LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 137-2, devenu 218-2, du code de la consommation, 412 et 420 du code de procédure civile, 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;
Attendu que la prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin ; qu'il résulte des trois derniers textes susvisés qu'en soi le prononcé de la décision que l'avocat a été chargé d'obtenir n'a pas pour effet de mettre fin au mandat qu'il a reçu de son client ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que Mme Y... a confié à la société d'avocats Crépin-Fontaine (l'avocat) la défense de ses intérêts dans une procédure devant un tribunal des affaires de sécurité sociale pour obtenir des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral ; que, par un jugement du 16 juillet 2012, ce tribunal a accordé à Mme Y... une certaine somme à ce titre ; qu'ayant informé l'avocat qu'elle souhaitait être assistée d'un autre conseil devant la cour d'appel, Mme Y... l'a dessaisi du dossier ; que l'avocat a établi une facture d'honoraires le 14 août 2012 et l'a adressée à sa cliente ; que cette dernière ne l'ayant pas acquittée, l'avocat a saisi le 28 juillet 2014 le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation de ses honoraires ;
Attendu que, pour déclarer prescrite cette demande, l'ordonnance énonce que la prescription extinctive court à compter de la date à laquelle le mandat de l'avocat a pris fin, soit à la date de la décision juridictionnelle mettant fin au contentieux dans lequel l'avocat a défendu les intérêts de son client ; que cette décision est intervenue le 16 juillet 2012 ; que l'avocat ayant saisi le bâtonnier de sa demande le 28 juillet 2014, soit deux ans et douze jours après la fin de son mandat, celle-ci est prescrite ;
Qu'en statuant ainsi, le premier président, qui ne pouvait tenir pour acquis que le jugement avait mis un terme au mandat, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 juillet 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Douai ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Crépin-Fontaine
IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré prescrite la demande de taxation des honoraires de la société Crépin-Fontaine ;
AUX MOTIFS QU'il est désormais de jurisprudence constante que le délai de prescription biennale visé à l'article L.137-2 du Code de la consommation s'applique en matière de contestation d'honoraires d'avocats ; qu'il est également de jurisprudence constante que « la prescription extinctive court à compter de la date à laquelle le mandat a pris fin, soit à la date de la décision juridictionnelle mettant fin au contentieux dans lequel l'avocat a défendu les intérêts de son client » ; il ressort des pièces versées aux débats que la convention d'honoraires régularisée entre les parties prévoyait uniquement l'intervention de la SCP Crépin-Fontaine dans le cadre d'une procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; il ressort encore des éléments du dossier que la facture du cabinet d'avocats contestée date du 14 août 2012 ; il apparaît encore que la décision juridictionnelle du 16 juillet 2012 a mis fin au contentieux pour lequel l'avocat a défendu les intérêts de la requérante ; il ressort enfin des pièces versées aux débats que l'avocat a saisi le Bâtonnier de sa demande de taxation le 28 juillet 2014, soit 2 ans et 12 jours après la fin de son mandat ; il convient dès lors de constater que la demande en taxation des honoraires de la SCP Crépin- Fontaine est prescrite ;
1° ALORS QUE le délai de prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin ; que l'avocat remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir jusqu'à l'exécution du jugement ; que sa mission d'assistance en justice emporte également pour l'avocat l'obligation d'informer son client sur les voies de recours existantes ; que sa mission se poursuit donc nécessairement après la date de la décision qu'il a été chargé d'obtenir ; qu'en affirmant pourtant que le point de départ du délai de prescription de l'action en taxation était la date de la décision rendue dans l'affaire confiée à la SCP Crépin-Fontaine, la Cour d'appel a violé les articles 412 et 420 du Code de procédure civile, ensemble l'article 13 du décret n°2005-790 et l'article L.137-2 du Code de la consommation ;
2° ALORS QUE faute de rechercher de façon concrète à quelle date la mission de la SCP Crépin-Fontaine avait pris fin, en l'occurrence à la date à laquelle elle avait été dessaisie du dossier d'appel, pendant le délai d'appel, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.