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20/12/2018 | FRANCE | N°17-21528

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 décembre 2018, 17-21528


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;

Attendu, selon ce texte, que la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n

'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant égalem...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;

Attendu, selon ce texte, que la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief ; qu'il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse) ayant notifié le 23 mars 2012 à la société Rhodia opérations (l'employeur) le « refus de prise en charge d'une maladie professionnelle pour un motif d'ordre administratif » concernant l'un de ses salariés, M. Z..., puis, le 10 janvier 2013, la prise en charge de cette pathologie en conséquence de l'avis rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, l'employeur a contesté devant une juridiction de sécurité sociale que la nouvelle décision lui soit opposable ;

Attendu que pour rejeter ce recours, l'arrêt énonce que la caisse a régulièrement prolongé le premier délai de trois mois ; qu'elle n'était pas en mesure d'arrêter sa décision avant le 13 avril 2012, date d'expiration du second délai de trois mois, alors que l'enquête administrative n'était pas terminée, qu'elle devait encore recueillir l'avis de son médecin-conseil et qu'elle avait encore à respecter le délai de dix jours de l'article R. 441-14 pour permettre à l'employeur de consulter le dossier et de présenter ses observations avant de prendre sa décision et que c'est donc à juste titre qu'elle a décidé le 23 mars 2012, uniquement à titre conservatoire ainsi que cela résulte de sa lettre, un refus de prise en charge pour motif d'ordre administratif ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la décision initiale de refus de prise en charge de la pathologie avait été notifiée à l'employeur de sorte qu'elle était devenue définitive à son égard, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE inopposable à la société Rhodia opérations la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie de M. Z... par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Rhodia opérations

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Rhodia Opérations de sa demande et d'AVOIR confirmé la décision de la Commission de Recours Amiable ;

AUX MOTIFS QUE « la société Rhodia Opérations oppose les délais des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale aux termes desquels la caisse, en cas de maladie professionnelle, dispose d'un premier délai de trois mois qui ne peut être prorogé que de trois mois, et qu'en cas de saisine d'un CRRMP, le délai imparti au comité pour statuer s'impute sur ces délais ; qu'alors que la caisse aurait donc dû se prononcer au plus tard le 13.4.2012, sa décision est du 10.1.2013 ; qu'elle poursuit que la caisse ne peut plus revenir sur son refus de prise en charge qu'elle lui a notifié ; Mais que la caisse a régulièrement prolongé le premier délai de trois mois ; qu'elle n'était pas en mesure d'arrêter sa décision avant le 13.4.2012, date d'expiration du second délai de trois mois, alors que l'enquête administrative n'était pas terminée, qu'elle devait encore recueillir l'avis de son médecin conseil et qu'elle avait encore à respecter le délai de 10 jours de l'article R. 441-14 pour permettre à l'employeur de consulter le dossier et de présenter ses observations avant de prendre sa décision ; que c'est donc à juste titre qu'elle a décidé le 23.3.2012, uniquement à titre conservatoire ainsi que cela résulte de sa lettre, un refus de prise en charge pour motif d'ordre administratif ; que l'instruction du dossier se poursuivant, la caisse pouvait modifier sa décision au vu d'éléments postérieurs ; que compte du refus conservatoire de la caisse, la saisine du CRIVIMP n'était plus enfermée dans les délais des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ; que l'instruction du dossier s'est effectivement poursuivie ; que l'enquête administrative a conclu qu'il fallait soumettre le dossier à l'avis du médecin conseil ; que le colloque médico-administratif a décidé de soumettre le dossier au CRUIP ; que la caisse a régulièrement informé la société Rhodia Opérations de sa transmission du dossier au CRRMP et de la possibilité d'avoir communication des pièces et qu'à sa demande, la société Rhodia Opérations a eu copie des pièces constitutives du dossier ; que le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a reçu le 28.9.2012 le dossier, a rendu sa décision le 10.12.2012 ; que son avis favorable de reconnaissance de maladie professionnelle s'impose à la caisse ; que suite à sa notification la société Rhodia Opérations n'a pas usé de sa possibilité de saisine d'un second CRRMP ; qu'en conséquence, les moyens soulevés par la Société Rhodia Opérations sont mal fondés » ;

AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE « M. Z... avait été employé au sein d'une société RHODIA (anciennement ICMD) sise à [...] d'avril 1984 jusqu'en 2011, avec atteinte d'une leucémie aiguë myéloïde, qu'il décéda au [...] , qu'il est considéré avoir été en contact avec des produits potentiellement cancérigènes (benzène et dérivés), notamment de 1984 à 2006 ; que le colloque médico-administratif indiquait une prise en charge hors délai (avis du 30/5/2012, excluant ainsi la prise en charge avec notification à l'employeur au 31 octobre 2013, complétée par une information sur la saisine du CRRMP conformément à l'article L. 461-1 alinéa 3 du code susvisé, que ce comité émit alors un avis favorable de prise en charge au 10 décembre 2012 retenant les conclusions de l'enquête administrative, soit le lien entre pathologie et exposition professionnelle (référence au tableau 4), laissant ainsi la possibilité, au 21 décembre 2012, à RHODIA de venir consulter le dossier, selon l'usage, mais qui préserve le droit au contradictoire (Cass. Civ. 2èffIe 4/7/2007, JCP S 2007, n° 1499), employeur qui fut informé de la prise en charge officielle par courrier daté du 10 janvier 2013 (LRAR) ; que cependant, RHODIA fait valoir une durée hors cadre légal pour une Prise de décision (9 mois), alors que la CPAM indique que le CRRMP est enfermé uniquement dans un délai préfix de quatre mois pour prendre sa décision, voire six, si un complément d'enquête est nécessaire (article D. 461-35), que cette saisine restait toutefois possible dès lors qu'un premier refus de prise en charge était essuyé (article L. 451-1 second alinéa), que le tribunal note qu'un courrier de la CPAM à RHODIA indique la poursuite de l'enquête (après le constat du dépassement du délai de prise en charge), soit un délai complémentaire de trois mois à compter du courrier du 13 janvier 2012, annexé 3 pour RHODIA, qui, dès le 14 février 2012, apporta des informations à la Caisse (sous 4), que, dès lors, la Caisse, s'était engagée à répondre à la relance jusqu'au 23 avril 2012, pour clore l'instruction non pour prendre une décision susceptible d'un recours dans un autre délai, que la Caisse informa RHODIA dans le délai, soit dès le 5 mars 2012 (lettre non cotée jointe) RHODIA de la fin de l'instruction, que le tribunal considère que les étapes procédurales furent respectées, et non en retenant que la décision aurait dû être prise au 13 avril 2012 (page 3 des écritures) ; que, sur le fond, les éléments laissés à l'appréciation du tribunal conduisent à retenir le lien entre pathologie et exécution du contrat de travail, sachant que l'activité de feu M. Z... ne se limitait point à une activité administrative, comme soutenu, mais aussi comme ouvrier de fabrication, chef d'équipe de fabrication et agent de maîtrise de fabrication, au moins sur six ans, postes ne le laissant pas hors d'atteinte du benzène et ses dérivés, qu'ainsi la décision discutée sera confirmée ; n'y avoir lieu à dépens » ;

ALORS QUE selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret du 29 juillet 2009, en cas d'absence de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, la décision motivée est notifiée à l'employeur ; qu'à défaut de recours ou de modification de cette décision dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale celle-ci devient définitive dans les rapports caisse/employeur et acquiert l'autorité de la chose décidée ; que l'intervention d'une seconde décision de prise en charge affecte exclusivement le rapport caisse/assuré, et n'est adressée à l'employeur que pour information ; qu'au cas présent, la société Rhodia Opérations exposait que la CPAM avait, par une décision datée du 23 mars 2012, refusé de prendre en charge la maladie de Monsieur Z... au titre de la législation professionnelle, et que cette décision, dans la mesure où elle n'avait été reformée dans un délai deux mois suivant sa notification, avait acquis l'autorité de la chose décidée dans les rapports caisse/employeur ; que dès lors, la nouvelle décision de prise en charge arrêtée par la CPAM près d'un an plus tard le 10 janvier 2013 ne pouvait produire aucun effet juridique à son égard, si bien que l'envoi d'une telle décision à la société Rhodia Opérations constituait une simple information qui ne faisait courir aucun délai ni voie de recours ; qu'en jugeant néanmoins que la demande de l'employeur tendant à ce que soit constaté l'inopposabilité de la décision de prise en charge du 10 janvier 2013 n'était pas fondée, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Rhodia Opérations de sa demande et d'AVOIR confirmé la décision de la Commission de Recours Amiable ;

