LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis, tels que reproduits en annexe :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Limoges, 12 mai 2016, rectifié le 12 juillet 2016), qu'après ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Location et valorisation matériaux inertes (la société LVMI) pour laquelle M. Y... a été désigné comme liquidateur judiciaire, celui-ci a engagé une procédure devant un tribunal de commerce à fin d'obtenir la condamnation de la société Carrières de Condat au paiement d'une certaine somme ; que M. Y..., ès qualités de "liquidateur amiable" de la société LVMI a déposé, le 19 mai 2015, une première déclaration d'appel contre le jugement du tribunal de commerce ; qu'une seconde déclaration a été déposée, à l'encontre du même jugement, le 21 mai 2015, par M. Y..., ès qualités de "liquidateur de la société LVMI commis à cette fonction par le jugement du tribunal de commerce de Limoges du 3 avril 2013" ; que la société Carrières de Condat a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du 10 novembre 2015 par laquelle le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de constat de la caducité de l'appel ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt rectifié de décider que la première déclaration d'appel était caduque, faute pour lui d'avoir déposé des conclusions dans le délai de trois mois, puis que la seconde déclaration d'appel du 21 mai 2015 n'était pas susceptible de relever l'appelant de la caducité prévue par l'article 908 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la seconde déclaration d'appel ayant eu pour effet de régulariser la première déclaration qui était affectée d'une erreur matérielle, le délai de dépôt des conclusions, fixé par l'article 908 du code de procédure civile, a commencé à courir à compter de la première déclaration d'appel qui avait valablement saisi la cour d'appel ; que par ce seul motif, substitué d'office à ceux critiqués, après avis donné aux parties, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. Y..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué du 12 mai 2016 (tel que rectifié par arrêt du 12 juillet 2016) encourt la censure ;
EN CE QUE statuant sur déféré, il a décidé que la première déclaration d'appel – celle du 19 mai 2015 – était caduque, faute pour l'appelant d'avoir déposé des conclusions dans le délai de trois mois, puis que la seconde déclaration d'appel, celle du 21 mai 2015, n'était pas susceptible de relever l'appelant de la caducité prévue par l'article 908 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Maître Christian Y... qui est appelant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL location et valorisation matériaux inertes a déposé successivement, les 19 et 21 mai 2015, deux déclarations d'appel à l'égard du même jugement et de la même partie intimée, la société carrières de Condat ; qu'il est indifférent que ces deux déclarations d'appel aient été enregistrées sous des numéros de rôle différents et que ces deux dossiers distincts aient été ouverts sans qu'ils aient donné lieu à une décision de jonction lorsque le conseiller de la mise en état a examiné la question de la caducité : on se trouve en présence de deux déclarations d'appel successives afférentes au même litige ; que c'est normalement la remise de la première déclaration d'appel qui a fait courir le délai de trois mois dont, en application de l'article 908 du code de procédure civile, l'appelant dispose pour conclure à peine de caducité de la déclaration d'appel ; que la remise d'une seconde déclaration d'appel n'est pas de nature à faire reculer ce délai, même s'il y a été procédé pour rectifier une erreur commise dans la première déclaration comme cela a été fait en l'espèce au sujet de la qualité de Maître Y..., qualifié de liquidateur amiable alors qu'il agissait en qualité de liquidateur judiciaire ; que la deuxième déclaration d'appel n'aurait pu reporter à la date de sa remise le point de départ du délai prévu par l'article 908 que si la première avait été nulle pour une irrégularité de fond, les irrégularités de forme étant quant à elles régularisables et ne pouvant entraîner la nullité de l'acte qu'à la condition qu'elles causent un grief que la société intimée serait seule en droit d'invoquer ; qu'aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : - le défaut de capacité d'agir en justice ; - le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ; - le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice ; que cette énumération est limitative ; que Maître Christian Y... qui a été désigné aux fonctions de liquidateur de la SARL location et valorisation matériaux inertes par un jugement du tribunal de commerce de Limoges du 3 avril 2013 a manifestement la capacité d'agir ; qu'il n'est pas chargé d'assurer la représentation d'une partie en justice, cette mission étant celle de l'avocat qu'il a constitué, lequel a bien le pouvoir d'assurer le mandat qui lui a été confié ; qu'enfin, en sa qualité de mandataire judiciaire, Maître Y... a le pouvoir de représenter la SARL location et valorisation matériaux inertes (LVMI) qui ne peut agir seule par suite de sa mise en liquidation judiciaire ; que la mention erronée désignant dans la première déclaration d'appel, déposée le 19 mai 2015, Maître Christian Y... comme étant liquidateur amiable de la société LVMI alors qu'il agissait en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, expressément désignée à ses côtés dans ladite déclaration d'appel, n'est pas une nullité de fond, Maître Y... ayant bien le pouvoir requis, mais une irrégularité de forme qui n'entraîne pas la nullité de l'acte ; qu'il résulte de ces observations que, le délai de trois mois prescrit par l'article 908 du code de procédure civile ayant couru à compter du 19 mai 2015, date de la première déclaration d'appel, le dépôt des conclusions d'appel est intervenu tardivement puisqu'en date du 20 août 2015 ; qu'il y a lieu, par conséquent, de prononcer en application de ce texte la caducité de la déclaration d'appel, nonobstant le dépôt de la seconde déclaration d'appel qui, inutile en tant que telle puisque la première avait produit son plein effet, n'est pas susceptible de relever l'appelant de la caducité »
ALORS QUE, premièrement, aucun texte, ni aucun principe, n'interdit une seconde déclaration d'appel dès lors qu'elle intervient dans le délai d'appel ; qu'en décidant le contraire, pour considérer qu'un second appel était prohibé, sauf irrégularité de la première déclaration d'appel pour une raison de fond, les juges du fond ont violé les articles 543, 546, 900, 901 et 908 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, l'appelant peut régulariser une première déclaration d'appel par une seconde déclaration, à condition d'y procéder dans le délai d'appel, et ce quel que soit la qualification du vice affectant la première déclaration d'appel ; qu'ayant constaté que la seconde déclaration d'appel avait été formée dans le délai afin de rectifier une erreur figurant à la première déclaration d'appel (arrêt, p. 4 alinéa 9), les juges du fond devaient donner effet à la seconde déclaration d'appel ; que faute de l'avoir fait, ils ont violé les articles 543, 564, 900, 901 et 908 du code de procédure civile ;
ALORS QUE troisièmement, les règles de droit interne, gouvernant les voies de recours, doivent être interprétées à la lumière de l'article 6 para. 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la jurisprudence qui le met en oeuvre ; que si la réglementation relative aux formalités et aux délais à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, des principes de la sécurité juridique, et si les intéressés doivent s'attendre à ce que ces règles soient appliquées, la réglementation, ou l'application qui en est faite, ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible, et que par suite, si le droit d'exercer un recours est bien-entendu soumis à des conditions légales, le juge ne doit pas faire preuve d'un formalisme excessif dans l'application des règles de procédure au prix d'une atteinte à son équité ; que eu égard à ces exigences, une seconde déclaration d'appel doit produire les effets d'un appel, dès lors qu'elle intervient dans le délai d'appel sans qu'il soit besoin que la première déclaration d'appel soit irrégulière, notamment à raison d'une irrégularité de fond ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 543, 546, 900, 901 et 908 du code de procédure civile interprétés à la lumière de l'article 6 para. 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la jurisprudence qui le met en oeuvre.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(à titre subsidiaire)L'arrêt infirmatif attaqué du 12 mai 2016 (tel que rectifié par arrêt du 12 juillet 2016) encourt la censure ;
EN CE QUE statuant sur déféré, il a décidé que la première déclaration d'appel – celle du 19 mai 2015 – était caduque, faute pour l'appelant d'avoir déposé des conclusions dans le délai de trois mois, puis que la seconde déclaration d'appel, celle du 21 mai 2015, n'était pas susceptible de relever l'appelant de la caducité prévue par l'article 908 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Maître Christian Y... qui est appelant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL location et valorisation matériaux inertes a déposé successivement, les 19 et 21 mai 2015, deux déclarations d'appel à l'égard du même jugement et de la même partie intimée, la société carrières de Condat ; qu'il est indifférent que ces deux déclarations d'appel aient été enregistrées sous des numéros de rôle différents et que ces deux dossiers distincts aient été ouverts sans qu'ils aient donné lieu à une décision de jonction lorsque le conseiller de la mise en état a examiné la question de la caducité : on se trouve en présence de deux déclarations d'appel successives afférentes au même litige ; que c'est normalement la remise de la première déclaration d'appel qui a fait courir le délai de trois mois dont, en application de l'article 908 du code de procédure civile, l'appelant dispose pour conclure à peine de caducité de la déclaration d'appel ; que la remise d'une seconde déclaration d'appel n'est pas de nature à faire reculer ce délai, même s'il y a été procédé pour rectifier une erreur commise dans la première déclaration comme cela a été fait en l'espèce au sujet de la qualité de Maître Y..., qualifié de liquidateur amiable alors qu'il agissait en qualité de liquidateur judiciaire ; que la deuxième déclaration d'appel n'aurait pu reporter à la date de sa remise le point de départ du délai prévu par l'article 908 que si la première avait été nulle pour une irrégularité de fond, les irrégularités de forme étant quant à elles régularisables et ne pouvant entraîner la nullité de l'acte qu'à la condition qu'elles causent un grief que la société intimée serait seule en droit d'invoquer ; qu'aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : - le défaut de capacité d'agir en justice ; - le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ; - le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice ; que cette énumération est limitative ; que Maître Christian Y... qui a été désigné aux fonctions de liquidateur de la SARL location et valorisation matériaux inertes par un jugement du tribunal de commerce de Limoges du 3 avril 2013 a manifestement la capacité d'agir ; qu'il n'est pas chargé d'assurer la représentation d'une partie en justice, cette mission étant celle de l'avocat qu'il a constitué, lequel a bien le pouvoir d'assurer le mandat qui lui a été confié ; qu'enfin, en sa qualité de mandataire judiciaire, Maître Y... a le pouvoir de représenter la SARL location et valorisation matériaux inertes (LVMI) qui ne peut agir seule par suite de sa mise en liquidation judiciaire ; que la mention erronée désignant dans la première déclaration d'appel, déposée le 19 mai 2015, Maître Christian Y... comme étant liquidateur amiable de la société LVMI alors qu'il agissait en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, expressément désignée à ses côtés dans ladite déclaration d'appel, n'est pas une nullité de fond, Maître Y... ayant bien le pouvoir requis, mais une irrégularité de forme qui n'entraîne pas la nullité de l'acte ; qu'il résulte de ces observations que, le délai de trois mois prescrit par l'article 908 du code de procédure civile ayant couru à compter du 19 mai 2015, date de la première déclaration d'appel, le dépôt des conclusions d'appel est intervenu tardivement puisqu'en date du 20 août 2015 ; qu'il y a lieu, par conséquent, de prononcer en application de ce texte la caducité de la déclaration d'appel, nonobstant le dépôt de la seconde déclaration d'appel qui, inutile en tant que telle puisque la première avait produit son plein effet, n'est pas susceptible de relever l'appelant de la caducité »
ALORS QUE, premièrement, à supposer qu'une seconde déclaration d'appel soit dépourvue d'effet lorsqu'elle est libellée dans les mêmes termes que la première, de toute façon, cette règle ne peut recevoir application dans l'hypothèse où l'auteur de la première déclaration agit en une certaine qualité, quand leur auteur invoque une qualité différente à chaque déclaration ; qu'en l'espèce, la première déclaration a été faite par M. Christian Y... en qualité de liquidateur amiable de la SARL LVMI, alors que, dans la seconde déclaration, il agissait en tant que liquidateur judiciaire désigné par un jugement du tribunal de commerce du 3 avril 2013 ; qu'ainsi, la seconde déclaration n'était pas libellée dans le termes et produisait donc effet ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 543, 546, 900, 901 et 908 du code de procédure civile interprétés à la lumière de l'article 6 para. 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la jurisprudence qui le met en oeuvre ;
ALORS QUE, deuxièmement, la première déclaration d'appel devant, en tout état de cause, être considérée comme irrégulière, M. Christian Y... n'ayant pas la qualité de liquidateur amiable, de ce fait, la seconde déclaration devait être regardée comme régulière dès lors qu'elle émanait de M. Christian Y... en tant que liquidateur judiciaire ; qu'en décidant le contraire, et en refusant de considérer le premier appel comme irrégulier et priver d'effet la seconde déclaration d'appel, les juges du fond ont violé les articles 543, 546, 900, 901 et 908 du code de procédure civile interprétés à la lumière de l'article 6 para. 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la jurisprudence qui le met en oeuvre ;
ALORS QUE, troisièmement, l'absence de qualité d'une personne qui déclare agir comme mandataire d'une personne morale constitue une irrégularité de fond ; qu'en estimant que l'accomplissement d'un acte par M. Christian Y... en tant que liquidateur amiable quand il n'avait pas cette qualité ne constitue pas une irrégularité de fond, les juges du fond ont violé l'article 117 du code de procédure civile.