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23/10/2019 | FRANCE | N°18-16515

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 octobre 2019, 18-16515


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 29 juin 2017 et 22 février 2018), que par un acte du 25 juin 2000, M. S..., dirigeant de la société S... Côte d'Azur (la société), s'est rendu caution solidaire des engagements pris par cette dernière à l'égard de la société Compagnie générale de crédits aux particuliers (la société Crédipar) ; que par un jugement du 17 octobre 2002, la société a été mise en redressement judiciaire ; qu'un plan de cession a été

arrêté le 28 novembre 2002 ; que la société Crédipar a déclaré sa créance au passif d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 29 juin 2017 et 22 février 2018), que par un acte du 25 juin 2000, M. S..., dirigeant de la société S... Côte d'Azur (la société), s'est rendu caution solidaire des engagements pris par cette dernière à l'égard de la société Compagnie générale de crédits aux particuliers (la société Crédipar) ; que par un jugement du 17 octobre 2002, la société a été mise en redressement judiciaire ; qu'un plan de cession a été arrêté le 28 novembre 2002 ; que la société Crédipar a déclaré sa créance au passif de la société, qui a été admise, puis, par une assignation du 31 janvier 2013, a poursuivi M. S... en exécution de son engagement ;

Attendu que M. S... fait grief à l'arrêt du 29 juin 2017 de déclarer recevable l'action en paiement de la société Crédipar alors, selon le moyen :

1°/ que l'interruption de la prescription par la déclaration de créance jusqu'à la clôture de la procédure collective porte atteinte à la sécurité juridique de la caution dès lors que compte tenu de la durée imprévisible de la procédure collective, la durée de la prescription est imprévisible et peut être excessive ; que la cour d'appel qui a considéré qu'en l'espèce, la caution ne pouvait prétendre que la règle selon laquelle la prescription est interrompue jusqu'à la clôture de la procédure collective rendait sa dette imprescriptible en raison de l'absence de clôture de la procédure collective, dès lors que toute personne intéressée aurait pu solliciter cette clôture mais sans constater que les conditions de la clôture de la procédure collective étaient réunies, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 643-9 du code de commerce, de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et du principe du droit à la sécurité juridique ;

2°/ que la loi du 17 juin 2008, substituant le délai de prescription quinquennale au délai de prescription trentenaire ou décennal étant entré en vigueur le 18 juin 2008, a eu pour objectif de réduire les délais de prescription ; que l'interruption des délais de prescription pendant la durée d'une procédure collective porte atteinte au droit de la caution à la sécurité juridique et rend le délai de prescription de son obligation excessif lorsque que la procédure collective n'est pas elle-même clôturée dans un délai raisonnable ; que la cour d'appel, qui a considéré que la caution ne pouvait se prévaloir de la violation du principe du délai raisonnable car elle avait la faculté de faire trancher les contestations relatives à sa dette par voie d'action, s'est prononcée par des motifs impropres à justifier sa décision au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et du principe du droit à la sécurité juridique ;

