur l’application immédiate des lois et sur la notion de situation juridique en cours. Le litige ne devrait donc pas être résolu en ayant recours à la théorie des droits acquis.
58 Le juge Bastarache est d’avis que l’expression « situations juridiques en cours » ne vise que les situations en cours de formation (par. 47) et que les effets du contrat continuent d’être régis par la loi qui était en vigueur lors de la conclusion du contrat (par. 49). Je crois plutôt que cette expression inclut tant les situations en cours de formation que les effets d’une situation juridique donnée.
59 En utilisant l’expression « situations juridiques en cours », le législateur québécois s’est inspiré des travaux du juriste Paul Roubier sur le droit transitoire (Droit civil québécois (feuilles mobiles), t. 8, par. DT1 555, « Conflit de loi dans le temps »). Comme le litige concerne justement le droit transitoire, je considère pertinent de me reporter à ses écrits pour cerner la portée de l’expression susmentionnée (P. Roubier, Le droit transitoire : conflits des lois dans le temps (2e éd. 1993)) :
Ce mot de situation juridique a été choisi à dessein comme le plus vaste de tous; nous le jugeons supérieur au terme de droits acquis, en ce qu’il n’a pas un caractère subjectif [. . .]; nous le jugeons également supérieur à celui de rapport juridique [. . .], [expression] qui implique une relation directe entre deux personnes, alors que la situation juridique peut être unilatérale et opposable à toute personne, quelle qu’elle soit.
. . .
Or, pour comprendre quelles difficultés peuvent résulter de l’action d’une loi dans le temps, il suffit de constater que ces situations juridiques ne se réalisent pas en général en un seul moment; elles ont un développement dans le temps, de telle manière que la loi nouvelle peut intervenir à un certain moment de ce développement . . .
Mais ici se place une distinction de toute première importance dans le développement des moments successifs d’une situation juridique : il y a une phase dynamique, qui correspond au moment de la constitution de cette situation (et aussi au moment de son extinction); il y a une phase statique, qui correspond au moment où cette situation produit ses effets. [Je souligne; p. 181-182.]
60 Suivant l’emploi que fait Roubier de l’expression « situation juridique », ce concept englobe tant la constitution de la situation que son extinction et ses effets. À la lumière de ces travaux, il n’y a pas de raison de conclure que, en utilisant l’expression « situations juridiques en cours », le législateur voulait désigner les « situations juridiques en cours de constitution » mais non les « situations juridiques en cours d’effet ».
61 Les auteurs P.-A. Côté et D. Jutras (Le droit transitoire civil : Sources annotées (1994)), qui commentent la théorie de Roubier, incluent eux aussi dans l’expression « situation juridique en cours » non seulement la phase dynamique, c’est-à-dire la formation et l’extinction de la situation juridique, mais aussi la phase statique, c’est-à-dire ses effets :
Une fois que l’on a rattaché une règle à une situation juridique donnée, il faut, dans le système de Roubier, distinguer les règles selon qu’elles se rapportent à la création ou à l’extinction de la situation juridique ou qu’elles en déterminent les effets. On distingue deux phases dans le développement des situations juridiques : la phase dynamique, qui correspond à leur formation et à leur extinction, et la phase statique, qui correspond à leurs effets. Le législateur, au second alinéa des articles 2 et 3 de la Loi d’application, fait d’ailleurs écho à cette distinction entre la phase dynamique (formation et extinction) et la phase statique (effets) des situations juridiques. [par. 1.048]
62 Il est vrai que ces commentaires se rapportent à la Loi sur l’application de la réforme du Code civil, L.Q. 1992, ch. 57 (« Loi d’application »), et qu’il ne s’agit pas ici d’interpréter cette loi. Il n’est cependant pas possible de faire abstraction de l’utilisation qui est faite de la même expression par le même législateur dans la même décennie, d’un concept qui trouve sa source dans les mêmes travaux juridiques.
63 La Cour d’appel du Québec a elle aussi jugé que l’expression « situation juridique » incluait les effets :
Même dans l’unilatéralité de sa constitution et en l’absence d’un rapport juridique immédiat, la notion de situation juridique se rattache à l’existence d’effets juridiques dès sa survenance. [Je souligne.]
