Vu les mémoires, enregistrés au greffe de la Cour les 23 décembre 2008, 2 mars 2009 et 13 mars 2009, présentés par Me Dumont, avocat, pour M. Maurice A, demeurant ... ;
M. A demande, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, l'exécution du jugement n° 0700627-0702215 du 27 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé pour excès de pouvoir la décision du 20 décembre 2006 de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nîmes-Bagnols-Uzes-le Vigan le licenciant, et a enjoint sans astreinte financière à ladite chambre de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière ;
M. A soutient que rien ne s'oppose à sa réintégration au sein de la CCI intimée en exécution du jugement en litige, notamment pas le fait qu'à la suite de ce jugement, il a été contraint pour des raisons financières de demander sa retraite anticipée à 58 ans ; cette retraite anticipée n'est pas définitive et le versement de sa pension peut être suspendu en cas de reprise d'activité chez son ancien employeur, comme l'atteste la CRAM du Languedoc-Roussillon ; il a produit un courrier dans lequel il s'engage à renoncer à percevoir sa pension de retraite s'il est réintégré ; il n'a pas encore atteint l'âge limite de 65 ans ; il n'est pas un fonctionnaire titulaire soumis à un régime spécial de retraite, mais un agent statutaire public d'un établissement public soumis au régime général de la sécurité sociale ; la CCI intimée soutient de façon contradictoire qu'il pourrait le cas échéant revenir travailler dans le cadre d'un cumul emploi-retraite, mais refuse de le réintégrer alors qu'il renonce à sa pension ; s'il a créé, une fois évincé, une société de conseil, c'était dans le seul but de compléter ses revenus qui étaient brutalement passés mensuellement d'un salaire de 4 700 euros à une pension de 1 054 euros ;
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Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2010 :
- le rapport de M. Brossier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public,
- et les observations de Me Maillot pour M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'État. ;
Considérant que l'Etat a mis fin, par arrêté interministériel du 31 janvier 2006 et à compter du 1er février 2006, à la concession d'outillage public accordée à la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes-Bagnols-Uzès-Le Vigan pour l'exploitation de l'aéroport de Nîmes, au profit d'un syndicat mixte composé du département du Gard et des communautés d'agglomération de Nîmes Métropole et du Grand Alès ; que la société privée Véolia a été retenue pour exploiter ledit aéroport par délégation de service public ; que la chambre intimée, qui en a poursuivi à titre transitoire l'exploitation jusqu'au 31 décembre 2006, a procédé le 20 décembre 2006 au licenciement de M. A, agent statutaire de droit public, au motif de la suppression budgétaire de son emploi de directeur de l'aéroport de Nîmes ; que le tribunal, par l'article 1er du jugement n° 0700627-0702215 dont l'exécution est en litige, a annulé pour excès de pouvoir ce licenciement en estimant que le dossier remis aux membres de la commission administrative paritaire locale, lors de la séance du 29 mai 2006 relative aux licenciements envisagés par la chambre à l'aéroport de Nîmes, était incomplet en méconnaissance de l'article 35-1 du règlement intérieur du personnel de la chambre de commerce et d'industrie et que, par suite, la procédure était irrégulière, eu égard au caractère substantiel de cette formalité ; que le tribunal, par l'article 2 dudit jugement dont l'exécution est en litige, a enjoint sans astreinte à la chambre intimée de réintégrer M. A dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière ; que ce même jugement n° 0700627-0702215 dont l'exécution est demandée dans la présente instance a fait par ailleurs l'objet d'un appel devant la Cour de céans enregistré sous le n° 08MA03195 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le licenciement en litige du 20 décembre 2006 de M. A a été effectif au 21 avril 2007 ; que l'intéressé a été, sur sa demande, admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2007 ; qu'il relève, s'agissant de son régime de retraite, du régime général de la sécurité sociale et que sa pension lui est versée par la CRAM du Languedoc Roussillon ;
En ce qui concerne la réintégration physique :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 15 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 :
Le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre du régime général de sécurité sociale, (...) est subordonné à la rupture définitive de tout lien professionnel avec l'employeur (...).
Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à la reprise d'une activité procurant des revenus qui, ajoutés aux pensions servies (...) sont inférieurs au dernier salaire d'activité perçu avant la liquidation de la ou desdites pensions et sous réserve que cette reprise d'activité, lorsqu'elle a lieu chez le dernier employeur, intervienne au plus tôt six mois après la date d'entrée en jouissance de la pension.
