AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Sonia,
- LE PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS en sa qualité de tuteur de Laure Y...,
- LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL DE LA SEINE-SAINT-DENIS en sa qualité d'administrateur ad hoc d'Alexia Z..., parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 26 janvier 2006, qui, dans la procédure suivie contre Hedi A... des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction pour les faits concernant Sonia X... et, infirmant cette ordonnance, a dit n'y avoir lieu à suivre contre Hedi A... des chefs d'agressions sexuelles aggravées sur les personnes d'Estelle B..., Laure Y... et Alexia Z... ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 octobre 2006 où étaient présents : M. Cotte président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mmes Chanet, Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 6°, du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Sonia X... et pris de la violation des articles 222-23 et 222-24 du code pénal, 575, alinéa 2, 6°, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à suivre contre Hedi A... des chefs de viols et d'agressions sexuelles commis sur Sonia X..., alors mineure de 15 ans, par personne ayant autorité ;
"aux motifs que les agressions sexuelles aujourd'hui dénoncées par Sonia X... ne se trouvent corroborées par aucun témoignage probant ni aucun élément objectif de la procédure, les conclusions de l'expert ne pouvant à elles seules constituer une charge suffisante pour justifier le renvoi du mis en examen qui a toujours nié les faits ;
"alors, d'une part, qu'en excluant à l'encontre d'Hedi A... toute charge de viols sur Sonia X..., au motif que les déclarations de la partie civile jugées crédibles par l'expert n'étaient corroborées par aucun élément objectif de la procédure et que les conclusions de l'expert ne pouvaient à elles seules constituer une charge suffisante sans relever le moindre élément de nature à remettre en question les déclarations jugées crédibles de la partie civile, et tout en relevant (cf. arrêt, p. 4 et 5) que d'autres mineures avaient, d'une manière concordante et de façon crédible selon les experts, mis en cause Hedi A... pour des agressions sexuelles, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de motifs et d'une contradiction de motifs équivalant à une absence de motifs, de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors, d'autre part, qu'en excluant à l'encontre d'Hedi A... toute charge de viols sur Sonia X..., au motif que le mis en examen avait toujours nié les faits, sans répondre au mémoire de la partie civile faisant valoir que les dénégations d'Hedi A..., notamment ses déclarations selon lesquelles il ne serait jamais resté seul avec la mineure et ne l'aurait jamais prise dans son lit, étaient mensongères et contredites par Ourdia C..., épouse d'Hedi A... et mère de Sonia X..., elle-même (cf. mémoire, p. 4), la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs, de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre Hedi A... d'avoir commis les infractions de viols et agressions sexuelles aggravés sur la personne de Sonia X... ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable ; qu'il en est de même du pourvoi par application du texte précité ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour les autres demandeurs et pris de la violation des articles 222-22, 222-29 et 222-30 du code pénal, 202, 575, alinéa 2, 6°, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, excès de pouvoirs ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Hedi A... des chefs d'agressions sexuelles commises sur Laure Y... et Alexia Z..., mineures de 15 ans, par personne ayant autorité ;
"aux motifs que, régulièrement saisie du seul appel de Sonia X..., la chambre de l'instruction tient de l'article 202 du code de procédure pénale le pouvoir de statuer à l'égard d'Hedi A... sur tous les chefs de poursuites résultant de la procédure ; qu'il sera donc statué sur l'ensemble des faits visés au réquisitoire introductif ; que, s'agissant des attouchements prétendument subis par Laure Y..., il résulte des pièces de l'information que les déclarations initiales de la fillette, recueillies à l'issue d'une journée de prévention sur les abus sexuels, n'ont été précédées d'aucune suspicion d'agression de ce type ; que l'érythème relevé sur la vulve de la jeune Alexia Z... ne saurait, en l'absence de tout autre élément et de toute accusation portée par l'enfant à l'encontre d'Hedi A..., établir la réalité d'un abus sexuel subi par celle-ci ;
"alors, d'une part, que le pouvoir d'évocation de la chambre de l'instruction ne peut s'étendre à des faits imputés à la personne mise en examen, dénoncés par d'autres victimes, non concernés par la décision de non-lieu partiel dont une partie civile a fait appel, et ayant fait l'objet d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel dont seul le ministère public peut interjeter appel, pour lesquels le mis en examen n'est pas renvoyé devant elle au sens de l'article 202 du code de procédure pénale ; qu'il s'ensuit qu'en statuant à nouveau sur les faits dénoncés par les mineures Laure Y... et Alexia Z... pour prononcer un non-lieu à ce titre, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs, de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors, d'autre part, qu'en excluant à l'encontre d'Hedi A... toute charge d'agression sexuelle sur la mineure Laure Y..., après avoir relevé (cf. arrêt p.5, § 5, 6 et 7) que la fillette avait, en décembre 2003, dénoncé à l'éducateur des attouchements sur son sexe de la part de son "papa" (Hedi A...), propos confirmés en 2004 devant le magistrat instructeur, et que l'expert psychologue avait jugé son récit "parfaitement crédible", sans relever le moindre élément de nature à remettre en question les déclarations jugées crédibles de la partie civile, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de motifs, de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors, enfin, qu'en excluant à l'encontre d'Hedi A... toute charge d'agression sexuelle sur la mineure Alexia Z..., au motif que l'érythème relevé sur la vulve de la mineure était insuffisant en l'absence de tout autre élément, tout en relevant (cf. arrêt p. 6, § 2) que l'assistante maternelle avait mis en évidence une hypersexualité de la mineure et des angoisses, et que l'expert psychologue avait estimé que ces troubles du comportement permettaient de soupçonner que la mineure avait été victime d'abus sexuels, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction de motifs équivalant à une absence de motifs, de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu que, pour infirmer l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel des chefs d'agressions sexuelles aggravées sur les personnes de Laure Y..., Estelle B... et Alexia Z..., l'arrêt attaqué énonce, notamment, que la chambre de l'instruction, régulièrement saisie du seul appel de Sonia X..., tient, en l'espèce, de l'article 202 du code de procédure pénale le pouvoir de statuer à l'égard d'Hedi A... sur tous les chefs de poursuites résultant de la procédure et qu'il sera, dès lors, statué sur l'ensemble des faits visés au réquisitoire introductif ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les parties ont été mises en mesure de présenter leur argumentation lors de l'audience, il a été fait l'exacte application de l'article 202 du code de procédure pénale ;
Qu'en effet, ce texte permet à la chambre de l'instruction, et sans que sa saisine puisse être limitée par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer d'office, à l'égard de la personne mise en examen renvoyée devant elle, sur tous les chefs de crimes, délits principaux ou connexes, résultant de la procédure et, notamment, sur ceux qui, comme en l'espèce, en avaient été distraits par une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Par ces motifs :
Sur le pourvoi de Sonia X... :
Le déclare IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi des autres demandeurs :
Le REJETTE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un octobre deux mille six ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;