LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 décembre 2020
Cassation partielle sans renvoi
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1201 F-D
Pourvoi n° T 17-22.302
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 DÉCEMBRE 2020
M. X... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 17-22.302 contre l'arrêt rendu le 30 mai 2017 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Axa Real Estate Investment Managers SGP (Axa Reim SGP), dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. N..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Axa Real Estate Investment Managers SGP, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Le Corre, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 mai 2017), rendu en référé, M. N... a été engagé le 3 juin 2013 par la société Axa Real Estate Investment Managers en qualité de responsable du pôle « Infrastructure ». Il a démissionné avec effet au 31 juillet 2015.
2. Alléguant des manquements du salarié à son obligation de confidentialité, l'employeur a obtenu du juge des référés, statuant sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice pour rechercher et copier des courriels, documents et correspondances figurant dans la messagerie professionnelle du salarié et les supports informatiques mis à sa disposition par l'employeur et identifiés comme personnels.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner aux dépens, alors « que la partie défenderesse à une demande d'expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens de l'article 696 du même code ; qu'en affirmant, pour mettre les dépens à la charge de M. N..., que celui-ci succombait dans le litige introduit par son employeur sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 696 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 696 du code de procédure civile :
5. La partie défenderesse à une demande de mesure, ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile.
6. Pour condamner le salarié aux dépens, l'arrêt retient que ce dernier succombe.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. N... aux dépens, l'arrêt rendu le 30 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Axa Real Estate Investment Managers SGP aux dépens exposés devant la cour d'appel ;
Condamne la société Axa Real Estate Investment Managers SGP aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa Real Estate Investment Managers SGP et la condamne à payer à M. N... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. N...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR fait droit à la mesure sollicitée par la société AXA REIM SGP sur le fondement de l'article 145 du code de procédure sauf en ce qui concerne l'assistance d'un expert en informatique indépendant au choix de la requérante et d'AVOIR condamné M. X... N... aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « l'action est fondée sur l'article 145 du code civil selon lequel, s'il existe avant tout procès un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;
Que, selon M. X... N..., en l'absence de toute clause de non débauchage et de non concurrence, les griefs de son adversaire n'ont pas trait à la relation contractuelle, de sorte que seul le tribunal de commerce ou le tribunal de grande instance serait compétent ;
Que l'employeur expose pouvoir mettre en cause la responsabilité contractuelle du salarié, en ce que d'une part, parle détournement de données confidentielles, propriété de la société AXA REIM SGP, avant même son départ de l'entreprise, il a violé son obligation de confidentialité en même temps que le règlement intérieur de la société, et en ce que d'autre part, par le développement d'une activité de conseil dans le courant de l'année 2014, au bénéfice de la société NRJ, il a violé la clause d'exclusivité stipulée au même contrat ; qu'il en déduit qu'il existe un motif légitime de constituer la preuve de ces faits au moyen de la mesure d'instruction demandée, avant tout procès qui relèverait du conseil des prud'hommes de sorte que c'est bien à la formation de référé de cette juridiction du travail de se prononcer ;
Que l'article L. 1411-1 du code du travail donne compétence à la juridiction prud'homale pour statuer sur les différends qui peuvent s'élever entre l'employeur et les salariés qu'ils emploient à l'occasion de tout contrat de travail
Qu'il s'agit en l'espèce pour l'employeur de l'établissement de preuves avant un éventuel procès au fond ayant pour objet de caractériser une faute à savoir :
- une atteinte au droit de propriété en détournant des éléments confidentiels de l'employeur ou de ses clients,
