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13/09/2001 | CANADA | N°2001_CSC_49

Canada | Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co., 2001 CSC 49 (13 septembre 2001)


Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co., [2001] 2 R.C.S. 699, 2001 CSC 49

Monenco Limited et 67669 Alberta Inc. Appelantes

c.

Commonwealth Insurance Company Intimée

Répertorié : Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co.

Référence neutre : 2001 CSC 49.

No du greffe : 27258.

2001 : 13 mars; 2001 : 13 septembre.

Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges Gonthier, Iacobucci, Bastarache, Binnie, Arbour et LeBel.

en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique

Assurance — Obligation de défendre de lâ€

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Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co., [2001] 2 R.C.S. 699, 2001 CSC 49

Monenco Limited et 67669 Alberta Inc. Appelantes

c.

Commonwealth Insurance Company Intimée

Répertorié : Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co.

Référence neutre : 2001 CSC 49.

No du greffe : 27258.

2001 : 13 mars; 2001 : 13 septembre.

Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges Gonthier, Iacobucci, Bastarache, Binnie, Arbour et LeBel.

en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique

Assurance — Obligation de défendre de l’assureur -- Police générale d’assurance de responsabilité civile -- Exclusions prévues par la police -- L’exclusion relative au projet clés en main contenue dans la police écartait-elle toute garantie pour l’assuré?

Assurance — Obligation de défendre de l’assureur -- Preuve -- Une cour peut-elle aller au-delà des actes de procédure et prendre en considération des éléments de preuve extrinsèques pour déterminer le contenu et la nature véritable de la réclamation d’un demandeur et ainsi apprécier l’étendue de l’obligation de défendre d’un assureur?

Entre 1978 et 1987, l’appelante Monenco Ltd., par l’entremise de sa filiale, l’appelante 67669 Alberta Inc., a pris part en Alberta à un projet d’agrandissement d’une usine d’exploitation de sables bitumineux appartenant à Suncor Inc. et dirigée par celle-ci. La participation de 67669 a eu lieu dans le cadre d’une coentreprise désignée collectivement sous le nom de « ABM Engineers ». En 1981, Suncor a conclu un contrat avec ABM Engineers qui a fourni notamment des services de conception et d’installation du système électrique de l’usine de Suncor. En exécutant son mandat, ABM Engineers a acheté et utilisé des câbles électriques appelés câbles sous enveloppe de chlorure de polyvinyle (« câbles sous enveloppe de PVC »). En 1987, un incendie a détruit une grande partie de l’usine d’exploitation de sables bitumineux de Suncor. Suncor a allégué que l’ampleur des dommages était due à un facteur important, soit la manière dont le feu s’était propagé le long des câbles sous enveloppe de PVC jusqu’aux autres secteurs de l’usine, en raison de la propension de ces câbles, lorsqu’ils sont configurés en groupes, à propager le feu, à émettre des gaz et à dégager une épaisse fumée en brûlant. Dans sa déclaration modifiée, Suncor a maintenu que ABM Engineers avait violé son contrat en construisant et en livrant une usine comportant un risque caché et que, en plus de toutes les obligations de diligence qui incombent aux ingénieurs, la coentreprise avait l’obligation générale de mettre en garde Suncor contre tout risque caché et de l’informer des mesures à prendre pour protéger l’usine. Suncor a prétendu qu’en raison de la relation étroite qui existait entre elle et Monenco cette dernière était tenue de mettre en garde contre les risques liés aux câbles sous enveloppe de PVC étant donné que, dans les faits, elle contrôlait, surveillait et gérait 67669 de sorte qu’elle était l’alter ego de 67669 et avait une obligation de diligence en vertu de laquelle elle devait exercer une surveillance et un contrôle appropriés sur sa filiale. Les appelantes étaient titulaires d’une police générale de responsabilité civile délivrée par l’intimée. Monenco a demandé à l’intimée d’opposer une défense aux réclamations formulées contre elle dans l’action de Suncor, mais l’intimée a refusé de le faire en prétendant qu’elle était dispensée de son obligation de défendre en raison des exclusions contenues dans la police générale de responsabilité civile. Les appelantes avaient également souscrit à une police de responsabilité civile professionnelle auprès d’un autre assureur, qui a entrepris d’opposer une défense et a acquitté au complet le montant accordé ainsi que les frais de défense excédant une franchise de 1 000 000 $. Les appelantes ont ensuite sollicité une ordonnance enjoignant à l’intimée de payer les frais de 1 000 000 $ qu’elles avaient engagés pour opposer une défense à l’action de Suncor. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a décidé que « l’exclusion relative au projet clés en main » figurant dans la police générale de responsabilité civile avait pour effet de soustraire l’intimée à l’obligation de défendre Monenco et 67669 dans l’action de Suncor. La Cour d’appel a confirmé cette décision.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté. L’exclusion relative au projet clés en main contenue dans la police écartait toute garantie pour les deux appelantes.

Pour déterminer si une obligation de défendre existe dans une situation donnée, il faut évaluer les actes de procédure pour déterminer le « contenu » et la « nature véritable » des réclamations. Il faut examiner intégralement les allégations factuelles contenues dans les actes de procédure pour déterminer si elles peuvent étayer les prétentions juridiques du demandeur. Pour déterminer le contenu et la nature véritable des allégations et, ainsi, apprécier la nature et l’étendue de l’obligation de défendre d’un assureur, il est possible de tenir compte de la preuve extrinsèque qui est mentionnée explicitement dans les actes de procédure et dont l’examen ne requiert aucune conclusion de fait qui aurait une incidence sur le litige. Du fait que la déclaration modifiée en faisait état, le contrat entre Suncor et la coentreprise pouvait être examiné en vue de déterminer le contenu et la nature véritable des réclamations de Suncor, et la cour pouvait également examiner le contrat de coentreprise étant donné que Suncor avait soutenu que la coentreprise était exploitée sous le nom de « ABM‑1978 ».

Les allégations formulées contre 67669 dans la déclaration modifiée de Suncor, y compris celle voulant que 67669 ait assuré les services de conception et de construction liés au projet d’agrandissement de Suncor, déclenchaient l’application de l’exclusion relative au projet clés en main. Même si cette conclusion peut être tirée à partir des actes de procédure seulement, elle est étayée par les documents extrinsèques auxquels renvoient explicitement les actes de procédure de Suncor et qui ont été examinés par la Cour d’appel. Bien que 67669 n’ait pas été l’assuré désigné nommément dans la police, l’exclusion s’applique explicitement à toute entité juridique appartenant en totalité ou en partie à l’assuré. Il est donc évident qu’elle s’applique à l’une des filiales en propriété exclusive de Monenco.

Les analyses qui doivent être effectuées pour décider si l’exclusion s’applique à Monenco et à 67669 respectivement ne diffèrent pas sensiblement. Toutes les réclamations de Suncor contre 67669 ont essentiellement été reprises contre Monenco pour le motif que cette dernière était l’alter ego de 67669 ou que 67669 avait conclu le contrat en tant que mandataire de Monenco. En conséquence, il ressort de la déclaration modifiée que les réclamations de Suncor contre Monenco déclenchaient également l’application de l’exclusion relative au projet clés en main.

Jurisprudence

Arrêts mentionnés : Reid Crowther & Partners Ltd. c. Simcoe & Erie General Insurance Co., [1993] 1 R.C.S. 252; Rivtow Marine Ltd. c. Washington Iron Works, [1974] R.C.S. 1189; Bacon c. McBride (1984), 5 C.C.L.I. 146; Nichols c. American Home Assurance Co., [1990] 1 R.C.S. 801; Opron Maritimes Construction Ltd. c. Canadian Indemnity Co. (1986), 73 R.N.‑B. (2e) 389; Association des hôpitaux du Québec c. Fondation pour le cancer de la prostate, Centre hospitalier de l’Université Laval, [2000] R.R.A. 78; Non-Marine Underwriters, Lloyd’s of London c. Scalera, [2000] 1 R.C.S. 551, 2000 CSC 24; Colorado Farm Bureau Mutual Insurance Co. c. Snowbarger, 934 P.2d 909 (1997).

Lois et règlements cités

Supreme Court Rules, B.C. Reg. 221/90, règles 18A [abr. & rempl. B.C. Reg. 95/96, art. 7], 19(2), 26(8).

Doctrine citée

Andal, Ramon V., and Thomas Donnelly. « Liability Insurance » in Craig Brown, Insurance Law in Canada, vol. 2. Scarborough, Ont: Carswell, 1999 (loose-leaf updated 2001, release 1).

Hilliker, Gordon. Liability Insurance Law in Canada, 3rd ed. Toronto : Butterworths, 2001.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (1999), 121 B.C.A.C. 99, 198 W.A.C. 99, 8 C.C.L.I. (3d) 1, [1999] B.C.J. No. 495 (QL), 1999 BCCA 129, rejetant l’appel des appelantes contre une décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique (1997), 42 B.C.L.R. (3d) 280, 47 C.C.L.I. (2d) 12, [1997] B.C.J. No. 1971 (QL). Pourvoi rejeté.

John R. Singleton, c.r., et Catherine L. McLean, pour les appelantes.

D. Barry Kirkham, c.r., pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Iacobucci —

I. Introduction

1 Le présent pourvoi soulève la question générale de l’étendue de l’obligation de défendre incombant à l’assureur dans le cas où la police générale d’assurance de responsabilité civile de l’assuré comporte deux clauses d’exclusion. La première exclusion en cause est l’« exclusion relative au projet clés en main » qui s’appliquait aux réclamations découlant d’un projet pour lequel l’assuré a fourni des services professionnels d’architecture ou d’ingénierie, ou les deux à la fois, ainsi que des services de construction ou de fabrication. La seconde exclusion est l’« exclusion relative aux services professionnels » qui s’appliquait aux réclamations fondées sur la prestation de services professionnels par l’assuré ou sur l’omission de ce dernier de fournir de tels services. Aux termes de la police en cause dans le présent pourvoi, l’assureur n’avait pas l’obligation de défendre si la réclamation contre l’assuré relevait de l’une de ces exclusions.

2 Pour les motifs qui suivent, j’estime que les réclamations formulées contre l’assuré dans l’action principale en responsabilité civile tombaient nettement sous le coup de l’exclusion relative au projet clés en main. Je conclus donc que les tribunaux d’instance inférieure ont eu raison de statuer que l’assureur n’était pas tenu de défendre l’assuré dans cette action. En conséquence, je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

II. Les faits

3 Entre 1978 et 1987, l’appelante Monenco Limited (« Monenco »), par l’entremise de sa filiale, l’appelante 67669 Alberta Inc. (« 67669 »), a pris part en Alberta à un projet d’agrandissement d’une usine d’exploitation de sables bitumineux appartenant à Suncor Inc. (« Suncor ») et dirigée par celle-ci. La participation de 67669 au projet d’agrandissement a eu lieu dans le cadre d’une coentreprise réunissant 67669, Bechtel Canada Limited et Associated Engineers Services Ltd. (désignées collectivement sous le nom de « ABM Engineers » ou de « la coentreprise »). Le 7 octobre 1981, Suncor a conclu avec ABM Engineers un contrat [traduction] « de gestion, d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction en vue d’accroître la capacité de production de pétrole synthétique de l’usine et des installations alors existantes de Suncor ». ABM Engineers était responsable notamment de la conception et de l’installation du système électrique de l’usine de Suncor. En exécutant son mandat, ABM Engineers a acheté et utilisé des câbles électriques appelés câbles sous enveloppe de chlorure de polyvinyle (« câbles sous enveloppe de PVC »).

4 Le 11 octobre 1987, un incendie a détruit une grande partie de l’usine d’exploitation de sables bitumineux de Suncor. Suncor a allégué que l’ampleur des dommages était due à un facteur important, soit la manière dont le feu s’était propagé le long des câbles sous enveloppe de PVC jusqu’aux autres secteurs de l’usine. C’est cette manière dont le feu s’est propagé, plutôt que l’origine même de l’incendie, que Suncor a invoquée pour poursuivre en justice les appelantes et de nombreux autres défendeurs. Dans sa déclaration modifiée, Suncor a allégué que ABM Engineers avait violé son contrat avec Suncor en prescrivant et en installant des câbles sous enveloppe de PVC, en construisant et en livrant une usine comportant un risque caché, à savoir la propension des câbles sous enveloppe de PVC configurés en groupes à propager le feu, à émettre des gaz et à dégager une épaisse fumée en brûlant. Suncor a ajouté que la coentreprise avait à son égard une obligation de diligence en vertu de laquelle elle était tenue de concevoir et de construire une usine exempte de tout risque caché et que, en plus de toutes les obligations de diligence qui incombent aux ingénieurs, la coentreprise avait l’obligation générale de mettre en garde Suncor contre tout risque caché et de l’informer des mesures à prendre pour protéger l’usine.

5 Au moment où Suncor a intenté son action (« l’action de Suncor »), Monenco était une importante société d’ingénieurs-conseils comptant une quarantaine de filiales et d’entreprises associées. 67669 était l’une de ces filiales et avait été constituée pour les fins du projet d’agrandissement de l’usine d’exploitation de sables bitumineux de Suncor. Lorsque l’action de Suncor a été intentée, l’avocat des appelantes a fait remarquer que 67669 [traduction] « n’existait plus depuis longtemps » étant donné que le but de sa création était réalisé. Suncor s’est donc tournée vers la société mère, Monenco, en alléguant qu’en raison de sa relation étroite avec Suncor elle était tenue de mettre en garde contre les risques liés aux câbles sous enveloppe de PVC. Suncor a fait également valoir que, dans les faits, Monenco contrôlait, surveillait et gérait 67669, ce qui en faisait l’alter ego de 67669. Suncor a donc soutenu que Monenco avait une obligation de diligence en vertu de laquelle elle devait exercer une surveillance et un contrôle appropriés sur sa filiale.

6 Les appelantes devaient se défendre dans l’action de Suncor. Elles étaient assurées par plusieurs assureurs distincts et, en particulier, elles étaient titulaires d’une police générale de responsabilité civile délivrée par l’intimée. Les appelantes ont demandé à l’intimée d’opposer une défense aux réclamations formulées contre elles dans l’action de Suncor, mais l’intimée a refusé de le faire. Celle-ci prétendait qu’elle était dispensée de son obligation de défendre en raison de l’exclusion relative au projet clés en main ou de celle relative aux services professionnels, ou des deux à la fois, figurant dans la police générale de responsabilité civile.

7 Les appelantes avaient également souscrit à une police de responsabilité civile professionnelle auprès d’un autre assureur, Simcoe & Erie. Cette police comportait une franchise autoassurée de 1 000 000 $. Simcoe & Erie a convenu que les réclamations de Suncor relevaient de sa police de responsabilité civile professionnelle et a entrepris d’opposer, conjointement avec les appelantes, une défense à l’action de Suncor. Une somme de 2 973 750 $ a été accordée pour régler la réclamation de Suncor. Les frais engagés pour la défense s’élevaient à 1 059 000 $. Simcoe & Erie a acquitté au complet le montant accordé ainsi que les frais de défense excédant la franchise de 1 000 000 $. Les appelantes ont ensuite invoqué la règle 18A des Supreme Court Rules de la Colombie-Britannique, Reg. 221/90, afin d’obtenir une ordonnance enjoignant à l’intimée de payer les frais de 1 000 000 $ qu’elles avaient engagés pour opposer une défense à l’action de Suncor.

III. Les dispositions législatives pertinentes

8 Supreme Court Rules, B.C. Reg. 221/90

[traduction]

Règle 19

. . .

(2) L’effet de tout document ou le sens de toute conversation mentionnés dans un acte de procédure doit être exposé brièvement s’il est pertinent, et les termes précis utilisés dans le document ou la conversation en cause ne doivent être repris que dans la mesure où ils sont pertinents en soi.

Règle 26

. . .

(8) Une partie peut, en tout temps, donner à une autre partie, dont les actes de procédure ou les affidavits renvoient à un document, un avis lui enjoignant de produire ce document. L’autre partie doit alors, dans les 2 jours qui suivent, donner un avis faisant état de l’endroit où ce document peut être consulté et reproduit pendant les heures d’ouverture normales, ou encore de son opposition à la production du document, et des raisons pour lesquelles elle s’oppose à sa production.

IV. Historique des procédures judiciaires

A. Cour suprême de la Colombie-Britannique (1997), 42 B.C.L.R. (3d) 280

9 Le juge Taylor a d’abord examiné le droit régissant l’obligation de défendre de l’assureur et a conclu que cette obligation existe lorsque la réclamation contre l’assuré énonce un fait qui, s’il était prouvé, permettrait à l’assuré de toucher une indemnité en vertu de la police. Le juge Taylor a souligné que tout doute sur la question de savoir si, d’après les actes de procédure, un épisode est visé par la police d’assurance doit être dissipé en faveur de l’assuré.

10 Le juge Taylor a ajouté que, pour déterminer si l’intimée avait l’obligation de défendre les appelantes dans l’action de Suncor, le tribunal doit examiner les actes de procédure et la police d’assurance en cause. Il a été convenu que la police générale de responsabilité civile était en vigueur au moment du sinistre visé par la réclamation de Suncor, et que Monenco et 67669 étaient toutes deux protégées par cette police. Conformément à cette dernière, l’intimée a accepté d’acquitter les frais de défense en justice des appelantes en ce qui concernait l’assurance prévue par la police. Cependant, la police comportait également un certain nombre d’exclusions, notamment une exclusion relative aux services professionnels et une exclusion relative au projet clés en main.

11 Avant de procéder à l’analyse de ces exclusions, le juge Taylor a réitéré les trois principes fondamentaux d’interprétation des contrats d’assurance que notre Cour a établis dans l’arrêt Reid Crowther & Partners Ltd. c. Simcoe & Erie General Insurance Co., [1993] 1 R.C.S. 252, p. 269 : « (1) la règle contra proferentem; (2) le principe que les dispositions concernant la garantie doivent recevoir une interprétation large, et les clauses d’exclusion une interprétation restrictive; (3) le fait qu’il est souhaitable, tout au moins dans les cas où la police est ambiguë, de donner effet aux attentes raisonnables des parties ».

12 Se fondant sur le troisième principe, le juge Taylor a décidé qu’il pouvait prendre en considération la preuve produite par l’intimée, qui comprenait les observations formulées par Monenco pendant la négociation de la police générale de responsabilité civile, les détails du régime d’assurance de Monenco, la correspondance entre les appelantes et leur compagnie d’assurance de responsabilité civile professionnelle (Simcoe & Erie) au sujet de l’action de Suncor, ainsi que la preuve concernant la participation de Simcoe & Erie au règlement de l’action de Suncor. Même si les appelantes ont contesté l’admission de cette preuve, le juge Taylor a conclu qu’il pouvait en tenir compte pour déterminer les attentes raisonnables des parties concernant la police générale de responsabilité civile, mais seulement si celle-ci était ambiguë à première vue. Il ne s’est donc pas prononcé immédiatement sur la question de l’admissibilité de cette preuve.

13 Le juge Taylor a constaté que la police générale de responsabilité civile s’inscrivait dans le régime d’assurance complexe de Monenco. Ce régime comportait une police de responsabilité civile professionnelle avec Simcoe & Erie, en vertu de laquelle les appelantes convenaient d’acquitter une franchise autoassurée de 1 000 000 $ à l’égard des montants garantis par cette police. Le juge Taylor a noté que, à la suite du règlement de l’action de Suncor, Simcoe & Erie avait informé Monenco qu’elle acquitterait au complet le montant accordé de 2 973 750 $ ainsi que les frais de défense, à l’exception uniquement de la franchise de 1 000 000 $.

14 Selon le juge Taylor, il ressortait clairement de la correspondance entre Monenco et ses assureurs que, en ce qui concernait l’action de Suncor, Monenco s’en remettait principalement à Simcoe & Erie relativement au droit d’être défendu et au versement d’une indemnité. C’est seulement par la suite que Monenco a [traduction] « tendu ses filets » afin de déterminer si la police générale de responsabilité civile pouvait fournir un moyen de défense relativement à la franchise de 1 000 000 $. Il s’agissait de savoir si les réclamations pour lesquelles les appelantes étaient poursuivies par Suncor étaient des risques visés par l’assurance qu’elles avaient souscrite auprès de l’intimée.

15 Le juge Taylor a d’abord analysé l’applicabilité de l’exclusion relative aux services professionnels. Il a jugé que, prises dans le contexte de l’ensemble des actes de procédure de Suncor, les réclamations contre 67669 découlaient d’une allégation de prestation d’un service professionnel ou d’omission de fournir ce service, à savoir la configuration, la conception et le fait de prescrire des câbles sous enveloppe de PVC. Selon lui, il ne pouvait s’agir que d’une question d’ingénierie professionnelle et les réclamations relevaient donc de l’exclusion relative aux services professionnels. Il a en outre conclu que les allégations de manquement à l’obligation générale de faire une mise en garde, formulées contre 67669, tombaient également sous le coup de cette exclusion. D’après les faits allégués à l’appui de cet argument, il y aurait eu manquement à l’obligation de formuler un avis professionnel et de faire une mise en garde professionnelle à la suite de cet avis.

16 Le juge Taylor était convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, la plupart des allégations formulées contre Monenco découlaient également de la prestation de services professionnels d’ingénierie. Cependant, il a estimé que l’omission reprochée à Monenco d’exercer une surveillance et un contrôle appropriés sur 67669 n’était pas nécessairement le fruit d’un acte professionnel ou d’une omission professionnelle, étant donné que la surveillance et le contrôle d’une filiale ne sont pas des services qui doivent être fournis exclusivement par un ingénieur professionnel. Une telle conclusion ne pouvait pas être tirée en raison de la formulation trop générale de l’obligation dans les actes de procédure.

17 À la suite de cette conclusion, le juge Taylor a procédé à l’examen du deuxième moyen de défense invoqué par l’intimée, selon lequel son obligation de défendre était écartée par l’exclusion relative au projet clés en main. Au paragraphe 65, il a décidé que, pour que cette exclusion s’applique, selon les conditions énoncées dans la police générale de responsabilité civile, la réclamation doit :

[traduction]

a) découler d’un projet,

b) pour lequel des services professionnels d’architecture ou d’ingénierie, ou les deux à la fois, sont fournis par l’assuré,

c) et dont la construction, l’installation, l’érection, la fabrication, l’assemblage ou la production est réellement exécutée par l’assuré ou toute autre entité juridique lui appartenant en totalité ou en partie . . . [En italique dans l’original.]

Se posait la question de savoir si la cour devait limiter son examen aux allégations visant les services effectivement fournis ou si elle pouvait également tenir compte des allégations visant les services que les appelantes s’étaient engagées par contrat ou autrement à fournir. Le juge Taylor a estimé que, compte tenu du libellé de l’exclusion relative au projet clés en main, il n’y avait lieu de prendre en considération que les parties de la déclaration modifiée contenant des allégations visant les services effectivement fournis.

18 Le juge Taylor a conclu que les allégations de Suncor contre 67669 tombaient clairement sous le coup de l’exclusion relative au projet clés en main, de sorte que la garantie d’assurance ne s’appliquait pas. Il a souligné qu’il était allégué, dans la déclaration modifiée, que 67669 offrait des services professionnels d’ingénierie incluant la conception et la construction du projet de Suncor.

19 Le juge Taylor a rejeté l’argument des appelantes selon lequel Monenco n’avait, en fait, fourni aucun service aux termes du contrat conclu entre Suncor et la coentreprise. Il a convenu avec l’intimée que cet argument n’était pas pertinent étant donné qu’une cour doit prendre en considération les allégations contenues dans les actes de procédure, et non pas ce qui s’est réellement produit, pour décider si une exclusion est applicable. Le juge Taylor a conclu que, selon la déclaration modifiée, Monenco aurait fourni des services professionnels d’ingénierie et de construction dans le cadre du projet de Suncor, de sorte qu’elle tombait sous le coup de la clause d’exclusion. En outre, Monenco a fait l’objet des mêmes réclamations que celles déposées contre 67669, réclamations que le juge Taylor avait déjà estimées être fondées sur des allégations de prestation de services d’ingénierie et de construction pour le projet de Suncor.

20 Le juge Taylor a donc décidé que l’exclusion relative au projet clés en main avait pour effet de soustraire l’intimée à l’obligation de défendre Monenco et 67669 dans l’action de Suncor.

21 Enfin, le juge Taylor a réexaminé la preuve extrinsèque contestée et a répété qu’elle ne devait être prise en considération que si le libellé de la police était ambigu. Après avoir analysé la garantie offerte par la police générale de responsabilité civile et, en particulier, les exclusions pertinentes, il a estimé que ce n’était pas le cas. En conséquence, il a affirmé qu’il n’avait pas tenu compte de la preuve extrinsèque en tirant ses conclusions.

B. Cour d’appel de la Colombie-Britannique (1999), 121 B.C.A.C. 99, 1999 BCCA 129

22 Madame le juge Southin, s’exprimant au nom de la cour, a d’abord examiné les clauses pertinentes de la police générale de responsabilité civile que l’appelante Monenco avait souscrite auprès de l’intimée. Elle s’est ensuite demandé quels documents, outre les actes de procédure de Suncor, pouvaient être étudiés pour déterminer si les réclamations contre les appelantes étaient visées par la garantie prévue dans la police générale de responsabilité civile. Madame le juge Southin était d’avis que seul un examen du contrat conclu entre Suncor et la coentreprise permettrait de déterminer si les réclamations de Suncor [traduction] « découlaient » d’un projet du genre décrit dans l’exclusion relative au projet clés en main. Elle a conclu que ce contrat était [traduction] « suffisamment incorporé par renvoi » aux actes de procédure du fait qu’il avait été invoqué dans la déclaration modifiée de Suncor. Elle a en outre jugé que le fait que Suncor ait soutenu que la coentreprise était exploitée sous le nom de « ABM-1978 » suffisait pour que la cour puisse également examiner le contrat de coentreprise.

23 Mentionnant diverses modalités du contrat intervenu entre ABM Engineers et Suncor ainsi que le contrat de coentreprise, madame le juge Southin a décidé qu’aux termes du contrat avec Suncor les coentrepreneurs étaient tenus de concevoir et de construire un [traduction] « projet clés en main ». Comme le juge de première instance l’a conclu, ce qu’ils s’étaient engagés à faire relevait donc du libellé précis de l’exclusion relative au projet clés en main contenue dans la police générale de responsabilité civile. Comme elle l’a clairement affirmé, au par. 11 :

[traduction] Autrement dit, la réclamation contenue dans l’action sous‑jacente est une réclamation « découlant » de ce projet. [. . .] Il suffit de dire que si ce projet n’avait pas existé, il n’y aurait pas eu de réclamation; donc la réclamation découle du projet.

24 Madame le juge Southin a ensuite examiné l’argument des appelantes selon lequel les allégations de Suncor touchant l’obligation de mettre en garde contre la dangereuse propension des câbles sous enveloppe de PVC ne relevaient pas de l’exclusion relative au projet clés en main. Elle a estimé que ces réclamations ne reposaient qu’en partie sur une allégation de fait. Elle a affirmé que les faits en cause (qui concernaient la nature dangereuse des câbles sous enveloppe de PVC, ainsi que la connaissance qu’en avait les appelantes et leur omission de faire une mise en garde à ce sujet) n’engendraient pas à eux seuls la relation étroite qui est au coeur de l’obligation de mettre en garde. La question de l’existence d’une telle obligation est une question de droit qui doit être tranchée à la lumière des faits primaires constatés. Citant l’arrêt Rivtow Marine Ltd. c. Washington Iron Works, [1974] R.C.S. 1189, madame le juge Southin a conclu que, s’il existait une obligation de mise en garde une fois terminé le projet de Suncor, elle découlerait du fait que la coentreprise a construit l’usine d’exploitation de sables bitumineux.

25 Enfin, les appelantes ont fait valoir devant la Cour d’appel qu’elles pouvaient avoir eu, à un moment donné, un autre type de relation avec Suncor qui aurait donné lieu à une obligation de mettre en garde. Cependant, le juge Southin a noté que Suncor n’avait pas invoqué l’existence d’une autre relation de cette nature. À son avis, l’analyse de la déclaration modifiée dans son ensemble [traduction] « révélait sans équivoque » que chacune des réclamations de Suncor contre les appelantes concernait un sinistre [traduction] « découlant du projet », au sens dans lequel cette expression était utilisée dans l’exclusion relative au projet clés en main. En conséquence, la garantie prévue par la police générale de responsabilité civile ne pouvait pas s’appliquer à ces réclamations.

26 Après avoir conclu que toutes les réclamations de Suncor tombaient sous le coup de l’exclusion relative au projet clés en main, la Cour d’appel n’était pas tenue d’aborder l’exclusion relative aux services professionnels. L’appel a donc été rejeté.

V. Les questions en litige

27 Les parties ont avancé des arguments relativement à deux questions :

A. L’exclusion relative au projet clés en main contenue dans la police générale de responsabilité civile écarte-t-elle la garantie d’assurance autant pour 67669 que pour Monenco?

B. Si l’exclusion relative au projet clés en main n’écarte pas la garantie d’assurance, les allégations formulées contre 67669 et Monenco dans la déclaration modifiée que Suncor a déposée dans le cadre de la présente action tombent-elles sous le coup de l’exclusion relative aux services professionnels contenue dans la police générale de responsabilité civile?

VI. Analyse

A. L’exclusion relative au projet clés en main

(1) Les principes juridiques régissant l’obligation de défendre de l’assureur

28 La « règle » traditionnelle « des actes de procédure » constitue le point de départ de l’analyse de la question de savoir si l’obligation de défendre de l’assureur s’applique. Normalement, c’est en examinant les allégations contenues dans les actes de procédure déposés, habituellement sous forme de déclaration, contre l’assuré que l’on détermine si un assureur est tenu d’opposer une défense à une réclamation particulière. L’assureur est tenu d’opposer une défense si les actes de procédure énoncent des faits qui, s’ils se révélaient véridiques, exigeraient qu’il indemnise l’assuré relativement à la réclamation. Cela vaut même si la réalité ne correspond pas à ce qui est allégué. La « règle des actes de procédure » a été énoncée par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Bacon c. McBride (1984), 5 C.C.L.I. 146, dans lequel le juge Wallace a déclaré, à la p. 151 :

[traduction] L’obligation de défendre dépend des actes de procédure et non du point de vue de l’assureur quant à la validité ou à la nature de la demande ni de l’issue possible de l’instance. Lorsque la demande énonce des faits qui, s’ils étaient prouvés, seraient visés par la garantie prévue dans la police, l’assureur est tenu d’opposer une défense à la poursuite, que ces allégations soient véridiques ou non. Si les allégations ne sont pas visées par la garantie prévue dans la police, aucune obligation de la sorte n’incombe à l’assureur . . .

29 Notre Cour a, par la suite, adopté ce raisonnement dans l’arrêt Nichols c. American Home Assurance Co., [1990] 1 R.C.S. 801, où le juge McLachlin (maintenant Juge en chef) a indiqué que les principes généraux d’interprétation des contrats d’assurance étayent la conclusion qu’il y a obligation de défendre lorsque les actes de procédure portent sur des réclamations qui seraient payables en vertu de la clause d’indemnisation du contrat d’assurance. Le juge McLachlin a aussi mentionné l’arrêt Opron Maritimes Construction Ltd. c. Canadian Indemnity Co. (1986), 73 R.N.‑B. (2e) 389 (C.A.); autorisation de pourvoi devant notre Cour refusée, [1987] 1 R.C.S. xi, à l’appui de la proposition selon laquelle l’obligation de défendre n’existe pas lorsqu’il ressort clairement des actes de procédure que la poursuite ne relève pas de la portée de la police en raison d’une clause d’exclusion. Elle a également fait remarquer qu’il n’est pas nécessaire d’établir qu’il y aura effectivement obligation d’indemniser pour déclencher l’obligation de défendre. La seule possibilité qu’une réclamation relevant de la police puisse être accueillie suffit. En ce sens, l’obligation de défendre de l’assureur a une portée plus large que l’obligation d’indemniser (Nichols, précité, p. 810).

30 La Cour d’appel du Québec a récemment appliqué les principes énoncés dans l’arrêt Nichols dans l’arrêt Association des hôpitaux du Québec c. Fondation pour le cancer de la prostate, Centre hospitalier de l’Université Laval, [2000] R.R.A. 78. Le juge LeBel, maintenant juge de notre Cour, y a statué, au nom de la cour, que l’existence de l’obligation de défense s’apprécie par rapport aux actes de procédure. Il a confirmé que cette obligation peut exister même en l’absence de l’obligation d’indemnisation. Le juge LeBel a ajouté que, bien que les contrats d’assurance attribuent d’importantes responsabilités à l’assureur, notamment l’obligation de défense, l’assuré se voit imposer l’obligation corrélative de collaborer à la défense avec l’assureur (par. 26).

31 Lorsque les actes de procédure ne sont pas assez précis pour que l’on puisse décider si les réclamations sont visées par une police, l’obligation de défendre de l’assureur s’applique si une interprétation raisonnable des actes de procédure permet de déduire l’existence d’une réclamation visée par la garantie. Ce principe est conforme aux préceptes plus généraux qui sous-tendent l’interprétation des contrats d’assurance, à savoir la règle contra proferentem et le principe selon lequel les dispositions concernant la garantie doivent recevoir une interprétation large, et les clauses d’exclusion une interprétation restrictive. Dans l’arrêt Opron Maritimes, précité, la Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick a fait état de ces principes en déclarant, au par. 15, que [traduction] « [t]out doute sur la question de savoir si, d’après les [actes de procédure], l’incident est couvert par la police d’assurance doit être dissipé en faveur de l’assuré ». De plus, dans l’arrêt Nichols, précité, p. 812, le juge McLachlin affirme :

Je conclus que les considérations relatives au droit et à la pratique en matière d’assurance, ainsi que la doctrine et la jurisprudence, appuient en très grande majorité l’opinion que l’obligation de défendre ne devrait s’appliquer que lorsque l’on peut prétendre que les réclamations relèvent de la police, sous réserve de stipulations contraires dans le contrat d’assurance. Cela étant dit, il faut accorder la portée la plus large possible aux allégations contenues dans les actes de procédure pour déterminer si elles constituent une réclamation qui relève de la police.

