LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2007), que la société Mutua équipement (la société) ayant été mise en liquidation judiciaire, M. Jacques X..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société, a obtenu en référé la désignation de deux experts judiciaires chargés de rechercher l'origine et les causes des difficultés financières de la société puis a engagé une action en comblement du passif social à l'encontre de plusieurs anciens dirigeants de droit et de fait de la société, parmi lesquels M. Jean-Claude Y..., dirigeant de fait de la société Sifac ; que le tribunal a condamné M. Y... à payer au liquidateur judiciaire une certaine somme sur le fondement de l'article L. 624-3 du code de commerce alors applicable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité du rapport d'expertise, alors, selon le moyen, que l'exigence d'impartialité, à laquelle est soumis tout tribunal, doit être appréciée subjectivement et objectivement ; que l'un des experts au vu du rapport duquel le tribunal s'était prononcé ayant été en relation d'affaires avec M. Y..., ce qui l'avait conduit, en raison d'un souci d'impartialité exagéré, à négliger les arguments que ce dernier avait fait valoir pour défendre sa position lors des opérations d'expertise et, ainsi, à adopter une attitude partiale et finalement défavorable à celui-ci, la cour d'appel, en négligeant de vérifier l'impartialité subjective de l'expert, comme il le lui était pourtant demandé, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'un des experts ayant rédigé et signé le rapport d'expertise judiciaire était, entre 1988 et 1990, le commissaire aux comptes d'une société dont M. Y... était le dirigeant, que son cabinet d'expertise-comptable avait effectué, en 1986 et 1987, des travaux comptables et des analyses financières pour plusieurs sociétés également dirigées par M. Y..., et que celui-ci avait participé aux opérations d'expertise en présence de l'expert en cause, sans soumettre de problème d'incompatibilité ni demander sa récusation ; que M. Y..., qui avait nécessairement connaissance des missions d'expertise comptable préalablement menées par l'expert auprès de sociétés qu'il dirigeait, n'est pas recevable à invoquer devant la Cour de cassation la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant l'expert par application de l'article 234 du code de procédure civile et qu'en s'abstenant de le faire avant le début des opérations d'expertise, il a ainsi renoncé sans équivoque à s'en prévaloir ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner, comme dirigeant de fait de la société Mutua équipement, à combler le passif de cette dernière, alors, selon le moyen, que l'autorité de la chose jugée au pénal interdit à la juridiction civile de méconnaître ce qui a été définitivement jugé par le juge répressif ; que la cour d'appel de Paris ayant, par un arrêt confirmatif du 29 mars 2006, jugé que la société Sifac, dirigée par M. Y..., s'était comportée comme simple mandataire de la société Mutua ce qui excluait l'accomplissement, au sein de celle-ci, d'actes de gestion fautive, la cour d'appel en condamnant M. Y..., en tant que dirigeant de fait de la société Mutua, à combler le passif de cette société à hauteur de 100 000 euros, a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;
Mais attendu que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'étend qu'a ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, à sa qualification et à la culpabilité ou à l'innocence de celui à qui ce fait est imputé ; qu'après avoir constaté que les décisions de relaxe étaient intervenues lors de poursuites dirigées à l'encontre de M. Y... pour escroquerie et de la société Sifac pour exercice illégal de la profession de banquier, c'est sans méconnaître l'autorité de la chose jugée que la cour d'appel, relevant que les fautes reprochées sur le fondement de l'article L. 624-3 du code de commerce alors applicable n'étaient pas identiques à celles écartées par les décisions de relaxe, a retenu que M. Y... avait accompli des actes de gestion fautifs ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société Mutua équipement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de M. Y... et de M. X..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Monsieur Y... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception de nullité du rapport d'expertise.
AUX MOTIFS QUE le rapport d'expertise judiciaire soutenant l'action du mandataire liquidateur a été rédigé, et signé le 18 juillet 2002, par deux experts-comptables, Monsieur Régis Z... et Monsieur Paul A... ; qu'il a été démontré que Monsieur Z... figurait au registre du commerce depuis 1988 comme commissaire aux comptes de la société « Groupe JCP/ SA Logis France » dont Monsieur Jean-Claude Y... était le PDG lorsqu'elle a été mise en liquidation judiciaire le 12 février 1990 ; qu'il a aussi été démontré que le cabinet d'expertise comptable de Monsieur Z... a effectué en 1986 et 1987 des travaux comptables et des analyses financières pour plusieurs sociétés dont Monsieur Jean-Claude Y... était également le dirigeant , spécialement l'entreprise individuelle JCP ASSURANCES immatriculée dans la Nièvre ; que Monsieur Y... a participé aux réunions d'expertise et s'est trouvé en présence de Monsieur Z..., sans jamais soulever un problème d'incompatibilité, ni récuser cet expert ; que sa demande de nullité du rapport d'expertise, formulée seulement en 2004, au motif que les experts ont commis des erreurs et recherché à tout prix sa responsabilité, est donc tardive et dilatoire ; que de toutes façons, ni lui, ni les autres appelants ayant soulevé cette exception, n'expliquent en quoi le fait pour Monsieur Z... d'avoir examiné la comptabilité de sociétés animées par Monsieur Y... entre 1986 et 1990 a pu nuire à l'impartialité de cet expert dans la mission qui lui a été confiée environ dix ans plus tard dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Mutua Equipement dont les relations avec Monsieur Jean-Claude Y... et les société Sifac et Siacar, également animées par lui, ont débuté au plus tôt en 1993 ; qu'ainsi en l'absence de tout élément pouvant laisser penser que la neutralité de l'un des experts commis pouvait être altérée, l'exception de nullité du rapport d'expertise est mal fondée ;
ALORS QUE, l'exigence d'impartialité, à laquelle est soumis tout tribunal, doit être appréciée subjectivement et objectivement ; que l'un des experts au vu du rapport desquels le tribunal s'était prononcé ayant été en relation d'affaires avec Monsieur Y..., ce qui l'avait conduit, en raison d'un souci d'impartialité exagéré, à négliger les arguments que ce dernier avait fait valoir pour défendre sa position lors des opérations d'expertise et, ainsi, a adopter une attitude partiale et finalement défavorable à celui-ci, la Cour d'appel, en négligeant de vérifier l'impartialité subjective de l'expert, comme il le lui était pourtant demandé, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Monsieur Y... reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné, comme dirigeant de fait de la société Mutua Equipement, à combler le passif de cette dernière à hauteur de 100.000
AUX MOTIFS QUE Monsieur Jean-Claude Y... est poursuivi par le liquidateur des sociétés MUTUA EQUIPEMENT et MUTUA SERVICES comme ayant exercé personnellement une gestion ou une direction de fait des activités CMI et garanties financières de MUTUA EQUIPEMENT ; que Monsieur Jean-Paul Y... oppose principalement que la société SIFAC par son intermédiaire a seulement agi en vertu du mandat qui lui avait été confié, que le considérer comme administrateur de fait serait contraire à la chose jugée au pénal et au civil ; qu'il convient donc de se pencher sur les relations entre la société de caution mutuelle et la société SIFAC exerçant une activité d« interface de sociétés d'assurance et financières » ; que Monsieur Jean-Claude Y... a été le seul interlocuteur des dirigeants de la société Mutua Equipement pendant toute la période critique, de mai 1995 à la liquidation de la société ; que si la société SIFAC s'est immiscée dans la gestion de Mutua Equipement, c'est donc par son entremise personnelle ; que les deux sociétés étaient liées par diverses conventions ; que la rédaction de ces conventions et les éléments recueillis par les experts montrent que la répartition des tâches entre Mutua Equipement et Sifac privilégiait l'intervention de la seconde et que Sifac a tout fait pour gérer seule les activités de CMI et de garanties financières, notamment au moyen de délégations de signature et de l'utilisation du papier à en-tête et du cachet de la société de caution mutuelle ; que la décision d'octroi des garanties se situait en fait au niveau des sociétés Sifac et Siacar et non pas chez Mutua Equipement, les comités de crédit n'ayant pas eu à les examiner dans la majorité des cas ; qu'il ressort en outre des vérifications effectuées par les experts que la société Sifac était moins préoccupée par le contrôle financier et technique rigoureux des constructeurs cautionnés que par le soutien de son portefeuille de 300 constructeurs de maison individuelle, appuyant leur activité par l'octroi de cautionnements dans un domaine difficile où les compagnies d'assurance sont craintives ; qu'il est démontré que la société Sifac s'est affranchie du cadre des conventions signées avec la société Mutua Equipement, devenant le décideur effectif de l'octroi des garanties, ce qui caractérise une gestion de fait, qui s'est exercée dans son propre intérêt et au détriment de celui de la société Mutua Equipement engagée dans des risques inconsidérés couverts par une réassurance illusoire ; que ces faits caractérisent de la part de la société Sifac et de Monsieur Jean-Claude Y... agissant pour son compte, l'accomplissement en toute indépendance d'actes de gestion fautifs, ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société Mutua Equipement ; que ni l'existence du mandat, ni la défaillance des organes de la société Mutua Equipement dans le contrôle qu'ils auraient dû exercer sur leur mandataire n'est de nature à exonérer la société Sifac et Monsieur Jean-Claude Y... des responsabilités consécutives au mauvais accomplissement des tâches qui leur incombaient ; que de même, les décisions de relaxe intervenues lors de poursuites de Monsieur Jean-Claude Y... pour escroquerie et de la société Sifac pour exercice illégal de la profession de banquier n'interdisent pas de les sanctionner s'ils ont engagé leur responsabilité au sens de l'article L 624-3 du code de commerce, les fautes reprochées n' étant pas identiques.
ALORS QUE l'autorité de la chose jugée au pénal interdit à la juridiction civile de méconnaître ce qui a été définitivement jugé par le juge répressif ; que la cour d'appel de Paris ayant, par un arrêt confirmatif du 29 mars 2006, jugé que la société SIFAC, dirigée par Monsieur Y..., s'était comportée comme simple mandataire de la société Mutua ce qui excluait l'accomplissement, au sein de celle-ci, d'actes de gestion fautive, la Cour d'appel en condamnant Monsieur Y..., en tant que dirigeant de fait de la société Mutua, à combler le passif de cette société à hauteur de 100.000 a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil.