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03/01/2013 | FRANCE | N°12LY00330

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 03 janvier 2013, 12LY00330


Vu I, sous le n° 12LY00330, la requête enregistrée le 2 février 2012, présentée pour M. Pérumal B, domicilié ... ;

M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803057 du 10 novembre 2011 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à la somme de 825 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des arrêtés du préfet de la Côte d'Or des 20 août 1998, 27 mars 2000 et 22 avril 2008 délivrant à M. Variot des autorisations d'ouverture d'un

e officine de pharmacie dans la commune de Longecourt-en-Plaine ;

2°) de condamner l'a...

Vu I, sous le n° 12LY00330, la requête enregistrée le 2 février 2012, présentée pour M. Pérumal B, domicilié ... ;

M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803057 du 10 novembre 2011 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à la somme de 825 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des arrêtés du préfet de la Côte d'Or des 20 août 1998, 27 mars 2000 et 22 avril 2008 délivrant à M. Variot des autorisations d'ouverture d'une officine de pharmacie dans la commune de Longecourt-en-Plaine ;

2°) de condamner l'agence régionale de santé de Bourgogne à lui verser une indemnité de 15 227 008 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la demande initiale du 25 août 2008 ou, à défaut, à compter du jugement du 10 novembre 2011, et la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont limité à la somme de 800 000 euros l'indemnité accordée au titre des pertes de revenus, en tenant compte d'une réfaction résultant de la fiscalité, qui ne devait pas être prise en compte ;

- il est en droit d'obtenir une indemnisation de la perte indirecte de revenus provenant de placements patrimoniaux, d'une propriété foncière plus importante, d'un retard de développement de sa clientèle et d'une diminution de sa retraite future ;

- il est également en droit d'obtenir réparation du préjudice moral subi en raison de la malveillance de l'administration ;

- le montant de l'indemnité allouée par les premiers juges au titre de la précarité de sa situation doit être réévalué ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 septembre 2012, présenté pour l'agence régionale de santé de Bourgogne, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B ;

Elle soutient que :

- la prise en compte des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. B aurait été assujetti s'il avait ouvert une officine dès 1998 ne méconnaît pas le principe d'indemnisation intégrale des préjudices ;

- le requérant ne peut se prévaloir de la perte indirecte de revenus ;

- c'est à tort que le requérant se prévaut d'une attitude malveillante de l'administration à son égard et demande, sans en justifier, la réparation d'un préjudice en résultant ; il n'établit pas davantage la réalité du préjudice subi du fait de la précarité de sa situation ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2012, présenté pour M. B, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Vu II, sous le n° 12LY00336, la requête enregistrée le 30 janvier 2012, et régularisée le 14 mars 2012, présentée pour l'agence régionale de santé de Bourgogne, représentée par sa directrice générale, dont le siège est 2 place des Savoirs à Dijon (21035 cedex) ;

L'agence régionale de santé de Bourgogne demande à la Cour de réformer le jugement n° 0803057 du 10 novembre 2011 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il l'a condamnée à verser une indemnité de 825 000 euros à M. B et de réduire le montant de cette indemnité ;

Elle soutient que :

- la prise en compte des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. B aurait été assujetti s'il avait ouvert une officine dès 1998 ne méconnaît pas le principe d'indemnisation intégrale des préjudices ;

- le requérant ne peut se prévaloir de la perte indirecte de revenus ;

- c'est à tort que le requérant se prévaut d'une attitude malveillante de l'administration à son égard et demande, sans en justifier, la réparation d'un préjudice en résultant ; il n'établit pas davantage la réalité du préjudice subi du fait de la précarité de sa situation ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 décembre 2012, présentée pour M. B ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2012 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Haouy, avocat de M. B, et de Me Traverse, avocat de l'agence régionale de santé de Bourgogne ;

1. Considérant qu'à la suite de plusieurs recours exercés par M. B, pharmacien, qui avait lui-même sollicité à plusieurs reprises l'autorisation de créer une officine de pharmacie à Thorey-en-Plaine (Côte d'Or), les arrêtés en date des 20 août 1998, 27 mars 2000 et 22 avril 2008 par lesquels le préfet de la Côte d'Or avait délivré à M. Variot des autorisations d'ouverture d'une officine de pharmacie dans la commune voisine de Longecourt-en-Plaine ont été annulés, respectivement, en dernier lieu, par des arrêts de la Cour de céans des 13 juillet 2004 et 4 mars 2008 et par un jugement du Tribunal administratif de Dijon du 16 octobre 2008, au motif que ledit préfet avait méconnu le droit d'antériorité dont disposait M. B par rapport à M. Variot ; que M. B, auquel a été finalement délivrée, par un arrêté préfectoral du 19 février 2009, l'autorisation de créer une officine, a saisi le Tribunal administratif de Dijon d'une demande d'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité des arrêtés du préfet de la Côte d'Or des 20 août 1998, 27 mars 2000 et 22 avril 2008 délivrant à M. Variot des autorisations d'ouverture d'une officine de pharmacie ; que, d'une part, M. B fait appel du jugement du Tribunal du 10 novembre 2011 en tant qu'il a limité à la somme de 825 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne en réparation desdits préjudices ; que, d'autre part, l'agence régionale de santé de Bourgogne fait appel du même jugement en tant qu'il a mis à sa charge ladite indemnité ;

2. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

3. Considérant, en premier lieu, que si, pour l'application des dispositions de l'article L. 571 du code de la santé publique, en vigueur jusqu'à son abrogation par l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000, et reprises aujourd'hui à l'article L. 5125-11 du même code, le bénéfice de l'antériorité reste acquis au candidat dont la demande assortie des pièces justificatives a été rejetée, lorsqu'il ressort du dossier que le candidat n'a pas entendu renoncer au projet qu'il avait formé et si, en application de ces dispositions, l'administration est tenue d'examiner en priorité la demande de ce candidat, elle doit, toutefois, la rejeter lorsque l'officine dont la création est ainsi sollicitée ne répond pas aux exigences de ces mêmes dispositions, avant de statuer sur la demande d'un autre candidat ;

4. Considérant que M. B ne conteste pas que, comme le soutient l'agence régionale de santé de Bourgogne, l'officine dont il sollicitait la création dans la commune de Thorey-en-Plaine, ne satisfaisait pas, avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 15 juin 2000, aux conditions posées par les dispositions de l'article L. 571 du code de la santé publique pour que soit autorisée la création d'une officine dans une commune de moins de 2 000 habitants ; que les recours qu'il avait formés contre, en premier lieu, l'arrêté préfectoral du 14 juin 1996, qui avait rejeté sa demande d'autorisation et, en second lieu, contre le rejet implicite de sa demande d'autorisation du 22 juin 2000, ont été rejetés par des arrêts de la Cour de céans des 20 février 2001 et 13 juillet 2004, devenus définitifs ; qu'il résulte de ce dernier arrêt qu'en application des dispositions du IV de l'article 65 de la loi du 27 juillet 1999, aucune création d'officine de pharmacie ne pouvait être autorisée dans la commune de Thorey-en-Plaine, entre le 28 juillet 1999 et le 20 novembre 2000 ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient M. B, l'impossibilité de créer une officine de pharmacie à Thorey-en-Plaine avant l'année 2001 ne résulte pas de l'illégalité fautive, au motif de la méconnaissance de son droit d'antériorité, des arrêtés du préfet de la Côte d'Or des 20 août 1998 et 27 mars 2000 délivrant à M. Variot des autorisations d'ouverture d'une officine de pharmacie, dont il ne peut ainsi se prévaloir au soutien de ses conclusions indemnitaires ; que, par suite, M. B est seulement fondé à demander la réparation des préjudices résultant directement de l'illégalité de l'arrêté du 27 mars 2000, en tant qu'elle a continué à produire des effets à compter de l'année 2001, et du 22 avril 2008 délivrant à M. Variot une autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de la déclaration annuelle de chiffre d'affaires de l'officine de M. B, pour la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, que le chiffre d'affaires annuel moyen de son officine au cours de cette période a été chiffré à un montant de 577 890 euros ; qu'eu égard à un taux moyen de bénéfice de 11 %, et, par suite, à un bénéfice sur la même période, de 63 570 euros, et compte tenu des revenus perçus par l'intéressé dans ladite période, évalués à 12 500 euros au regard des avis d'imposition produits par ce dernier, la perte de revenus de M. B doit être évaluée, pour l'ensemble de la période en cause, comprise entre le 1er janvier 2001 et le 19 février 2009, à 410 000 euros ;

6. Considérant, en troisième lieu, que M. B ne démontre pas qu'il aurait subi, en raison de l'illégalité des arrêtés en litige, un préjudice résultant de l'impossibilité d'obtenir la rémunération de placements financiers, ni qu'il aurait pu acquérir une propriété foncière plus importante ; qu'il ne justifie pas davantage avoir subi un préjudice résultant du retard à se constituer une clientèle et de la diminution de ses droits à des prestations de retraite ;

7. Considérant, en dernier lieu, que M. B, auquel ont été opposés plusieurs refus d'autorisation de créer une officine de pharmacie dont il a contesté en vain la légalité devant la Cour de céans, n'est pas fondé à invoquer une malveillance particulière de l'administration ni, par suite, à se prévaloir d'un préjudice moral à raison de cette malveillance ; qu'eu égard à la période écoulée entre la date à compter de laquelle le requérant aurait pu être autorisé à créer son officine et celle à laquelle il y a finalement été autorisé, M. B est, en revanche, fondé à se prévaloir d'un préjudice à raison des troubles dans ses conditions d'existence qu'il a subis ; que ledit préjudice doit être évalué à la somme de 50 000 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme que l'agence régionale de santé de Bourgogne a été condamnée à verser à M. B en réparation de ses préjudices doit être ramenée au montant de 460 000 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

9. Considérant que si M. B demande que la somme que l'agence régionale de santé de Bourgogne est condamnée à lui verser soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 août 2008, il ne produit à l'appui de cette demande que la copie de sa réclamation indemnitaire qui ne comportait aucune demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté préfectoral du 22 avril 2008, qu'il n'a présentée que devant le Tribunal administratif de Dijon ; que, par suite, le requérant a droit aux intérêts dont est assortie la somme que l'agence régionale de santé de Bourgogne est condamnée à lui verser à compter du 22 décembre 2008, date à laquelle a été enregistrée cette demande au greffe du Tribunal administratif de Dijon ; qu'il a demandé la capitalisation des intérêts le 2 février 2012 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B une somme quelconque sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que, par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Dijon du 10 novembre 2011, l'agence régionale de santé de Bourgogne est condamnée à verser à M. B en réparation de ses préjudices est ramenée au montant de 460 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2008. Les intérêts, échus le 2 février 2012, de cette somme, seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 10 novembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pérumal B et à l'agence régionale de santé de Bourgogne.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 janvier 2013.

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N° 12LY00330,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00330
Date de la décision : 03/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

55-03-04 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Pharmaciens.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-03;12ly00330 ?
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