32 Comme l’écrit G. Hilliker dans son ouvrage Liability Insurance Law in Canada (3e éd. 2001), p. 72, certains tribunaux ont considéré que le passage précédent signifie que l’assureur doit opposer une défense s’il y a la moindre possibilité que la réclamation relève de la garantie. Cependant, Hilliker prétend également que les tribunaux ne doivent pas se livrer à [traduction] « une interprétation fantaisiste de la déclaration dans le seul but d’obliger l’assureur à opposer une défense ». Il fait observer que ce n’est que lorsqu’il existe réellement une ambiguïté ou un doute que l’obligation de défendre doit être interprétée en faveur de l’assuré. Ce principe a été exposé dans des termes plus généraux par Andal et Donnelly, qui affirment qu’[traduction] « il faut accorder la portée la plus large possible aux allégations contenues dans les actes de procédure pour déterminer si elles constituent une réclamation qui relève de la police ». (Voir R. V. Andal et T. Donnelly, « Liability Insurance » dans C. Brown, Insurance Law in Canada (éd. feuilles mobiles), vol. 2, p. 18-13.)

33 Notre Cour a examiné plus en détail la règle des actes de procédure dans l’arrêt Non-Marine Underwriters, Lloyd’s of London c. Scalera, [2000] 1 R.C.S. 551, 2000 CSC 24. Dans cet arrêt, la Cour a confirmé à l’unanimité les principes énoncés dans l’arrêt Nichols. Les juges majoritaires ont également adopté le raisonnement de la Court of Appeals du Colorado dans l’arrêt Colorado Farm Bureau Mutual Insurance Co. c. Snowbarger, 934 P.2d 909 (1997), p. 912, selon lequel [traduction] « l’obligation de défendre naît lorsque la plainte s’appuie sur des faits susceptibles d’emporter l’application de la garantie » (par. 78 (je souligne)).

34 Dans l’arrêt Scalera, la Cour a également statué que de simples assertions contenues dans une déclaration ne sont pas nécessairement déterminantes. Si c’était le cas, l’application du contrat d’assurance dépendrait toujours des allégations d’un tiers. À cet égard, elle affirme, au par. 79, que « [c]e qui compte vraiment, ce n’est pas la terminologie employée par le demandeur, mais la nature véritable de la demande » (je souligne). Pour cette raison, les tribunaux ont été encouragés à aller au‑delà de la terminologie utilisée dans les actes de procédure pour déterminer quelles prétentions juridiques de la partie demanderesse peuvent être étayées par les allégations factuelles. Cette analyse a pour but de discerner le « contenu » véritable des allégations. La question fondamentale n’est donc pas de savoir si les allégations sont fondées, mais de « décider, en tenant pour acquis que toutes les allégations factuelles du demandeur sont véridiques, si les actes de procédures sont susceptibles d’étayer ses [prétentions juridiques] » (par. 84).

35 Compte tenu de ce courant jurisprudentiel, il s’ensuit que, pour déterminer si une obligation de défendre existe dans une situation donnée, il faut évaluer les actes de procédure pour déterminer le « contenu » et la « nature véritable » des réclamations. Plus particulièrement, il faut examiner intégralement les allégations factuelles contenues dans les actes de procédure pour déterminer si elles peuvent étayer les prétentions juridiques du demandeur.

36 Bien que ces principes soient utiles pour les fins de la présente affaire, la jurisprudence a jusqu’à maintenant laissé en suspens une question importante qui se pose en l’espèce, celle de savoir si une cour peut aller au-delà des actes de procédure et prendre en considération des éléments de preuve extrinsèques pour déterminer le « contenu » et la « nature véritable » d’une réclamation. Sans vouloir décider de la mesure dans laquelle une preuve extrinsèque peut être prise en considération, j’estime qu’il est possible de tenir compte de la preuve extrinsèque mentionnée explicitement dans les actes de procédure pour déterminer le contenu et la nature véritable des allégations et, ainsi, apprécier la nature et l’étendue de l’obligation de défendre d’un assureur. J’examine maintenant cette question.

(2) Application des principes juridiques à la présente affaire

a) Mention d’une preuve extrinsèque

37 Il convient de se rappeler que la question de savoir si un assureur est tenu d’opposer une défense dans une action intentée contre l’assuré a été soulevée à titre préliminaire. Il est évident qu’il peut se révéler, au terme du procès, que la responsabilité de l’assureur n’est pas engagée et qu’il n’a, par conséquent, aucune indemnité à verser. Mais cette question ne se pose pas lorsqu’il s’agit de déterminer l’existence de l’obligation de défendre. Nous ne pouvons donc pas préconiser une méthode qui fera de la demande relative à l’obligation de défendre « un procès à l’intérieur d’un procès ». À cet égard, la cour saisie d’une telle demande ne peut pas examiner une preuve « prématurée », c’est-à-dire une preuve qui, si elle était prise en considération, exigerait que des conclusions susceptibles d’influer sur le litige sous‑jacent soient tirées avant le procès.

38 En l’espèce, je confirme la décision de madame le juge Southin que, du fait que la déclaration modifiée en faisait état, le contrat entre Suncor et la coentreprise pouvait être examiné en vue de déterminer le contenu et la nature véritable des réclamations de Suncor. Dans la même veine, je suis d’accord avec madame le juge Southin pour dire que la cour pouvait également examiner le contrat de coentreprise, du fait que Suncor avait soutenu que la coentreprise était exploitée sous le nom de « ABM-1978 ».

39 En souscrivant aux décisions de madame le juge Southin sur cette preuve extrinsèque, je dois souligner que cette preuve n’a pas été prise en considération pour examiner les points controversés dans le litige opposant Suncor aux appelantes. La mention de ces documents ne requérait aucune conclusion de fait qui aurait une incidence sur ce litige qui, en l’espèce, était déjà réglé au moment où les tribunaux ont été saisis de la demande relative à l’obligation de défendre. L’examen de la preuve extrinsèque ne contribue qu’à clarifier le contenu des actes de procédure et est donc compatible avec le raisonnement adopté dans l’arrêt Scalera, précité.

