La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2007 | FRANCE | N°06-45289

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2007, 06-45289


Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi de cassation (chambre sociale, 12 octobre 2005, pourvois n° 05-40799 et 05-40800), que l'Association des foyers de Tours (AFT), devenue par la suite l'association des centres culturels, éducatifs et sociaux de Tours (Acces Tours), était chargée de la gestion, dans des locaux mis à sa disposition par la ville de Tours, de huit foyers répartis dans cette ville et assurant des activités de crèche, d'accueil périscolaire et de loisirs sans hébergement ; qu'après avoir ouvert le 2 août 2001 une procédure de redressement judiciaire à l

'égard de cette association, ensuite placée le 30 mai 2002 en l...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi de cassation (chambre sociale, 12 octobre 2005, pourvois n° 05-40799 et 05-40800), que l'Association des foyers de Tours (AFT), devenue par la suite l'association des centres culturels, éducatifs et sociaux de Tours (Acces Tours), était chargée de la gestion, dans des locaux mis à sa disposition par la ville de Tours, de huit foyers répartis dans cette ville et assurant des activités de crèche, d'accueil périscolaire et de loisirs sans hébergement ; qu'après avoir ouvert le 2 août 2001 une procédure de redressement judiciaire à l'égard de cette association, ensuite placée le 30 mai 2002 en liquidation judiciaire, avec maintien provisoire de l'activité pendant deux mois, le tribunal de grande instance de Tours a mis fin, le 28 juin 2002, à la poursuite de l'activité ; que le liquidateur judiciaire a soumis le 9 juillet 2002 au comité d'entreprise un plan de sauvegarde de l'emploi et est intervenu auprès de la commune pour qu'elle favorise le reclassement du personnel, puis a notifié le 13 juillet 2002 aux salariés de l'association des licenciements pour motif économique, notamment à Mme X..., affectée comme secrétaire hôtesse d'accueil au foyer Courteline, et à Mme Y..., employée en qualité d'animatrice au foyer Gentiana ; que la gestion des foyers ayant été assurée directement par la commune à partir de la fin du mois de juin 2002 et jusqu'au mois de septembre suivant, Mmes X... et Y... ont vainement demandé le maintien de leur emploi ; qu'à partir du mois de septembre 2002, la gestion des foyers a été répartie entre trois associations chargées par la commune de leur gestion, dont l'association Courteline, pour foyer du même nom, et l'association Fédération Léo Lagrange, pour d'autres foyers, dont le foyer Gentiana ; que, soutenant que leur contrat de travail aurait dû se poursuivre avec la commune, puis avec les associations gestionnaires, Mmes X... et Y... ont saisi le juge prud'homal de demandes tendant à faire admettre au passif de l'association Acces Tours une créance de dommages-intérêts pour licenciement "illégal" et nul, outre une créance indemnitaire au titre d'une discrimination, et à obtenir la condamnation de la commune et des associations au paiement de dommages-intérêts au titre d'une violation de la priorité de réembauchage ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Attendu que les salariées font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leurs demandes dirigées contre les associations Courteline et Fédération Léo Lagrange et tenant au paiement de dommages-intérêts pour violation de la priorité de réembauchage alors, en ce qui concerne Mme X...,

1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen emportera cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt rejetant les demandes de Mme X... fondées sur l'application de l'article L. 122-12 du code du travail à l'association Courteline et ce, en application de l'article 624 du nouveau code de procédure civile ;

2°/ que les conditions d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, doivent être appréciées en fonction du service dans lequel travaillait la salariée ; que la cour d'appel, qui s'est fondée sur le sort des activités dévolues à l'association Acces dans son intégralité, sans se prononcer sur le sort du service auquel la salariée était affectée avant son licenciement, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ;

3°/ que le fait que l'activité n'ait pas été reprise immédiatement, que les anciens salariés n'aient pas été repris et que les modes de gestion et d'exploitation aient été modifiés ne font pas obstacle à l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ; que la cour d'appel, qui a relevé que l'association Courteline avait repris en partie l'activité de l'association Acces dont elle avait acquis des biens mobiliers mais qui a écarté l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail par des motifs inopérants, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du texte susvisé ;

4°/ qu'elle avait fait valoir que l'association Courteline avait repris les locaux appartenant à la ville de Tours, qu'elle bénéficiait desdits locaux, mais également des infrastructures, des équipements et de l'énergie fournis par la ville de Tours, comme en avait bénéficié antérieurement l'association Acces, ainsi qu'il résultait du cahier des charges ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas eu de reprise d'éléments corporels ou incorporels et que l'association Courteline assurait les activités avec ses propres moyens, sans rechercher si l'activité ne s'exerçait pas dans les mêmes locaux et à l'aide des moyens affectés à l'activité mis à la disposition des exploitants successifs par la commune, la cour d'appel a entaché sa décision d'une défaut de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ;

et alors, en ce qui concerne Mme Y... :

1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen emportera cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt rejetant les demandes de Mme Y... fondées sur l'application de l'article L. 122-12 du code du travail à l'association Léo Lagrange et ce, en application de l'article 624 du nouveau code de procédure civile ;

2°/ que les conditions d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, doivent être appréciées en fonction du service dans lequel travaillait la salariée ; que la cour d'appel, qui s'est fondée sur le sort des activités dévolues à l'association Acces dans son intégralité, sans se prononcer sur le sort du service auquel la salariée était affectée avant son licenciement, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ;

