AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize décembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Robert,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 1er septembre 2006, qui, dans l'information suivie contre lui pour importation, détention et diffusion d'images de mineurs à caractère pornographique, corruption de mineurs en récidive, a rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 23 octobre 2006, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6-1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par la loi du 7 avril 1997, 131-36-1 du code pénal, 56 et suivants, 80, 81, 96, 170 et suivants, 763-1, D. 49-14 et suivants, R. 61 et suivants, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation ni de la saisie des correspondances échangées entre Robert X... et son avocat Me Coutaz, ni de la procédure subséquente ;
"aux motifs que, au cours de la perquisition opérée au domicile de Robert X..., l'officier de police judiciaire a saisi notamment la lettre adressée à Robert X... par son avocat et la réponse consécutive de Robert X..., telles que décrites ci-dessus ; que selon sa jurisprudence constante, la Cour de cassation a, distinguant entre secret professionnel et respect des droits de la défense, affirmé le caractère saisissable des documents couverts par le secret professionnel, seuls ceux qui touchent aux droits de la défense échappant absolument à toute saisie ; que la lettre de l'avocat de Robert X... et la réponse de celui-ci, telles que sus-relatées, sont étrangères à la défense de Robert X..., dans la présente affaire comme dans toute autre, en ce qu'elles ne concernent que le paiement des dommages-intérêts dus à la victime d'une infraction pénale, à raison de laquelle Robert X... avait été pénalement et civilement condamné ; qu'en cet état, la méconnaissance du droit alléguée n'étant pas caractérisée, il convient de rejeter la présente requête et de dire qu'il n'y a pas lieu à quelque annulation que ce soit, dès lors que la procédure est régulière par ailleurs ;
"alors que, d'une part, les correspondances échangées entre l'avocat et ses clients sont couvertes par le secret professionnel et échappent à toute saisie, sauf, à titre exceptionnel, lorsqu'elles sont de nature à caractériser la participation de l'avocat à une infraction ; qu'en déduisant l'absence de confidentialité et d'atteinte au secret professionnel de l'avocat de la seule affirmation que les pièces saisies seraient étrangères à l'exercice des droits de la défense dans la présente affaire comme dans toute autre, en ce qu'elles ne concernent que le paiement des dommages-intérêts dus à la victime d'une infraction pénale, à raison de laquelle le mis en examen avait été pénalement et civilement condamné, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors que, d'autre part, la lettre du 2 août 2005, adressée par l'avocat à son client, et saisie par l'officier de police judiciaire, est relative à l'exécution de l'obligation d'indemniser les victimes, imposée par le suivi socio-judiciaire ordonné par le tribunal correctionnel de Grenoble, le 30 mai 2005, dans une instance distincte ; que cette correspondance n'est donc nullement étrangère à l'exercice des droits de la défense au cours de l'application de la peine prononcée à l'encontre du mis en examen ;
qu'ainsi la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés" ;
Vu les articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que le pouvoir, reconnu à l'officier de police judiciaire par les articles 56 et 76 du code de procédure pénale ou au juge d'instruction par l'article 96 dudit code, de saisir les objets et documents utiles à la manifestation de la vérité trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les policiers, au cours d'une perquisition effectuée en enquête préliminaire au domicile de Robert X..., ont saisi, notamment, une correspondance que lui avait adressée son avocat ainsi qu'un brouillon manuscrit de réponse de l'intéressé ;
Attendu que, pour écarter le moyen tiré de l'annulation de la saisie de ces documents, présenté par la personne mise en examen, la chambre de l'instruction relève que ces lettres, qui concernaient les réparations civiles au paiement desquelles Robert X... avait été condamné dans une instance pénale distincte, n'intéressaient pas les droits de la défense dans le dossier soumis à la chambre de l'instruction ni dans toute autre procédure ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les courriers en cause, qui portaient sur l'exécution d'une condamnation pénale, en l'espèce un suivi socio-judiciaire, n'étaient pas dépourvus de tout lien avec l'exercice des droits de la défense, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe énoncé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 1er septembre 2006, et, pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Chanet, M. Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan conseillers de la chambre, M. Sassoust conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;