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08/11/2012 | FRANCE | N°11LY02994

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2012, 11LY02994


Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2011, présentée pour Mme Michelle A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0901355 du 21 octobre 2011 en tant qu'il a n'a pas fait entièrement droit aux conclusions de sa demande tendant à la condamnation du département de la Drôme à lui verser les salaires dus entre la date de fin de son contrat de travail et celle de son licenciement ;

2°) de condamner le département de la Drôme à lui verser la somme de 56 651 euros à titre de dommages int

rêts ;

3°) de mettre à la charge du département de la Drôme le paiement d'une somm...

Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2011, présentée pour Mme Michelle A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0901355 du 21 octobre 2011 en tant qu'il a n'a pas fait entièrement droit aux conclusions de sa demande tendant à la condamnation du département de la Drôme à lui verser les salaires dus entre la date de fin de son contrat de travail et celle de son licenciement ;

2°) de condamner le département de la Drôme à lui verser la somme de 56 651 euros à titre de dommages intérêts ;

3°) de mettre à la charge du département de la Drôme le paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- compte tenu des salaires qu'elle aurait dû percevoir au cours de la période du 21 mars 2009 au 30 novembre 2011 et des allocations chômage reçues au cours de cette même période, son préjudice matériel s'élève à 32 651 euros ;

- malgré le jugement, elle n'a pas été réintégrée et son préjudice matériel présent et avenir, qui intègre en particulier les pertes de droits à la retraite et de droits au chômage, doit être estimé à 44 651 euros ;

- son préjudice moral doit être porté à 15 000 euros ;

Vu le courrier en date du 3 mai 2012 par lequel, en application de l'article R. 612-13 du code de justice administrative, le département de la Drôme a été mis en demeure de présenter ses observations ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2012, présenté pour le département de la Drôme qui conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement n° 0901355 du 21 octobre 2011 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a annulé la décision du 16 janvier 2009 portant licenciement de Mme A et l'a condamné à verser à cette dernière une somme de 3 000 euros, ainsi qu'au rejet de la demande de Mme A devant le Tribunal et, subsidiairement, au rejet de la requête et, en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute pour Mme A de s'être acquittée de la contribution prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts et d'avoir développé des moyens d'appel ;

- le jugement est irrégulier, le Tribunal ayant commis une erreur dans l'appréciation des éléments invoqués à l'appui de la mesure de licenciement prise à l'encontre de Mme A ;

- il a apporté la preuve des faits reprochés à l'intéressée ;

- la décision de licenciement est fondée, l'intéressée ayant méconnu certaines obligations qui lui étaient imparties ;

- l'intéressée ne peut prétendre à la réparation de son préjudice matériel que jusqu'à la date de fin de validité de son agrément, soit le 23 août 2010 ;

- le montant des salaires qu'elle aurait dû percevoir entre la date de son licenciement et la date de fin de validité de son agrément est de 34 626,09 euros et elle a perçu une indemnité de licenciement de 2 672,43 euros du département ainsi qu'une somme de 18 365,28 euros au titre de l'allocation de chômage, de telle sorte que l'indemnité ne saurait être supérieure à 13 588,38 euros ;

- la somme accordée au titre du préjudice moral n'est pas insuffisante ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juillet 2012, présenté pour Mme A qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, portant en outre à 63 676 euros sa demande de dommages intérêts et demandant également qu'il soit enjoint au président du conseil général de la Drôme de la réintégrer dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

Vu le courrier en date du 7 septembre 2012 par lequel les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que l'appel incident du département de la Drôme, qui met en cause un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal, est irrecevable ;

Vu l'ordonnance du 7 septembre 2012 par laquelle, sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 septembre 2012, présenté pour Mme A qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, portant en outre à 71 460 euros sa demande de dommages intérêts ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 septembre 2012, présenté pour le département de la Drôme qui, par les mêmes moyens, maintient ses précédentes conclusions ;

Il soutient en outre que :

- son appel incident est recevable ;

- les calculs indemnitaires auxquels a procédé l'intéressée sont approximatifs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2012 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Riffard, avocat du département de la Drôme ;

