Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Les Montagnes d'Auzances a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'ordre de reversement du 14 octobre 2011 par lequel l'agence de services et de paiement a mis à sa charge le paiement d'une somme de 1 099 350 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 1101997 du 31 octobre 2013, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 décembre 2013 et le 21 octobre 2015, la SAS Les montagnes d'Auzances, représenté par la SELARL Mitard Baudry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 octobre 2013 ;
2°) d'annuler l'ordre de reversement du 14 octobre 2011 ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement et d'ordonner le dégrèvement de la somme de 455 791 euros ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de réformer le jugement et d'ordonner que le paiement de la somme de 1 099 350 euros qui lui est réclamé par l'ordre de reversement en litige soit subordonné à sa subrogation à concurrence de la somme de 455 791 euros dans les droits de l'agence de service et de paiement à l'encontre de M.B... ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif, juge de plein contentieux, devait tenir compte des éléments existants à la date à laquelle il a statué ; par suite, en omettant de prendre en compte l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 21 février 2013, il a entaché son jugement d'erreur de droit ;
- en admettant que l'Agence de services et de paiement puisse recouvrer l'intégralité des sommes versées au titre du FEOGA et la somme de 455 791 euros à laquelle le président de son conseil d'administration a été pénalement sanctionné, le tribunal administratif permet à cette dernière de bénéficier d'un enrichissement sans cause ;
- le tribunal administratif aurait dû, puisqu'il a confirmé le bien-fondé de l'ordre de reversement, prononcer la subrogation de la société dans les droits de l'agence envers M. B... à concurrence de la somme de 455 791 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2014, l'agence de services et de paiement conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la SAS Les Montagnes d'Auzances à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens et première instance et d'appel.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 28 septembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 22 octobre 2015 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements ;
- le règlement (CE) n° 817/2004 de la Commission du 29 avril 2004 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SAS les Montagnes d'Auzances.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la mise en place d'un atelier destiné à la valorisation du lait bénéficiant de la dénomination " montagne " avec reconversion de lait à la suite d'un abandon de site à Auzances dans la Creuse, la SAS Les Montagnes d'Auzances a bénéficié d'une aide communautaire à l'amélioration de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, d'un montant de 1 099 350 euros, au titre du fonds européen d'orientation et de garantie agricole. A la suite du contrôle du service ministériel de contrôle de la régularité des opérations dans le secteur agricole, le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, par une décision du 26 mars 2010, a prononcé la déchéance totale de cette aide. Par un ordre de reversement du 14 octobre 2011, l'agence de services et de paiement a mis en recouvrement la somme correspondant à l'aide versée. La SAS Les Montagnes d'Auzances demande à la cour d'annuler le jugement du 31 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge de l'obligation de payer la somme mise à sa charge par l'ordre de reversement du 14 octobre 2011 émis par l'agence de services et de paiement et, à titre subsidiaire, au dégrèvement de la somme de 455 791 euros sur le montant de la somme en litige.
2. Aux termes de l'article 72 du règlement (CE) n° 817/2004 de la Commission du 29 avril 2004 : " 1. En cas de constatation d'une fausse déclaration faite par négligence grave, le bénéficiaire en cause est exclu pour l'année civile considérée de toutes les mesures de développement rural prises au titre du chapitre concerné du règlement (CE) no 1257/1999 / En cas de fausse déclaration faite délibérément, il en est exclu également pour l'année qui suit / 2. Les sanctions prévues au paragraphe 1, s'appliquent sans préjudice de sanctions supplémentaires prévues au niveau national ". Aux termes de l'article 73 du même règlement : " Les Etats membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions du présent règlement, et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en oeuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ". L'article 6 de la convention conclue entre l'Etat et la société requérante stipule que : " En cas de non respect des clauses de la présente convention (...), constaté par le service de l'Etat chargé du dossier, le Ministre de l'Agriculture et de la Pêche peut décider le reversement total ou partiel des sommes versées éventuellement augmentées des intérêts légaux / (...) / La fausse déclaration faite délibérément ou résultant d'une négligence grave et ayant pour résultat la perception d'un avantage indu dans le cadre de la présente convention entraîne de plein droit l'annulation de l'aide accordée à l'article 1er et le reversement de la totalité des sommes éventuellement perçues par le bénéficiaire ".