(Montréal (Ville) c. 9013-5286 Québec inc., [2002] J.Q. no 2631 (QL), par. 18)
64 Or, dès que le certificat de prêt est accordé à l’étudiant, la situation juridique est créée (c’est-à-dire une situation qui produit des effets juridiques). Cette situation juridique ne cesse pas d’être « en cours » lorsque l’étudiant signe le certificat de prêt conjointement avec l’institution financière, transformant le certificat en contrat de prêt. Adopter l’approche suggérée par le juge Bastarache signifierait que le législateur a scindé le concept en deux : la formation du contrat et ses effets (par. 47). Je ne puis accepter cette interprétation. Une interprétation qui nie qu’une situation juridique est encore « en cours » lorsqu’elle est formée, non éteinte et produit des effets ne respecte pas la théorie sur laquelle le législateur s’est fondé.
65 En l’espèce, l’obligation de payer les intérêts découle du contrat et la période d’exemption du paiement des intérêts est clairement en cours. Comme la durée de cette période d’exemption est d’origine législative, elle peut être modifiée par une loi d’application immédiate.
66 Il est par ailleurs étrange de limiter la portée de l’expression en se reportant à l’art. 4 de la Loi d’application. Cet article énonce une règle particulière pour les situations juridiques contractuelles régies par le Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64. Pour ces situations, la loi nouvelle s’applique seulement « à l’exercice des droits et à l’exécution des obligations, à leur preuve, leur transmission, leur mutation ou leur extinction ». Cet article ne dit nullement que les effets sont exclus de l’expression « situation juridique contractuelle ». D’ailleurs, dans la Loi d’application, les phases dynamique et statique sont traitées de la même façon, qu’il s’agisse d’une situation juridique contractuelle ou de toute autre situation juridique. Cela démontre clairement que les effets sont intégrés au concept de situation juridique.
67 Au surplus, l’interprétation voulant que la disposition transitoire s’applique à « un étudiant qui a reçu son certificat de prêt, mais ne l’a pas encore signé (non plus que l’institution financière) » est si étroite que je ne peux me convaincre que le législateur ait pu vouloir limiter ainsi la portée de la LAFE. Dans Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 539, 2005 CSC 51, par. 43, la Cour a rejeté une interprétation qui limitait l’application d’une loi nouvelle à un nombre très limité de cas. Je crois que le même principe d’interprétation s’applique ici.
68 Dans Épiciers Unis Métro-Richelieu, la Cour n’a pas hésité à reconnaître le caractère rétrospectif d’une disposition du Code civil du Québec. L’effet rétrospectif n’est qu’une des facettes du concept de l’effet immédiat d’une loi. Dans son ouvrage, Interprétation des lois (3e éd. 1999), p. 193, le professeur P.-A. Côté, s’exprime ainsi à ce sujet :
Lorsque la loi nouvelle est déclarée applicable, pour l’avenir, à une situation en cours, on dit qu’elle a un effet immédiat. Le terme est ici employé pour désigner aussi bien le cas où les faits envisagés par la règle sont en train de se produire au moment de la modification du droit (ce que Jacques Héron appelle l’effet général de la loi) que le cas où ce sont les effets juridiques de la règle qui sont en cours (ce que Jacques Héron appelle l’effet rétrospectif de la loi).
C’est justement le volet rétrospectif de la loi qui est en cause ici. La période d’exemption est modifiée pour l’avenir.
69 Le concept de l’effet immédiat de la loi est reconnu par les auteurs et dans la jurisprudence. Dans son jugement majoritaire lapidaire dans la présente affaire, la Cour d’appel n’a fait qu’appliquer une notion avec laquelle elle était familière. Le législateur est libre d’énoncer dans ses lois des dispositions qui peuvent paraître dures. Il n’appartient pas aux tribunaux de s’immiscer dans le processus législatif.
70 Pour ces motifs, je suis d’avis que le jugement majoritaire de la Cour d’appel était bien fondé. J’aurais rejeté l’appel.
ANNEXE
Loi sur l’aide financière aux étudiants, L.R.Q., ch. A-13.3
15. Le ministre délivre, à l’étudiant qui y a droit et qui est inscrit ou réputé inscrit au sens du règlement, un certificat de prêt dont les modalités de présentation et celles de versement du prêt sont déterminées par règlement, l’autorisant à contracter un emprunt auprès d’un établissement financier reconnu par le ministre.
