COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Fédération des producteurs de volailles du Québec c. Pelland, [2005] 1 R.C.S. 292, 2005 CSC 20
Date : 20050421
Dossier : 29805
Entre :
André Pelland
Appelant
c.
Procureur général du Québec et
Fédération des producteurs de volailles du Québec
Intimés
‑ et ‑
Procureur général du Canada et
Producteurs de poulet du Canada
Intervenants
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps et Abella
Motifs de jugement :
(par. 1 à 63) :
La juge Abella (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel et Deschamps)
______________________________
Fédération des producteurs de volailles du Québec c. Pelland, [2005] 1 R.C.S. 292, 2005 CSC 20
André Pelland Appelant
c.
Procureur général du Québec et
Fédération des producteurs de volailles du Québec Intimés
et
Procureur général du Canada et
Producteurs de poulet du Canada Intervenants
Répertorié : Fédération des producteurs de volailles du Québec c. Pelland
Référence neutre : 2005 CSC 20.
No du greffe : 29805.
2004 : 9 décembre; 2005 : 21 avril.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps et Abella.
en appel de la cour d’appel du québec
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Fish, Rousseau‑Houle et Chamberland), [2003] J.Q. no 3331 (QL), qui a confirmé une décision du juge Crôteau, [2001] J.Q. no 5828 (QL). Pourvoi rejeté.
Louis H. Lacroix, François Chevrette et Sébastien Locas, pour l’appelant.
Pierre‑Christian Labeau, pour l’intimé le procureur général du Québec.
Pierre Brosseau et Nancy Lemaire, pour l’intimée la Fédération des producteurs de volailles du Québec.
René LeBlanc, pour l’intervenant le procureur général du Canada.
David K. Wilson et M. Lynn Starchuk, pour l’intervenant les Producteurs de poulet du Canada.
Version française du jugement de la Cour rendu par
1 La juge Abella — Il y a plus de 25 ans, la Cour a déclaré constitutionnel un programme fédéral‑provincial de production et de commercialisation des œufs. André Pelland, éleveur de poulets du Québec, dont la production est assujettie à un programme similaire, demande le réexamen de la constitutionnalité du programme.
Contexte
2 Dans l’arrêt de principe qu’elle a rendu en 1978, maintenant appelé « Renvoi sur les œufs » (Renvoi relatif à la Loi sur l’organisation du marché des produits agricoles, [1978] 2 R.C.S. 1198), la Cour a unanimement confirmé la constitutionnalité d’un programme national de commercialisation agricole que le Parlement et les provinces ont élaboré conjointement à la suite de l’évolution de la jurisprudence de la Cour. Depuis, le Renvoi sur les œufs est devenu la référence en matière de programme fédéral‑provincial de commercialisation.
3 Après le prononcé de la décision dans le Renvoi sur les œufs, le gouvernement fédéral et les provinces ont conclu, en 1978, l’Accord fédéral‑provincial relatif à la mise en place d’un système global de commercialisation du poulet au Canada (« Accord fédéral‑provincial »).
4 Pour assurer une commercialisation efficace des poulets et un approvisionnement régulier de ce produit au consommateur canadien, l’Accord fédéral‑provincial vise à établir un régime de réglementation harmonieux dans lequel sont incorporées les compétences législatives des deux ordres de gouvernement. Les composantes fédérale et provinciale du programme ont pu être intégrées par application du par. 22(3) de la Loi sur les offices des produits agricoles, L.R.C. 1985, ch. F‑4, qui habilite l’office fédéral de commercialisation à autoriser un organisme provincial à remplir toute fonction qui lui est attribuée en matière de commerce interprovincial ou d’exportation du produit réglementé. (Les dispositions législatives et réglementaires pertinentes sont reproduites en annexe aux présents motifs.) L’office fédéral a délégué ses pouvoirs à l’organisme provincial de commercialisation du poulet, la Fédération des producteurs de volailles du Québec (« Fédération »), en vertu de la Délégation de pouvoir par l’Office canadien de commercialisation des poulets en matière de contingentement, C.P. 1991‑1090, 13 juin 1991 (« Délégation de pouvoir »), laquelle autorise l’organisme provincial à attribuer et administrer les contingents fédéraux conformément au Règlement canadien sur le contingentement de la commercialisation des poulets (1990), DORS/90‑556, et aux règles applicables dans la province en cette matière.
5 Pour exécuter sa part des modalités de l’Accord fédéral‑provincial et conformément à ce qui est maintenant le par. 16(1) de la Loi sur les offices des produits agricoles, le gouvernement fédéral a créé un office de commercialisation du poulet, alors appelé Office canadien de commercialisation du poulet et maintenant connu sous le nom de « Les producteurs de poulet du Canada » (« PPC »). Cet office est expressément habilité par le par. 22(1) de la Loi sur les offices des produits agricoles à exécuter un plan de commercialisation et à prendre les ordonnances et règlements nécessaires à l’exécution du plan, sous réserve de l’approbation du gouverneur en conseil.
6 Au Québec, ce sont la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, L.R.Q., ch. M‑35.1, et le Règlement sur la production et la mise en marché du poulet, R.R.Q., ch. M‑35.1, r. 13.2, qui forment la composante provinciale du programme dont la constitutionnalité est contestée en l’espèce. Le Plan conjoint des producteurs de volailles du Québec, R.R.Q., ch. M‑35, r. 126, a été adopté en 1971 en vertu de ce qui est maintenant l’art. 45 de la loi provinciale. Administré par la Fédération, il régit la production et la mise en marché du poulet au Québec.
7 L’office fédéral a pour fonction d’évaluer le marché national et de fixer un contingent global de production pour chaque province. Il attribue à chacune un contingent de commercialisation correspondant à la part du marché canadien qu’elle détient.
8 Chaque organisme provincial adopte ensuite comme contingent de production intraprovincial la part exacte qui lui a été attribuée par l’office fédéral. Il accepte d’autoriser les producteurs locaux à produire et mettre en marché une quantité globale de poulets ne dépassant pas celle que l’office fédéral a établie comme part provinciale de l’objectif national de commercialisation. Pour produire et commercialiser des poulets au Québec, l’agriculteur doit être titulaire d’un contingent délivré par la Fédération et il ne peut produire une quantité supérieure à celle permise par son contingent pour la période visée. Le producteur se voit attribuer un contingent provincial unique applicable à l’ensemble de sa production et de sa commercialisation, sans égard à la destination du produit.
9 Pour faciliter l’intégration des contingents de production et de commercialisation, l’office fédéral délègue à l’organisme provincial, en l’occurrence la Fédération, son pouvoir de réglementer la commercialisation des poulets sur les marchés interprovincial et international. Une fois qu’ils ont obtenu de la Fédération un contingent de production et de commercialisation, les producteurs sont libres de choisir le marché où ils veulent vendre leur produit. Ni l’office fédéral ni l’organisme provincial n’établissent de contingents distincts pour la commercialisation intraprovinciale et la commercialisation extraprovinciale.
10 Ainsi, le programme fédéral‑provincial combine en un seul organisme, à savoir la Fédération, la compétence provinciale en matière de production et de commercialisation intraprovinciale et la compétence fédérale en matière de commercialisation extraprovinciale. Les contingents fédéraux et provinciaux sont harmonisés afin que la quantité totale de poulets produits au Canada ne dépasse pas le total national convenu pour la commercialisation.
11 Comme M. Pelland a produit 4 425 030 kg en sus des contingents qui lui ont été attribués pour les périodes visées, la Fédération a, conformément aux dispositions pénales prévues par le règlement provincial, automatiquement réduit son contingent à zéro et lui a imposé une amende de 2 433 766,50 $. La Fédération a également demandé une injonction interlocutoire.
12 Le juge Crôteau a accordé l’injonction : [2001] J.Q. no 5828 (QL). Il a estimé que M. Pelland avait produit et vendu environ 29 fois plus que son contingent et que cet excédent représentait près de la moitié du surplus de production au Québec pour les périodes visées.
13 Au nom de la Cour d’appel du Québec à l’unanimité, la juge Rousseau‑Houle (les juges Fish et Chamberland souscrivant à ses motifs) a débouté l’appelant au motif que l’arrêt rendu par la Cour dans le Renvoi sur les œufs a réglé la question constitutionnelle qu’il a soulevée : [2003] J.Q. no 3331 (QL).
14 À la suite de l’autorisation du pourvoi en octobre 2003, la juge en chef McLachlin a formulé les questions constitutionnelles suivantes :
1. La Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, L.R.Q., ch. M‑35.1, et le Règlement sur la production et la mise en marché du poulet, R.R.Q., ch. M‑35.1, r. 13.2, s’appliquent‑ils ex proprio vigore, d’une manière conforme à la Constitution, pour contingenter la production de poulets destinés en exclusivité au marché interprovincial?
2. Dans la négative, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, L.R.Q., ch. M‑35.1, et le Règlement sur la production et la mise en marché du poulet, R.R.Q., ch. M‑35.1, r. 13.2, s’appliquent‑ils néanmoins pour contingenter la production de poulets destinés en exclusivité au marché interprovincial en raison du par. 22(3) de la Loi sur les offices de commercialisation des produits de ferme, L.R.C. 1985, ch. F‑4, et de la Délégation de pouvoir par l’Office canadien de commercialisation des poulets en matière de contingentement, C.P. 1991‑1090?
15 Selon moi, l’Accord fédéral‑provincial de 1978, tout comme le programme établi dans le Renvoi sur les œufs, reflète en les concrétisant la créativité constitutionnelle et la souplesse coopérative du fédéralisme canadien. En me fondant en grande partie sur une génération de jurisprudence constitutionnelle de la Cour, je suis d’avis de rejeter le pourvoi pour les motifs qui suivent.
Analyse
A. La constitutionnalité de la législation provinciale en matière de production et de commercialisation
16 M. Pelland admet qu’il a nettement dépassé son contingent. Il conteste cependant l’injonction interlocutoire obtenue par la Fédération au motif que la totalité de sa production est exportée en Ontario et ne fait pas l’objet d’une commercialisation au Québec. Il soutient que les dispositions législatives et réglementaires de la province en matière de commercialisation ne peuvent s’appliquer qu’à la production de poulets destinés aux marchés du Québec et non à la production de poulets réservés exclusivement aux marchés interprovinciaux.
17 M. Pelland ne fonde pas son argumentation sur le caractère véritable de la loi provinciale sur la commercialisation et du règlement provincial sur le poulet. Il exhorte plutôt la Cour à conclure que le contingentement de la production destinée à l’exportation ne relève pas de la compétence provinciale. Il ne conteste pas la validité du régime provincial, mais il soutient qu’il ne peut s’appliquer à la production de poulets destinés uniquement au marché interprovincial. Il propose à la place un régime à deux volets : un contingent fédéral pour la production à l’exportation et un contingent provincial pour le commerce intraprovincial.
18 M. Pelland se fonde sur les propos du juge en chef Laskin, dans le Renvoi sur les œufs, selon lesquels les dispositions législatives et réglementaires en cause dans cette affaire ne seraient pas valides si elles visaient à « limiter le commerce interprovincial ou d’exportation » (p. 1287). Cette remarque, toutefois, s’inscrivait dans l’examen de la question de savoir si les dispositions en cause étaient véritablement des questions de compétence provinciale. Comme il sera expliqué plus loin dans les présents motifs, le juge en chef Laskin a finalement conclu qu’elles l’étaient. La remarque de ce dernier ne saurait donc étayer la prétention que les dispositions provinciales jugées valides à l’issue de l’analyse de leur caractère véritable ne s’appliquent pas au commerce d’exportation.
19 Contrairement à ce que prétend M. Pelland, j’estime que le caractère véritable de la loi provinciale sur la commercialisation et du règlement provincial sur le poulet se trouve au cœur du présent pourvoi. Pour déterminer si la composante provinciale du programme est inconstitutionnelle du fait qu’elle empiète sur un chef de compétence fédérale, il faut d’abord en établir le caractère fondamental.
20 Le juge LeBel a récemment examiné la méthode d’analyse à adopter, dans l’arrêt Bande Kitkatla c. Colombie‑Britannique (Ministre des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme et de la Culture), [2002] 2 R.C.S. 146, 2002 CSC 31, par. 53‑54, lequel porte sur des dispositions de la Heritage Conservation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 187 :
L’analyse du caractère véritable porte à la fois (1) sur l’objet de la législation et (2) sur ses effets. Premièrement, pour déterminer l’objet de la législation, la Cour peut examiner tant la preuve intrinsèque, telles les dispositions énonçant les objectifs généraux, que la preuve extrinsèque, tels le Hansard ou les comptes rendus des comités parlementaires.
Deuxièmement, dans son analyse de l’effet de la législation, la Cour peut examiner à la fois son effet juridique et son effet pratique. Autrement dit, elle examine tout d’abord les effets directs des dispositions de la loi elle‑même, puis les effets « secondaires » de son application : voir R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463, p. 482‑483. Le juge Iacobucci donne quelques exemples de cette démarche dans Global Securities Corp. c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494, 2000 CSC 21, par. 23 :
Les effets de la mesure législative peuvent également être pertinents pour déterminer si elle est valide, dans la mesure où ils en révèlent le caractère véritable. Par exemple, dans l’arrêt Saumur c. City of Quebec, [1953] 2 R.C.S. 299, la Cour a invalidé un règlement municipal qui interdisait la distribution de tracts, pour le motif qu’il avait été appliqué de façon à supprimer les opinions religieuses des Témoins de Jéhovah. De même, dans Attorney‑General for Alberta c. Attorney‑General for Canada, [1939] A.C. 117, le Conseil privé a invalidé une loi qui imposait une taxe aux banques, pour le motif que les effets de cette taxe étaient si graves que l’objet véritable de la loi ne pouvait qu’être lié aux opérations bancaires et non à la taxation. Cependant, de simples effets accessoires ne rendent pas inconstitutionnelle une loi par ailleurs intra vires. [Je souligne.]
(Voir aussi P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (éd. feuilles mobiles), vol. 1, § 15.5(d))
21 Dans le Renvoi sur les œufs, la Cour a analysé le caractère fondamental d’un programme analogue, en vertu duquel l’Office canadien de commercialisation des œufs établissait des contingents globaux pour chaque province. Ce programme a été créé par suite d’un accord entre le ministre fédéral de l’Agriculture, l’office de commercialisation fédéral et leurs homologues provinciaux, dans le but d’instaurer un système national complet de commercialisation des œufs. L’office fédéral était habilité à établir des contingents globaux pour les provinces et à imposer aux producteurs d’œufs des redevances ou frais de commercialisation, qui étaient perçus pour son compte par les organismes de commercialisation provinciaux. En Ontario, c’était la Commission de commercialisation des produits agricoles de l’Ontario qui fixait les contingents individuels de production d’œufs applicables aux producteurs ontariens, en fonction du contingent attribué à la province. La loi ontarienne interdisait en outre à quiconque ne détenait pas de contingent de produire des œufs.
22 Dans le Renvoi sur les œufs, la Cour a confirmé que la réglementation de la production agricole était essentiellement une question de nature locale relevant de la compétence provinciale en vertu du par. 92(10) de la Loi constitutionnelle de 1867. Elle a formulé les conclusions pertinentes suivantes : la compétence constitutionnelle en matière de commercialisation est partagée, mais la production agricole constitue de prime abord une question locale, de compétence provinciale; le programme provincial ne visait pas le commerce extraprovincial mais était réputé être coordonné et intégré à la réglementation établie sous l’autorité fédérale. Sa conclusion la plus pertinente est que les producteurs ne peuvent prétendre échapper à l’autorité provinciale en destinant toute leur production au commerce extraprovincial.
23 Selon la Cour, les effets que le programme provincial de production et de commercialisation des œufs pouvait avoir sur le commerce extraprovincial n’avaient qu’un rapport secondaire avec l’objet général consistant à réglementer la production destinée à la commercialisation dans le contexte d’un accord de coopération fédéral‑provincial.
24 Même s’ils ne s’entendaient pas sur l’étendue exacte du chef de compétence provinciale en cause, le juge Pigeon, pour les cinq juges majoritaires, et le juge en chef Laskin, dans une opinion concordante minoritaire, ont tous deux conclu à la constitutionnalité de la composante provinciale du programme de commercialisation, car son objet ne dépassait pas la production et le commerce intraprovinciaux. Ils ont aussi reconnu que, si l’objet véritable de la loi provinciale avait été de réglementer le commerce interprovincial ou l’exportation, la loi aurait été ultra vires.
25 Le juge Pigeon a statué que, la production agricole étant de prime abord de compétence provinciale, la province peut imposer des contingents de production sans égard à la destination finale des produits. Un producteur ne peut se soustraire à la compétence de la province en matière de production en destinant ses produits au marché international ou extraprovincial :
Aucun exploitant ne peut prétendre échapper à l’autorité provinciale en destinant toute sa production au commerce extra‑provincial. Je ne vois aucun fondement à l’opinion selon laquelle une répartition des pouvoirs de réglementation se ferait au stade de la production, entre ce qui est destiné au commerce intra‑provincial et ce qui est destiné au commerce extra‑provincial. [Je souligne; p. 1295.]
26 C’est cette conclusion que M. Pelland cherche à faire infirmer, en se fondant principalement sur l’opinion minoritaire du juge en chef Laskin voulant que, si la loi provinciale avait principalement visé la réglementation d’intérêts extraprovinciaux, elle aurait outrepassé la compétence de la province. C’est la possibilité qu’une province recoure à son pouvoir réglementaire en matière de production pour « étouffer » le commerce interprovincial à sa source même qui est à l’origine de la réserve qu’a formulée le juge en chef Laskin à l’égard de l’opinion du juge Pigeon :
Il est vrai qu’une province ne peut limiter l’exportation de marchandises hors de la province et toute législation provinciale de commercialisation doit se plier à cette exigence. Comment alors, peut‑on se demander, pourrait‑elle être autorisée à atteindre cet objectif défendu en étouffant le commerce interprovincial à sa source même, au point de production? [p. 1286]
27 M. Pelland se fonde sur ce raisonnement pour affirmer que la Cour doit réexaminer la constitutionnalité d’un programme de commercialisation comme celui qui le régit, conclure à l’inconstitutionnalité de la composante provinciale du programme et restreindre la compétence des organismes de commercialisation provinciaux à la seule production pour la commercialisation dans la province.
28 Selon moi, la loi attaquée est constitutionnelle, que l’on applique l’opinion de la majorité dans le Renvoi sur les œufs ou celle de la minorité. Le juge Pigeon ne disconvenait pas du caractère ultra vires d’une loi provinciale visant à réglementer le commerce extraprovincial. Il a simplement statué que la production agricole constitue de prime abord une question provinciale :
À mon avis, le contrôle de la production, agricole ou industrielle, constitue de prime abord une question locale, de compétence provinciale. [p. 1293]
Il a toutefois assorti cette affirmation de la réserve suivante :
Cela ne veut pas dire qu’il s’agi[sse] d’un pouvoir illimité car, comme on l’a déclaré dans le Renvoi sur les œufs du Manitoba [[1971] R.C.S. 689] et l’arrêt Burns Foods [[1975] 1 R.C.S. 494], une province ne peut réglementer le commerce extra‑provincial. Mais la commercialisation ne comprend pas la production et, en conséquence, la réglementation provinciale de la production est de prime abord valide. En l’espèce, la réglementation provinciale ne vise pas le commerce extra‑provincial. Dans la mesure où elle l’atteint, elle vient compléter la réglementation établie sous l’autorité fédérale. À mon avis, cela est parfaitement légitime. Le contraire signifierait que notre Constitution empêche toute entente fédérale‑provinciale de coopération en vue d’établir un régime pratique de production et de commercialisation ordonnées et efficaces d’une denrée dont le commerce tant intra‑provincial qu’extra‑provincial a besoin d’être réglementé, comme en conviennent tous les gouvernements en cause. [Je souligne; p. 1296.]
Le juge en chef Laskin partageait pour l’essentiel ce point de vue :
Son objectif premier est de réglementer la mise en marché dans le commerce intra‑provincial. Bien que l’imposition de contingents de production en vue de limiter le commerce interprovincial ou d’exportation ne soit pas une réglementation valide de cette commercialisation, je ne suis pas persuadé que je doive interpréter dans ce sens l’art. 21a si on le regarde dans le contexte de The Farm Products Marketing Act de l’Ontario dont il fait partie. [Je souligne; p. 1286‑1287.]
29 En toute déférence, je vois mal comment les motifs du juge en chef Laskin dans le Renvoi sur les œufs peuvent être utiles à M. Pelland ou constituer un terreau fertile pour la remise en cause de la constitutionnalité de la composante provinciale du programme visé. Dans un passage de cette opinion tout aussi applicable en l’espèce, le Juge en chef a écrit :
Il est clair que l’intention est d’intégrer les réglementations fédérale et provinciale, de façon à atteindre à la fois les producteurs qui vendent leur production dans une province donnée et ceux qui veulent l’exporter vers une autre province ou à l’extérieur du Canada. Il est certainement loisible aux autorités fédérales de fixer les parts provinciales respectives de la production canadienne d’œufs dans le but de réglementer le mouvement des œufs dans le commerce interprovincial ou d’exportation. La part ainsi fixée pour une province donnée met une limite aux propres politiques de commercialisation de cette province. En conséquence, le fait qu’une province ait adopté le même pourcentage ne la fait pas automatiquement sortir du commerce intra‑provincial. Cette adoption ne fournit qu’un point de repère dans la détermination de l’attitude provinciale à l’égard des contingents pour les producteurs provinciaux. Je ne pense pas que l’utilisation de ce point de repère équivaille à une incursion dans la compétence fédérale relative au commerce interprovincial. Elle constitue au contraire, et les termes du règlement attaqué le soulignent, une reconnaissance de cette compétence et une approbation du contrôle de ce commerce en vertu de la législation fédérale. En bref, elle tient compte du fait que certains producteurs de l’Ontario iront sur le marché interprovincial et d’exportation. [Je souligne; p. 1282‑1283.]
30 Sur le fond, aucune des deux opinions exprimées dans le Renvoi sur les œufs ne s’écarte du raisonnement déterminant formulé antérieurement par la Cour dans Carnation Co. c. Quebec Agricultural Marketing Board, [1968] R.C.S. 238, dans lequel le juge Martland a minutieusement passé en revue la jurisprudence de la Cour, notamment Reference re The Farm Products Marketing Act, [1957] R.C.S. 198, pour conclure, dans la décision unanime :
[traduction] Selon les quatre juges dans le Renvoi relatif à l’Ontario, le fait qu’une opération ait entièrement lieu dans une province ne signifie pas nécessairement qu’elle soit de ce fait assujettie à l’autorité provinciale. La réglementation de certaines de ces opérations relatives à des produits destinés au commerce interprovincial peut constituer une réglementation du commerce interprovincial et, par conséquent, ne pas être du ressort de l’autorité provinciale.
Je conviens avec les quatre juges dans le Renvoi relatif à l’Ontario qu’une opération commerciale exécutée dans une province n’est pas nécessairement, de ce seul fait, assujettie uniquement à l’autorité provinciale, mais, à mon avis, le fait qu’une telle opération touche incidemment une entreprise qui se livre au commerce interprovincial ne la soustrait pas nécessairement à cette réglementation.
Je partage le point de vue du juge Abbott dans le Renvoi relatif à l’Ontario qu’il faut examiner chaque opération et chaque réglementation d’après les faits de l’espèce. [. . .] Elles ne visent pas directement à réglementer ou restreindre ces échanges. Rien ne permet de penser qu’en fait elles les réglementent ou les restreignent. Au plus, on peut dire qu’elles ont un certain effet sur les prix de revient au Québec d’une entreprise qui fait du commerce interprovincial, ce qui, en soi, ne suffit pas à les déclarer invalides. [Je souligne; p. 253‑254.]
31 Cette analyse met en relief la préoccupation que le juge en chef Laskin a exprimée dans le Renvoi sur les œufs et qui survient chaque fois qu’il y a chevauchement de compétences. Des lois relevant de la compétence d’un ordre de gouvernement débordent souvent sur celle d’un autre ordre ou ont des répercussions indirectes sur elle. C’est pourquoi la cour de révision doit se concentrer sur le caractère fondamental de la loi en cause, comme ce fut le cas dans Carnation, dans Procureur général du Manitoba c. Manitoba Egg and Poultry Assn., [1971] R.C.S. 689, dans le Renvoi sur les œufs, dans Canadian Industrial Gas & Oil Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan, [1978] 2 R.C.S. 545, et dans Central Canada Potash Co. c. Gouvernement de la Saskatchewan, [1979] 1 R.C.S. 42.
32 En examinant l’essence de la composante provinciale du programme fédéral‑provincial de commercialisation du poulet de 1978, on constate d’emblée qu’elle est fonctionnellement identique aux dispositions législatives ontariennes relatives à la commercialisation et la production des œufs sur lesquelles portait le Renvoi sur les œufs. Comme dans cette affaire, les parties conviennent que le programme fédéral‑provincial de commercialisation du poulet fait intervenir les par. 91(2) et 92(10) de la Loi constitutionnelle de 1867, le premier conférant compétence au gouvernement fédéral en matière d’échanges et de commerce et le second, aux gouvernements provinciaux en matière d’ouvrages et entreprises de nature locale.
33 Je le répète, après la répartition du contingent national de production de poulets entre les provinces, le producteur doit être titulaire d’un contingent individuel de production pour produire du poulet dans sa province. Dans chaque province, les producteurs ne reçoivent qu’un seul contingent individuel de commercialisation et de production.
34 Le règlement provincial établit les contingents en fonction de la superficie exploitée, liant manifestement le contingentement à la production physique au Québec. Ce contingent n’établit pas de distinction entre ce qui peut être mis en marché dans la province et ce qui peut l’être à l’extérieur; c’est à chaque producteur de décider du marché où écouler ses produits, après avoir obtenu les permis nécessaires (Règlement sur l’octroi de permis visant les poulets du Canada, DORS/81‑517). Les producteurs de poulets du Québec sont libres de vendre leurs produits comme ils l’entendent, sur le marché intraprovincial ou extraprovincial, ou par une combinaison des deux, à condition de ne pas dépasser leur contingent individuel.
35 Les producteurs provinciaux désireux d’exporter leur produit doivent seulement obtenir un contingent de commercialisation et de production de la Fédération et un permis de l’office fédéral. Les producteurs ne peuvent, sans permis, se livrer à la commercialisation interprovinciale ou internationale de poulets. Les conditions de délivrance de ce permis ne sont toutefois pas excessives. L’office fédéral est tenu de le délivrer lorsqu’il reçoit une demande valide. Les producteurs, quant à eux, doivent se conformer aux lois applicables et soumettre régulièrement des rapports au sujet de leurs ventes extraprovinciales. Aucune limite quantitative d’exportation n’est indiquée sur le permis et, théoriquement, la seule limite applicable est celle qui découle du contingent attribué par la Fédération.
36 Il importe de souligner qu’après examen des dispositions législatives provinciales en cause dans le Renvoi sur les œufs, le juge en chef Laskin et le juge Pigeon ont conclu à leur constitutionnalité, parce qu’elles ne visaient pas à régir ou restreindre directement l’exportation et qu’elles n’avaient pas non plus cet effet. Il en va de même pour le programme provincial en l’espèce.
37 La composante législative provinciale du programme fédéral‑provincial de commercialisation du poulet n’a pas pour objet fondamental de fixer des contingents ou des prix à l’égard de produits d’exportation ou de régir le commerce interprovincial ou l’exportation. Comme dans le Renvoi sur les œufs, les dispositions législatives provinciales en l’espèce ont pour but d’établir des règles permettant d’organiser la production et la mise en marché du poulet au Québec et de contrôler la production de poulets afin d’assurer le respect des engagements provinciaux pris dans le cadre de l’accord de coopération fédéral‑provincial. L’effet qu’elles peuvent avoir sur le commerce extraprovincial est accessoire.
38 En toute déférence, je ne vois aucun fondement rationnel pour démanteler un système fédéral‑provincial intégré qui a fait ses preuves. Comme les provinces n’ont pas compétence en matière de commerce extraprovincial de produits agricoles, le Parlement a autorisé la création d’offices de commercialisation fédéraux et la délégation de pouvoirs réglementaires à des organismes de commercialisation provinciaux pour la commercialisation sur les marchés interprovincial et international. Les deux ordres de gouvernement légifèrent dans leur champ de compétence respectif afin de créer un régime de réglementation unifié et cohérent. Le système de contingents vise à maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande et à atténuer l’instabilité intrinsèque des marchés. Il ne peut, dans la poursuite de cet objectif, soustraire à son application les producteurs qui cherchent à échapper aux limites de production en destinant la totalité ou une partie de leur production au commerce extraprovincial.
