LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 novembre 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1297 F-D
Pourvoi n° J 19-21.014
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020
1°/ M. P... F...,
2°/ Mme Q... F...,
tous deux agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de X... F...,
3°/ M. J... F...,
4°/ Mme T... F..., épouse E...,
5°/ M. Y... F...,
6°/ Mme I... F...,
tous six domiciliés [...] ,
7°/ M. L... D...,
8°/ Mme G... D...,
tous deux domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° J 19-21.014 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2019 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), dans le litige les opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. P... F... et Mme Q... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de X... F..., M. J... F..., Mme T... F..., M. Y... F..., Mme I... F... et M. et Mme D..., de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 juin 2019) et les productions, M. P... F..., alors qu'il séjournait en Italie, a été victime d'un accident de la circulation le 12 août 2014, son vélo ayant été percuté par un fourgon immatriculé en Italie, assuré auprès de la société Groupama.
2. Il a présenté à la suite de l'accident un traumatisme crânien dont il a conservé d'importantes séquelles.
3. M. P... F... et son épouse, Mme Q... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leurs enfants mineurs, J... et X... F..., Mme T... F..., soeur de M. P... F..., ses parents, Mme I... F... et M. Y... F..., ainsi que ses beaux-parents, M. et Mme D... (les consorts F...) ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une demande de réparation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Les consorts F... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur requête, alors :
« 1°/ que si le régime d'indemnisation prévu par l'article 706-3 du code de procédure pénale, applicable à toute personne de nationalité française, peu important le lieu de commission de l'infraction, exclut de son champ d'application les victimes d'accident de la circulation dont la situation est régie par la loi du 5 juillet 1985, cette loi n'est précisément pas applicable à l'étranger, si bien que le régime d'indemnisation précité demeure applicable à toute personne victime d'un accident de la circulation survenu à l'étranger provoqué par une infraction ; que si l'article L. 424-1 du code des assurances, transposant la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009, prévoit qu'un organisme d'indemnisation indemnise les personnes lésées, résidant en France, ayant droit à l'indemnisation de tout préjudice résultant d'accidents survenus sur le territoire d'un Etat membre et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces Etats, la loi du 5 juillet 1985 demeure inapplicable à un accident subi à l'étranger ; qu'en écartant la compétence de la CIVI motif pris qu'un régime « équivalent » à celui de la loi du 5 juillet 1985 serait applicable, cependant que l'exception prévue par la loi au régime d'indemnisation des victimes d'infraction ne concerne que l'application stricto sensu de la loi du 5 juillet 1985 à l'accident en cause, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'un organisme d'indemnisation indemnise les personnes lésées, résidant en France, ayant droit à indemnisation pour tout préjudice résultant d'accidents survenus sur le territoire métropolitain d'un Etat partie à l'Espace économique européen, autre que l'Etat français, et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces Etats ; que cet organisme en France est le Fonds de garantie des assurances obligatoires, sauf le cas où le dommage résulte d'une infraction et relève alors du Fonds de garantie des victimes d'infraction et des actes de terrorisme ; qu'en ayant énoncé, pour justifier l'irrecevabilité de la demande, qu'à supposer que l'assureur italien n'assume pas la prise en charge des conséquences dommageables de l'accident, ces conséquences seraient prises en charge par « l'organisme d'indemnisation italien », de sorte que le fonds de garantie français n'avait pas vocation à régler cette indemnisation, la cour d'appel a violé l'article L. 424-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
5. Les dommages susceptibles d'être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) en application des articles L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-7 du code des assurances sont exclus de la compétence de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions telle qu'elle résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d'un assureur du responsable susceptible d'indemniser la victime.
6. L'arrêt relève que l'accident de la circulation dont a été victime M. P... F... s'est produit en Italie et a impliqué un véhicule immatriculé dans ce pays, assuré par la société Groupama.
7. Il en résulte que les dommages résultant de cet accident étaient exclus du régime d'indemnisation propre aux victimes d'infractions.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. P... F... et Mme Q... F..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de X... F..., M. J... F..., Mme T... F..., M. Y... F..., Mme I... F... et M. et Mme D...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la requête des consorts F... ;
Aux motifs que l'article L. 424-1 du code des assurances issu de la loi du 1er août 2003, transposant la quatrième directive, posait le principe de l'indemnisation des personnes résidant en France ayant subi un accident de la circulation sur le territoire d'un Etat membre ; que les articles 20 à 27 de la directive 2009/103/CE garantissaient ainsi à la personne lésée un traitement identique, quel que soit le lieu de survenance de l'accident, à celui résultant de la mise en place de la loi du 5 juillet 1985, pourvu que le véhicule à l'origine du dommage soit immatriculé dans un Etat membre de l'Union Européenne ; que cette directive et les législations nationales la transposant étaient d'ordre public ; qu'en conséquence et en respectant l'objectif du législateur de privilégier l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation transfrontalier par le mécanisme issu de la loi du 5 juillet 1985 et reproduit au stade de l'Union Européenne, il devait être fait exception à la compétence de la CIVI ; qu'il résultait du procès-verbal d'enquête établi par les services de police italien que le véhicule conduit par M. W..., impliqué dans l'accident, était immatriculé et assuré en Italie et qu'en conséquence, à supposer que l'assureur italien n'assume pas la prise en charge des conséquences dommageables de l'accident, ce qui ne ressortait nullement des pièces versées aux débats, ces conséquences seraient prises en charge par l'organisme d'indemnisation italien et le fonds de garantie français n'avait pas vocation à régler cette indemnisation ;
Alors 1°) que si le régime d'indemnisation prévu par l'article 706-3 du code de procédure pénale, applicable à toute personne de nationalité française, peu important le lieu de commission de l'infraction, exclut de son champ d'application les victimes d'accident de la circulation dont la situation est régie par la loi du 5 juillet 1985, cette loi n'est précisément pas applicable à l'étranger, si bien que le régime d'indemnisation précité demeure applicable à toute personne victime d'un accident de la circulation survenu à l'étranger provoqué par une infraction ; que si l'article L. 424-1 du code des assurances, transposant la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009, prévoit qu'un organisme d'indemnisation indemnise les personnes lésées, résidant en France, ayant droit à l' indemnisation de tout préjudice résultant d'accidents survenus sur le territoire d'un Etat membre et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces Etats, la loi du 5 juillet 1985 demeure inapplicable à un accident subi à l'étranger ; qu'en écartant la compétence de la CIVI motif pris qu'un régime « équivalent » à celui de la loi du 5 juillet 1985 serait applicable, cependant que l'exception prévue par la loi au régime d'indemnisation des victimes d'infraction ne concerne que l'application stricto sensu de la loi du 5 juillet 1985 à l'accident en cause, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 706-3 du code de procédure pénale
Alors 2°) qu' un organisme d'indemnisation indemnise les personnes lésées, résidant en France, ayant droit à indemnisation pour tout préjudice résultant d'accidents survenus sur le territoire métropolitain d'un Etat partie à l'Espace économique européen, autre que l'Etat français, et mettant en cause un véhicule ayant son stationnement habituel et étant assuré dans un de ces Etats ; que cet organisme en France est le Fonds de garantie des assurances obligatoires, sauf le cas où le dommage résulte d'une infraction et relève alors du fonds de garantie des victimes d'infraction et des actes de terrorisme ; qu'en ayant énoncé, pour justifier l'irrecevabilité de la demande, qu'à supposer que l'assureur italien n'assume pas la prise en charge des conséquences dommageables de l'accident, ces conséquences seraient prises en charge par « l'organisme d'indemnisation italien », de sorte que le fonds de garantie français n'avait pas vocation à régler cette indemnisation, la cour d'appel a violé l'article L. 424-1 du code des assurances.