Vu la décision n° 301277 en date du 11 décembre 2008, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a : 1°) annulé, sur la demande de M. Phi Hung X, l'arrêt en date du 12 décembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 29 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 60 000 F (9 146,94 euros), majorée des intérêts à compter de la demande préalable, en réparation des préjudices subis du fait du refus de le promouvoir dans le corps de conducteur de travaux ; 2°) a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 24 juin 2004, et le mémoire complémentaire, enregistré le 18 avril 2006, présentés pour M. Phi Hung X, demeurant ... ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 60 000 F (9 146,94 euros) majorée des intérêts à compter de la demande préalable, en réparation des préjudices subis du fait du refus de le promouvoir dans le corps de conducteur de travaux ;
2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 9 146,94 euros, majorée des intérêts au taux légal, dûment capitalisés, en réparation des préjudices subis, du fait du refus de le promouvoir dans le corps de conducteur de travaux ;
3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 septembre 2009, présentée pour La Poste ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le décret n° 57-319 du 21 décembre 1957 modifié notamment par le décret n° 90-1224 du 31 décembre 1990 ;
Vu le décret n° 72-500 du 23 juin 1972 modifié notamment par le décret n° 92-930 du 7 septembre 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 2009 :
- le rapport de Mme Boulard, président assesseur ;
- les observations de Me Bellanger de la SCP Granrut avocats, avocat de La Poste ;
- les conclusions de Mme Dupuy, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant que M. X, fonctionnaire de La Poste, membre du corps dit de reclassement des agents d'exploitation de la branche distribution et acheminement, a, à diverses reprises lorsqu'il était en activité, sollicité l'établissement d'une liste d'aptitude pour l'accès au corps de conducteur des travaux de la même branche ; que La Poste a opposé un refus à ces demandes, motivé par l'impossibilité statutaire d'établir une telle liste, en l'absence de concours de recrutement dans ce corps ; que, par lettre du 19 octobre 1999, M. X a demandé, sans succès, l'indemnisation de son préjudice de carrière par suite du refus de La Poste d'établir ladite liste alors qu'il remplit les conditions d'ancienneté et de grade requises ; qu'il fait appel du jugement en date du 29 avril 2004, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre La Poste ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le tribunal administratif de Toulouse, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de M. X, a suffisamment exposé les raisons pour lesquelles il estimait que la faute, à raison de laquelle il demandait la condamnation de La Poste, n'était pas constituée ; que, par suite et quelle que soit la pertinence des motifs de ce jugement, le moyen tiré de son irrégularité doit être écarté ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après. (...) ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...) non seulement par voie de concours, selon les modalités définies au troisième alinéa 2°) de l'article 19 ci-dessus, (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...). / Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes ;
Considérant qu'en application des dispositions précitées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984, il appartient aux autorités compétentes de veiller à ce que les procédures statutaires applicables aux personnels de La Poste permettent le maintien des voies de promotion interne malgré l'arrêt de titularisations consécutives à des recrutements externes ; qu'il leur appartient, en conséquence, de prévoir des voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives à ces recrutements externes et ainsi de modifier les décrets portant statut des corps dits de reclassement ; qu'en l'absence de telles modifications, ces statuts, sur le fondement desquels il n'est donc pas possible d'établir de listes d'aptitude en l'absence de recrutements par concours, sont entachés d'illégalité ; qu'en fondant son refus de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés sur ces dispositions statutaires illégales, et à supposer même qu'aucun emploi que les agents des corps précités avaient vocation à occuper n'ait été vacant en son sein, La Poste a elle-même commis une illégalité ; que dès lors que pèse sur elle l'obligation d'assurer la promotion interne de ses agents, elle ne peut se prévaloir pour s'exonérer de sa responsabilité, en invoquant la cause étrangère , de la carence règlementaire des autorités compétentes de l'Etat, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle les ait d'elle-même et en vain sollicitées pour mettre fin à l'illégalité des statuts en cause ; que la faute commise par La Poste est donc de nature à entraîner sa responsabilité ; que, toutefois, elle n'ouvre droit à réparation au profit du requérant qu'à la condition qu'elle soit à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;
Considérant que, si M. X soutient qu'il remplissait dès 1994 les conditions de grade et d'ancienneté pour accéder au corps de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement de La Poste, l'avancement au choix ne constitue jamais un droit pour un fonctionnaire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que puisse être regardée comme établie une perte de chance sérieuse de promotion ; qu'en particulier, la circonstance qu'ait été proposée au requérant une promotion par intégration dans un corps de reclassification ne révèle pas la perte d'une chance de promotion dans un corps de reclassement ;
Considérant, toutefois, que M. X a subi un préjudice moral qui procède, comme il le soutient, de l'atteinte à ses droits statutaires, sans que puissent lui être reprochés ses refus d'intégrer un corps de reclassification ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme globale de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt ; que, dans cette mesure, le requérant est fondé à demander la réformation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par La Poste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de La Poste la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La Poste versera à M. X une indemnité de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 29 avril 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La Poste versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
''
''
''
''
4
No 08BX03327