LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre avril deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
ANNULATION sur le pourvoi formé par X... Marie-Guylène, épouse Y..., contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 10 janvier 2007, qui, dans l'information suivie contre elle du chef d'escroquerie en bande organisée, a déclaré irrecevable sa requête en annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 8 février 2007, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 170, 173 et 173-1 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, excès de pouvoir :
"en ce que l'ordonnance attaquée a déclaré irrecevable la requête en nullité présentée par Marie-Guylène X..., épouse Y... ;
"aux motifs que, "par requête parvenue le 22 décembre 2006 au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'avocat de Marie-Guylène X..., épouse Y..., entend solliciter l'annulation des pièces suivantes : - auditions du 28 mars 2006 (Db 559 à Db 605), - interrogatoire de première comparution de l'intéressée du 21 juin 2006 (Db 705) ; que l'article 173-1 du code de procédure pénale dispose : "sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution où de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans le cas ou elle n'aurait pu les connaître. Il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs" ; que le délai susvisé expirait le 21 décembre 2006 à 24 heures ; que la requête parvenue le 22 décembre 2006 au greffe de la chambre de l'instruction est donc irrecevable comme tardive" ;
"alors que, premièrement, la requête en annulation de l'interrogatoire de première comparution ou des actes accomplis antérieurement doit être formée dans un délai de six mois à compter de la notification à la personne de sa mise en examen ; que lorsque le demandeur à cette requête ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction, cette requête peut être formée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que dans ce cas de figure, la date à laquelle la requête est réputée avoir été déclarée au greffe est la date à laquelle la lettre recommandée a été reçue ; qu'au cas d'espèce, il est constant que le délai ouvert à Marie-Guylène X..., épouse Y..., pour déposer sa requête en annulation expirait le 21 décembre 2006 ; que la lettre recommandée contenant cette requête a été expédiée par son avocat le 18 décembre 2006, pour être reçue le 21 décembre de la même année comme en atteste la date apposée par les services du greffe de la cour d'appel sur l'avis de réception ; d'où il suit qu'en déclarant irrecevable cette requête, au motif matériellement et manifestement inexact que la requête avait été reçue le 22 décembre 2006, le président de la chambre de l'instruction a excédé les pouvoirs qu'il tient de l'article 173 du code de procédure pénale ;
"et alors que, deuxièmement, à supposer même qu'il faille distinguer entre la date à laquelle la lettre recommandée contenant la requête en annulation est reçue par les services généraux du greffe de la cour d'appel et la date à laquelle ces services l'ont transmise au greffe de la chambre de l'instruction, cette circonstance ne saurait permettre de considérer comme tardive la requête parvenue par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux services généraux du greffe de la cour d'appel dans le délai, peu important que ces derniers ne l'aient transmise au greffe de la chambre de l'instruction qu'au-delà du délai, dès lors que le demandeur à la requête avait bien adressé celle-ci au greffe de la chambre de l'instruction et qu'il n'a pas la maîtrise du délai qui sépare l'arrivée d'un pli recommandé à la cour d'appel et son acheminement, par les services de cette cour, à l'organe concerné ; d'où il suit qu'au cas d'espèce, même à supposer que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception contenant la requête en annulation ne soit matériellement parvenue au greffe de la chambre de l'instruction que le 22 décembre 2006, par suite de son réacheminement par les services internes de la cour d'appel, cette circonstance était indifférente dès lors qu'il était constant que le pli avait été reçu par cette même cour d'appel le 21 décembre 2006 ; qu'à cet égard encore, le président de la chambre de l'instruction a excédé les pouvoirs qu'il tient de l'article 173 du code de procédure pénale" ;
Vu les articles 173 et 173-1 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'article 173, dernier alinéa, du code de procédure pénale que le président de la chambre de l'instruction, saisi par l'une des parties d'une requête en annulation d'actes ou de pièces de la procédure, doit la soumettre à la chambre de l'instruction, sauf s'il constate son irrecevabilité dans l'un des cas limitativement énumérés audit article ;
Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure que Me Gosset, avocat au barreau de Paris, et conseil de Marie-Guylène X..., a adressé au greffe de la chambre de l'instruction, conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure pénale, une requête en annulation par lettre recommandée avec accusé de réception ;
Attendu que, pour déclarer cette requête irrecevable comme tardive, le président de la chambre de l'instruction retient qu'elle est parvenue au greffe de cette juridiction le 22 décembre 2006, alors que le délai imposé par l'article 173-1 du code précité à la personne mise en examen pour présenter une telle requête expirait la veille, à minuit ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que cette requête, qui avait été adressée au greffe de la chambre de l'instruction, a bien été reçue le 21 décembre 2006 à la cour d'appel, comme l'établissent les mentions figurant sur l'accusé de réception, et que les délais d'acheminement interne à cette juridiction ne sauraient faire grief à la personne mise en examen, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs ;
D'où il suit que l'annulation est encourue ;
Par ces motifs :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 10 janvier 2007 ;
DIT que la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence se trouve saisie, par l'effet de l'annulation prononcée, de la requête présentée, sur le fondement de l'article 173 du code de procédure pénale, par Marie-Guylène X..., épouse Y... ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge où à la suite de l'ordonnance annulée ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Le Gall conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Lazerges conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;