40 Enfin, je noterais également que la mention du contrat de coentreprise et du contrat intervenu entre la coentreprise et Suncor paraît conforme aux Supreme Court Rules, B.C. Reg. 221/90, qui s’appliquent à cette demande relative à l’obligation de défendre. Selon la règle 26(8), une partie qui s’oppose peut demander de consulter un document mentionné dans une déclaration vraisemblablement dans le but de comprendre les actes de procédure et le litige en cause. Je suis d’accord avec l’intimée pour dire qu’une cour devrait également pouvoir le faire et qu’il devrait donc lui être loisible d’examiner elle-même tout document mentionné explicitement dans une déclaration. J’en viens à cette conclusion en dépit du fait que la règle 19(2) prévoit que l’effet de tout document mentionné dans un acte de procédure doit être exposé brièvement dans les actes de procédure s’il est pertinent, sans que les termes précis utilisés dans le document ne soient repris. Bien que la règle 19(2) puisse être invoquée pour donner à la cour un aperçu général d’une preuve extrinsèque, il est également logique de permettre à une cour de consulter les documents mentionnés dans une déclaration lorsque cela est nécessaire pour déterminer la nature véritable et le contenu des actes de procédure et, de ce fait, l’étendue de l’obligation de défendre de l’assureur.

b) Applicabilité à 67669 de l’exclusion relative au projet clés en main

41 L’exclusion relative au projet clés en main, que l’on trouve à l’avenant S-2 de la police générale de responsabilité civile, se lit ainsi :

[traduction]

IL EST ENTENDU ET CONVENU AUX PRÉSENTES que : —

L’assureur n’assume aucune responsabilité en vertu de la présente police en ce qui concerne les réclamations découlant des projets pour lesquels des services professionnels d’architecture ou d’ingénierie, ou les deux à la fois, sont fournis par l’assuré, et dont la construction, l’installation, l’érection, la fabrication, l’assemblage ou la production est réellement exécutée par l’assuré ou toute autre entité juridique lui appartenant en totalité ou en partie, ou par tout particulier ou toute société agissant en qualité de sous‑traitant de l’assuré désigné nommément.

En conséquence, le juge de première instance a reconnu à juste titre, au par. 65, que pour que cette exclusion ait pour effet d’empêcher l’indemnisation, la réclamation doit :

[traduction]

a) découler d’un projet,

b) pour lequel des services professionnels d’architecture ou d’ingénierie, ou les deux à la fois, sont fournis par l’assuré,

c) et dont la construction, l’installation, l’érection, la fabrication, l’assemblage ou la production est réellement exécutée par l’assuré ou toute autre entité juridique lui appartenant en totalité ou en partie . . . [En italique dans l’original.]

42 À mon sens, les tribunaux d’instance inférieure ont statué à bon droit que la clause d’exclusion relative au projet clés en main s’appliquait à 67669. Bien que 67669 n’ait pas été l’assuré désigné nommément dans la police, l’exclusion s’applique explicitement à toute entité juridique appartenant en totalité ou en partie à l’assuré. Il est donc évident qu’elle s’applique à l’une des filiales en propriété exclusive de Monenco.

43 Suncor a allégué que 67669 était coupable de violation de contrat, de manquement à l’obligation de diligence qui incombe aux employés professionnels, de manquement à l’obligation générale de mettre en garde contre la dangereuse propension des câbles sous enveloppe de PVC et d’informer des mesures correctives qui empêcheraient l’usine d’être exposée à un risque, ainsi que de manquement à l’obligation de mettre en garde et d’informer des mesures qui permettraient de protéger l’usine contre tout changement important du risque auquel elle était exposée. Chacune de ces réclamations [traduction] « découlait du projet », au sens de l’exclusion relative au projet clés en main. Bien que les appelantes aient soutenu que les obligations de 67669 envers Suncor pouvaient avoir pris naissance dans le cadre d’une autre relation que celle engendrée par la participation de 67669 au projet de Suncor, madame le juge Southin a eu raison de noter qu’une telle allégation n’avait jamais été formulée dans les actes de procédure. Je souscris donc à sa conclusion que le projet était la cause immédiate de la réclamation de Suncor.

44 Suncor a également prétendu que 67669 avait assuré les services de conception et de construction liés au projet d’agrandissement de l’usine d’exploitation de sables bitumineux. C’est ce qui ressort clairement des actes de procédure. Je signale, en particulier le par. 15, qui contient des allégations relatives aux services que 67669 aurait réellement fournis pour le projet de Suncor. On peut y lire :

[traduction]

15. Les services fournis par ABM Engineers en vertu du contrat relatif au projet d’agrandissement comprenaient la conception et l’installation du système électrique de l’usine agrandie de Suncor . . . [Je souligne.]

Bien que le par. 15 parle de « ABM Engineers » au lieu de 67669 en particulier, les actes de procédure révèlent dans l’ensemble que les réclamations formulées [traduction] « collectivement » contre ABM Engineers comprennent celles formulées contre chacun des coentrepreneurs qui sont tous désignés comme défendeurs dans l’action de Suncor. C’est ce qui ressort clairement du par. 7, dans lequel on allègue que les coentrepreneurs, y compris 67669, offraient des services généraux d’ingénierie et de construction :

[traduction]

7. À tout moment pertinent pour la présente action, [. . .] 67669 Alberta Inc. [. . .] par l’entremise de ses employés offrai[t] des services professionnels d’ingénierie incluant la conception et la construction de l’usine et des installations destinées à la production de pétrole synthétique. [Je souligne.]

Selon le par.13, 67669 et les autres coentrepreneurs se seraient engagés, tant à titre individuel qu’à titre de coentrepreneur, à exécuter ces travaux pour le projet de Suncor :

[traduction]

13. Bechtel Canada Limited [. . .], 67669 Alberta Inc. [. . .] et 111467 Alberta Ltd. [. . .], ci-après désignées collectivement sous le nom de « ABM Engineers », [. . .] ont conclu avec Suncor un contrat écrit, [. . .] de gestion, d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction en vue d’accroître la capacité de production de pétrole synthétique de l’usine et des installations alors existantes de Suncor . . . [Je souligne.]

Quoique les allégations contenues au par. 13 traitent de ce que 67669 s’est engagée à accomplir plutôt que de ce qu’elle a vraiment accompli, je crois que ce paragraphe peut et devrait être pris en considération pour déterminer l’applicabilité de l’exclusion relative au projet clés en main. Comme nous l’avons vu, il est évident en l’espèce que Suncor a allégué qu’il y avait eu exécution et construction réelles par 67669. Néanmoins, une cour peut, à ce stade des procédures, prendre en considération les obligations que l’assuré aurait contractées. Il se peut bien, je le répète, que le contraire soit démontré au procès de sorte que l’assureur ne sera pas tenu d’indemniser l’assuré.

45 Il ressort d’un examen des contrats mentionnés dans les actes de procédure de Suncor que les appelantes se sont engagées à fournir des services de conception et de construction pour le projet de Suncor. Le contrat de coentreprise indique clairement que les travaux que les coentrepreneurs se sont engagés par contrat à exécuter comprenaient [traduction] « la conception de procédé, les études techniques détaillées, l’approvisionnement, la construction et l’agrandissement » de l’usine d’exploitation de sables bitumineux de Suncor. Le contrat précise également que les obligations des coentrepreneurs doivent être [traduction] « exécutées au nom de chaque coentrepreneur », et que chaque coentrepreneur est conjointement et solidairement responsable des opérations effectuées au nom de la coentreprise. En conséquence, selon le contrat de coentreprise, c’était exactement comme si chaque coentrepreneur, y compris 67669, avait conclu un contrat directement avec Suncor.

46 Le contrat entre Suncor et la coentreprise révèle en outre que la nature des travaux que les coentrepreneurs s’engageaient à exécuter relevait de l’exclusion relative au projet clés en main. Le titre même de ce contrat, [traduction] « Contrat pour la prestation de services d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction », laisse entendre qu’une action liée aux travaux réellement exécutés par les coentrepreneurs dans le cadre du projet de Suncor tomberait sous le coup de cette exclusion. De plus, l’article 2.1 du contrat indique que les travaux que la coentreprise s’engage à exécuter comprennent la conception et l’ingénierie du projet de Suncor, ainsi que sa construction. Même si, comme nous l’avons vu, ce contrat ne mentionne que les obligations assumées par la coentreprise, la responsabilité conjointe et solidaire de chaque coentrepreneur est engagée à cet égard. Le contrat peut donc être interprété comme décrivant les travaux que les coentrepreneurs en cause, y compris 67669, s’engagent à exécuter.

47 Pour ces motifs, je suis convaincu que les réclamations formulées contre 67669 dans la déclaration modifiée de Suncor déclenchaient l’application de l’exclusion relative au projet clés en main. Même si cette conclusion peut être tirée à partir des actes de procédure seulement, elle est étayée par les documents extrinsèques auxquels renvoient explicitement les actes de procédure de Suncor et qui ont été examinés par la Cour d’appel.

48 Ayant conclu que l’exclusion relative au projet clés en main s’applique aux réclamations formulées contre 67669, je suis d’accord avec les tribunaux d’instance inférieure pour dire que, aux termes de la police générale de responsabilité civile, l’intimée n’était pas tenue de défendre cette appelante dans l’action de Suncor.

c) Applicabilité à Monenco de l’exclusion relative au projet clés en main

49 Les analyses qui doivent être effectuées pour décider si l’exclusion relative au projet clés en main s’applique à Monenco et à 67669 respectivement ne diffèrent pas sensiblement. Cela s’explique surtout par le fait que toutes les réclamations de Suncor contre 67669 ont été reprises contre Monenco pour le motif que cette dernière était l’alter ego de 67669 ou que 67669 avait conclu le contrat en tant que mandataire de Monenco. Par conséquent, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment au sujet de l’application à 67669 de l’exclusion relative au projet clés en main, les réclamations de Suncor contre Monenco [traduction] « découlaient » du projet de Suncor. Il ressort clairement de la déclaration modifiée qu’il existe un lien distinct entre les violations reprochées à Monenco et le rôle qu’elle a joué dans le projet. En outre, les actes de procédure n’allèguent l’existence d’aucune relation entre Suncor et Monenco autre que celle découlant du rôle qu’elles ont joué respectivement dans l’agrandissement de l’usine d’exploitation de sables bitumineux de Suncor en Alberta.

50 Je suis également d’avis que les réclamations de Suncor contre Monenco respectaient les deuxième et troisième conditions d’application de l’exclusion relative au projet clés en main. Suncor a allégué, dans sa déclaration modifiée, que même si Monenco n’était pas partie au contrat de coentreprise, elle fournissait des services professionnels d’ingénierie et de construction dans le cadre du projet de Suncor. Cela était dû au fait que Monenco contrôlait totalement les activités de 67669. Ces allégations se trouvent aux par. 9, 32 et 33 de la déclaration modifiée de Suncor, dont voici le texte :

[traduction]

9. Les défenderesses Monenco Limited (« Monenco ») et Associated Engineering Group Ltd. (« Associated ») [. . .] respectivement contrôlaient et possédaient toutes les actions de MHG International Ltd. (maintenant connue sous le nom de 67669 Alberta Inc.) et d’Associated Engineering Services Ltd. (maintenant connue sous le nom de 111467 Alberta Ltd.).

32. . . . en tout temps pertinent, Bechtel U.S., Monenco et Associated [. . .] contrôlaient également, dans les faits, la prestation des services qu’ABM Engineers s’était engagée à fournir dans le cadre du projet d’agrandissement, et y participaient considérablement. En tout temps pertinent, Suncor [. . .] a été invitée par la société mère Engineers à se fier à sa réputation et à son expérience, ce que Suncor a fait, en ce qui concernait la prestation des services d’ingénierie [. . .]. Suncor affirme que l’obligation de mettre en garde et d’informer des mesures correctives efficaces à la suite de l’installation des câbles électriques sous enveloppe de PVC existait à la date de l’incendie . . .

33. . . . en tout temps pertinent, Monenco et Associated contrôlaient, surveillaient et géraient également, dans les faits, chacune de leurs filiales en propriété exclusive [. . .]. À cet égard, Canadian Bechtel et ABM Engineers, collectivement et individuellement, étaient les instruments de chacune des entreprises Bechtel U.S., Monenco et Associated, qui étaient elles-mêmes les alter ego des filiales. Subsidiairement, une fois de plus, Canadian Bechtel et ABM Engineers étaient, en tout temps pertinent, les mandataires respectifs de chacune des entreprises Bechtel U.S., Monenco et Associated. [Je souligne.]

51 Les allégations contenues dans ces paragraphes laissent entendre que Monenco — à titre de société mère, d’alter ego et de mandante de sa filiale en propriété exclusive — a fourni les services en question par l’entremise de 67669. Étant donné, comme nous l’avons vu, que Suncor a prétendu que 67669 exécutait des travaux d’ingénierie et de construction pour le projet de Suncor, les allégations contre Monenco doivent aller dans le même sens. Par conséquent, je souscris à la conclusion du juge Taylor (au par. 77) :

[traduction] Compte tenu des allégations contenues aux paragraphes 32 et 33, je suis convaincu qu’on prétendait que Monenco a fourni des services professionnels autant d’ingénierie que de construction dans le cadre du projet, de sorte que la clause d’exclusion relative au projet clés en main s’applique directement à elle. Il suffit de mentionner les allégations contenues au paragraphe 33, qui reprennent essentiellement contre Monenco les allégations formulées contre 67669 qui, je l’ai déjà conclu, ont trait à la prestation de services professionnels d’ingénierie et de construction pour le projet de Suncor.

52 Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que les réclamations de Suncor contre Monenco, à l’instar de celles contre 67669, ont déclenché l’application de l’exclusion relative au projet clés en main. Je suis donc d’avis que les tribunaux d’instance inférieure ont conclu à juste titre que l’obligation de défendre de l’intimée ne pouvait pas prendre naissance dans les circonstances de la présente affaire.

B. L’exclusion relative aux services professionnels

53 Ayant statué que l’exclusion relative au projet clés en main contenue dans la police générale de responsabilité civile écartait toute garantie pour les deux appelantes, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’aborder la seconde question relative à l’applicabilité de l’exclusion relative aux services professionnels.

VII. Dispositif

54 Pour les motifs qui précèdent, le pourvoi est rejeté avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs des appelantes : Singleton Urquhart, Vancouver.

Procureurs de l’intimée : Owen Bird, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : 2001 CSC 49 ?
Date de la décision : 13/09/2001

Parties
Demandeurs : Monenco Ltd.
Défendeurs : Commonwealth Insurance Co.
Proposition de citation de la décision: Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co., 2001 CSC 49 (13 septembre 2001)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2001-09-13;2001.csc.49 ?
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