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18/10/2016 | FRANCE | N°14BX01641

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2016, 14BX01641


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier de Montauban à lui payer une indemnité de 403 860 euros en réparation des préjudices occasionnés par un retard de diagnostic.

Par un jugement n° 1105580 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier de Montauban à payer à M. A...une indemnité de 1 000 euros et la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a mis à sa ch

arge les dépens de l'instance puis a rejeté le surplus des conclusions de M. A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier de Montauban à lui payer une indemnité de 403 860 euros en réparation des préjudices occasionnés par un retard de diagnostic.

Par un jugement n° 1105580 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier de Montauban à payer à M. A...une indemnité de 1 000 euros et la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a mis à sa charge les dépens de l'instance puis a rejeté le surplus des conclusions de M. A...et les conclusions du Régime social des indépendants, subrogé dans les droits de son assuré.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2014, et un mémoire enregistré le 14 septembre 2016, M.A..., représenté par la SCM Thulliez-Issanchou-Delord-Villageon, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 3 avril 2014 du tribunal administratif de Toulouse et de porter à 403 860 euros l'indemnité allouée, assortie des intérêts légaux à compter du 15 septembre 2011.

2°) subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montauban les dépens de l'instance et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 avril 2008, vers 23 heures, l'attelage d'une remorque a écrasé le pied gauche de M.A..., restaurateur. Celui-ci s'est aussitôt rendu au service des urgences du centre hospitalier de Montauban. Suite à la radiographie pratiquée deux heures plus tard, le 11 avril 2008 vers 1 heure du matin, il s'est vu prescrire des anti-inflammatoires et des antalgiques et a été autorisé à quitter le service des urgences, à marcher avec un appui et à poursuivre son activité professionnelle. Constatant la persistance d'intenses douleurs assorties d'une importante gêne fonctionnelle, son médecin traitant l'a renvoyé, le 22 avril suivant, au service des urgences où une nouvelle radiographie a révélé l'existence d'une fracture du métatarse, non diagnostiquée lors du premier séjour. Dès le lendemain, M. A...a bénéficié d'une réduction sanglante et d'une ostéosynthèse par embrochage du deuxième métatarsien. Il a toutefois par la suite continué à souffrir de son pied et subi diverses complications. Le 9 septembre, l'examen au scanner a révélé l'existence de séquelles de la fracture. Après avoir fermé son établissement, puis repris son activité professionnelle le 1er septembre 2008, il a à nouveau fermé, puis cessé définitivement son activité. Invoquant la faute médicale commise le 11 avril 2008, M. A...a saisi le tribunal administratif de Toulouse. Le juge des référés a commis un expert, qui a remis son rapport le 12 mai 2010. Par un jugement du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier de Montauban à réparer les souffrances endurées par M. A...et son incapacité temporaire partielle pendant onze jours, du 11 au 23 avril 2008, à hauteur respectivement de 800 euros et 200 euros. Il a mis à sa charge les dépens de l'instance et la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, puis a rejeté le surplus de ses conclusions et le recours subrogatoire du Régime social des indépendants. M. A...fait appel de ce jugement et demande que l'indemnité allouée soit portée à 403 860 euros.

2. Si, comme le fait valoir le centre hospitalier de Montauban, l'expertise ordonnée le 15 janvier 2010 s'est déroulée de manière non contradictoire, cette irrégularité ne fait pas obstacle à ce que le rapport soit retenu à titre d'information dès lors qu'il a été versé au dossier et soumis, de ce fait, au débat.

3. Le I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que la responsabilité de tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins peut être engagée en cas de faute. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise ordonnée le 15 janvier 2010 que le diagnostic de fracture osseuse pouvait être posé dès le 11 avril 2008. Cette erreur dans la prise en charge du patient présente, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à l'absence de toute difficulté à poser ce diagnostic, le caractère d'une faute médicale, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté en défense.

4. Dans la nuit du 10 au 11 avril 2008, ainsi qu'il a été dit, M. A...a été autorisé à marcher avec un appui et à poursuivre son activité professionnelle. Il se prévaut du certificat établi le 19 décembre 2008 par un spécialiste en orthopédie. Celui-ci affirme que la reprise de la marche en plein appui a entraîné une luxation de la deuxième articulation cunéo-métatarsienne et que l'absence de traitement immédiat a fait perdre à l'intéressé une chance de " consolidation en bonne position " et en conclut que l'erreur de diagnostic en cause est à l'origine de " la cascade de complications " subie par M.A..., notamment la nécessité de pratiquer une arthrodèse de la colonne interne de l'articulation de Lisfranc gauche. Pour sa part, l'expert commis en première instance, qui a pris connaissance de cette analyse et fixé la date de consolidation de l'état du patient au 4 mars 2009, a relevé que si celui-ci avait reçu un traitement approprié, il aurait " sans aucun doute, peut-être même sans séquelles " bénéficié d'une consolidation " en deux bons mois environ ". Il ajoute que l'intervention du 23 avril, réalisée dans les règles de l'art, douze jours après l'accident, n'a pas donné pleinement satisfaction et précise que " si le diagnostic avait été fait en temps voulu, avec le même traitement chirurgical, la consolidation serait survenue dans un délai de soixante-quinze jours environ. L'arrêt de travail aurait été beaucoup moins long ".

5. Le défendeur fait valoir que l'erreur de diagnostic n'a pas privé le patient d'une chance de guérison ou d'amélioration de son état et que le déficit fonctionnel temporaire postérieur au 22 avril 2008, le préjudice esthétique, l'incapacité permanente partielle et le préjudice d'agrément, sont imputables à la fracture elle-même, le diagnostic erroné ayant tout au plus retardé la guérison et n'ayant occasionné à M. A...aucun autre préjudice que les préjudices temporaires, déficit fonctionnel temporaire et pretium doloris, subis pendant une dizaine de jours et réparés par les premiers juges.

6. Toutefois, l'expert commis en première instance a précisé, d'une part, qu'avec un traitement immédiat efficace, les souffrances endurées, estimées à 3 sur une échelle de 7, auraient été limitées à 2 sur 7, d'autre part, que le préjudice esthétique de M.A..., évalué à 2 sur 7, aurait été limité à 1 sur 7. Il a également précisé qu'aucun des autres préjudices, l'incapacité permanente partielle, évaluée à 12 %, le préjudice d'agrément résultant de la privation des activités sportives pour ce patient alors âgé de trente-six ans et le grave préjudice professionnel occasionné par l'interruption de son activité de restaurateur ne sont directement imputables, même partiellement, à l'erreur de diagnostic. Cette appréciation n'est pas sérieusement contestée par les données scientifiques produites en défense selon lesquelles ce type de fracture nécessite impérativement l'exécution d'un geste chirurgical dans un délai de " quelques semaines ".

7. En allouant le montant de 800 euros au titre de l'aggravation des souffrances physiques directement imputable à la faute médicale, qui peut être estimée à 1 sur 7, les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de ce poste. Il y a lieu de porter ce montant à 1 000 euros. Le préjudice esthétique occasionné par l'erreur de diagnostic peut également être estimé à 1 sur 7. C'est donc à tort que les premiers juges ont écarté cette demande pour laquelle il y a lieu d'allouer une indemnité de 1 000 euros. En revanche, il résulte de l'instruction et notamment des éléments non sérieusement contestés de l'expertise sur ce point qu'en allouant un montant de 200 euros pour l'incapacité temporaire inutilement subie pendant onze jours, le tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante de la réparation de ce chef de préjudice.

8. Si M. A...persiste en appel à solliciter les intérêts légaux à compter du 15 septembre 2011, il n'établit pas que sa demande préalable aurait été présentée à l'administration avant la date du 12 octobre 2011, à laquelle celle-ci en a accusé réception.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. A...est seulement fondé à demander que l'indemnité allouée en première instance soit portée à 2 200 euros et la réformation du jugement sur ce point.

10. Les premiers juges ont, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à 900 euros à la charge définitive du centre hospitalier de Montauban. Si le requérant persiste à réclamer le montant de 4 000 euros au titre des " frais de procédure de référé et d'expertise ", il ne justifie pas avoir exposé de tels frais.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier de Montauban à payer la somme de 1 200 euros à M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier de Montauban a été condamné à payer à M. A... par l'article 1er du jugement du 3 avril 2014 du tribunal administratif de Toulouse est portée à 2 200 euros.

Article 2 : Le jugement du 5 novembre 2014 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Montauban versera à M. A...la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

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N° 14BX01641


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