Lorsque l'assuré reprend une activité lui procurant des revenus qui, ajoutés aux pensions servies par les régimes mentionnés au premier alinéa ainsi que par les régimes complémentaires légalement obligatoires régis par le livre IX, sont supérieurs au plafond mentionné à l'alinéa précédent, il en informe la ou les caisses compétentes et le service de ces pensions est suspendu. ;
Considérant que l'article 88 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 a rajouté à cet article l'alinéa suivant :
Par dérogation aux deux précédents alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la rupture de tout lien professionnel avec le dernier employeur, condition de service de la pension, ne s'oppose pas à une reprise d'activité chez le dernier employeur et que dans ce cas, si l'activité retrouvée procure un cumul de revenus et de pensions dépassant le dernier salaire versé, le service de la pension est suspendu ; que dans ces conditions, la circonstance que l'intéressé a cessé d'être en position d'activité au sein de la CCI intimée à compter du 1er juin 2007, en raison du départ à la retraite anticipée qu'il avait demandé à l'âge de 58 ans à la suite de son licenciement, ne s'oppose pas à sa réintégration physique, dès lors que ledit licenciement a été annulé pour excès de pouvoir et que l'intéressé n'a pas atteint la limite d'âge de 65 ans à la date du présent arrêt, sous réserve que le service actuel de sa pension soit suspendu ; que la caisse de sécurité sociale qui verse ladite pension a au demeurant écrit à l'intéressé à cet égard en ne s'opposant pas à cette réintégration physique si elle est accompagnée de la suspension du service de la pension ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que la CCI intimée n'a pas exécuté l'article 2 du jugement en litige en tant qu'il lui enjoint de réintégrer l'intéressé dans ses fonctions ; qu'il y a lieu pour la Cour de confirmer par voie d'injonction la réintégration physique de M. A, dans son cadre statutaire et sur un emploi équivalent à celui qu'il occupait, sans qu'il soit nécessaire d'assortir ladite injonction d'une astreinte financière ;
En ce qui concerne la reconstitution rétroactive de la carrière et des droits sociaux :
Considérant toutefois que l'annulation du licenciement de M. A n'a pas fait disparaître de l'ordonnancement juridique la décision de mise à la retraite de l'intéressé à compter du 1er juin 2007 et que sa réintégration physique à compter de l'arrêt à intervenir, désormais possible sous réserve d'une suspension du service de la pension, n'a pas non plus pour objet de faire disparaître rétroactivement cette décision devenue définitive, mais seulement d'en suspendre provisoirement l'exécution ;
Considérant qu'il en résulte que la chambre de commerce et d'industrie n'a l'obligation de reconstituer rétroactivement la carrière et les droits sociaux de l'intéressé, en sa qualité d'agent statutaire, que sur la période courant de la date du licenciement effectif à la date de la mise en retraite anticipée, soit du 21 avril 2007 au 1er juin 2007 ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'aucun avancement de carrière ne serait intervenu sur une période aussi courte si le licenciement n'avait pas eu lieu ; que, dans ces conditions, l'article 2 du jugement en litige doit être regardé comme exécuté en ce qui concerne la reconstitution de la carrière ;
Considérant, d'autre part, qu'il est exact que l'exécution du jugement en litige a pour conséquence nécessaire la reconstitution des droits sociaux de l'intéressé en termes de cotisations retraite, laquelle ne peut être opérée que sur la période courant du 21 avril 2007 jusqu'au 1er juin 2007, soit 40 jours ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des observations provoquées par la mesure d'instruction décidée par la Cour, qu'à la suite du licenciement dont s'agit, la chambre a versé à l'intéressé pour solde de tout compte l'équivalent de 122 journées de travail, au titre des droits à congés non pris et à récupérer, sur lesquelles elle a versé les cotisations sociales afférentes ; que ces versements pour 122 journées de travail, total supérieur au montant susmentionné de 40 jours, n'auraient pas été effectués auprès des organismes sociaux si le licenciement n'avait pas eu lieu ; que, dans ces conditions, l'article 2 du jugement en litige doit être regardé comme exécuté en ce qui concerne la reconstitution des droits sociaux ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCI intimée la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. A ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est enjoint à la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes-Bagnols-Uzes-le Vigan de réintégrer M. A sur un emploi équivalent à celui qu'il occupait, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie de Nîmes-Bagnols-Uzes-le Vigan versera à M. A la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 3 : Le surplus de la requête n° 09MA03458 de M. A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de Nîmes-Bagnols-Uzes-le Vigan, à M. A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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