N° 2199
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois avril deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
CASSATION PARTIELLE et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Montpellier, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre spéciale des mineurs, en date du 8 septembre 2006, qui, dans la procédure suivie contre Saïd X..., a prononcé la nullité de la procédure ;
Vu le mémoire produit ;
Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis, pris de la violation des articles 4 VI de l'ordonnance du 2 février 1945, 171, 591 et 593 du code de procédure pénale, contradiction, défaut et insuffisance de motifs :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 4 octobre 2004, à 1 heure 15, Saïd X..., mineur, interpellé par les services de police et placé immédiatement en garde à vue, a été interrogé, sans que cet interrogatoire fasse l'objet d'un enregistrement audiovisuel, en raison d'un "problème informatique", selon les mentions du procès-verbal établi par l'officier de police judiciaire ; que le mineur, mis en examen par le juge des enfants, a été renvoyé devant le tribunal pour enfants du chef de tentative de vol avec arme, sans que lui ait été notifié l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 du code de procédure pénale ; que Saïd X... a saisi le tribunal d'une exception de nullité tirée de ce que les dispositions de l'article 4 VI de l'ordonnance du 2 février 1945 n'avaient pas été respectées ;
Attendu que, pour prononcer la nullité de la procédure, l'arrêt confirmatif énonce que l'impossibilité, avancée par les fonctionnaires de police, de réaliser l'enregistrement audiovisuel de Saïd X... en raison d'un "problème informatique", ne suffit pas, en l'absence de toute autre précision, à caractériser la cause insurmontable qui justifierait l'omission de cette obligation légale ; que les juges ajoutent que le non-respect des dispositions de l'article 4 VI de l'ordonnance du 2 février 1945 prive le mineur de la protection légale et porte ainsi atteinte à ses intérêts ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que le défaut d'enregistrement audiovisuel des interrogatoires d'un mineur placé en garde à vue, non justifié par un obstacle insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée, la chambre spéciale des mineurs a fait l'exacte application des textes visés aux moyens ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 520 du même code :
Vu les articles 174, 802 et 520 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, il résulte des dispositions combinées des articles 174 et 802 du code de procédure pénale que, lorsqu'une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure, seuls doivent être annulés les actes affectés par cette irrégularité et ceux dont ils sont le support nécessaire ;
Attendu que, d'autre part, la disposition de l'article 520 du même code, qui oblige les juges à évoquer le fond lorsque le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée des formes prescrites par la loi à peine de nullité, n'est pas limitative et s'étend aux cas où l'irrégularité s'attache à l'enquête et affecte l'acte par lequel le tribunal a été saisi ;
Attendu que, sur appel, par le ministère public, d'un jugement du tribunal pour enfants ayant, à la requête du prévenu, prononcé la nullité de l'ensemble de la procédure, les juges du second degré ont, après avoir constaté à bon droit l'irrégularité du procès-verbal d'interrogatoire du mineur au cours de sa garde à vue, confirmé, en toutes ses dispositions, la décision entreprise ;
Mais attendu qu'en procédant ainsi, alors qu'il lui appartenait, d'une part, de cantonner l'annulation à l'acte entaché d'irrégularité et à ceux dont il constituait le support nécessaire, d'autre part, d'user du pouvoir d'évoquer qu'elle tient de l'article 520 du code de procédure pénale et de statuer au fond, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ces chefs ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, mais en ses seules dispositions relatives à l'étendue de l'annulation et à l'obligation d'évoquer, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 8 septembre 2006 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, chambre spéciale des mineurs, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Joly conseiller doyen, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Anzani, M. Beyer, Mmes Palisse, Guirimand, MM. Guérin, Bayet conseillers de la chambre, M. Valat, Mmes Ménotti, Lazerges conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;