3. La SAS Les Montagnes d'Auzances se borne à soutenir, à l'appui de ses conclusions d'appel, que la somme mise à sa charge par l'ordre de reversement émis le 14 octobre 2011 par l'agence de services et de paiement, doit être diminuée des dommages et intérêts d'un montant de 455 791 euros que le président de son conseil d'administration, M.B..., a été pénalement condamné à verser à l'agence en réparation de son préjudice matériel, sauf à procurer à cette dernière un enrichissement sans cause ; elle fait encore valoir qu'en tout état de cause, elle doit être subrogée, dans la limite de la somme de 455 791 euros, dans les droits de l'agence envers M. B... si elle devait reverser à cette dernière l'intégralité de la somme qui lui est réclamée.
4. Il résulte de l'instruction que par un jugement du 20 février 2012, le tribunal correctionnel de Bordeaux a déclaré M. Ballastra, président du conseil d'administration de la SAS Les Montagnes d'Auzances, et la société elle-même, coupables du délit d'escroquerie à hauteur d'un montant de 455 791 euros pour trois types d'irrégularités liées à la violation de la convention d'attribution de l'aide. Le tribunal correctionnel a en revanche débouté l'agence de service et de paiement de sa demande tendant à obtenir la condamnation solidaire de M. B... et de la société Les Montagnes d'Auzances à la réparation de son préjudice matériel à hauteur de la somme de 1 099 350 euros représentant la totalité des fonds versés à la SAS Les Montagnes d'Auzances dans le cadre de la mise en oeuvre de la convention qu'elle avait conclue avec l'Etat, somme qui avait donné lieu à l'émission d'un titre exécutoire contesté par la société devant le juge administratif. Le tribunal correctionnel a en effet estimé que l'agence sollicitait en réalité une réparation n'ayant d'autre objet que le reversement de l'aide qu'il lui appartenait de récupérer directement auprès de la société. Alors que l'agence a réitéré sa demande en appel, la cour d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 21 février 2013, n'y a pas non plus fait droit mais, à hauteur de la somme de 455 791 euros, a accueilli la demande subsidiaire de la société à titre de réparation du préjudice matériel correspondant au produit de l'escroquerie commise par M. B....
5. Ainsi, la circonstance que l'agence de services et de paiement a obtenu la condamnation de M. B...devant le juge judiciaire à l'indemniser de son préjudice matériel ne fait pas obstacle à ce qu'elle demande à la SAS Les montagnes d'Auzances, en vertu des dispositions communautaires et des stipulations contractuelles propres au mécanisme d'aide en litige, le reversement de la totalité des sommes en litige dont cette dernière ne conteste pas devant la cour qu'elle en a indûment bénéficié.
6. Par suite, la société requérante, pour s'exonérer de ce reversement en tout ou partie, n'est pas fondée à invoquer l'enrichissement sans cause de l'agence de services et de paiement alors que la somme de 455 791 euros que la cour d'appel de Bordeaux a condamné M. B... à payer à cette dernière correspond à la réparation d'un préjudice et non au reversement même partiel de l'aide.
7. Pour le même motif, et dès lors que M.B..., en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, ne doit pas s'acquitter du paiement d'une partie de l'aide qu'il avait détournée à son profit, mais doit indemniser l'agence d'un préjudice correspondant aux remises obtenues par l'intéressé au moyen de l'escroquerie, la société ne peut pas non plus prétendre être subrogée dans les droits de l'agence au paiement de la somme de 455 791 euros due à cette dernière par M.B....
8. La société n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. L'agence de service et de paiement n'étant pas, dans la présente instance, la partie qui succombe, les conclusions tendant à ce qu'elle soit condamnée à verser à la SAS Les Montagnes d'Auzances une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SAS Les Montagnes d'Auzances à verser à l'agence de services et de paiement la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : La requête de la SAS Les Montagnes d'Auzances est rejetée.
Article 2 : La SAS Les Montagnes d'Auzances versera à l'agence de service et de paiement la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Les Montagnes d'Auzances, à l'agence de services et de paiement et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 décembre 2015.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 13BX03524