23. Pour l’application de la présente sous-section, « période d’exemption » signifie la période qui débute à la date à laquelle l’emprunteur obtient un premier prêt ou redevient étudiant à temps plein après avoir cessé de l’être et se termine :
1o le 1er avril, pour l’emprunteur qui termine ou abandonne ses études à temps plein au cours ou à la fin du trimestre d’été précédent;
2o le 1er août, pour l’emprunteur qui termine ou abandonne ses études à temps plein au cours ou à la fin du trimestre d’automne précédent;
3o le 1er janvier, pour l’emprunteur qui termine ou abandonne ses études à temps plein au cours ou à la fin du trimestre d’hiver précédent.
24. Le ministre paie à tout établissement financier qui a consenti un prêt autorisé l’intérêt sur le solde de ce prêt au taux fixé par règlement pendant que l’emprunteur est étudiant à temps plein ainsi que pendant la période d’exemption de l’emprunteur.
. . .
27. Lors du décès d’un emprunteur, le ministre rembourse à l’établissement financier le montant du prêt.
28. Le ministre rembourse à tout établissement financier les pertes de capital et d’intérêt résultant d’un prêt autorisé.
29. Le ministre est subrogé de plein droit à tous les droits d’un établissement financier auquel il fait un remboursement en vertu des articles 27 et 28.
40. Après avoir été avisé conformément aux dispositions du paragraphe 1° de l’article 39 ou autrement informé d’un changement qui est de nature à influer sur le montant de l’aide financière, le ministre procède à un réexamen du dossier dûment complété de l’étudiant et rend une décision.
Toutefois, la décision ne peut avoir pour effet de réduire ou annuler le montant d’un prêt déjà contracté.
41. Le ministre peut, lorsqu’une demande est produite après le délai prévu ou lorsqu’il y a violation des dispositions du paragraphe 2° de l’article 39, refuser une demande, réduire ou annuler le montant de l’aide financière ou demander un remboursement de l’aide financière déjà versée sous forme de bourse.
Toutefois, le ministre ne peut réduire ou annuler le montant d’un prêt déjà contracté.
62. Tout prêt contracté en vertu de la Loi sur les prêts et bourses aux étudiants est réputé avoir été contracté en vertu des dispositions de la présente loi.
. . .
Loi modifiant la Loi sur l’aide financière aux étudiants et la Loi sur les collèges d’enseignement général et professionnel, L.Q. 1996, ch. 79
5. L’article 23 de cette loi est modifié :
1o par le remplacement, dans le paragraphe 1o, du mot « avril » par le mot « mars »;
2o par le remplacement, dans le paragraphe 2o, du mot « août » par le mot « juillet »;
3o par le remplacement, dans le paragraphe 3o, du mot « janvier » par le mot « décembre »;
Loi modifiant la Loi sur l’aide financière aux étudiants, L.Q. 1997, ch. 90
4. L’article 23 de cette loi est remplacé par le suivant :
« 23. Pour l’application de la présente sous-section, « période d’exemption » signifie la période qui débute à la date à laquelle l’emprunteur obtient un premier prêt ou redevient étudiant à temps plein après avoir cessé de l’être et se termine à la date déterminée selon les règlements. ».
5. L’article 24 de cette loi est modifié :
1o par le remplacement, dans la quatrième ligne du premier alinéa, des mots « d’exemption de l’emprunteur » par les mots « additionnelle se terminant à la date déterminée selon les règlements »;
2o par l’insertion, dans la première ligne du paragraphe 2o et après le mot « ministre », des mots « et à la condition qu’elles soient dans une situation financière précaire au sens du règlement ».
13. Les dispositions introduites par les articles 2 et 3 de la présente loi sont applicables à l’égard des années d’attribution postérieures à leur entrée en vigueur.
Les autres dispositions de la présente loi ainsi que les premiers règlements pris pour leur application sont applicables aux situations juridiques en cours lors de leur entrée en vigueur.
Pourvoi accueilli avec dépens, la juge Deschamps est dissidente.
Procureurs de l’appelant : Sternthal Katznelson Montigny, Montréal.
Procureurs de l’intimé : Bernard, Roy & Associés, Montréal.