3°/ que le fait que l'activité n'ait pas été reprise à l'identique, que les anciens salariés n'aient pas été repris et que les conditions d'exploitation soient différentes ne font pas obstacle à l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ; que la cour d'appel, qui a relevé que l'association Léo Lagrange avait repris en partie l'activité de l'association Acces mais qui a écarté l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail par des motifs inopérants, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du texte susvisé ;

4°/ qu'elle avait fait valoir que l'association Léo Lagrange avait repris les locaux appartenant à la ville de Tours, qu'elle bénéficiait desdits locaux, mais également des infrastructures, des équipements et de l'énergie fournis par la ville de Tours, comme en avait bénéficié antérieurement l'association Acces, ainsi qu'il résultait des cahiers des charges ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas eu de reprise d'éléments corporels ou incorporels, sans rechercher si l'activité ne s'exerçait pas dans les mêmes locaux et à l'aide des moyens affectés à l'activité mis à la disposition des exploitants successifs par la commune, la cour d'appel a entaché sa décision d'une défaut de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel s'étant prononcée par des motifs propres à chacune des deux associations et distincts de ceux qui concernent la commune, une cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la demande formée contre la ville de Tours ne pourrait suffire à entraîner, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt en ce qu'il se prononce sur les demandes dirigées contre les associations Courteline et Léo Lagrange ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté qu'à partir du mois de septembre 2002 et dans le cadre d'une redéfinition des missions dévolues aux associations mandatées par la commune et d'une réorganisation de l'ensemble des services antérieurement confiés à l'association Acces Tours, décidées par la ville de Tours, la gestion des foyers avait été répartie entre plusieurs opérateurs intervenant sur des secteurs différents, en exécution de marchés publics distincts ; qu'elle a pu en déduire que l'entité économique dont l'association Acces Tours assurait auparavant la gestion avait alors perdu son identité, justifiant ainsi par ce seul motif sa décision ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que les salariées font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande indemnitaire fondée sur la nullité du licenciement en raison du non-respect de l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi alors, selon le moyen, que le plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises et concrètes pour faciliter le reclassement des salariés ; qu'en considérant que les diligences du liquidateur judiciaire étaient suffisantes alors qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que des mesures précises et concrètes aient été prises, notamment pour faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pouvait être évité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 321-4-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté qu'aucune possibilité de reclassement n'existait au sein de l'association placée en liquidation judiciaire, que le liquidateur judiciaire était intervenu auprès de la commune pour favoriser des reclassements externes et qu'une cellule de reclassement avait été mise en place à cette fin, a pu en déduire que ces mesures étaient en rapport avec les moyens dont disposait alors l'employeur ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches :

Vu l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 ;

Attendu que ce texte est applicable en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ;

Attendu que, pour juger que l'entité économique exploitée par l'association Acces Tours et dont relevaient les salariées n'avait pas été transférée à la commune, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, que la ville de Tours n'avait pas repris le personnel d'Acces, qui était en grève, le maintien de l'activité étant assuré par un recours au personnel municipal, qu'elle n'avait pas acquis des biens de l'association ou des éléments d'exploitation, et par motifs adoptés, qu'aucune cession d'unité de production n'a été ordonnée à l'occasion de la procédure collective, que le maintien de l'activité par la commune s'apparentait à une gestion d'affaires et qu'une mise à disposition gratuite ne pouvait s'assimiler à un transfert d'éléments corporels, au sens de la jurisprudence ;

Qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant tiré de l'absence de reprise du personnel en grève et sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la commune de Tours n'avait pas repris, en vue de la poursuite de l'activité dont était auparavant chargée l'association Acces, l'ensemble des moyens en locaux et en matériel éducatif et sportif mis à la disposition de cette association et nécessaires à l'exercice de l'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Et sur la troisième branche du premier moyen :

Vu l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 ;

Attendu que, pour écarter l'application de ce texte à l'égard de la commune de Tours, la cour d'appel a également retenu que l'entité dont cette dernière avait poursuivi l'activité n'avait pas conservé son identité, dès lors que l'intervention ponctuelle de la ville de Tours n'était destinée qu'à assurer la continuité du service public, mis en péril par la grève du personnel d'Acces, et que l'activité ainsi poursuivie se confondait avec l'ensemble des missions de service public de la ville et ne pouvait que perdre son identité propre à l'intérieur de l'ensemble des services publics gérés par la ville ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la seule reprise par une collectivité publique d'une activité auparavant exercée par une personne morale de droit privé, avec des moyens mis à sa disposition, ne peut suffire à constituer une modification dans l'identité de l'entité reprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les salariées de leur demande dirigée contre la commune de Tours, l'arrêt rendu le 7 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure, les condamne à payer à Mmes X... et Y... la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06-45289
Date de la décision : 23/10/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Définition - Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité - Entité économique - Modification - Exclusion - Cas

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Continuation du contrat de travail - Domaine d'application CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Définition - Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité - Transfert à une personne publique - Portée COMMUNAUTE EUROPEENNE - Travail - Transfert d'entreprise - Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 - Domaine d'application - Etendue

A elle seule la reprise par une collectivité publique d'une activité auparavant exercée par une personne morale de droit privé, avec les moyens mis à sa disposition, ne suffit pas à caractériser une modification dans l'identité de l'entité transférée, faisant obstacle à l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 07 septembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2007, pourvoi n°06-45289, Bull. civ. 2007, V, N° 170
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, V, N° 170

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Casorla
Rapporteur ?: M. Bailly
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Ghestin, SCP Le Bret-Desaché, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.45289
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award