1. Considérant que Mme A, qui avait obtenu le 24 août 2000 du président du conseil général de la Drôme son agrément en qualité d'assistante maternelle, renouvelé le 24 août 2005 pour une période de cinq ans, a été recrutée par contrat à durée indéterminée conclu avec le département le 2 novembre 2000 pour accueillir des enfants confiés par le service de l'aide sociale à l'enfance ; que le 16 janvier 2009, le président du conseil général, qui lui reproche des fautes professionnelles, l'a licenciée ; qu'à la demande de Mme A, le Tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 21 octobre 2011, a annulé cette décision et condamné le département à lui verser une indemnité de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que Mme A fait appel de ce jugement en tant qu'il a limité à 3 000 euros l'indemnité qui lui est due ; que par la voie de l'appel incident, le département en demande l'annulation en tant qu'il a annulé le licenciement de l'intéressée et qu'il l'a condamnée à l'indemniser ;

Sur les conclusions de l'appel incident du département de la Drôme tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du 16 janvier 2009 :

2. Considérant que le Tribunal administratif de Grenoble a, par l'article 1er du jugement attaqué, annulé pour excès de pouvoir la décision du président du conseil général de la Drôme du 16 janvier 2009 et, par l'article 2 de ce même jugement, condamné le département à verser à Mme A une indemnité de 3 000 euros ; que Mme A demande la réformation de ce jugement en tant que l'indemnité allouée est insuffisante ; que les conclusions de l'appel incident du département, dirigées contre l'article 1er de ce jugement, soulèvent donc un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal ; que, dès lors, ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, sont irrecevables ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de la Drôme à la requête de Mme A :

3. Considérant que Mme A a acquitté la contribution pour l'aide juridique prévue par les dispositions de l'article 1635 bis Q du code général des impôts ;

4. Considérant que la requête présentée par Mme A, qui comporte une critique des motifs pour lesquels les premiers juges ont refusé d'indemniser son préjudice matériel, est suffisamment motivée ;

5. Considérant qu'aucune des fins de non-recevoir opposées par le département de la Drôme à la requête de Mme A ne peut donc être accueillie ;

Sur l'indemnisation des préjudices de Mme A :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les faits reprochés à Mme A, sur lesquels s'est fondé le président du conseil général de la Drôme pour prononcer son licenciement, n'étaient pas de nature, compte tenu notamment de l'absence de tout antécédent disciplinaire, à justifier légalement un telle mesure ; que, dès lors, en prononçant le licenciement de l'intéressée, le président du conseil général a commis une faute engageant la responsabilité du département ;

7. Considérant que Mme A peut seulement prétendre à la réparation du préjudice financier résultant pour elle des pertes de rémunérations et d'avantages en nature liés au bénéfice de tickets restaurant dont elle a été privée à compter du 22 mars 2009, date correspondant au lendemain du dernier jour du préavis de 2 mois suivant la mesure de licenciement du 16 janvier 2009, jusqu'au 23 août 2010, date de la fin de validité de son agrément ; que si, pour cette période, les pertes financières de l'intéressée s'élèvent au total à 35 200 euros environ, il résulte de l'instruction qu'elle a perçu du département une indemnité de licenciement de 2 672 euros et une somme de 18 365 euros à titre d'allocation de chômage ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier subi par Mme A en lui allouant à ce titre une indemnité s'élevant globalement à 14 200 euros ;

8. Considérant qu'en l'évaluant à 3 000 euros, le Tribunal a fait une juste appréciation du préjudice moral de Mme A ;

9. Considérant, en revanche, que Mme A ne justifie pas des pertes de droits à pension de retraite alléguées et que si elle se plaint également de pertes de droits au chômage, ce préjudice n'est qu'éventuel ;

10. Considérant qu'il suit de là que l'indemnité allouée à Mme A par le Tribunal doit être portée à la somme globale de 17 200 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a limité à 3 000 euros le montant de l'indemnité qui lui est due et que, d'autre part, le département de la Drôme n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il prononce cette condamnation ;

Sur les conclusions tendant à la réintégration de Mme A :

12. Considérant que le présent arrêt n'implique pas la réintégration de l'intéressée dans les effectifs du département ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au département de la Drôme de la réintégrer ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Drôme le versement à Mme A d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au département de la Drôme une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 3 000 euros que le département de la Drôme a été condamné à verser à Mme A par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 21 octobre 2011 est portée à 17 200 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 21 octobre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le département de la Drôme versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A, ensemble les conclusions du département de la Drôme, sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Michelle A et au département de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 novembre 2012.

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N° 11LY02994


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02994
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP A.B.G. ELVIRE GRAVIER-CLAUDE GRAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-11-08;11ly02994 ?
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