Vu le recours, enregistré le 5 juillet 2012, présenté par le ministre des affaires sociales et de la santé ;
Le ministre des affaires sociales et de la santé demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000964 du 7 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de l'Hôpital privé de l'est lyonnais, la délibération du 9 décembre 2009, notifiée le 17 décembre 2009 par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Rhône-Alpes, par laquelle la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation de Rhône-Alpes lui a infligé une sanction financière de 53 940,25 euros, en application de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de la décision susmentionnée ;
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré comme fondé le moyen tiré de l'illégalité des dispositions de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, permettant la réalisation d'un contrôle sur la base d'un échantillon tiré au sort, en tant qu'elles n'étaient pas de nature à répondre à l'exigence de proportionnalité de la sanction au regard de l'indu, imposée par la loi, alors que le fait de réaliser le contrôle à partir d'un échantillon tiré au sort n'est pas, en soi, incompatible avec le principe de proportionnalité, et qu'en l'espèce, la méthode d'échantillonnage retenue, à l'aide d'un programme appelé " outil de gestion du contrôle ", par tirage aléatoire simple, a été conçue de telle sorte que soient garanties la représentativité de l'échantillon et, par voie de conséquence, la proportionnalité de la sanction à l'indu ;
- les garanties apportées en amont, à l'origine de l'échantillon retenu, sont, en outre, renforcées en aval par les dispositions réglementaires des articles R. 162-62-12 et R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, en ce qu'elles fixent, notamment, des limites ;
- le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion de juger que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines, soulevé au titre d'une question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article 46-I de la loi n° 2004-810 relative à l'assurance maladie, dont est issu l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, devait être écarté ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2012, présenté pour l'Hôpital privé de l'est lyonnais, représenté par son président-directeur général en exercice, qui conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le Tribunal a fait une juste appréciation des dispositions législatives et réglementaires applicables en matière de sanction des indus, dès lors que rien ne permet de justifier la pertinence du choix opéré par les médecins-inspecteurs dans les dossiers sélectionnés, et de la pertinence de l'échantillon retenu ; le principe de proportionnalité ne peut être regardé comme respecté lorsque la sanction équivaut, au titre de l'activité d'accueil et de traitement des urgences, à 242 fois la valeur du manquement constaté ;
- indépendamment de toute question de principe sur la légalité, l'échantillon contrôlé, correspondant à 2,77 % des dossiers traités, est, au cas d'espèce, d'une insuffisance telle qu'il ne saurait être représentatif de l'activité de l'établissement ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de fait touchant à la détermination du taux de l'indu, au regard des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, en ce que tant le montant des sommes indument perçues que celui des sommes dues sont erronés, en l'absence de prise en compte des sous-facturations ;
- le décret n° 2006-307 du 16 mars 2006, pris en application des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, qui entre dans le champ d'application du pouvoir réglementaire dérivé, ne pouvait édicter une nouvelle règle, consistant en la mise en place d'une procédure d'échantillonnage qui constitue à la fois une modalité technique du contrôle mais également, par l'effet de l'extrapolation, une variable du calcul de la sanction financière ; la sanction prononcée est illégale car déterminée sur la base d'un échantillonnage et d'une extrapolation non prévus par la loi ;
- la délibération du 9 décembre 2009 est entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle a pour fondement réglementaire le décret n° 2006-307 du 16 mars 2006, entaché d'illégalités, soulevées par voie d'exception : violation du bloc de constitutionnalité, de la loi et erreur de droit ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 novembre 2012, présenté par le ministre des affaires sociales et de la santé, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2013 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Musset, avocat de l'Hôpital privé de l'est lyonnais ;
1. Considérant que, par une délibération du 9 décembre 2009, la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Rhône-Alpes a décidé d'infliger à l'Hôpital privé de l'est lyonnais une sanction financière de 53 940,25 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, à la suite d'un contrôle externe de la tarification à l'activité, au titre de l'année 2007, portant sur les groupes homogènes de séjour (GHS) 8281 et 8298 ainsi que sur les forfaits d'accueil et de traitement des urgences (ATU), dans le cadre du programme régional de contrôle de l'année 2008 de l'agence, qui avait fait apparaître des anomalies de facturation sur des dossiers figurant dans les échantillons tirés au sort ; que le ministre des affaires sociales et de la santé fait appel du jugement du 7 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ladite délibération du 9 décembre 2009, notifiée le 17 décembre 2009 par le directeur de l'ARH de Rhône-Alpes ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération en litige : " Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. / Cette sanction est prise par la commission exécutive mentionnée à l'article L. 6115-2 du code de la santé publique, à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie mentionnés au sixième alinéa de l'article L. 1112-1 du même code en application du programme de contrôle régional établi par ladite commission. Elle est notifiée à l'établissement. / Son montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues. Il est calculé sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement. / (...) / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 162-42-10 du même code, pris pour l'application de ces dispositions, dans sa rédaction applicable à la même date : " (...) Le contrôle porte sur tout ou partie de l'activité de l'établissement et peut être réalisé sur la base d'un échantillon tiré au sort. (...) " ;
3. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, qui prévoient une échelle de sanctions selon la gravité des manquements, et indiquent que le montant de la sanction " est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues ", de sorte que, par elle-même, la sanction qu'elles prévoient ne porte pas atteinte au principe de proportionnalité des peines, autorisent le contrôle sur une partie seulement des activités, des prestations ou des séjours de l'établissement de santé et ne font donc pas obstacle à ce que ce contrôle puisse être réalisé sur la base d'un échantillon tiré au sort, ainsi que le prévoient les dispositions également précitées de l'article R. 162-42-10 du même code ; qu'un tel contrôle, qui peut porter sur un échantillon d'actes ou de séjours au sein d'un champ ciblé, correspondant, pour les hospitalisations, à un tarif, modulable en fonction de situations particulières, relevant d'un groupe homogène de séjour (GHS), lui-même associé à un groupe homogène de malades (GHM), regroupant des affections qui requièrent une mobilisation de ressources analogues pour leur prise en charge, ou, pour les activités hors hospitalisation, à un tarif par prestation, tel que celui fixé pour l'accueil et traitement des urgences (ATU), selon des modalités qui permettent ainsi d'assurer une homogénéité du champ ciblé, n'est, par suite, pas de nature à faire obstacle, par lui-même, à ce que soit garantie la représentativité dudit échantillon, et, dès lors, assurée l'exigence, posée par les dispositions de l'article L. 162-22-18, que le montant de la sanction soit déterminé en fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues ; qu'au demeurant, la méthode retenue pour déterminer un échantillon représentatif au sein des deux groupes homogènes contrôlés a été validée par une étude de l'INSEE du 25 novembre 2011, relative à la méthode statistique de contrôle de la tarification à l'activité, produite pour la première fois en appel par l'administration ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler, comme dépourvue de base légale, la délibération en litige, prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, le Tribunal s'est fondé sur le motif tiré de ce que, le tirage au sort n'étant pas de nature à garantir la représentativité de l'échantillon, les dispositions de cet article ne répondaient pas à l'exigence de proportionnalité de la sanction au regard de l'indu imposée par la loi ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens invoqués par l'Hôpital privé de l'est lyonnais, tant en première instance qu'en appel ;
5. Considérant, en premier lieu, que les circonstances que, d'une part, l'échantillon contrôlé ne correspondait qu'à 2,77 % des dossiers traités par l'établissement hospitalier durant la période sur laquelle a porté le contrôle, et, d'autre part, que l'absence de prise en compte d'éventuelles sous-facturations pourrait conduire à un calcul erroné du montant des sommes indument perçues comme des sommes dues, ne sont pas de nature, par elles-mêmes, en l'absence de production, par l'Hôpital privé de l'est lyonnais, de tout élément permettant de le démontrer, à établir une erreur dans la détermination des sommes indument perçues ayant constitué la base de calcul de la sanction litigieuse ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, les dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que ce contrôle puisse être réalisé sur la base d'un échantillon tiré au sort ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient l'Hôpital privé de l'est lyonnais, les dispositions du décret n° 2006-307 du 16 mars 2006, dont résultent celles précitées de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date du contrôle, prises en application desdites dispositions de l'article L. 162-22-18, ainsi que l'échelle des sanctions prévue à l'article R. 162-42-12 du même code, n'ont pas édicté illégalement une nouvelle règle, résultant de la mise en place d'une procédure d'échantillonnage constituant à la fois une modalité technique du contrôle et une variable du calcul de la sanction financière, qui aurait été prise incompétemment par le pouvoir réglementaire ; qu'ainsi, ledit établissement ne peut soutenir que la délibération en litige est illégale au motif de sa détermination sur la base d'un échantillonnage et d'une extrapolation non prévus par la loi ;
7. Considérant, enfin, qu'ainsi qu'il a été dit, les modalités du contrôle opérées sur la base d'un échantillon, tiré au sort, d'actes ou de séjours au sein d'un champ ciblé, ne font pas obstacle à l'application de la règle fixée par les dispositions de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale pour déterminer le montant de la sanction en fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues ; que, par suite, nonobstant la circonstance que le contrôle de la tarification à l'activité ne porte pas sur l'ensemble des actes ou des séjours intervenus durant la période visée par ce contrôle, la détermination du montant de la sanction financière sur la base de l'échantillon sélectionné ne porte pas atteinte au principe de la présomption d'innocence ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires sociales et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération du 9 décembre 2009 de la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation de Rhône-Alpes ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par l'Hôpital privé de l'est lyonnais et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 1000964 du 7 mai 2012 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de l'Hôpital privé de l'est lyonnais sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des affaires sociales et de la santé et à l'Hôpital privé de l'est lyonnais. Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
MM. Zupan et Seillet, présidents-assesseurs,
MM. Picard et Poitreau, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 18 avril 2013.
''
''
''
''
1
2
N° 12LY01873