3°/ que les juges du fond doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction des débats ; que la cour d'appel, qui a relevé que M. S... ne pouvait arguer de l'imprescriptibilité de l'action du créancier à l'égard de la caution et du droit au délai raisonnable, au motif qu'il aurait pu demander la clôture de la procédure collective sans provoquer les explications contradictoires des parties sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges du fond doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction des débats ; que la cour d'appel, qui a relevé d'office que M. S... ne pouvait arguer du droit à être jugé dans un délai raisonnable puisqu'il avait la faculté de prendre l'initiative de saisir lui-même le juge des contestations qu'il entendait opposer au créancier, sans provoquer les explications des parties sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et cette interruption se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ; que selon l'article L. 621-95 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, le tribunal prononce la clôture d'un redressement judiciaire, en cas de cession totale de l'entreprise, après régularisation des actes nécessaires à la cession, paiement du prix et réalisation des actifs du débiteur non compris dans le plan ; qu'il en résulte que la loi a prévu un terme au redressement judiciaire après adoption d'un plan de cession, remplissant l'un des objectifs d'intérêt général de la procédure que constitue l'apurement du passif ; que la prolongation du redressement judiciaire du débiteur principal tant que le prix de cession n'est pas payé et que tous les actifs non compris dans le plan ne sont pas réalisés est de nature à permettre le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt particulier de la caution, dès lors que son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que le cours de la prescription s'était trouvé immédiatement interrompu, à l'égard de la société et de M. S..., par l'effet de la déclaration de la créance au passif de la société effectuée par la société Crédipar, le 8 novembre 2002, et constaté que la clôture du redressement judiciaire de la société n'était pas intervenue au jour de l'assignation en paiement de la caution, le 31 janvier 2013, l'arrêt retient que cette absence de clôture dans ce délai n'a pas pour conséquence de rendre imprescriptible la créance de la société Crédipar, d'autant que toute personne intéressée peut porter à la connaissance du président du tribunal les faits de nature à justifier la saisine d'office de celui-ci aux fins de clôture d'une procédure de redressement judiciaire après l'adoption d'un plan de cession ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que l'interruption de la prescription à l'égard de M. S... n'avait pas pour effet de l'empêcher définitivement de prescrire contre la société Crédipar ni de le menacer d'une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause, la cour d'appel a fait une juste application de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de sécurité juridique en déclarant recevable l'action de la société Crédipar ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui a examiné les moyens de défense de M. S..., n'a pas relevé d'office un moyen qui n'aurait pas été dans le débat ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. S... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Crédipar la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf, signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. S...

Le moyen reproche à l'arrêt du 29 juin 2017 attaqué d'avoir déclaré recevable l'action en paiement formée par la société Credipar à l'encontre de Monsieur X... S...

Aux motifs que la durée de la prescription de l'obligation litigieuse était à l'origine de 10 ans ; elle a été réduite à 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; le point de départ de la prescription se situe au 28 novembre 2002, date de l'arrêté du plan de redressement par voie de cession totale de la société OCA, puisqu'il en est résulté l'exigibilité de la créance ; en application des dispositions combinées des articles 1206 et 2241 du code civil, la prescription s'est trouvée immédiatement interrompue à l'égard du débiteur principal et de la caution solidaire par l'effet de la déclaration de la créance effectuée le 8 novembre 2002 au passif de la procédure collective ; la règle a désormais un fondement légal depuis l'entrée en vigueur de l'article L622-25-1 du code de commerce, issu de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ; mais ce texte n'était applicable qu'aux seules procédures collectives ouvertes à compter de son entrée en vigueur, ce qui n'est pas le cas du redressement judiciaire de la société OCA dont le régime relève de la loi du 29 janvier 1985, les effets de l'interruption de la déclaration de créance restent soumis en ce qui la concerne à l'appréciation du juge ; Monsieur S... qui ne conteste pas qu'à l'égard de la société OCA, l'effet interruptif de la déclaration de créance se prolonge jusqu'à la clôture de sa procédure collective, soutient qu'il ne peut en être de même à l'égard de la caution, dès lors que le créancier n'est pas privé de la faculté d'agir à son encontre ; mais selon l'article 1206 du code civil, les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous ; les codébiteurs solidaires étant tenus d'un même droit de créance, et se trouvant dans un lien de représentation mutuelle, les effets de l'interruption, indissociables de l'interruption elle-même sont nécessairement identiques quel que soit le débiteur concerné ; il résulte de cette unité de régime que l'interruption de la prescription consécutive à la déclaration de créance à la procédure collective de la société OCA se prolonge à l'égard de cette société débiteur principal comme à l'égard de Monsieur S..., caution solidaire, jusqu'à la clôture de la procédure collective, laquelle n'était pas intervenue au jour de l'assignation en paiement ; le moyen selon lequel l'absence de clôture de la procédure collective aurait pour conséquence de rendre la créance imprescriptible doit être écarté dès lors que toute personne intéressée peut solliciter la clôture d'une procédure collective, le cas échéant en demandant au tribunal de se saisir d'office ; il doit en être de même du moyen tiré de la violation des dispositions relatives à l'accès au juge dans un délai raisonnable prévues à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisque la caution a la faculté de prendre l'initiative de faire trancher par voie d'action les contestations qu'il entend opposer au créancier ; il suit de ces motifs que la prescription de l'obligation litigieuse qui a commencé à courir le 28 novembre 2002 et qui s'est trouvée immédiatement interrompue par la déclaration de la créance au passif du débiteur principal effectuée le 8 novembre précédent n'était pas acquise au jour de l'acte introductif d'instance délivré le 31 janvier 2013, puisqu'à cette date l'effet interruptif de la déclaration de la créance se poursuivait,

