La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2021 | FRANCE | N°19BX00702

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 25 février 2021, 19BX00702


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Karulara food catering a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1701248 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2019 et 7 juillet

2020, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, la SARL Karulara food catering, représentée par Me A..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Karulara food catering a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1701248 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2019 et 7 juillet 2020, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, la SARL Karulara food catering, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 20 décembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Karulara food catering soutient que les provisions qu'elle a constituées afin de prendre en compte le risque de non-recouvrement de ses créances détenues sur les sociétés Immoloc et Ventura 2000 sont justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme B... C....

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Karulara food catering (KFC), qui exerce une activité de restauration rapide, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle le vérificateur a, notamment, réintégré au résultat de l'exercice clos en 2011 des provisions pour créances douteuses détenues sur la SCI Immoloc et la SARL Ventura 2000 et notifié à la société les rectifications d'impôt sur les sociétés en découlant au titre de l'année 2011. La SARL KFC catering relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ".

3. Une entreprise peut porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

4. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 12 septembre 2014, que lors de la vérification de comptabilité dont la société requérante a fait l'objet, le vérificateur a constaté, notamment, que la SARL KFC avait constitué au 31 décembre 2010 deux provisions pour créances douteuses, d'un montant respectif de 296 167, 69 euros et de 236 924,59 euros, correspondant à des avances consenties à la SCI Immoloc et à la SARL Ventura 2000, détenues à 99,33 % et 100 % par la SNC KFC Fort-de-France, elle-même détenue à 99,9 % par la SARL KFC. Estimant que ces provisions n'étaient pas justifiées, le vérificateur les a réintégrées au résultat de l'exercice clos en 2011.

Sur la provision SCI Immoloc :

5. La SARL KFC fait valoir que la SCI Immoloc a été créée pour racheter l'immeuble situé 34 rue de la République à Fort-de-France dans le but d'ouvrir un nouvel établissement KFC dans cette ville et que, pour réaliser l'opération, la SARL KFC lui a avancé des fonds, pour un montant de 592 335 euros au 31 décembre 2010. La SCI Immoloc avait deux locataires, la SNC KFC Fort-de-France et la société Ventura 2000, gérant le magasin Tati situé dans l'immeuble. Toutefois, l'activité du magasin Tati a périclité et la SARL Ventura 2000 n'a plus été en mesure d'honorer ses loyers, la créance de loyers dus à la SCI Immoloc par la SARL Ventura 2000 s'élevant à 609 996,05 euros au 31 décembre 2010, et la situation de la SCI Immoloc présentant à cette même date une situation négative de 351 051 euros et de 454 873 euros au 31 décembre 2011. Dès lors, à la date de constitution de la provision comme à la clôture de l'exercice 2011, la créance détenue sur la SCI Immoloc devait être regardée comme douteuse, ce qui impliquait la constitution d'une provision.

6. Toutefois, ces circonstances n'établissent pas que la SCI Immoloc, dont l'un des locataires, la SNC KFC Fort-de-France, était solvable, et dont il n'est pas allégué qu'elle n'aurait pu remplacer son locataire défaillant par un locataire solvable, se trouvait dans une situation autorisant la SARL KFC à constituer une provision, sans même effectuer de démarche pour recouvrer sa créance. Il résulte en effet de l'instruction que la SCI Immoloc a déclaré au titre des années 2010 et 2011, des revenus fonciers pour des montants respectifs de 200 167 euros et de 146 142 euros, et que, même si cette circonstance est postérieure à la période d'imposition, elle est devenue propriétaire de l'immeuble en cause en 2012, par levée d'option à l'issue de la période de crédit-bail. Par suite, la SARL KFC n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère douteux de sa créance.

Sur la provision SARL Ventura 2000 :

7. La SARL KFC fait valoir que pour reprendre, par l'intermédiaire de la SARL Ventura 2000, l'activité du magasin Tati, elle a avancé à cette société des sommes, à concurrence de 436 924,29 euros au 31 décembre 2010. À la clôture de l'exercice 2010, considérant que sa créance était obérée, elle a constitué une provision à concurrence de 236 924,59 euros. À cette date, en effet, la SARL Ventura 2000 présentait un résultat déficitaire de 446 665 euros, une situation nette négative de 1 906 874 euros et devait à la SCI Immoloc la somme de 609 996,05 euros au titre des loyers impayés. Il résulte au surplus de l'instruction que cette société a réalisé un chiffre d'affaires de 3 107 euros en 2011 et 36 000 euros en 2012 et n'a réalisé aucun chiffre d'affaires postérieurement. Dès lors, la SARL KFC est fondée à soutenir que le caractère irrécouvrable de cette créance était probable et nécessitait la constitution d'une provision.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL KFC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2011 découlant de la reprise de la provision de 236 924,59 euros constituée pour faire face au risque d'absence de recouvrement de la créance de la SARL Ventura 2000. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La SARL KFC est déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2011 afférent à la réintégration dans ses résultats de la provision de 236 924,59 euros.

Article 2 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : L'État versera à la SARL KFC la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL KFC est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Karulara food catering et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Rendu public par dépôt au greffe le 25 février 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 19BX00702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX00702
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SCP TZA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-25;19bx00702 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award