39 M. Pelland nous invite aussi à nous inspirer de l’analyse de la Cour dans Central Canada Potash, mais j’estime en toute déférence que cet arrêt ne s’applique pas en l’espèce. Il porte sur « la nature et [le] caractère véritables » du programme en cause (p. 75). En fait, le juge en chef Laskin y confirme la décision rendue dans le Renvoi sur les œufs. Le litige portait sur la constitutionnalité du règlement provincial de la Saskatchewan qui fixait le quota de production de potasse de chaque producteur uniquement en fonction de la capacité de production. Il était notoire, au moment de la prise du règlement, que la potasse produite en Saskatchewan était presque toute destinée aux marchés interprovincial et international. Il importe de signaler que cet arrêt a été rendu avant l’ajout de l’art. 92A à la Loi constitutionnelle de 1867, lequel étendait les pouvoirs provinciaux aux ressources naturelles non renouvelables.
40 Le juge en chef Laskin a conclu que le règlement visait à régir la commercialisation de la potasse par la fixation d’un prix de vente minimum applicable au quota de production permise. Ce programme n’avait d’effet que sur le marché international. Citant le Renvoi sur les œufs, le Juge en chef a indiqué que, si les mesures de contrôle et de conservation des ressources naturelles relèvent habituellement de la compétence provinciale, il peut en être autrement lorsque la province établit un programme de commercialisation dont la caractéristique principale est la fixation des prix. Il a conclu que la loi provinciale était ultra vires parce qu’elle visait directement la production de la potasse destinée à l’exportation et qu’elle avait pour but de réglementer le prix à l’exportation.
41 En l’espèce, toutefois, le contingentement de la production ne vise pas à restreindre le commerce interprovincial, ce qui était la situation hypothétique à laquelle le juge Laskin faisait allusion dans l’opinion minoritaire exposée dans le Renvoi sur les œufs. Contrairement au programme provincial en cause dans l’affaire Central Canada Potash, qui visait directement la production destinée à l’exportation, ou dans l’affaire Manitoba Egg and Poultry, qui limitait la liberté des échanges entre provinces, le présent programme de coopération, comme celui dont il était question dans le Renvoi sur les œufs, est conçu de façon à réaliser l’intégration des programmes de commercialisation et de production fédéral et provinciaux.
42 Tout au plus, M. Pelland pourrait‑il soutenir que la réduction de son contingent à zéro en application de la sanction prévue par la loi provinciale « étouffe » effectivement sa production. Il est vrai que, dans son cas, les dispositions pénales de la loi ont eu cet effet. Mais comme la loi provinciale n’a pas pour objet d’étrangler la production à l’exportation et que M. Pelland était autorisé à exporter la totalité de son contingent s’il le voulait, il ne peut prétendre que les limites imposées à sa production et à sa mise en marché vont à l’encontre de l’objet de la loi provinciale.
43 La réduction du contingent de M. Pelland ne visait pas à régir ce qu’il destinait aux marchés extraprovinciaux; c’était une mesure prise selon une formule mathématique et de façon proportionnelle en réponse à sa surproduction, quel que soit le marché visé. Un producteur individuel comme M. Pelland reçoit un seul contingent sans égard à la destination des produits. Le fait que son contingent soit réduit à zéro n’avait rien à voir avec une tentative de la part de la province de réglementer le commerce interprovincial ou l’exportation; c’était seulement une sanction qui lui était infligée pour n’avoir manifestement pas respecté le contingent qui lui avait été attribué.
44 Par conséquent, la réponse à la première question constitutionnelle est affirmative, c’est‑à‑dire que la loi provinciale est constitutionnelle et peut avoir pour effet de limiter la production de poulets destinés exclusivement au marché interprovincial.
B. Délégation administrative et incorporation par renvoi
45 M. Pelland invoque subsidiairement l’inconstitutionnalité de la Délégation de pouvoir visée en l’espèce.
46 Dans Colombie‑Britannique (Milk Board) c. Grisnich, [1995] 2 R.C.S. 895, la Cour a statué qu’un organisme administratif provincial n’a pas à préciser dans sa décision la source ou la disposition exacte d’où il tire sa compétence. Dans la mesure ou l’organisme provincial de commercialisation est régulièrement investi à la fois de pouvoirs fédéraux et de pouvoirs provinciaux, un tribunal ne cherchera pas à déterminer les sources constitutionnelles d’une décision donnée.
47 Toutefois, si un programme fédéral‑provincial présente des irrégularités, un tribunal peut examiner la décision contestée de l’organisme provincial afin d’établir en vertu de quel pouvoir elle a été prise. Il s’agit alors de déterminer si le vice législatif ou administratif porte atteinte à la constitutionnalité de la décision.
48 Je ne vois aucune irrégularité de la sorte en l’espèce. L’office fédéral, par le biais de la Délégation de pouvoir, a correctement délégué à la Fédération son pouvoir de réglementer le commerce extraprovincial et l’exportation.
49 M. Pelland concède qu’un organisme provincial peut contingenter la production destinée à l’exportation s’il jouit d’une délégation de pouvoir valide, mais il prétend que l’office fédéral, les PPC, n’a pas validement délégué son pouvoir réglementaire à la Fédération. Selon lui, l’irrégularité provient de ce que l’office fédéral a incorporé par renvoi des règles provinciales en vertu de l’art. 4 de la Délégation de pouvoir, lequel article prévoit que, dans l’attribution et l’administration des contingents fédéraux, l’organisme provincial doit, conformément au règlement fédéral, appliquer les règles en vigueur dans la province relativement à l’attribution et à l’administration des contingents provinciaux.
50 L’appelant soutient que seul le Parlement peut incorporer par renvoi des dispositions législatives provinciales et qu’il doit le faire expressément. Un organisme fédéral de réglementation, lorsqu’il délègue ses pouvoirs à un organisme de commercialisation provincial, ne peut incorporer par renvoi des dispositions législatives provinciales à moins d’y être habilité. Selon M. Pelland, comme le par. 22(3) de la Loi sur les offices des produits agricoles ne prévoit pas expressément l’incorporation par renvoi, il n’était pas loisible à l’office fédéral d’incorporer par renvoi des règles provinciales en vertu de l’art. 4 de la Délégation de pouvoir. Voici le texte du par. 22(3) :
L’office peut, avec l’approbation du gouverneur en conseil, autoriser un organisme, habilité par la législation d’une province à exercer des pouvoirs réglementaires en ce qui concerne la commercialisation locale dans la province d’un produit réglementé pour lequel il est compétent, à remplir, en son nom, toute fonction qui lui est attribuée en matière de commerce interprovincial ou d’exportation de ce produit.
51 La Délégation de pouvoir satisfait tant à la lettre qu’à l’esprit de cette disposition : elle a été approuvée par le gouverneur en conseil, la Fédération est un « organisme, habilité par la législation d’une province à exercer des pouvoirs réglementaires en ce qui concerne la commercialisation locale dans la province d’un produit réglementé », l’art. 3 de la Délégation reprend essentiellement le libellé de la disposition législative conférant le pouvoir à la Fédération et son art. 4 satisfait à l’obligation imposée à l’office fédéral par l’art. 9 de la Proclamation visant Les producteurs de poulet du Canada, DORS/79‑158, de « prescri[re] [. . .] la fonction qui doit être exercée en leur nom [Les Producteurs de poulet du Canada] » par la Fédération et d’autres organismes provinciaux.
