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09/01/2020 | FRANCE | N°18BX00288

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 09 janvier 2020, 18BX00288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée 3R a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la restitution du complément de taxe sur les salaires qui lui a été réclamé au titre des années 2009, 2010 et 2011 à hauteur d'une somme de 76 805 euros, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1405663 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2018, régularis

e le 16 février 2018, la société 3R, représentée par Me B... et Me C..., demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée 3R a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la restitution du complément de taxe sur les salaires qui lui a été réclamé au titre des années 2009, 2010 et 2011 à hauteur d'une somme de 76 805 euros, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1405663 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2018, régularisée le 16 février 2018, la société 3R, représentée par Me B... et Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 21 novembre 2017 ;

2°) d'ordonner la restitution du complément de la taxe sur les salaires qui lui a été réclamé au titre des années 2009, 2010 et 2011 à hauteur d'une somme de 76 805 euros, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle peut arguer de deux secteurs d'activité distincts : un secteur financier et un secteur de prestations de services fournies aux filiales, dotés chacun de moyens propres en personnel et en matériel, ce qui fait obstacle à l'application du rapport général d'assujettissement aux rémunérations de tous les salariés ;

- la réalité de ces secteurs est établie par la justification de la nature précise des tâches incombant aux personnes affectées à chaque secteur et la nature des activités déployées en direction des filiales ;

- la sectorisation en matière de TVA s'applique en matière de taxe sur les salaires même si la société n'a pas constitué de secteurs distincts ; le contribuable est en droit d'invoquer la constitution rétroactive de secteurs distincts d'activité alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucune déclaration ;

- la sectorisation est reconnue pour les holdings mixtes même en l'absence de tenue de comptabilités distinctes dès lors qu'une activité de détention de titres n'a aucun lien indissociable avec une activité de prestations de services ; elle s'impose à l'administration comme à la société ;

- la rémunération de MM. E... A... et G... A..., respectivement président du directoire et membre du directoire ne doit pas être prise en compte dans la base imposable à la taxe sur les salaires dès lors que la société 3R est une société anonyme de " forme dualiste" et qu'il existe une répartition des fonctions au sein du directoire ; le directoire n'a pas d'attribution dans le secteur financier ; il est à ce titre dépourvu de tout pouvoir d'initiative et de contrôle du fait de ses statuts et seul le conseil de surveillance dispose de pouvoir d'initiative et de contrôle quant au secteur financier ; ainsi, les deux membres du directoire ne peuvent être affectés qu'au secteur prestations de services ;

- si dans les sociétés holding mixtes, le secteur financier est " en principe " couvert par les pouvoirs conférés par la loi aux fonctions de président du conseil d'administration ou de directeur général, cette présomption de transversalité n'est pas applicable aux sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance ; de plus, les membres du directoire de la société 3R ne disposent d'aucun pouvoir de direction ;

- les rémunérations des salariés de la société doivent être rattachées exclusivement au secteur des prestations de services soumis à la TVA ainsi que le déterminent les contrats de travail qu'elle verse aux débats et ne doivent donc pas être soumises à la taxe sur les salaires au titre des exercices vérifiés ; le tribunal commet une erreur de droit en instaurant une présomption de transversalité des attributions des salariés alors que cette présomption ne s'applique qu'aux dirigeants et il appartient à l'administration de justifier de l'existence d'attributions transversales des salariés aux différents secteurs constitués par la société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société 3R ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... F...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société 3R, société holding mixte qui exerce une activité de prestation de services à ses filiales, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, assure également la gestion des produits des participations détenues dans ses filiales, activité non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. À l'issue d'un contrôle portant sur les exercices clos en 2009, 2010 et 2011, par une proposition de rectification en date du 1er octobre 2012, l'administration fiscale a soumis à la taxe sur les salaires une quote-part de l'ensemble des salaires versés par l'entreprise au cours de ces trois exercices. La société 3R a contesté ces impositions devant le tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande. Elle relève appel de ce jugement et demande la restitution de la taxe sur les salaires restant en litige à hauteur d'une somme de 76 805 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires (...) à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. (...) ". Il résulte de ces dispositions éclairées par les travaux préparatoires des textes dont elles sont issues, que sont redevables de la taxe sur les salaires les personnes ou organismes dont le total des recettes et autres produits n'a pas été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ou n'y a pas été soumis sur au moins 90 % de son montant, que ces recettes et autres produits correspondent en tout ou partie à des opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou à des opérations situées hors du champ d'application de cette taxe.

3. D'une part, lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens des articles 213 et 209 successivement applicables, de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur d'activité, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. L'activité d'une entreprise peut être répartie en secteurs distincts si les services de l'entreprise peuvent être utilisés indépendamment les uns des autres, s'ils comportent la mise en oeuvre de techniques et de moyens de production séparés et s'ils font l'objet d'une comptabilisation distincte.

4. D'autre part, le président du directoire et le directeur général d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée, à directoire et conseil de surveillance, sont investis, en vertu des articles L. 225-64 et L. 225-66 du code de commerce, d'une responsabilité générale dans la gestion de la société. S'agissant d'une société holding, ces pouvoirs s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible. Toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires.

5. Il résulte de l'instruction que la société 3R, société holding qui n'a pas créé de secteurs distincts d'activité, avait, au titre des années 2009 à 2011 une activité de nature commerciale constituée par des prestations de services facturées à ses filiales, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, et une activité de nature financière de détention de titres, hors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée. Il n'est pas contesté que ladite société était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée dans une proportion inférieure à 90 % durant la période d'imposition en litige. Ainsi, elle était soumise à la taxe sur les salaires en application des dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts.

6. Si elle invoque le droit de calculer rétroactivement la taxe sur les salaires dont elle était redevable selon des secteurs distincts d'activité, en l'absence de toute comptabilité analytique propre à chaque secteur, les éléments comptables produits n'étant pas de nature en eux-mêmes à démontrer l'existence d'un suivi comptable propre à chaque secteur, elle ne donne aucune indication, notamment sur la nature de ses activités et ses moyens d'exploitation, susceptible d'établir qu'elle aurait été en droit, même rétroactivement, de sectoriser son activité.

7. La taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels qui ne seraient pas exclusivement affectés à l'un des " secteurs " ne peut qu'être établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. La société 3R, qui ne conteste pas les modalités de calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, soutient que les rémunérations versées à MM. E... A... et G... A..., respectivement président du directoire et membre du directoire, ne sauraient être assujetties à la taxe sur les salaires en application de ce rapport d'assujettissement dès lors que ces dirigeants n'auraient pas eu d'activité dans le secteur des placements financiers. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que M. Jean A..., président du conseil de surveillance, exercerait de manière effective, personnelle et exclusive les activités de nature financière. Si les statuts de la société 3R octroient au conseil de surveillance des pouvoirs en matière financière, sous la forme d'autorisation préalable en matière de cessions de participations notamment, ceux-ci ne sont pas dévolus personnellement à son président lequel ne dispose que d'une voix prépondérante en cas de partage de voix. Ainsi, le secteur d'activité financier ne dispose pas d'un personnel propre. Par ailleurs, les fonctions de président du directoire et de membre du directoire exercées par MM. E... A... et G... A... leur conféraient les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société. S'agissant d'une société holding, ces pouvoirs s'étendent aux relations, y compris financières, entre cette société et celles dans lesquelles elle détient des participations. La société appelante, à laquelle incombe la charge de renverser la présomption qui découle de ce qui précède, n'apporte pas d'élément de nature à établir que MM. E... A... et G... A... n'avaient pas d'attribution dans le secteur financier alors qu'il ne résulte ni des statuts ni d'aucun autre document que les pouvoirs qu'ils tenaient de la loi auraient été limités.

8. Par ailleurs, la circonstance que l'administration a admis de ne pas inclure dans l'assiette de la taxe sur les salaires les rémunérations de trois des salariés de la société 3R, affectés à la sécurité et au ménage, ne fait pas obstacle à la prise en compte dans ladite assiette des rémunérations des autres salariés dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient été affectés exclusivement au secteur des prestations de services. En effet, la société appelante n'établit pas, en se bornant à de simples affirmations, que les attributions de la responsable administrative et financière concernaient spécifiquement le secteur des prestations de services, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Au demeurant, les fonctions de responsable administratif et financier confèrent, en principe, à leur titulaire des pouvoirs qui s'étendent au secteur financier d'une société holding. Il en est de même des salaires versés aux différents comptables, secrétaire comptable, secrétaire, et agent d'accueil, qui doivent être regardés comme ayant été concurremment affectés aux deux secteurs d'activité de la société appelante dès lors que ces missions, par nature transversales, n'excluent pas des interventions relatives à la gestion des participations de l'entreprise. Par conséquent, leurs rémunérations ne sauraient être regardées comme placées hors du champ de la taxe sur les salaires.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société 3R n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société 3R est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée 3R et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la Direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme H..., présidente-assesseure,

Mme D... F..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 janvier 2020.

Le rapporteur,

Florence F...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX00288
Date de la décision : 09/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : VAUGHAN AVOCATS 31 - CANOPEE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-09;18bx00288 ?
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