1° Alors que l'interruption de la prescription par la déclaration de créance jusqu'à la clôture de la procédure collective, porte atteinte à la sécurité juridique de la caution dès lors que compte-tenu de la durée imprévisible de la procédure collective, la durée de la prescription est imprévisible et peut être excessive ; que la Cour d'appel qui a considéré qu'en l'espèce, la caution ne pouvait prétendre que la règle selon laquelle la prescription est interrompue jusqu'à la clôture de la procédure collective rendait sa dette imprescriptible en raison de l'absence de clôture de la procédure collective, dès lors que toute personne intéressée aurait pu solliciter cette clôture mais sans constater que les conditions de la clôture de la procédure collective étaient réunies, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 643-9 du code de commerce, de l'article 6§ 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et du principe du droit à la sécurité juridique

2° Alors que la loi du 17 juin 2008, substituant le délai de prescription quinquennale au délai de prescription trentenaire ou décennal étant entré en vigueur le 18 juin 2008, a eu pour objectif de réduire les délais de prescription ; que l'interruption des délais de prescription pendant la durée d'une procédure collective porte atteinte au droit de la caution à la sécurité juridique et rend le délai de prescription de son obligation excessif lorsque que la procédure collective n'est pas elle-même clôturée dans un délai raisonnable ; que la Cour d'appel qui a considéré que la caution ne pouvait se prévaloir de la violation du principe du délai raisonnable car elle avait la faculté de faire trancher les contestations relatives à sa dette par voie d'action, s'est prononcée par des motifs impropres à justifier sa décision au regard de l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du principe du droit à la sécurité juridique

3° Alors qu'en tout état de cause les juges du fond doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction des débats ; que la Cour d'appel qui a relevé que Monsieur S... ne pouvait arguer de l'imprescriptibilité de l'action du créancier à l'égard de la caution et du droit au délai raisonnable, au motif qu'il aurait pu demander la clôture de la procédure collective sans provoquer les explications contradictoires des parties sur ce moyen qu'elle a relevé d'office a violé l'article 16 du code de procédure civile

4° Alors que de plus les juges du fond doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction des débats ; que la Cour d'appel qui a relevé d'office que Monsieur S... ne pouvait arguer du droit à être jugé dans un délai raisonnable puisqu'il avait la faculté de prendre l'initiative de saisir lui-même le juge des contestations qu'il entendait opposer au créancier, sans provoquer les explications des parties sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-16515
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créanciers - Déclaration de créances - Prescription - Interruption - Effets - Effets à l'égard de la caution - Détermination

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Causes - Citation en justice - Déclaration des créances - Portée - Caution CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Sécurité juridique - Violation - Défaut - Cas - Effet interruptif de prescription de la déclaration de créance jusqu'à la clôture de la procédure collective

La déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et cette interruption se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. Ne méconnaît pas l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le principe de sécurité juridique la cour d'appel qui déclare recevable l'action d'un créancier après avoir relevé que le cours de la prescription de l'action en paiement d'une créance contre une caution s'était trouvé immédiatement interrompu, à l'égard de cette caution, par l'effet de la déclaration de la créance, le 8 novembre 2002, au passif du débiteur principal mis en redressement judiciaire, constaté que la clôture du redressement judiciaire de la société n'était pas intervenue au jour de l'assignation en paiement de la caution, le 31 janvier 2013, et a retenu que l'absence de clôture dans ce délai n'avait pas pour conséquence de rendre imprescriptible ladite créance, d'autant que toute personne intéressée pouvait porter à la connaissance du président du tribunal les faits de nature à justifier la saisine d'office de celui-ci aux fins de clôture d'une procédure de redressement judiciaire après l'adoption d'un plan de cession, ce dont il résultait que l'interruption de la prescription à l'égard de la caution n'avait pas pour effet de l'empêcher définitivement de prescrire contre le créancier ni de le menacer d'une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause


Références :

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-16515, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16515
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