LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 janvier 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 77 F-D
Pourvoi n° G 19-22.255
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 JANVIER 2021
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Centre Val de Loire, dont le siège est [...] , venant aux droits de l'URSSAF du Loiret, a formé le pourvoi n° G 19-22.255 contre le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Lille (pôle social), dans le litige l'opposant à Mme A... H..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Centre Val de Loire, de la SCP Marc Lévis, avocat de Mme H..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Lille, 14 mai 2019), rendu en dernier ressort, l'URSSAF Centre Val de Loire (l'URSSAF) a adressé à Mme H... (la cotisante), le 15 décembre 2017, un appel de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016, au titre de la protection universelle maladie.
2. La cotisante a saisi un tribunal de grande instance d'une demande en annulation de cet appel de cotisations.
Examen du moyen
3. L'URSSAF fait grief au jugement de dire qu'elle ne pouvait pas réclamer la cotisation subsidiaire maladie après le 30 novembre 2017, d'annuler en conséquence l'appel de cotisations contesté et de la condamner à rembourser à la cotisante la somme de 615 euros, alors « que l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale précise, sans envisager la moindre sanction, que la cotisation solidaire maladie (csm) est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due ; qu'il s'ensuit que, nulle forclusion ni nulle péremption n'étant envisagée afin de sanctionner un appel tardif, l'urssaf demeure en droit d'appeler et de recouvrer la cotisation solidaire maladie (csm) y compris lorsqu'elle procède à cet appel au-delà de la date ainsi mentionnée ; qu'en considérant qu'ayant appelée la cotisation 2016 le 15 décembre 2017, soit quinze jours après cette date, l'URSSAF du Centre Val de Loire était définitivement déchue de son droit d'appeler et de recouvrer cette cotisation, le tribunal a violé en y ajoutant l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse :
4. Selon ce texte, la cotisation assise sur les revenus non professionnels mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
5. Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible.
6. Pour annuler l'appel à cotisation, le jugement retient que, faute d'avoir appelé la cotisation avant l'échéance du terme dont elle disposait pour ce faire, l'URSSAF n'est pas fondée à appeler et recouvrer la cotisation solidaire maladie due par la cotisante au titre de l'année 2016.
7. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 mai 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Lille ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lille ;
Condamne Mme H... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF Centre Val de Loire
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que l'urssaf Centre Val de Loire ne pouvait pas réclamer la cotisation subsidiaire maladie à Mme H... après le 30 novembre 2017, d'avoir annulé en conséquence l'appel de cotisations contesté, d'avoir condamné l'urssaf Centre Val de Loire à rembourser à Mme H... la somme de 615 euros, et d'avoir condamné l'urssaf Centre Val de Loire à payer à Mme H... la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au présent litige, que toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière, bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre. L'exercice d'une activité professionnelle et les conditions de résidence en France sont appréciées selon les règles prévues, respectivement, aux articles L. 111-2-2 et L. 111-2-3. Un décret en Conseil d'Etat prévoit les conditions dans lesquelles les personnes qui résident en France et cessent de remplir les autres conditions mentionnées à l'article L. 111-2-3 bénéficient, dans la limite d'un an, d'une prolongation du droit à la prise en charge des frais de santé mentionnée à l'article L. 160-8 et, le cas échéant, à la couverture complémentaire prévue à l'article L. 861-1. Il résulte de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au présent litige, que les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : 1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ; 2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple. Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixes au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis. Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100% à hauteur du seuil défini audit 1°. La cotisation recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat. Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du Livre des procédures fiscales. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, les première et dernière phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 sont conformes à la Constitution, sous réserve énoncée au paragraphe 19 de la décision, aux termes de laquelle il appartient au pouvoir réglementaire de fixer le taux et les modalités de détermination de l'assiette de la cotisation de façon à ne pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. L'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose par ailleurs que : I. – La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. II. – Au plus tard à l'issue de ce délai, l'assuré qui estime que le montant appelé ne tient pas compte de manière exacte de sa situation ou de ses revenus peut s'acquitter du montant de la cotisation dont il estime être redevable sur la base de tout élément probant qu'il communique à l'organisme chargé du recouvrement. Après examen des éléments envoyés, l‘organisme de recouvrement, dans un délai d'un mois suivant la date de paiement de la cotisation et par tout moyen donnant date certaine à la réception par le redevable, lui confirme le montant estimé ou, le cas échéant, lui transmet un appel rectificatif fixant le solde restant dû par le redevable ou les sommes à rembourser. Le solde est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle il est appelé. III. – Lorsque le redevable choisit de verser sa cotisation en trois échéances, le premier versement intervient avant la date prévue au I et chacune des échéances supplémentaires intervient par prélèvement dans un délai maximum de 90 jours suivant le versement précédent. Chaque versement est égal à un tiers du montant de a cotisation due. Si le redevable rectifie le montant de cotisation conformément aux éléments communiqués dans les conditions prévues au II, il ajuste alors le montant qu'il estime devoir acquitter lors du premier versement. Après examen de ces éléments, l'organisme de recouvrement ajuste, le cas échéant, les montants à prélever à l'occasion des deux échéances supplémentaires. IV. – Dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, en cas d'absence de mise à disposition par l'employeur d'élément probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions, l'organisme de recouvrement peut fixer l'assiette de la cotisation mentionnée au I à cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle est notifiée la fixation forfaitaire. Cette fixation forfaitaire est opérée à titre provisoire et constitue l'assiette de la cotisation tant que le cotisant n'apporte pas d'éléments probants permettant d'en rectifier le montant. En l'espèce, il est constant que l'appel de cotisation contesté, réalisé en 2017 au titre de l'année 2016, a été fait auprès de Mme H... par courrier en date du 15 décembre 2017. Il résulte cependant clairement de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale sus-rappelé que la cotisation subsidiaire maladie doit être appelée « au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due ». L'appel de cotisation de la CSM due au titre de l'année 2016 devait donc intervenir impérativement avant le jeudi 30 novembre 2017. Les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile ne s'appliquent qu'aux actes judiciaires et non pas à des actes extra-judiciaires comme l'est en l'espèce l'appel à cotisations contesté. Le pouvoir réglementaires a choisi de limiter dans le temps la période pendant laquelle la CSM pouvait être appelée. Par un texte clair et dénué de toute équivoque, il indique que la CSM doit être appelée au plus tard le dernier jour ouvré de novembre. Passé ce délai, l'URSSAF n'est donc plus recevable à appeler la cotisation litigieuse. Le fait, comme le souligne l'URSSAF, qu'elle dispose d'un délai de trois ans pour recouvrer les cotisations ne signifie pas qu'elle ne puisse avoir, comme en l'espèce, d'autres délais à respecter pour procéder à l'appel et au recouvrement de certaines cotisations. En l'espèce, si l'URSSAF dispose de trois années pour recouvrer la CSM, c'est à la seule condition que celle-ci ait été appelée dans les délais légaux prévus, soit avant le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. L'URSSAF aurait donc disposé de trois ans pour recouvrer la CSM contre Mme H... si elle avait pu justifier avoir appelé cette cotisation avant le 30 novembre 2017. Faute d'avoir appelé la CSM avant l'échéance du terme dont elle disposait pour ce faire, l'URSSAF n'était pas fondée à appeler et recouvrer la Cotisation subsidiaire maladie due par Mme H... au titre de l'année 2016. Si Mme H... ne justifie par aucune pièce avoir réglé une partie des sommes réclamées – elle prétend avoir versé 615 euros – l'URSSAF ne demande dans ses écritures que la condamnation de la demanderesse au paiement d'une somme de 569 euros restant due sur les 1 184 euros initialement réclamés, soit une différence de 615 euros. En conséquence, il convient d'une part d'annuler l'appel de cotisations contesté et (d'autre part) de condamner l'URSSAF Centre Val de Loire à rembourser à Mme H... la somme de 615 euros » ;
ALORS QUE l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale précise, sans envisager la moindre sanction, que la cotisation solidaire maladie (csm) est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due ; qu'il s'ensuit que, nulle forclusion ni nulle péremption n'étant envisagée afin de sanctionner un appel tardif, l'urssaf demeure en droit d'appeler et de recouvrer la cotisation solidaire maladie (csm) y compris lorsqu'elle procède à cet appel au-delà de la date ainsi mentionnée ; qu'en considérant qu'ayant appelée la cotisation 2016 le 15 décembre 2017, soit quinze jours après cette date, l'urssaf du Centre Val de Loire était définitivement déchue de son droit d'appeler et de recouvrer cette cotisation, le tribunal a violé en y ajoutant l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale.