Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Pointe-à-Pitre Distribution a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune de Goyave à lui verser la somme de 485 410,45 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 27 janvier 2009 avec capitalisation des intérêts à compter de l'enregistrement de la requête, en paiement de factures de fournitures impayées, à titre principal sur le fondement de la responsabilité contractuelle et, subsidiairement, sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle et délictuelle.
Par un jugement n° 1000706 du 28 février 2014, le tribunal administratif de la Guadeloupe a partiellement fait droit à la demande de la société Pointe-à-Pitre Distribution, sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle, en condamnant la commune de Goyave à lui verser la somme de 364 057,84 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2009, ainsi que leur capitalisation à compter du 15 novembre 2010.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2014 et le 19 novembre 2015, la commune de Goyave, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 28 février 2014 ;
2°) de mettre à la charge de la société Pointe-à-Pitre Distribution la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code des marchés publics ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la commune de Goyave, et de Me C..., représentant la société Pointe-à-Pitre Distribution.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Goyave relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée, au titre de la responsabilité extra-contractuelle, à verser à la société Pointe-à-Pitre Distribution la somme de 364 057,84 euros TTC, en paiement des dépenses exposées par l'entreprise dans le cadre des commandes de fournitures passées par la commune. Elle doit être regardée comme demandant le rejet de toute demande d'indemnisation de la société. Par la voie de l'appel incident, la société Pointe-à-Pitre Distribution demande la réformation du jugement du tribunal administratif en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande de condamnation de la commune de Goyave à lui payer la somme de 485 410,45 euros TTC hors intérêts moratoires et à la condamnation de la commune au paiement de ces intérêts capitalisés et, à titre subsidiaire, la confirmation de l'indemnité fixée par les premiers juges.
Sur la demande d'indemnisation de la société Pointe-à-Pitre distribution :
2. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.
3. Aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-21 du même code, dans sa rédaction applicable : " Sous le contrôle du conseil municipal (...), le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / (...) 6° De souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements (...) ". Il résulte de ces dispositions que le maire ne peut valablement souscrire un marché au nom de la commune sans y avoir été préalablement autorisé par une délibération expresse du conseil municipal. Lorsqu'il entend autoriser le maire à souscrire un marché, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l'étendue de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre desquels figurent notamment l'objet précis de celui-ci, tel qu'il ressort des pièces constitutives du marché, mais aussi son montant exact et l'identité de son attributaire.
4. Il résulte de l'instruction que, sans qu'ait été formellement conclu aucun marché par la commune, M. A...E..., alors maire de la commune de Goyave, a donné son accord, sous la forme d'une signature apposée sur onze bons de commande et des attestations récapitulant les factures à payer, à la livraison par la société Pointe-à-Pitre Distribution, au cours de l'année 2006, de diverses fournitures portant principalement sur trois catégories de marchandises : des dispositifs de pavoisement (mâts, drapeaux, guirlandes), des vêtements et des chaussures ainsi que des produits d'entretien et d'hygiène. Trois factures d'un montant total de 68 200 euros ont été acquittées par la collectivité. La société a présenté à la commune une demande de paiement d'un montant total de 485 410,45 euros TTC pour avoir règlement des livraisons qui ne lui avaient pas été payées. La nouvelle municipalité a refusé d'acquitter cette somme.
5. Les bons de commande portent sur la livraison de 9 tampons " Marianne ", pour un montant de 1 845 euros HT, de 5 mâts, pour un montant de 21 350 euros HT, de 60 pavillons, pour un montant de 35 850 euros HT, de 200 guirlandes, pour un montant de 39 000 euros HT, de 150 oriflammes, pour un montant de 58 250 euros HT, de sacs poubelles, bombes insecticides, éponges et alcool à brûler pour un montant de 167 910 euros HT, de chaussures et bottes de sécurité, de t-shirts, de polos et de combinaisons pour un montant de 26 970 euros HT, de sets sanitaires, poubelles bancs, rayonnages et corbeilles pour un montant HT de 34 255 euros HT, de jerricans, brosses, masques et présentoirs à outils pour un montant de 14 590 euros HT, d'arceaux de parking, poteaux, panneaux de signalisation pour un montant de 66 785 euros HT. Il n'est pas contesté par la commune que ces marchandises ont été livrées et utilisées.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
6. En dépit de l'absence de toute autre formalité, la signature apposée par le maire sur les bons de commande établis entre le 15 mai et le 13 septembre 2006 et les attestations de factures à payer suffisent à caractériser la conclusion de contrats entre la collectivité et son fournisseur. Les commandes passées par la commune de Goyave portaient sur des prestations qui constituaient des groupes homogènes de montants supérieurs au seuil de 4 000 euros hors taxes et inférieurs à 210 000 euros hors taxes. Eu égard à la nature des fournitures, qui ne présentaient aucun caractère particulier, aucune circonstance telle que celles mentionnées au II de l'article 35 du code des marchés publics n'était de nature à justifier que la commune s'affranchît de ces règles de publicité, et, eu égard au montant des contrats, ne la dispensait de recourir à la procédure de passation selon la procédure adaptée, ainsi que le prévoient les dispositions du II de l'article 26 du même code. Aussi bien, la commune ne conteste pas qu'elle a méconnu les règles de publicité applicables aux contrats en litige.
7. Il résulte clairement de l'instruction que les fournitures en litige ont été facturées à des prix manifestement excessifs. Ainsi, des sacs poubelle ont été facturés 2,95 euros HT l'unité ; des pavillons "France " de 80 cm sur 120 cm, des pavillons " Commune de Goyave " et " Commune de Goyave Even ont été facturés respectivement 315, 595 et 495 euros l'unité ; des drapeaux européens de 60 cm sur 90 cm, 295 euros l'unité ; des guirlandes, 195 euros HT l'unité ; de l'alcool à brûler, 11,60 euros HT le litre ; des dosettes hydrosolubles de parfum 2,70 euros HT l'unité ; des chaussures de sécurité 118 euros HT la paire ; des T-shirts impression vert 29 euros HT l'unité ; des combinaisons avec bottes, 95 euros le lot. De plus, le maire a conclu les contrats sans aucun aval du conseil municipal sur ce marché de fournitures à bons de commande. Dès lors, compte tenu de la gravité de l'illégalité commise et des circonstances dans lesquelles le maire a opéré, qui faisaient obstacle à ce que l'assemblée délibérante se prononce en toute connaissance de cause sur ces livraisons à un coût déraisonnable pour n'importe quel consommateur averti, le litige ne peut pas être réglé sur le terrain contractuel et la société ne saurait se prévaloir de l'exigence de loyauté des relations contractuelles.
En ce qui concerne la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle :
8. Le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses prévues au contrat qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration. Toutefois, si le cocontractant a lui-même commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d'un marché dont, compte-tenu de son expérience, il ne pouvait ignorer l'illégalité, et que cette faute constitue la cause directe de la perte du bénéfice attendu du contrat, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation de ce préjudice.
9. En raison même de la surfacturation des marchandises en litige, disponibles sur le marché à des prix très inférieurs à ceux sur lesquels le maire de Goyave a marqué son accord, les achats décidés par ce dernier ne peuvent pas être regardés, dans ces conditions, comme ayant été utiles à la commune. De plus, si le maire de la commune de Goyave a irrégulièrement conclu les achats en litige, la société Pointe-à-Pitre Distribution a elle-même commis une faute en se prêtant volontairement à la conclusion de contrats dont, compte tenu de son expérience, elle ne pouvait ignorer l'illégalité. Cette faute de la société, qui a délibérément collaboré aux conditions illégales de passation du marché, constitue la cause directe de son préjudice. En dépit de la faute commise par le maire de la commune, la société n'est ainsi pas fondée à demander une indemnisation, ni sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle de la commune, ni sur le terrain quasi-délictuel.
10. La société fait néanmoins valoir dans ses conclusions d'appel incident qu'il n'en demeure pas moins que les fournitures en litige ont toutes été livrées et consommées par la collectivité et que ses dépenses ainsi exposées à la suite des livraisons en litige ouvrent donc un droit à indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Il résulte toutefois de l'instruction que la commune a déjà réglé à la société une somme de 68 200 euros pour la livraison de 5 000 sacs poubelle de 150 litres et 13 000 sacs poubelle de 200 litres facturés respectivement 1,65 euros et 2,95 euros l'unité, de 8 000 dosettes de parfum facturées 2,70 l'unité. En outre, la société ne justifie pas sa demande au regard des prix que, même en tenant compte de la nécessité d'importer en Guadeloupe certains articles et des charges supplémentaires en résultant, elle aurait dû pratiquer dans le cadre de relations commerciales loyales avec la commune de Goyave en fonction des prix du marché. Dans ces conditions, et eu égard à l'avantage retiré par la société des achats déjà acquittés par la commune et ayant également donné lieu à une surfacturation, il n'y a pas lieu d'accorder à la société une quelconque somme au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni sur les fins de non-recevoir opposées par la commune, que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit, même partiellement, à la demande d'indemnisation de la société Pointe-à-Pitre Distribution qui doit être intégralement rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. La commune de Goyave n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de la société Point-à-Pitre Distribution tendant au paiement des frais de procès ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la société Pointe-à-Pitre Distribution au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 28 février 2014 est annulé.
Article 2 : La demande d'indemnisation de la société Pointe-à-Pitre Distribution présentée devant le tribunal administratif de la Guadeloupe, les conclusions d'appel incident de la société et les conclusions de cette dernière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Point-à-Pitre Distribution versera à la commune de Goyave une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 14BX01313