LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie du Var de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Electricité de France, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, la Caisse nationale d'assurance maladie et le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Marseille ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir été employé de 1942 à 1952 par la société SFCM (la société), Yvan X... a exercé son activité au sein d'Electricité de France (EDF) de 1952 à 1982 ; qu'il a formulé le 11 janvier 1988 une demande de prise en charge d'une affection au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles à laquelle il a été fait droit par EDF ; qu'il a ensuite saisi tant EDF que la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; que sa demande ayant été rejetée, il a saisi d'un recours la juridiction de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique du pourvoi provoqué des consorts X... :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles L. 413-14 et D. 461-24 du code de la sécurité sociale et l'article 16 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;
Attendu, selon le premier et le troisième de ces textes, que la Caisse nationale des industries électriques et gazières (la CNIEG), chargée au 1er janvier 2005, d'assurer le fonctionnement du régime spécial du personnel des industries électriques et gazières, verse à celui-ci les prestations en espèces prévues par le livre IV du code de la sécurité sociale ; que, selon le deuxième, la charge des prestations, indemnités et rentes inhérentes à l'une des maladies professionnelles mentionnées à l'article D. 461-5 du code de la sécurité sociale incombe à la caisse d'assurance maladie ou à l'organisation spéciale de sécurité sociale à laquelle la victime était affiliée à la date de la première constatation médicale définie à l'article D. 461-7, ou, lorsque la victime n'est plus affiliée à cette date, à la caisse ou à l'organisation spéciale à laquelle elle a été affiliée en dernier lieu, quel que soit l'emploi occupé par elle ;
Attendu que, pour mettre à la charge de la caisse le montant des sommes allouées à Mmes Marie-Thérèse X..., épouse Y..., et Nicole X..., au titre de l'action successorale d'Yvan X..., décédé le 12 janvier 2005, l'arrêt, après avoir retenu la faute inexcusable de la société et rappelé les dispositions de l'article D. 461-24 susvisé, a décidé que celles-ci ne s'appliquaient pas en cas de faute inexcusable, seul l'organisme de l'employeur déclaré responsable de celle-ci pouvant être amené à faire l'avance des sommes allouées que l'organisme a vocation à se faire rembourser par l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare non admis le pourvoi provoqué ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que l'avance des sommes allouées au titre de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale doit être faite par la caisse primaire d'assurance maladie du Var, en ce qu'il a condamné celle-ci à rembourser la somme de 200 248,72 euros à la Caisse nationale des industries électriques et gazières venant aux droits d'EDF-GDF (IEG pensions) qui en avait fait l'avance, et en ce qu'il a dit que le montant des indemnités ainsi fixées sera définitivement supporté par la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général, l'arrêt rendu le 24 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la Caisse nationale des industries électriques et gazières aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des consorts X... et de la Caisse nationale des industries électriques et gazières ; condamne la Caisse nationale des industries électriques et gazières à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Var
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'avance des sommes allouées aux consorts X... au titre de l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale devait être faite par la CPAM du VAR, d'avoir condamné cette dernière à rembourser à la CNIEG qui en avait fait l'avance la somme de 200.248,72 , d'avoir dit que le montant des indemnités allouées devait être supporté par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale et d'avoir condamné les consorts X... à restituer à la CPAM du VAR la somme de 89.248,72 trop perçue ;
AUX MOTIFS QUE, par l'effet de la loi du 9 août 2004, applicable à compter du 1er janvier 2005, avait été instituée une CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERES, organisme de droit privé chargé en lieu et place de EDF-GDF (IEG Pensions) du régime d'assurance sociale y compris les accidents du travail qui, par l'effet de la loi, reprenait l'ensemble des droits de EDF-GDF (IEG Pensions) ; qu'il y avait lieu d'en prendre acte, de mettre hors de cause EDF-GDF et de dire que les effets de l'arrêt seraient dirigés vers EDF-GDF (IEG Pensions) ; qu'il était constant que l'employeur responsable de la faute inexcusable à l'origine de l'accident était la Société SFCM ; que si les dispositions de l'article D 461-24 mettaient à la charge de l'organisme social dont dépendait le dernier employeur la charge de l'avance des sommes allouées au titre des prestations et rente, il en allait autrement dans le cadre de la faute inexcusable à propos de laquelle seul l'organisme de l'employeur déclaré responsable pouvait être amené à faire l'avance des sommes allouées, celles-ci ayant d'ailleurs un caractère indemnitaire à raison de cette faute, alors au surplus que l'organisme avait vocation à se faire rembourser par l'employeur responsable le montant des sommes avancées ; que de manière erronée, le premier juge avait cru devoir charger le dernier employeur de cette obligation alors que l'organisme assurant les prestations de la Société SFCM, responsable de la faute, représentée par la Société NORMED aux droits de laquelle venait Maître Z..., ne pouvait être que la CPAM du VAR ; qu'il convenait en conséquence de réformer la décision de ce chef et de dire que l'avance des frais et indemnités en cause serait mise à la charge de cette caisse ; qu'il convenait de faire observer qu'aucune demande n'était présentée quant à la prise en charge de la rente d'Yvan X... et de sa majoration, de sorte que ne subsistait en litige que le montant de l'indemnisation du préjudice dans les conditions prévues par l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale ; qu'en outre, en l'état de la disparition de l'entreprise responsable, laquelle faisait l'objet d'une liquidation judiciaire et alors qu'il n'était pas établi que l'organisme social concerné, la CPAM, ait produit à cette procédure, la charge des frais et sommes alloués serait définitivement supportée par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la caisse d'assurance maladie ; qu'il n'était pas discuté qu'EDF-GDF (IEG Pensions) avait, en exécution du jugement, procédé à l'avance des sommes mises de manière erronée à sa charge pour un montant de 200.248,72 ; qu'il convenait de condamner la CPAM du VAR au remboursement de cette somme à la CNIEG ; que les sommes allouées en définitive aux consorts X... étant inférieures au montant des sommes versées au titre du jugement réformé, il devrait être procédé à un compte au titre de la succession laquelle devrait restituer à la CPAM du VAR les sommes indûment perçues, à titre d'avance, déduction faite des sommes allouées par le présent arrêt ;
ALORS QU' il résulte des dispositions de l'article D 461-24 du Code de la Sécurité Sociale et de l'article 16 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 que la charge du versement des prestations et indemnités dues à la victime d'une maladie professionnelle du tableau n° 30 incombe à la CNIEG, tenue d'assurer, à compter du 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières dès lors que la maladie a fait l'objet d'une première constatation médicale à une date à laquelle la victime avait cessé d'être affiliée à tout régime couvrant le risque professionnel et avait relevé en dernier lieu du régime spécial des industries électriques et gazières ; qu'en exonérant la CNIEG de cette charge au motif que seul le régime de sécurité sociale dont relevait l'employeur auteur de la faute inexcusable devait verser les indemnisations complémentaires, et en condamnant la CPAM du VAR à rembourser à la CNIEG les sommes que EDF-GDF (IEG Pensions) avait versées au titre de l'exécution provisoire, la Cour d'Appel a violé les articles L 413-14, L 452-2, L 452-3, D 461-24, L 711-1, R 711-1 du Code de la Sécurité Sociale, ensemble l'article 16 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi provoqué par la SCP Le Bret Desaché, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté comme irrecevable la demande de réparation des préjudices moraux des héritiers X..., dépourvu de la qualité d'ayants droit au sens de l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale.
AU MOTIF QUE si les héritiers d'une victime sont recevables à voir intégrer dans le patrimoine successoral les sommes que le défunt aurait dû percevoir de son vivant, l'action de ceux-ci n'est par contre recevable que pour autant qu'ils bénéficient du statut d'ayants droit dans les conditions posées par le texte de l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale et plus particulièrement que le lien entre le décès et la maladie soit établi et reconnu par l'organisme social responsable ; qu'en l'espèce, même si le mésothéliome est généralement admis comme étant une affection spécifique lié à l'amiante, ce lien entre le décès de Yvan X... et sa maladie n'est pas justifiée par une reconnaissance de la caisse ; qu'ainsi les consorts X... ne peuvent se prévaloir de la qualité d'ayants droit et ne sont recevables qu'à exercer l'action successorale ; qu'il convient en conséquence de les débouter de leurs demandes d'indemnisation du préjudice personnel.
ALORS QUE D'UNE PART la Cour d'Appel ne pouvait sans se contredire indiquer que les consorts X..., es-qualités d'héritières de Yvan X... auraient été toutes les deux non comparantes à l'audience (cf arrêt p 1), tout en précisant qu'à l'audience, après avoir sollicité les observations des parties quant à la recevabilité du recours des consorts X... en qualité d'ayant droit, les consorts X... ont maintenu leurs demandes (cf arrêt p 4 avant dernier §), ce qui impliquait qu'elles étaient bien comparantes s'agissant d'une procédure orale d'où une violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS QUE D'AUTRE PART et en tout état de cause, l'article 40 de la loi nº 98-1194 du 23-12-1998, modifié par l'article 49 de la loi du 21 décembre 2001, applicable aux procédures en cours concerne toutes les indemnités dues aux ayants droit des victimes de l'amiante, sans qu'il y ait à distinguer entre ceux qui ont vocation à la rente (visés par les articles L.434-7 du code de la sécurité sociale) et les ascendants ou descendants qui peuvent demander réparation de leur préjudice moral (sur le fondement de l'article L.452-3) ; qu'il s'ensuit que les enfants d'un salarié décédé de l'amiante, lesquels justifient d'un intérêt à agir en reconnaissance du caractère professionnelle de la maladie de leur auteur, sont recevables à solliciter dans le cadre d'une action en faute inexcusable tant la réparation en leur qualité d'ayant droit du préjudice moral subi par leur père que celle de leur propre préjudice moral ; qu'en décidant que l'action des consorts X... en réparation de leur propre préjudice moral n'était recevable que pour autant qu'elles bénéficient du statut d'ayants droit dans les conditions posées par le texte de l'article L 452-3 du code de la Sécurité Sociale, la cour d'appel a violé les articles 40 de la loi nº 98-1194 du 23-12-1998, modifié par l'article 49 de la loi du 21 décembre 2001, L 434-7, L 434-13 et L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale.