LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Paris, 5 novembre 2014), que M. Y..., engagé le 18 décembre 2006 par le consulat d'Italie à Paris en qualité de chauffeur, commis, standardiste et exerçant depuis le 1er janvier 2009 les fonctions d'assistant administratif, a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir une majoration de salaire au titre d'heures de travail non rémunérées et un rappel de congés payés ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'Etat italien fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité qu'il a soulevée et de le condamner à payer au salarié diverses sommes alors, selon le moyen, que l'article 684 du code de procédure civile, qui dispose que tout acte destiné à être notifié à un Etat étranger est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du ministre de la justice aux fins de signification par voie diplomatique, exclut que la convocation à l'audience de jugement du conseil des prud'hommes puisse être notifiée par voie verbale à cet Etat ou à son représentant à l'occasion de l'audience de conciliation du conseil des prud'hommes dans les conditions prévues à l'article R. 1454-17 du code du travail ; que pour avoir jugé le contraire, le conseil des prud'hommes a en l'espèce violé par fausse application l'article R. 1454-17 du code du travail et par refus d'application l'article 684 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les convocations de l'Etat italien, représenté par son ambassadeur à Paris devant le bureau de conciliation, avaient été effectuées par acte remis au parquet du procureur de la République conformément à l'article 684 du code de procédure civile, que lors de la dernière audience de conciliation, Maître Félici, en défense, avait émargé sans réserves pour l'ambassadeur d'Italie représentant l'Etat italien, conformément à l'article R. 1454-17 du code du travail qui dispose que les parties peuvent être convoquées devant le bureau de jugement verbalement avec émargement au dossier et que dans ce cas, un bulletin mentionnant la date de l'audience leur est remis par le greffier, que l'avocat de l'Etat italien avait été informé du renvoi devant le bureau de jugement et qu'il avait comparu le jour de l'audience de jugement pour le représenter, le conseil de prud'hommes a légalement justifié sa décision ;
Et sur le second moyen :
Attendu que l'Etat italien fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir déduite de l'immunité de juridiction qu'il a revendiquée et de le condamner à payer au salarié diverses sommes alors, selon le moyen, que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; qu'en se bornant à constater, pour écarter en l'espèce l'immunité de juridiction réclamée par l'Etat italien, que le litige « concerne le paiement d'heures supplémentaire et les congés payés, il ne peut relever de l'acte d'autorité de l'Etat italien ni de sa souveraineté », quand il lui appartenait de rechercher si le recrutement de l'intéressé par les services consulaires ne participait pas, compte tenu de ses modalités, de l'exercice par l'Etat italien de ses prérogatives de puissance publique ou si le demandeur n'exerçait pas, dans le cadre de ses fonctions, des attributions qui lui conféraient une responsabilité particulière dans l'exercice du service public consulaire, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard du principe de droit international relatif à l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié avait signé un contrat de travail en qualité d'assistant administratif au service consulaire et qu'il ne participait pas au service public de l'Etat italien, le conseil de prud'hommes, qui en a exactement déduit que le litige, concernant le paiement d'heures supplémentaires et de congés payés, s'analysait en un acte de gestion exclusif de l'application du principe de l'immunité de juridiction, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Etat italien, agissant en la personne de son ambassadeur en France, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Etat italien, agissant en la personne de son ambassadeur en France, à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Etat italien
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté l'exception de nullité soulevée par l'Etat italien et d'avoir condamné celui-ci à payer à Monsieur Y... les sommes, assorties des intérêts légaux à compter du 14 juin 2013, date de réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation du 21 novembre 2013, de 1.786,17 euros à titre de rappel de salaire, majoration due pour la 36e heure de travail, effectuée entre le 1er janvier 2007 et le 20 juin 2013, 178,62 euros au titre des congés payés afférents, 1.786,17 euros au titre des congés payés pour la période entre le 1er janvier 2007 et le 20 juin 2013, et 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs, sur la nullité des actes de la procédure, que selon l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; que dans le présent litige, lors des audiences de conciliation, aucune nullité ni mise hors de cause d'une des parties n'a été constatée ; que le demandeur a sollicité des renvois lors de ces audiences de conciliation, afin de régulariser la mise en cause de la bonne défenderesse ; qu'il a confirmé maintenir l'Etat italien dans le litige ; que les convocations de l'Etat italien représenté par Monsieur l'ambassadeur ont été effectuées par acte remis au parquet du Procureur de la République conformément à l'article 684 du code de procédure civile ; qu'en dernier lieu, lors de la dernière audience de conciliation du 21 novembre 2013, Maître Laura Felici, en défense, a émargé sans réserves pour Monsieur l'ambassadeur d'Italie représentant l'Etat italien, conformément à l'article R. 1454-17 du code du travail, qui dispose que les parties peuvent être convoquées devant le bureau de jugement verbalement avec émargement au dossier ; que dans ce cas, un bulletin mentionnant la date de l'audience leur est remis par le greffier ; que l'avocate de la défenderesse a été informée du renvoi en vue du bureau du jugement du 8 septembre 2014, elle a comparu le jour de l'audience de jugement pour représenter l'Etat italien ; que selon l'article R. 1452-7 du code du travail, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel ; que l'absence de tentative de conciliation ne peut être opposée ; que les demandes étaient connues de la défenderesse mais elles n'étaient pas chiffrées, en conséquence elles sont recevables le jour de l'audience du bureau de jugement ; que la nullité de forme et l'irrecevabilité des demandes sont rejetées ;
Alors que l'article 684 du code de procédure civile, qui dispose que tout acte destiné à être notifié à un état étranger est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du ministre de la justice aux fins de signification par voie diplomatique, exclut que la convocation à l'audience de jugement du conseil des prud'hommes puisse être notifiée par voie verbale à cet Etat ou à son représentant à l'occasion de l'audience de conciliation du conseil des prud'hommes dans les conditions prévues à l'article R. 1454-17 du code du travail ; que pour avoir jugé le contraire, le conseil des prud'hommes a en l'espèce violé par fausse application l'article R. 1454-17 du code du travail et par refus d'application l'article 684 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir déduite de l'immunité de juridiction revendiquée par l'Etat italien et d'avoir condamné celui-ci à payer à Monsieur Y... les sommes, assorties des intérêts légaux à compter du 14 juin 2013, date de réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation du 21 novembre 2013, de 1.786,17 euros à titre de rappel de salaire, majoration due pour la 36e heure de travail, effectuée entre le 1er janvier 2007 et le 20 juin 2013, 178,62 euros au titre des congés payés afférents, 1.786,17 euros au titre des congés payés pour la période entre le 1er janvier 2007 et le 20 juin 2013, et 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs, sur l'immunité de juridiction, qu'il est établi que Monsieur Philippe Y... travaille pour le consulat général d'Italie à Paris ; qu'il a signé un contrat de travail le 1er janvier 2009 en qualité d'assistant administratif ; qu'il n'est pas contesté que le contrat de travail du demandeur est soumis à la loi française et au décret italien du président de la république ; que l'Etat étranger et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction que dans la mesure où l'acte qui donne lieu au litige participe par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de l'Etat concerné ; que le litige en question concerne le paiement des heures supplémentaires et les congés payés ; qu'il ne peut relever de l'acte d'autorité de l'Etat italien ni de sa souveraineté ; que Monsieur Philippe Y... ne participant pas au service public de l'Etat italien, résidant en France, doit avoir accès au conseil de prud'hommes ; que l'immunité de juridiction ne peut s'appliquer au litige ;
Alors que les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature ou sa finalité, à l'exercice de la souveraineté de ces Etats et n'est donc pas un acte de gestion ; qu'en se bornant à constater, pour écarter en l'espèce l'immunité de juridiction réclamée par l'Etat italien, que le litige « concerne le paiement d'heures supplémentaire et les congés payés, il ne peut relever de l'acte d'autorité de l'Etat italien ni de sa souveraineté », quand il lui appartenait de rechercher si le recrutement de l'intéressé par les services consulaires ne participait pas, compte tenu de ses modalités, de l'exercice par l'Etat italien de ses prérogatives de puissance publique ou si le demandeur n'exerçait pas, dans le cadre de ses fonctions des attributions qui lui conféraient une responsabilité particulière dans l'exercice du service public consulaire, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard du principe de droit international relatif à l'immunité de juridiction des Etats étrangers.