AUX MOTIFS QUE « M. Z... était salarié depuis 1984 sur le site de Mulhouse Dornach ICMD jusqu'en 2007, et, suite à sa fermeture, le site de [...] ; que selon note au procès-verbal d'audience, la cour a enjoint la société Rhodia Opérations de justifier dans les quinze jours de sa totale indépendance juridique qu'elle soutient avec Rhodia Mulhouse-Dornach ICMD ; qu'elle n'a cependant fourni aucun document ni dans le délai imparti ni même avant le prononcé du présent arrêt ; qu'en l'état du dossier, M. Z... a été employé par la même société Rhodia Opérations, d'abord au sein de son établissement de Mulhouse-Dornach ICMD, puis au sein de son établissement sis à [...] , de sorte qu'il convient de prendre en compte la période travaillée de M. Z... chez le même employeur Rhodia Opérations depuis 1984 ; que le CRRMP a reconnu un lien entre la maladie de et exposition au benzène en 1990 quand M. Z... salarié de l'établissement ICMD à Mulhouse-Dornach ; qu'après avoir rappelé que M. Z... a déclaré le 4.9.2011 une leucémie aigue myéloblastique et qu'il avait été saisi en raison du dépassement du délai de prise en charge, le comité a relevé que le salarié avait occupé depuis 1984 différents postes de travail au sein d'une industrie chimique, en particulier des postes d'ouvrier de fabrication, chef d'équipe de fabrication, agent de maîtrise de fabrication, puis agent de maîtrise en maintenance ; que l'exposition au risque benzène a été avérée jusqu'en 1990 ; que compte tenu de la pathologie et de l'exposition professionnelle, le comité a retenu un lien direct entre l'activité professionnelle et l'affection déclarée ; que la société Rhodia Opérations qui n'a pas jugé utile de solliciter l'avis d'un second CRRMP ; qu'elle ne produit aucune pièce contredisant cet avis circonstancié ; qu'en conséquence, c'est par de justes motifs que les premiers juges ont dit que les fonctions de M. Z... ne s'étaient pas limitées à une activité administrative et qu'en raison de son exposition au benzène pendant au moins six ans, il y a un lien entre sa pathologie et l'exécution de son travail ; qu'en conséquence, le jugement déféré est confirmé » ;

ALORS QUE l'article R. 142-24-2 du Code de la sécurité sociale dispose que lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1, le tribunal est tenu de recueillir préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'au cas présent, il est constant que l'enquête réalisée par la caisse avait révélé que la condition du Tableau n° 4 relative au délai de prise en charge n'était pas remplie et que la CPAM avait pris en charge l'affection de Monsieur Z... après avoir recueilli l'avis d'un CRRMP ; que la société Rhodia Opérations contestait l'origine professionnelle de la maladie ainsi prise en charge ; qu'en considérant qu'il n'était pas nécessaire de demander l'avis d'un second CRRMP dès lors que la société Rhodia Opérations n'avait pas jugé utile de le solliciter, cependant qu'il lui appartenait de réclamer d'office un second avis dès lors que le différend entre la société Rhodia Opérations et la CPAM du Bas-Rhin portait sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie au titre des alinéas 3 et 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles R. 142-24-2 et L. 461-1du Code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-21528
Date de la décision : 20/12/2018
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 18 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 déc. 2018, pourvoi n°17-21528, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.21528
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