Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2012, présentée pour M. et Mme D..., agissant tant en qualité d'administrateurs légaux de leur fils mineur B...qu'en leur nom propre, domiciliés Les Pins ensoleillés à Villard-de-Lans (38250) ;
M. et Mme D... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0904343 du 23 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Grenoble soit condamné à leur verser une indemnité de 20 934 euros en réparation des préjudices subis à l'occasion du suivi de leur enfant B...entre le 9 mars et le 10 juin 2005 ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et la somme de 720 euros au titre des frais d'expertise ;
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que les premiers juges, pour écarter la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Grenoble, ont considéré que l'association des deux médicaments Lamictal et Dépakine n'était pas contrindiquée et que le dépassement des doses indiquées par le laboratoire ne constituait pas une faute, alors que l'absence de respect des prescriptions et posologies médicamenteuses a augmenté le risque de syndrome de Lyell ;
- il appartient au centre hospitalier universitaire de Grenoble d'apporter une information propre à retenir un consentement éclairé, quelles que soient les alternatives possibles, alors au demeurant qu'il existait une alternative au traitement, en respectant une prise par palier et non une augmentation des doses de manière massive ;
- le centre hospitalier universitaire de Grenoble a commis une faute dans la prescription médicale en ne respectant pas les préconisations d'utilisation du médicament Lamictal ; il a également commis une faute en ne fournissant pas de directives claires et écrites relatives au dosage de ce médicament le 9 juin 2005, en ne respectant pas les dosages et en commettant des erreurs d'interprétation quant à la présence d'une rougeole alors que l'enfant subissait le syndrome de Lyell, et en l'absence de contrôle par prise de sang continuelle ;
- il n'est pas justifié par le centre hospitalier universitaire de Grenoble qu'une information relative au risque d'éruption cutanée lié à la thérapie par Lamictal aurait été donnée aux parents de l'enfant, qui n'ont reçu qu'une information incomplète ;
- l'enfant B...et ses parents ont été privés à hauteur de 100 % d'une chance d'éviter les conséquences subies ;
- les préjudices subis par l'enfant doivent être indemnisés par des sommes de 2 434 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence, 7 000 euros au titre des souffrances endurées et 1 500 euros au titre du préjudice esthétique, et le préjudice moral subi par ses parents doit être indemnisé par une somme de 5 000 euros chacun ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 août 2012, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, qui conclut :
- à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une somme de 48 206,86 euros en remboursement de ses débours ;
- à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser la somme demandée en première instance, outre une indemnité forfaitaire de 997 euros ;
- à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le centre hospitalier universitaire de Grenoble, en administrant un traitement associant les deux médicaments Lamictal et Dépakine, alors que cette association est déconseillée, et en prescrivant en outre un surdosage, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et qui est à l'origine du préjudice subi par le jeuneB... ;
- le centre hospitalier universitaire de Grenoble a également manqué à son obligation d'information sur les risques encourus du fait d'un tel traitement qui aurait pu être différent notamment par l'augmentation par palier ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2013, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble, qui conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;
Il soutient que :
- le choix d'associer les deux médicaments Lamictal et Dépakine était tout à fait indiqué, comme le relève l'expert, et leur association n'est intervenue que dans le cadre d'une substitution du premier au second, mise en place de manière très progressive, conformément aux bonnes pratiques ; le bien-fondé des doses prescrites ne peut être remis en cause ;
- en tout état de cause, à supposer les doses de Lamictal excessives, aucun lien ne peut être établi entre ce dosage et l'apparition, deux mois plus tard, du syndrome de Lyell, après un dosage journalier non imputable à l'établissement ;
- les parents ont été informés du risque de réaction cutanée au Lamictal, et il n'existait aucune alternative thérapeutique au traitement, de sorte qu'une information insuffisante n'aurait pas privé l'enfant d'une chance d'échapper au risque qui s'est réalisé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Huard, avocat de M. et MmeD... ;
1. Considérant que le jeune B...D..., né le 18 mai 1999, a présenté une première crise d'épilepsie, le 9 mars 2005, à la suite de laquelle il a été pris en charge au centre hospitalier universitaire de Grenoble ; que le traitement antiépileptique initial, à base de Micropakine seule, mal supporté par l'enfant et peu efficace, a été modifié, à compter du 11 avril 2005, dans le cadre d'un traitement visant à la substitution progressive de la Micropakine par du Lamictal, selon un calendrier, établi sur la période du 12 avril au 12 juillet 2005 comportant, par périodes de 15 jours, une augmentation des doses de Lamictal et une diminution de celles de Micropakine ; qu'après une hospitalisation au mois de mai 2005 au cours de laquelle des modifications de la posologie de ces médicaments avaient été apportées, le jeune B...a fait l'objet, en urgence, le 10 juin 2005, d'une nouvelle hospitalisation dans les services du centre hospitalier universitaire de Grenoble, dans lesquels a été posé le diagnostic d'un syndrome de Lyell, pathologie cutanée très grave due à une allergie médicamenteuse, en lien avec la prise de Lamictal ; que l'enfant a ensuite été transféré dans le service des brûlés de l'hôpital Saint Joseph - Saint Luc à Lyon ; que, d'une part, M. et Mme D..., agissant tant en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur qu'en leur nom propre, font appel du jugement du 23 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Grenoble soit condamné à leur verser une indemnité en réparation des préjudices subis à l'occasion du suivi de leur enfant dans cet établissement ; que, d'autre part, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère demande la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une somme en remboursement de ses débours ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble :
En ce qui concerne les fautes médicales :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport rédigé le 20 octobre 2008 par l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble que, compte tenu du caractère de très grande gravité de l'épilepsie du jeuneB..., le choix de débuter le traitement par de la Micropakine était conforme aux pratiques épileptologiques, comme l'était également celui de prescrire ensuite du Lamictal, temporairement associé à la Dépakine dans le cadre d'une substitution progressive, nonobstant le risque d'effets secondaires, notamment le syndrome de Lyell, connu en cas d'emploi du Lamictal, et renforcé en cas d'association avec la Dépakine ; qu'il en résulte également que le calendrier initial respectait les recommandations d'augmentation progressive du Lamictal en association avec la Micropakine ; que si ledit expert a fait état d'une posologie initiale de Lamictal supérieure aux recommandations, compte tenu du poids de l'enfant, en relevant par ailleurs que les schémas d'augmentation prudente avaient été parfaitement respectés, ce choix ne présentait pas, en l'espèce, de caractère fautif ; que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la posologie initiale et l'apparition, deux mois après le début du traitement, du syndrome de Lyell, n'est, au demeurant, pas établie ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'à supposer même établie la circonstance qu'à la suite d'un entretien téléphonique entre les parents du jeune B...et les services du centre hospitalier universitaire de Grenoble, le 9 juin 2005, après que l'enfant eut souffert, le matin, d'un phénomène douloureux au pied, et présenté des absences, de la fièvre et un vomissement, une dose de Lamictal supérieure à celle préconisée dans le cadre du calendrier de substitution mis en place à compter du 12 avril 2005, comme aux prescriptions d'une ordonnance du 17 mai 2005, ait été administrée à l'enfant, l'absence de préconisations claires, à la supposer démontrée, et d'instructions écrites, n'est pas constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble ; qu'il ne résulte pas, au demeurant, de l'instruction, ainsi que le relève notamment le rapport de l'expert désigné par le Tribunal, l'existence d'un lien de causalité entre le palier d'augmentation survenu le 9 juin 2005 et l'apparition du syndrome de Lyell, alors que l'enfant avait déjà eu, le matin, un phénomène douloureux au niveau du pied pouvant constituer une manifestation allergique, et que, selon une lettre du 2 août 2007 du médecin du centre hospitalier chargé du suivi de l'enfant, reprenant des éléments recueillis lors d'une conversation avec les parents de B...le 13 juin 2005, alors qu'il était hospitalisé, l'enfant avait présenté, dès le 8 juin, des plaques rouges sur le corps ;
4. Considérant, en dernier lieu, qu'à supposer établie la circonstance que, lors de l'admission, le 10 juin 2005, du jeune B...dans le service des urgences pédiatriques du centre hospitalier universitaire de Grenoble, un premier diagnostic de rougeole ou de scarlatine aurait été posé de manière erronée, cette erreur, à la supposer fautive, est restée sans incidence sur l'évolution de l'état de santé de l'enfant, dès lors que, conformément aux pratiques lors de l'apparition d'un syndrome de Lyell trouvant son origine dans l'administration de Lamictal, le traitement a été suspendu dès l'admission dans l'établissement hospitalier, alors même que le médecin traitant n'avait pas avisé le service chargé du suivi de l'enfant des éruptions cutanées constatées ;
En ce qui concerne le défaut d'information :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel (...)" ;
6. Considérant que le risque de troubles graves de la peau, en cas d'administration du Lamictal, et surtout en cas d'association à certains médicaments de l'épilepsie, qui est mentionné sur sa notice d'utilisation, est connu ; que si le praticien hospitalier chargé du suivi de B...et qui avait mis en place, à compter du 12 avril 2005, le calendrier de substitution de la Dépakine par le Lacmital atteste, dans une correspondance du 2 août 2007, soit deux ans après les faits, avoir informé oralement M. et Mme D... du risque d'éruption cutanée lié à ce traitement lors d'une consultation, et si ce même praticien avait alerté le médecin traitant, par une lettre du 12 avril 2005, de la nécessité de surveiller la tolérance cutanée, ces document ne sont pas, à eux seuls, de nature à établir que ce praticien se serait acquitté de son obligation d'information ;
7. Considérant qu'il résulte, toutefois, de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, d'une part, que, compte tenu de l'état de santé deB..., caractérisé par une épilepsie sévère, pharmaco-résistante, un traitement de l'épilepsie différent de celui initialement mis en place, à base de Micropakine, qui avait échoué, était impérieusement requis et, d'autre part, qu'il n'y avait pas d'alternative thérapeutique moins risquée que le traitement prescrit qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, a bien fait l'objet d'une mise en place par paliers ; que, par suite, la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Grenoble n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour le jeune B...de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est, par conséquent, due à ce titre ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni M. et Mme D..., ni la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs conclusions ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et que les frais d'expertise doivent être laissés à la charge de M. et Mme D... ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D..., au centre hospitalier universitaire de Grenoble et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère. Il en sera adressé copie à M. A...C..., expert.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2013.
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N° 12LY01251