52 De plus, une série de précédents dignes de respect détruit l’argument de M. Pelland. Dans P.E.I. Potato Marketing Board c. H. B. Willis Inc., [1952] 2 R.C.S. 392, la Cour a confirmé la constitutionnalité d’une délégation administrative du Parlement à un organisme administratif provincial. Elle a statué que le Parlement a le pouvoir d’habiliter un organisme provincial à exercer, à l’égard d’une question de compétence fédérale, les pouvoirs dont il est investi dans un domaine de compétence provinciale. C’est précisément la validité d’une telle délégation qui a été confirmée dans le Renvoi sur les œufs. Certes, les provinces ne peuvent recourir à leur compétence à l’égard de questions de nature locale pour réglementer le commerce extraprovincial, mais, dans l’exercice de leurs pouvoirs, elles peuvent compléter la réglementation fédérale. Comme on l’a vu, il est mentionné explicitement dans le Renvoi sur les œufs qu’aucun producteur ne peut prétendre échapper au contrôle provincial en destinant le gros de sa production au commerce extraprovincial.
53 Dans Coughlin c. Ontario Highway Transport Board, [1968] R.C.S. 569, la Cour a conclu que le Parlement peut, dans l’exercice de sa compétence législative, incorporer par renvoi des dispositions législatives provinciales. Dans cette affaire sur l’incorporation par renvoi de dispositions législatives provinciales relatives au transport routier, le juge Cartwright a écrit, au nom de la majorité : [traduction] « À mon avis, il ne s’agit pas ici d’une délégation du pouvoir de légiférer, mais plutôt de l’adoption par le Parlement, dans l’exercice de son pouvoir exclusif, de la législation d’un autre corps législatif telle qu’elle peut exister de temps à autre » (p. 575). L’incorporation par renvoi est donc considérée comme une technique utile lorsqu’il y a chevauchement de compétences constitutionnelles et qu’il est nécessaire d’harmoniser les lois fédérales et provinciales.
54 Dans Coughlin, la Cour a conclu que la délégation administrative et l’incorporation par renvoi sont réputées constitutionnelles parce qu’elles ne contreviennent pas à l’interdiction de la délégation législative. Cette interdiction qui a été formulée dans Attorney General of Nova Scotia c. Attorney General of Canada, [1951] R.C.S. 31, où la Cour a statué qu’un corps législatif ne peut accroître les pouvoirs d’un autre en l’autorisant à édicter des lois qui, si ce n’était de la délégation, n’auraient aucune portée ou validité.
55 Si l’on applique les principes régissant la délégation administrative au programme de commercialisation du poulet, il était loisible à l’office fédéral — les PPC — d’incorporer par renvoi la législation provinciale en vertu de la Délégation de pouvoir. Cette délégation est incontestablement de celles qu’un ensemble bien établi de précédents, comme P.E.I. Potato Marketing Board, Coughlin, le Renvoi sur les œufs et Peralta c. Ontario, [1988] 2 R.C.S. 1045, a déclarées valides comme délégation administrative favorisant le fédéralisme coopératif.
56 La Délégation de pouvoir doit s’interpréter dans le contexte des autres éléments du système de réglementation. Le paragraphe 6(1) de la Proclamation visant Les Producteurs de poulet du Canada énonce que les PPC doivent établir un mécanisme de contingentement par lequel l’organisme provincial compétent attribue des contingents aux producteurs de chaque province. Les articles 3 et 4 de la Délégation de pouvoir indiquent clairement que les pouvoirs délégués à la Fédération doivent être exercés conformément au règlement fédéral, lequel assujettit lui‑même le pouvoir délégué à des contraintes de fond, prévoyant notamment que le producteur provincial qui commercialise ses poulets sur le marché interprovincial doit avoir reçu de l’organisme provincial un contingent fédéral, que le nombre de kilogrammes mis en marché doit être égal ou inférieur au contingent fédéral et que le producteur doit se conformer aux règles que la Fédération est autorisée à appliquer au nom des PPC.
57 Lorsqu’on examine ensemble les dispositions législatives et réglementaires fédérales ainsi que la Délégation de pouvoir, il est clair que le Parlement a toujours eu l’intention de conserver son contrôle administratif sur la Fédération, par l’intermédiaire des PPC. Rien n’indique que la Délégation de pouvoir visait à étendre les pouvoirs législatifs provinciaux. Les PPC peuvent, à tout moment, reprendre les pouvoirs qu’ils ont délégués. Le règlement fédéral sur les poulets n’a aucunement modifié la nature de la délégation de pouvoir des PPC à la Fédération, et le texte de cette délégation ne comportait aucune délégation interdite de pouvoirs législatifs.
58 Fait intéressant, l’argument invoqué par M. Pelland avait également été soulevé dans le Renvoi sur les œufs. En effet, on avait soutenu que seul le Parlement pouvait incorporer par renvoi des dispositions législatives provinciales. Il serait inconstitutionnel pour le gouverneur en conseil de le faire. Le juge en chef Laskin, après avoir examiné assez longuement la délégation administrative et l’incorporation par renvoi, a formulé la conclusion suivante à laquelle a souscrit le juge Pigeon :
Parmi les prétentions des appelants, que reflètent leur factum et leur plaidoirie orale, se trouve l’allégation selon laquelle le droit constitutionnel exige que, lors d’une délégation de pouvoirs, des normes soient fixées par le Parlement ou que, lorsqu’il s’agit d’une délégation en profondeur, comme c’est le cas ici, c’est‑à‑dire au moyen de décrets que le gouverneur général est autorisé à passer, ces décrets établissent des normes et n’en abandonnent pas la détermination, par une redélégation globale, aux offices provinciaux ni adoptent, comme le prévoit le par. 2(1), les diverses normes provinciales à des fins fédérales. Je ne crois pas que cette Cour soit justifiée d’imposer de telles limites constitutionnelles aux délégations de pouvoirs. La question des délégations en profondeur a fait l’objet de l’arrêt rendu par cette Cour dans le Renvoi sur les règlements (produits chimiques) en vertu de la Loi des mesures de guerre [[1943] R.C.S. 1], et je n’en limiterai pas la portée à la législation en cas d’urgence. Le principe exprimé et appliqué par cette Cour dans l’arrêt [Brant Dairy Co. v. Milk Commission of Ontario, [1973] R.C.S. 131] (étudié plus loin à propos de la question 2) assure un contrôle suffisant sur le terrain du droit administratif et je ne vois pas de raison pour l’ériger en impératif constitutionnel. [Je souligne; p. 1226.]
59 Cette analyse conserve sa pertinence. Rien en l’espèce ne permet d’ériger en principe constitutionnel la prétention que seul le Parlement peut incorporer par renvoi des dispositions législatives provinciales.
60 Comme le prévoyait l’Accord fédéral‑provincial de 1978, le Parlement a voulu que soit créé par l’imbrication de dispositions législatives fédérales et provinciales un programme efficace de réglementation de la production et de la commercialisation du poulet. L’intégration du « contingent fédéral » et du « contingent provincial », définis dans le Règlement fédéral, était clairement voulue. Le Parlement n’a pu avoir l’intention que l’office fédéral établisse 10 séries différentes de règles d’administration de contingents qu’il faudrait modifier chaque fois que les règles provinciales en la matière sont modifiées. De plus, il ressort clairement du par. 22(3) de la Loi sur les offices des produits agricoles que le Parlement voulait que les PPC puissent, par règlement, promouvoir l’intégrité du programme fédéral‑provincial. L’intention du Parlement était d’avoir des systèmes fédéral et provinciaux harmonisés.
61 Pour donner effet à cette intention du législateur relativement à l’attribution et à l’administration des contingents, l’office fédéral pouvait soit réédicter lui‑même la législation provinciale applicable dans chaque province ou l’incorporer par renvoi. Il a choisi la seconde solution, et ce choix ne prête pas le flanc à la censure constitutionnelle.
62 Durant les plaidoiries, M. Pelland a abandonné son dernier argument, à savoir que la Délégation de pouvoir était invalide parce qu’elle n’avait pas été publiée régulièrement dans la Gazette du Canada.
63 Je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens en faveur de la Fédération des producteurs de volailles du Québec. Aucune autre partie n’a demandé les dépens.
ANNEXE A
Dispositions législatives et réglementaires fédérales pertinentes
Loi sur les offices des produits agricoles, L.R.C. 1985, ch. F‑4
16. (1) Le gouverneur en conseil peut, par proclamation, créer un office compétent pour des produits agricoles dont la commercialisation sur les marchés interprovincial et d’exportation n’est pas réglementée par la Loi sur la Commission canadienne du blé ou la Loi sur la Commission canadienne du lait, lorsqu’il est convaincu que la majorité des producteurs, au Canada, des produits en question est en faveur d’une telle mesure.
21. Un office a pour mission :
a) de promouvoir la production et la commercialisation du ou des produits réglementés pour lesquels il est compétent, de façon à en accroître l’efficacité et la compétitivité;
b) de veiller aux intérêts tant des producteurs que des consommateurs du ou des produits réglementés.
22. (1) Sous réserve de la proclamation le créant et de toute proclamation ultérieure modifiant ses pouvoirs, l’office peut :
. . .
b) exécuter le plan de commercialisation dont les modalités sont énoncées dans la proclamation le créant ou dans toute proclamation ultérieure prise en application du paragraphe 17(2);
. . .
f) prendre les ordonnances et règlements qu’il considère nécessaires à l’exécution du plan de commercialisation qu’il est habilité à mettre en œuvre, après les avoir soumis au Conseil, lorsqu’ils relèvent d’une catégorie à laquelle l’alinéa 7(1)d) est applicable, ou, dans tout autre cas, soit après soit avant leur présentation au Conseil . . .;
. . .
n) prendre toute autre mesure qu’il estime utile pour la réalisation de sa mission dans le cadre de la présente loi.
(2) L’office peut, au nom d’une province, exercer, en matière de commerce intraprovincial d’un produit réglementé pour lequel il est compétent, toute fonction spécifiée dans un accord conclu en application de l’article 31.
(3) L’office peut, avec l’approbation du gouverneur en conseil, autoriser un organisme, habilité par la législation d’une province à exercer des pouvoirs réglementaires en ce qui concerne la commercialisation locale dans la province d’un produit réglementé pour lequel il est compétent, à remplir, en son nom, toute fonction qui lui est attribuée en matière de commerce interprovincial ou d’exportation de ce produit.
Règlement canadien sur le contingentement de la commercialisation des poulets (1990), DORS/90‑556
2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.
. . .
« contingent fédéral » Le nombre de kilogrammes de poulet, exprimé en poids vif, qu’un producteur est autorisé, aux termes du présent règlement, à commercialiser sur les marchés interprovincial et international pendant l’année visée à l’annexe I ou la période visée à l’annexe II.
« contingent provincial » Le nombre de kilogrammes de poulet, exprimé en poids vif, qu’un producteur est autorisé, par ordonnance, règlement ou directive de l’office de commercialisation compétent, à commercialiser sur le marché intraprovincial pendant l’année visée à l’annexe I ou la période visée à l’annexe II.
. . .
« Office » L’Office canadien de commercialisation des poulets.
« office de commercialisation »
. . .
b) la Fédération des producteurs de volailles du Québec, au Québec;
. . .
« producteur » Toute personne qui élève des poulets pour la transformation ou pour la vente au public.
3. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le présent règlement s’applique à la commercialisation du poulet sur les marchés interprovincial et international.
(2) Le présent règlement ne s’applique pas à l’égard du poulet commercialisé en vertu d’une exemption de contingent accordée par un office de commercialisation.
4. Il est interdit à tout producteur de commercialiser le poulet sur les marchés interprovincial ou international, à moins :
a) qu’un contingent fédéral ne lui ait été attribué, au nom de l’Office, par l’office de commercialisation de la province dans laquelle sont situées ses installations de production de poulet;
b) que le nombre de kilogrammes de poulet commercialisés ne soit inférieur ou égal au contingent fédéral visé à l’alinéa a);
c) qu’il ne se conforme aux règles que l’office de commercialisation visé à l’alinéa a) est autorisé, en vertu du paragraphe 22(3) de la Loi, à appliquer dans l’exercice, au nom de l’Office, de la fonction d’attribuer et d’administrer les contingents fédéraux.
5. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), le producteur n’est admissible à un contingent fédéral que s’il était, le 25 août 1990, admissible à un contingent fédéral conformément au Règlement canadien sur le contingentement de la commercialisation des poulets.
. . .
(3) À compter du 26 août 1990, tout producteur est admissible à un contingent fédéral, si un contingent provincial lui est attribué en vertu des règles appliquées par l’office de commercialisation de la province dans laquelle sont situées ses installations de production de poulet.
6. Le nombre de kilogrammes de poulet en provenance d’une province qu’un producteur est autorisé à commercialiser en vertu d’un contingent fédéral pour l’année visée à l’annexe I ou la période visée à l’annexe II correspond au contingent provincial que l’office de commercialisation de la province en cause lui a attribué pour cette année ou cette période, duquel a été soustrait le nombre de kilogrammes de poulet qu’il commercialise au cours de la même période sur le marché intraprovincial.
7. L’office de commercialisation d’une province doit attribuer les contingents fédéraux aux producteurs de cette province de façon que le nombre total de kilogrammes de poulet visé aux alinéas a) à c) n’excède pas le nombre de kilogrammes de poulet précisé aux annexes I ou II pour l’année ou la période en cause :
a) le nombre de kilogrammes de poulet produit dans la province qui est autorisé à être commercialisé sur les marchés interprovincial ou international en vertu des contingents fédéraux attribués au nom de l’Office par l’office de commercialisation de la province;
b) le nombre de kilogrammes de poulet produit dans la province qui est autorisé à être commercialisé sur le marché intraprovincial en vertu des contingents provinciaux attribués par l’office de commercialisation de la province;
c) le nombre de kilogrammes de poulet produit dans la province dont la commercialisation est prévue, selon les exemptions de contingent accordées par l’office de commercialisation de la province.
Délégation de pouvoir par l’Office canadien de commercialisation des poulets en matière de contingentement, C.P. 1991‑1090, 13 juin 1991
2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente délégation.
. . .
« contingent fédéral » Le nombre de kilogrammes de poulet, exprimé en poids vif, qu’un producteur est autorisé, aux termes du Règlement, à commercialiser sur les marchés interprovincial et international pendant l’année visée à l’annexe I du Règlement ou la période visée à l’annexe II de celui‑ci.
« contingent provincial » Le nombre de kilogrammes de poulet, exprimé en poids vif, qu’un producteur est autorisé, par ordonnance, règlement ou directive de l’office de commercialisation compétent, à commercialiser sur le marché intraprovincial pendant l’année visée à l’annexe I du Règlement ou la période visée à l’annexe II de celui‑ci.
« Office » L’Office canadien de commercialisation des poulets.
« office de commercialisation »
. . .
b) la Fédération des producteurs de volailles du Québec, au Québec;
. . .
« producteur » Toute personne qui élève du poulet pour la transformation, la vente au public ou l’utilisation dans les produits qu’elle manufacture.
« Règlement » Le Règlement canadien sur le contingentement de la commercialisation des poulets (1990).
3. Sous réserve de l’article 4, l’Office autorise l’office de commercialisation de chaque province à remplir, en son nom, la fonction d’attribuer et d’administrer, conformément au Règlement, les contingents fédéraux dans la province en cause et, à cette fin, à exercer en son nom les pouvoirs qu’il serait autorisé à exercer à cet égard.
4. Dans le cadre de l’attribution et de l’administration des contingents fédéraux aux termes de la présente délégation, l’office de commercialisation d’une province doit, conformément au Règlement, appliquer à l’égard des points suivants les règles qui sont, le cas échéant, en vigueur dans la province en cause et applicables à l’attribution et à l’administration des contingents provinciaux :
a) l’admissibilité au contingent;
b) les critères de fixation du contingent;
c) l’augmentation ou la réduction du contingent ou l’attribution d’un contingent additionnel;
d) l’attribution d’un contingent à un producteur, que celui‑ci ait fait l’objet ou non d’une attribution préalable;
e) la durée de validité du contingent;
f) la quantité maximale ou minimale de kilogrammes de poulet d’un contingent;
g) la détermination de qui a qualité de producteur, y compris les associés, les entreprises affiliées et liées et les filiales de celui‑ci;
h) l’annulation, la suspension ou la modification du contingent par suite d’une infraction aux règles visant les contingents ou du non‑paiement des redevances imposées par l’office de commercialisation ou par l’Office;
i) la réduction ou la perte du contingent du fait de la non‑utilisation de celui‑ci;
j) la propriété, la location et le transfert du contingent;
k) les réserves de contingents;
l) la définition de l’expression « installation de production de poulet », ainsi que son application aux contingents et son lien avec ceux‑ci;
m) l’utilisation des contingents;
n) les modalités de commercialisation avec les abattoirs;
o) les renseignements et rapports exigés du producteur.
ANNEXE B
Dispositions législatives et réglementaires provinciales pertinentes
Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, L.R.Q., ch. M‑35.1
1. La présente loi établit des règles permettant d’organiser de façon ordonnée la production et la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et la mise en marché des produits de la pêche et de la fourrure des animaux sauvages, que ces opérations soient faites à des fins de vente ou non.
45. Dix producteurs intéressés ou plus peuvent transmettre à la Régie un projet de plan conjoint permettant d’établir les conditions de production et de mise en marché d’un produit agricole provenant d’un territoire désigné ou destiné à une fin spécifiée ou à un acheteur déterminé et de constituer un office de producteurs pour l’application de ce plan.
64. L’office est constitué dès l’entrée en vigueur d’un plan; il est chargé de son application et peut exercer tous les pouvoirs attribués par le présent titre, à l’exception des restrictions ou modalités d’exercice prévues au plan ou déterminées par la Régie.
93. Un office peut, par règlement, contingenter la production et la mise en marché du produit visé par le plan qu’il applique et, à cette fin, les assujettir aux conditions, restrictions et prohibitions qu’il détermine.
Sans restreindre la portée du premier alinéa, un office peut, par règlement :
. . .
2o exiger que chaque producteur soit titulaire d’un contingent individuel délivré par l’office pour produire ou mettre en marché le produit visé par le plan qu’il applique, fixer le contingent minimum et le contingent maximum dont il peut, lui‑même ou en association avec d’autres personnes, être titulaire et déterminer la proportion de ce contingent que chaque producteur doit produire lui‑même dans son exploitation;
3o déterminer les conditions d’émission, de maintien ou de renouvellement et les modalités de délivrance d’un contingent individuel;
4o établir des équivalences basées sur la superficie cultivée ou exploitée ou le nombre d’animaux élevés ou mis en marché pour déterminer le contingent d’un producteur;
5o déterminer les modalités et les conditions de réduction temporaire ou définitive du contingent d’un producteur qui produit ou met en marché une quantité du produit visé par le plan supérieure ou inférieure à celle permise par son contingent;
6o imposer à tout producteur qui contrevient à un règlement pris en vertu du présent article une pénalité basée sur le volume ou la valeur du produit mis en marché ou la superficie cultivée ou exploitée et prévoir l’utilisation de cette pénalité à des fins particulières;
. . .
94. Quand un office prend un règlement conformément à l’article 93, nul ne peut produire ou mettre en marché le produit visé sans détenir de contingent sauf dans les situations et aux conditions prévues par ce règlement.
Règlement sur la production et la mise en marché du poulet, R.R.Q., ch. M‑35.1, r. 13.2
1. Toute personne qui produit et met en marché du poulet visé par le Plan conjoint des producteurs de volailles du Québec (R.R.Q., c. M‑35, r. 126) doit préalablement être titulaire d’un quota attribué par la Fédération des producteurs de volailles du Québec conformément aux dispositions du présent règlement.
On entend par « quota », une autorisation de production exprimée en mètres carrés et confirmée par un certificat.
53. À chaque période, chaque producteur doit mettre en élevage un nombre suffisant de poulets pour produire son contingent individuel et mettre en marché la quantité de kilogrammes déterminée à son contingent individuel.
54. Le contingent individuel d’un producteur représente la quantité maximum de poulets, exprimée en kilogrammes de poids vif, qu’il peut produire et mettre en marché au cours d’une période en fonction de son quota et du pourcentage d’utilisation déterminé par la Fédération.
90. Tout producteur qui, après application de l’article 71, produit ou met en marché des poulets en quantités supérieures à son contingent individuel dans une période déterminée doit réduire sa production et ses mises en marché d’une quantité équivalente à sa surproduction durant la sixième période suivant celle où il a surproduit.
92. Tout producteur qui produit et met en marché des poulets en quantité supérieure à son contingent individuel tel qu’ajusté selon les dispositions du chapitre IV doit, en plus de subir la réduction imposée en vertu de l’article 90, verser à la Fédération :
1o 0,35 $ par kilogramme de poulet en poids vif sur toute production effectuée jusqu’à 3 % de son contingent individuel;
2o 0,55 $ par kilogramme de poulet en poids vif sur toute la production excédant 3 % de son contingent individuel.
Pourvoi rejeté avec dépens.
Procureur de l’appelant : Louis H. Lacroix, Berthierville, Québec.
Procureur de l’intimé le procureur général du Québec : Procureur général du Québec, Sainte‑Foy.
Procureurs de l’intimée la Fédération des producteurs de volailles du Québec : Tremblay, Brosseau, Fleury, Savoie, Montréal.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Canada : Procureur général du Canada, Ottawa.
Procureurs de l’intervenant les Producteurs de poulet du Canada : Johnston & Buchan, Ottawa.