AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze septembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de la société civile professionnelle VUITTON, et de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... André,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13e chambre, en date du 2 novembre 2005, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui notamment du chef d'infraction au code de l'urbanisme, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'André X... a été poursuivi, sur la citation de l'un de ses voisins, Lucas Y..., ainsi que de l'association de sauvegarde du village de Favières-la-Route (l'association), pour avoir édifié dans cette commune de Seine-et-Marne une maison surmontée d'une couverture en zinc, en violation des prévisions du permis de construire qui imposaient l'emploi de tuiles vieillies ; que, sur le seul pourvoi des parties civiles, l'arrêt, en date du 23 juin 2003, qui relaxait le prévenu, a été cassé, pour n'avoir pas pris en considération les prescriptions du permis modificatif, incorporées au permis initial ; que la juridiction de renvoi a constaté que les éléments constitutifs du délit étaient réunis, a alloué des dommages- intérêts aux parties civiles et a ordonné sous astreinte la mise en conformité de la toiture ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1 et L. 480-1 du code de l'urbanisme, L. 141-1 et L. 142-2 du code de l'environnement, L. 252-1 du code rural applicable en la cause, 2 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'Association de sauvegarde du village de Favières-la-Route, régulièrement soulevée par André X..., prévenu, et a statué sur les demandes formées de cette partie ;
"aux motifs que l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme dispose que " toute association agréée de protection de l'environnement en application des dispositions de l'article L. 252-1 du code rural peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction à l'alinéa 1er du présent article et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elle a pour objet de défendre " ; que cette disposition, toutefois, n'empêche pas une association non agréée de se porter partie civile dès lors que son action a pour objet d'obtenir réparation d'un préjudice résultant de façon certaine et directe de l'infraction poursuivie et qui porte atteinte aux intérêts collectifs qu'elle a pour objet de défendre ; que l'article 2 des statuts de l'association indique qu'elle a pour objet " la protection et la défense de l'environnement, du cadre de vie, de la faune et la flore du village de Favières-la-Route " ; qu'en l'espèce, la construction d'une toiture contraire aux prescriptions du POS en vigueur étant susceptible de porter atteinte à l'environnement et au cadre de vie de la commune, et de porter atteinte aux intérêts collectifs des membres de l'association, l'action civile de celle-ci est parfaitement recevable ;
"alors que, seules les associations agréées de protection de l'environnement en application des dispositions de l'article L. 252-1 du code rural peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d'infractions aux dispositions de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de l'Association de sauvegarde du village de Favières-la-Route malgré l'absence d'agrément, la Cour a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'association, l'arrêt énonce que celle-ci a pour objet statutaire la protection de l'environnement, du cadre de vie, de la faune et de la flore du village de Favières-la-Route et que la construction d'une toiture contraire aux prescriptions du plan d'occupation des sols porte atteinte aux intérêts collectifs qu'elle défend ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence d'un préjudice direct et personnel, distinct de celui de ses membres, subi par l'association en raison de la spécificité du but et de l'objet de sa mission, a justifié sa décision ;
Qu'en effet, la possibilité, offerte par l'article L. 480-1, alinéa 5, du code de l'urbanisme, aux associations agréées de protection de l'environnement d'exercer les droits de la partie civile en ce qui concerne les infractions en matière de permis de construire qui portent un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, n'exclut pas le droit, pour une association non agréée, qui remplit les conditions prévues par l'article 2 du code de procédure pénale, de se constituer partie civile à l'égard des mêmes faits ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1 et L. 480-1 du code de l'urbanisme, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a reçu l'appel formé par Lucas Y..., partie civile, et, à sa demande, a condamné André X..., prévenu, à procéder à la mise en conformité des lieux et lui a alloué la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 euros en application de l'article 475-1 de code de procédure pénale ;
"aux motifs que, à titre principal, les parties civiles ont demandé la mise en conformité de la toiture de l'immeuble litigieux avec le permis de construire modificatif sous astreinte de 70 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ; que la Cour ordonnera la mise en conformité dans un délai d'un an à compter du présent arrêt, devenu définitif, sous astreinte de 70 euros par jour de retard, passé ce délai ; que Lucas Y... sollicite la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ; que les parties civiles ne justifient pas que leurs préjudices se soient aggravés depuis le jugement de première instance ; que la Cour puise tous les éléments dans le dossier de la procédure pour fixer à 5 000 euros la somme qu'André X... devra verser à Lucas Y... à titre de dommages-intérêts ;
"alors que tout jugement doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; qu'en allouant à Lucas Y..., habitant de la commune, des dommages-intérêts du chef d'exécution de travaux non conformes au permis de construire, commis par André X..., sans caractériser l'existence du dommage subi par la partie civile ni la relation de cause à effet entre l'infraction d'exécution de travaux non conformes au permis de construire et ce dommage, la Cour a privé sa décision de base légale" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-1 du code de l'urbanisme, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a reçu les appels formés par Lucas Y... et l'Association pour la sauvegarde du village de Favières-la-Route, parties civiles, et à leur demande, a condamné André X..., prévenu, à procéder à la mise en conformité des lieux, sous astreinte ;
"aux motifs que, à titre principal, les parties civiles ont demandé la mise en conformité de la toiture de l'immeuble litigieux avec le permis de construire modificatif sous astreinte de 70 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision ; que la Cour ordonnera la mise en conformité dans un délai d'un an à compter du présent arrêt, devenu définitif, sous astreinte de 70 euros par jour de retard, passé ce délai ;
"alors que la censure à venir sur les deux premiers moyens de cassation entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef du dispositif ayant ordonné la remise en conformité de l'ouvrage à la demande des parties civiles" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, l'indemnisation du préjudice subi par Lucas Y... et en ordonnant la mise en conformité des ouvrages, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, les modalités appropriées à la réparation du dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme qu'André X... devra payer à Lucas Y... et à l'Association pour la sauvegarde du village de Favières-la-Route au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guihal conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;