- la violation de la clause de confidentialité stipulée pour la durée du contrat et les deux ans qui suivent par la divulgation d'informations confidentielles,
- la violation de la clause d'exclusivité stipulée au contrat en ce que le salarié a accompli travail pendant deux mois au profit de NRJ, sans autorisation de l'employeur auquel n'aurait été demandée une autorisation d'ailleurs rejetée qu'après coup en vue de la passation d'un contrat de conseil avec cette société ;
- l'approche de sociétés du groupe AXA, clientes de la société AXA REIM SGP ou de clients tiers,
- la violation de l'obligation de loyauté en débauchant les membres de son équipe auprès de la société SGP, au profit de la société Schroders occasionnant ainsi une désorganisation de cette entreprise,
Qu'ainsi la demande a trait à un litige entre l'employeur et le salarié qui s'est élevé à l'occasion du contrat de travail les ayant liés ; qu'il s'ensuit que le conseil des prud'hommes était bien compétent ;
Sur l'application de l'article 145 du code de procédure civile
Que la société AXA REIM SGP estime qu'est réuni un faisceau d'indices de nature à faire suspecter la déloyauté et la violation par le salarié des clauses d'exclusivité et de confidentialité précitées ; qu'elle rappelle que le salarié a laissé une réponse d'attente sur messagerie électronique au moment de quitter l'entreprise, cela alors qu'il n'en était plus salarié et invitant les personnes concernées à le joindre sur des adresses courriel personnelles et sur son téléphone portable ; qu'il a envoyé sur sa messagerie personnelle des documents confidentiels dans la période qui a précédé son départ ; que l'employeur estime que la mesure d'instruction sollicitée est proportionnée son but, dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à l'intimité de la vie privée de l'intéressé du fait de la sélection au moyen de mots clés pertinents des messages identifiés comme personnels,
Que M. X... N... répond que la mesure sollicitée n'est pas utile, qu'elle tend à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, qu'il avait accepté l'ouverture des fichiers litigieux lors de la réunion du 16 octobre 2015, que les fichiers en cause ont en outre pu être manipulés après leur récupération à l'insu du salarié par la société AXA REIM SGP pendant le mois qui a suivi son départ fin août ;
Que certes si le salarié a travaillé avec SFR en juillet 2014 quelques temps avant de demander l'autorisation de passer contrat avec elle à son employeur, force est de constater qu'a priori, ce point est sans rapport avec le souci de la société AXA REIM SGP de connaître à travers la mesure d'instruction sollicitée la teneur de l'ensen1ble des informations confidentielles, propriété de la société AXA REIM SGP envoyées sur la messagerie personnelle du salarié un an plus tard quelques temps avant son départ ;
Qu'un faisceau d'indices concordants rend plausible la méconnaissance par le salarié de son obligation de confidentialité et de loyauté à des fins qui pourraient caractériser une faute lourde ;
Que s'il n'est pas contesté qu'il a quitté son poste pour rejoindre quasi immédiatement un poste proche de celui qu'il abandonnait, puisqu'il quittait la fonction de responsable de l'équipe infrastructure au sein de la société AXA REIM SGP, pour celle de responsable de l'équipe infrastructures chez un concurrent, ce point n'étant pas contesté et ressortant d'une correspondance adressée le 21 septembre 2015 par le représentant de la société Schroders ; qu'il est établi par des courriels versés aux débats corroborés par cette même lettre que l'équipe que dirigeait M. X... N... au sein de la société AXA REIM SGP a pareillement démissionné pour continuer de travailler sous l'autorité du salarié chez son nouvel employeur ;
Que ces éléments justifient l'inquiétude suscitée chez l'employeur par le transfert de données le concernant et ainsi que ses collaborateurs et clients, sur la messagerie de M. X... N..., sans qu'il ne réponde sur la mise en demeure de les détruire que lui a faite la société AXA REIM SGP et alors que ces éléments étaient la propriété de celui-ci ; que non seulement il était à craindre l'usage de ces données notamment en ce qu'elles avaient trait aux produits ou aux clients au profit du nouvel employeur, mais encore il était plausible que M. X... N... ait aussi violé l'obligation de confidentialité en ce qu'elle avait aussi trait à toutes les informations concernant les données relatives à un collaborateur du groupe Axa Investment Managers, de manière à permettre son débauchage ;
Que cette crainte s'appuie sur des constatations objectives en ce que les données transférées parle salarie sur sa messagerie personnelle étaient d'une grande confidentialité, de manière sécurisée sans avoir besoin de s'expédier les documents ; qu'il convient donc d'examiner transferts de données à partir de la boîte professionnelles par messages non identifiés comme personnels ;
