R. c. Allen, [2003] 1 R.C.S. 223, 2003 CSC 18
Derrick Gordon Allen Appelant
c.
Sa Majesté la Reine Intimée
Répertorié : R. c. Allen
Référence neutre : 2003 CSC 18.
No du greffe : 29034.
2003 : 21 mars.
Présents : Les juges Iacobucci, Major, Binnie, Arbour et LeBel.
en appel de la cour d’appel de terre-neuve-et-labrador
POURVOI contre un jugement de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador (2002), 208 Nfld. & P.E.I.R. 250, 624 A.P.R. 250, 93 C.R.R. (2d) 55, [2002] N.J. No. 11 (QL), 2002 NFCA 2, confirmant la déclaration de culpabilité de l’accusé pour meurtre au deuxième degré. Pourvoi accueilli.
Derek Hogan, pour l’appelant.
Pamela Goulding, pour l’intimée.
Version française du jugement de la Cour rendu oralement par
1 Le juge Iacobucci — Il ne sera pas nécessaire de vous entendre Me Hogan. La Cour est prête à rendre jugement. Toutefois, elle tient préalablement à remercier Me Goulding de son argumentation utile. Me Goulding, vous ne pouviez pas faire davantage. La Cour espère avoir l’occasion de vous revoir plaider devant elle.
2 Deux questions sont soulevées en l’espèce : (1) le juge du procès a-t-il donné au jury des directives correctes au sujet du par. 21(1) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, et (2) le juge du procès a-t-il commis une erreur de droit en permettant au ministère public de contre-interroger l’appelant au sujet du témoignage qu’il avait fait antérieurement au cours des procès de M. Cousins.
3 Bien que les directives initiales du juge du procès au sujet du par. 21(1) soient suffisantes dans l’ensemble, nous concluons, essentiellement pour les mêmes raisons que celles du juge O’Neill, dissident en Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador ((2002), 208 Nfld. & P.E.I.R. 250, 2002 NFCA 2), que le juge du procès n’a pas répondu à la question du jury de la manière claire et complète requise par la jurisprudence applicable, de sorte qu’il se peut que l’appelant ait été déclaré coupable par un jury qui n’avait pas une compréhension suffisante du droit relatif aux parties.
4 Quant à la deuxième question, l’arrêt récent de notre Cour R. c. Noël, [2002] 3 R.C.S. 433, 2002 CSC 67 (dont ne disposaient ni le juge du procès ni la Cour d’appel), concernait la validité, au regard de l’art. 13 de la Charte canadienne des droits et libertés, du contre‑interrogatoire d’un accusé sur un témoignage qu’il avait fait antérieurement. Dans l’arrêt Noël, la Cour a statué que l’art. 13 de la Charte prévoit que l’accusé qui témoigne à son procès ne peut pas être contre‑interrogé relativement à un témoignage qu’il a fait antérieurement, sauf si le juge du procès est convaincu qu’il n’existe aucun risque réaliste que ce témoignage antérieur serve à l’incriminer. Après avoir appliqué ce critère au présent appel, nous sommes d’avis que le juge du procès a commis une erreur en permettant au ministère public de contre‑interroger l’appelant au sujet de son témoignage antérieur, dans lequel il avait notamment affirmé avoir tué ou cru tuer la victime, et avoir tenu l’arme du crime à sa gorge peu après le meurtre. Le ministère public a reconnu, à juste titre, que certaines questions étaient incriminantes. À cet égard, nous considérons qu’il n’y a aucune raison de distinguer la présente affaire de l’affaire Noël.
5 En conséquence, nous sommes d’avis d’accueillir l’appel, d’annuler l’arrêt de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que la déclaration de culpabilité, et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.
Jugement en conséquence.
Procureur de l’appelant : Derek Hogan, St. John’s.
Procureur de l’intimée : Ministère de la Justice, St. John’s.