Qu'un document intitulé « document confidentiel privé » a été envoyé le 12 avril 2015, ce que M. X... N... tente de justifier en indiquant qu'il s'agissait de préparer une prochaine réunion prévue en juillet 2015, alors que l'intérêt d'une telle anticipation de trois mois reste à expliquer ;
Qu'une liste des positions détenues par a été transférée le jour même de son départ le 30 juillet 2015 ; que le salarie ne saurait se justifie par la volonté de conserver « une mémoire professionnelle », aucun principe ne lui permettant de conserver un document comportant les données du portefeuille client compte tenu de la clause de confidentialité notamment, Que sur d'autres transferts que le salarié avance des explications souvent invérifiables et vagues liées au fait qu'il travaillait chez lui :
- un rapport sur les positions d'AXA en 2015, envoyé le 6 juillet 2015, que le salarié explique par la nécessité de travailler chez lui sur ce document, alors qu'il ne savait pas encore qu'il allait être dispensé de préavis ;
- un document préparatoire à un conseil d'administration qui devait se tenir le 31 juillet suivant, jour de son départ, a été transféré le 28 juillet 2015 que le salarié explique en faisant valoir qu'il lui appartenait de préparer ce conseil ;
- des documents spécifiques AXA Belgique ont été transférés le 16 juillet 2015 sur sa boîte personnelle sur lequel le salarié dit avoir dû travailler durant le préavis ;
- un projet de contrat relatif au portefeuille "infra equity", envoyé le 18 juin 2015 concernant des investissements de fonds propres dans une société, est aussi expliqué par la nécessité de travailler à domicile ;
Que le transfert trois mois avant son départ d'un document confidentiel privé dont il ne parvient pas à justifier sérieusement de l'utilité de l'avoir à son domicile et le détournement le jour de son départ des données du portefeuille clients, en violation des droits de l'employeur, alors qu'il a rejoint un concurrent pour exercer une activité voisine de celle qu'il déployait au sein de la société AXA REIM SGP, accompagné de l'ensemble de son équipe, rend plausible une violation de la clause de confidentialité stipulée au contrat de travail dans un but second de concurrence déloyale ;
Qu'aucun autre moyen que l'ouverture des envois de messages protégés par identification de leur caractère personnel, peut permettre de savoir si ces transferts de données ont une plus grande ampleur ou une plus grande gravité ou encore sont plus compromettants encore pour le salarie, au regard de son obligation de confidentialité ;
Que le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article 145, dès lors que le juge constate que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie adverse ; que la mesure d'instruction doit néanmoins veiller, comme le permet la mission proposée par l'employeur, de limiter l'atteinte à la vie privée par identification des courriels à ouvrir au moyen de mots clé pertinents ;
Que loin de proposer des aménagements du mode d'ouverture des courriels et de leurs pièces jointes ou de remettre en cause le choix des mots clé retenus par la société AXA REIM SGP, M. X... N... a adopté une attitude contradictoire en acceptant dans un premier temps par courrier de participer à leur ouverture en présence d'un huissier de justice, pour ensuite sur place refuser, ainsi que l'a relevé l'officier ministériel dont le salarié conteste vainement les constatations péremptoires ; que cette attitude concourt également au soutien de la thèse de l'employeur,
Qu'il suit de l'ensemble de ces observations, que la violation de l'obligation de confidentialité qui pesait sur le salarié est sérieusement étayée et qu'elle doit faire l'objet d'une mesure d'instruction pour en vérifier la réalité, l'importance et la portée ;
Que dès lors les conditions du recours à l'article 145 sont réunies, la société AXA REIM SGP est en droit d'obtenir satisfaction, sans qu'il importe au regard du problème soumis à la cour, que l'employeur ait pu ouvrir les courriels en cause avant de les faire prendre en charge par un huissier de justice ; qu'en effet, cette lecture préalable par l'employeur des courriels identifiés comme personnels, au demeurant non démontrée, ne fonde pas à la présente décision, que les circonstances de la cause, même sans ouverture illicite des courriels identifiés comme personnels conduisaient nécessairement l'employeur à rechercher la preuve de l'ampleur des atteintes à la confidentialité ; qu'à supposer que, comme le prétend le salarié, l'employeur les ait ouverts avant de saisir un huissier de justice et ait procédé à des transformations frauduleuses, il appartiendra à M. X... N... au vu des pièces communiquées au cours de la mesure d'instruction et après, de les contester contradictoirement ;
Qu'il convient d'ordonner la mesure demandée ; que toutefois, l'autorisation demandée ne portera pas sur l'assistance « d'un expert en informatique indépendant au choix de la requérante », l'indépendance attendue d'un expert nommée par une partie ne pouvant être totale ; qu'il appartiendra à l'huissier d'assurer la bonne fin des opérations en s'entourait des techniciens qu'il juge utiles ;
Qu'il apparaît équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de débouter l'une et l'autre des parties de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles ;
- Que les dépens seront mis à la charge de M. X... N... qui succombe » ;
1°) ALORS QU'il appartient au juge qui ordonne une mesure d'instruction avant tout procès de caractériser qu'une partie a un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l'issue du litige ; que le motif cesse d'être légitime lorsque les faits invoqués à l'appui de la prétention éventuelle relèvent du domaine de l' hypothétique ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un motif légitime, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'avant sa démission et au moment de celle-ci, le salarié avait transféré des fichiers professionnels sur sa messagerie personnelle, qu'il avait par la suite été embauché par une société concurrente, sur des fonctions comparables, avant d'y être rejoint par son ancienne équipe, qu'il n'avait pas répondu à la mise en demeure de détruire ces documents, et avait enfin adopté une attitude contradictoire en acceptant, dans un premier temps, de participer à l'ouverture des supports informatiques mis à sa disposition, pour ensuite, sur place, refuser ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que l'éventualité d'agissements déloyaux commis par le salarié était justifiée par la société AXA REIM SGP de manière suffisamment plausible, de sorte qu'au-delà d'un préjudice purement hypothétique, celle-ci justifiait d'un intérêt légitime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de travail ;
2°) ALORS QU'il incombe à la partie qui a sollicité une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile de prouver qu'il existait un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pouvait dépendre la solution du litige ; qu'en reprochant à M. N..., défendeur à l'action engagée par son ancien employeur sur le fondement de l'article 145 du code de procédure, de ne pas avoir valablement justifié des raisons l'ayant conduit à transférer des documents professionnels sur sa messagerie personnelle, en établissant notamment qu'il s'agissait pour lui de pouvoir travailler à son domicile, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article 145 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l'issue du litige suppose que la mesure sollicitée soit utile à la partie qui la sollicite ; que ne présente aucune utilité, la demande de pièces émanant d'une partie qui a les moyens de les obtenir par elle-même ou celle qui vient au soutient d'un litige voué à l'échec ; qu'en l'espèce, M. N... faisait valoir que l'action engagée par la société AXA REIM SGP, sur le fondement de l'article 145 du code civile, tendant à permettre la consultation des supports informatiques professionnels affectés à son usage professionnel était dépourvue de motif légitime, faute d'utilité, dans la mesure où cette dernière avait les moyens d'obtenir par elle-même les éléments qu'elle sollicitait et qu'en tout état de cause, tout litige ultérieur sur le fondement d'agissements de concurrence déloyale ou de débauchage était voué à l'échec, le salarié n'étant pas soumis à une clause de non-concurrence ou de non-débauchage, ni susceptible de voir sa responsabilité engagée sur le fondement du code du travail, du code de commerce ou du code civil, sa nouvelle activité ne présentant en outre aucune menace concurrentielle à l'encontre de son ancien employeur ; qu'en faisant droit à la demande formée par la société AXA REIM SGP, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y était invitée, sur les circonstances de dénaturer à démontrer qu'elle ne présentait aucune utilité pour cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale l'article 145 du code de procédure ;
4°) ALORS QUE seules pouvant être sollicitées sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, des mesures légalement admissibles, cet article ne peut être mis en oeuvre pour obtenir l'accès à des documents obtenus en fraude des droits du salarié ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir (cf. ses conclusions p. 21 et s.), preuve à l'appui (cf. productions n° 6, 7 et 8), que l'action engagée par la société AXA REIM SGP, sur le fondement de l'article 145 du code civile tendant à permettre la consultation des supports informatiques professionnels affectés à son usage professionnel devait être rejetée dans la mesure où ceux-ci avaient été obtenus, en violation de la charte informatique annexé au règlement intérieur auquel elle s'assimilait, la saisie de son ordinateur professionnel étant intervenue, courant août 2015, sans qu'il en ait été préalablement informé et hors la présence d'un huissier, le recours à celui-ci n'ayant eu lieu qu'un mois plus tard pour effectuer des copies des éléments saisis ; qu'en affirmant, pour faire droit à la demande formée par la société AXA REIM SGP, qu'il importait peu que l'employeur ait pu ouvrir les courriels identifiés comme personnel avant de les faire prendre en charge par un huissier de justice, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la saisie de l'ordinateur professionnel du salarié n'était pas intervenue en violation de la charte informatique limitant, par son assimilation au règlement intérieur, le droit de consultation de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile, L. 1321-1 et suivants du code du travail du code du travail, ensemble l'article 145 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE lorsque l'article 145 du code de procédure est mis en oeuvre afin d'obtenir l'accès à des supports informatiques professionnels affectés à l'usage professionnel d'un salarié, l'employeur doit démontrer que ceux-ci n'ont pas fait l'objet d'interventions susceptibles d'altérer la fiabilité des informations recherchées ; qu'en l'espèce, M. N... faisait valoir (ses conclusions p. 45, §3), preuve à l'appui, que plus d'un mois s'était écoulé entre la saisie de son ordinateur professionnel et la copie du disque dur effectuée par l'huissier mandaté à cet effet, de sorte que, dans l'intervalle, l'employeur avait eu le possibilité d'en manipuler le contenu ; qu'en faisant droit à la demande de la société AXA REIM SGP, sans s'assurer qu'elle rapportait la preuve de l'absence d'interventions susceptibles d'altérer la fiabilité des informations recherchées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE l'article 145 du code de procédure civile ne doit pas être détourné de son objet ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir (cf. ses conclusions p. 32 et s.) que la finalité recherchée par son employeur via la mise en oeuvre des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, était d'obtenir des informations personnelles le concernant afin de le déstabiliser et le décrédibiliser, dans sa nouvelle activité professionnelle ; qu'en faisant droit à la demande de la société AXA REIM SGP, sans rechercher si le but réel de cette démarche n'était pas de nuire au salarié, la cour d'appel a privé l'article 145 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE si le respect de la vie privée ne constitue pas, en lui-même, un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que la mesure ordonnée repose sur un motif légitime et nécessaire, encore faut-il que celle-ci soit circonscrite à ce qui est strictement nécessaire à la protection des droits du demandeur, sans porter d'atteinte disproportionnée aux droit du défendeur ; qu'en considérant que la mesure d'accès aux supports informatiques professionnels affectés à l'usage du salarié sollicitée était admissible quand cette mesure d'investigation couvrant une période de plus de deux ans portait sur « l'ensemble des courriels, documents et correspondances », figurant dans la messagerie professionnelle du salarié ou la copie de celle-ci, identifiés comme personnels ou enregistrés dans un fichier désignés comme tels, et comportant des mots clefs définis largement (46 entrées) et en termes généraux (« projet », « expérience », « opportuniste », « portefeuille », etc
), la cour d'appel a violé les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 145 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. X... N... aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « les dépens seront mis à la charge de M. X... N... qui succombe » ;
ALORS QUE la partie défenderesse à une demande d'expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens de l'article 696 du même code ; qu'en affirmant, pour mettre les dépens à la charge de M. N..., que celui-ci succombait dans le litige introduit par son employeur sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 696 du code de procédure civile.